Type de projet : fouille programmée (« Gergovie – 2007 – Fouille du rempart »)
Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne
Responsable de l’opération : Thomas Pertelwieser
Notice et documents : Lucien Andrieu, Thomas Pertelwieser
- I – La porte ouest
- II – Rempart sud-ouest
I – La porte ouest
Le but de la fouille « Gergovie – 2007 – Fouille du rempart » était de mieux caractériser l’environnement de la fortification.
Le bâtiment partiellement dégagé en 2006, a été perçu dans sa totalité cette année. Son côté sud-est est implanté juste en limite nord de la carrière.
Le côté nord-est est matérialisé par une tranchée de palissade creusée dans le substrat basaltique, suivie par plusieurs trous de poteau.
Sur le côté sud-est le bâtiment s’appuie directement sur le gros mur de pierre sèche qui pourrait être le reste de l’ancienne porte avec un dispositif à « ailes rentrantes » connus ailleurs en gaule.
Au nord de cet ensemble plusieurs autres structures peuvent témoigner de l’existence d’un aménagement bâti.
On note la présence d’une citerne rectangulaire d’une contenance de 4,5 m3 qui n’a été comblée qu’à l’époque augustéenne en une seule fois. On a découvert au fond trois fibules.
Quatre fosses ont été dégagées lors de la fouille « Gergovie – 2007 – Fouille du rempart » :
- la première a livré une table basaltique et des micro-déchets, des battitures qui caractérisent le forgeage à chaud du fer. On a découvert des blocs de tuyères à proximité. On peut en déduire que cette fosse a accueilli un forgeron.
- la plus grande des fosses a une fonction indéterminée, ce peut être une fosse d’extraction ou un atelier semi-enterré.
- la troisième fosse peu profonde (0.3 m au maximum et de 4 m de diamètre) a un comblement constitué d’un sédiment limono-argileux brun sombre.
Cette couche est perforée par une pointe de trait de catapulte, fichée en terre selon un angle de 70° et orienté au sud.. Cet objet s’est enfoncé de tout son long dans ce sédiment meuble et s’est arrêté sur le niveau empierré sous-jacent. Sa position, au moment de la découverte, est strictement identique à celles des pointes de traits retrouvées sur le site de la fontaine Loulié, au Puy d’Issolu, lieu intensément bombardé par l’armée de César en 51 av. J.-C. (Girault 2007). Prise d’ information faite auprès de diverses troupes de reconstitution utilisant fréquemment ce type d’armement, l’angle de la pointe ainsi que la profondeur d’enfouissement, correspondent très précisément à ceux que l’on obtient en réalisant un tir parabolique, méthode qui permet d’atteindre la portée maximale qui est comprise, d’après les essais effectués, entre 400 et 500 m.
Cet objet, qui s’intègre parfaitement dans la série de ceux retrouvés sur les sites de la Guerre des Gaule, signale une position bombardée par l’artillerie romaine probablement au moment du siège de 52 av. J.-C. au pied de Gergovie. Si cette hypothèse se trouve confirmée (par la mise au jour d’autres objets du même type), cet objet retrouvé en position primaire fournit un terminus ante quem pour les vestiges sous-jacents. Dans tous les cas, sa découverte conforte l’attribution à La Tène D2 des vestiges associés à la phase 2.
Un radier de sol constitué par un niveau à plat de petits blocs de basalte est présent à l’est de l’ensemble bâti précédemment décrit. Cet aménagement, relativement peu épais (5 cm), occupe une emprise d’environ 80 m². Il est limité : au sud, par une ligne de trous de poteaux ; à l’ouest, par l’ensemble bâti associé à la tranchée de palissade. La limite est n’est pas établie de façon certaine. Le sondage pratiqué dans la partie sud de l’aménagement, montre que ce sol, repose soit le substrat basaltique, soit les remblais installés au cours de la phase 1. Ce sol est recoupé par des fosses. Une concentration de torchis ou terre cuite écrasé in situ mêlée à plusieurs éléments métalliques (fer) a été dégagé à la surface de ce radier. Elle correspond soit aux restes d’un foyer très mal préservé, soit à ceux d’une paroi de construction effondrée. Le mobilier présent à la surface de ce sol est assez peu abondant et relativement usé, ce qui confirme l’identification à un espace de circulation. La présence d’une monnaie appartenant au type EPAD au guerrier à la surface de cet aménagement et l’absence de mobilier augustéen confirme l’hypothèse d’une utilisation autour dans le troisième quart du Ier s. av. J.-C.
L’interprétation de cet aménagement amène plusieurs interrogations. S’il correspond à l’évidence à un espace de circulation, la question de savoir s’il s’agit d’un sol extérieur ou d’un sol de bâtiment. La première hypothèse s’accorde avec celle d’une porte à cet emplacement déduite de la présence du mur massif 20157. S’oppose à cela la présence de plusieurs fosses (dont un atelier de forge) et d’une palissade qui se développe perpendiculairement à ce même mur 20157. Ces éléments indiqueraient plutôt un espace couvert de type atelier (présence de la forge). Ces deux interprétations ne s’excluent pas totalement puisqu’il est assez fréquemment, sur les oppida, de voir des constructions privées (habitations, ateliers) empiéter sur des espaces publics de type voie ou place (Condé-sur-Suippe, Corent…) ou encore sur des ouvrages défensifs (Bibracte). On peut envisager que l’installation de cet atelier de forge ait été effectuée sur un espace initialement destiné à la voierie. Cette proposition, très provisoire, reste à vérifier par les travaux à venir.
Vient ensuite la fermeture vers l’accès à la citerne circulaire et le nivellement du sol. Peuvent également être rattachés à cette phase plusieurs aménagements qui attestent définitivement de la présence d’un bâtiment immédiatement à l’est de l’ensemble construit mis en évidence pour l’état précédent. Cette construction s’appuie partiellement sur les aménagements plus anciens. Cet ensemble détermine une construction rectangulaire large de 7 m et longue de 12 m, ce qui correspond assez précisément à la taille de la construction dégagé pour le premier état.
Ce bâtiment est associé, dans sa partie interne, à une couche d’occupation d’une dizaine de centimètres d’épaisseur qui livre un mobilier relativement abondant mais fragmenté (environ 1 500 fragments pour 18 kg) où figurent en bonne place les éléments en fer (335 fragments pour 2 kg) ainsi que les scories (384 fragments pour 7,4 kg). La présence de ces vestiges mobiliers permet d’envisager que la fonction de cet espace reste inchangée (atelier de forge). La présence d’une monnaie à la légende VERCA immédiatement à la base du mur permet de fixer un TPQ pour l’installation de ce bâtiment. Ce type de monnaie est considéré comme datant du début de la période augustéenne. La présence d’un radier de sol (une voie ?) à l’est du bâtiment est fortement probable mais reste à démontrer par le démontage plus systématique de l’aménagement supérieur, à entreprendre en 2008. La datation tardive proposée pour cet aménagement (période augustéenne) repose sur la collecte des éléments mobiliers présents en surface (juste sous le niveau de décapage). Le nettoyage de cet aménagement a clairement montré la présence de recharges avec l’existence d’au moins un état antérieur à celui le plus largement dégagé en 2007. Ce niveau plus ancien, se présente sous la forme d’un radier, nettement plus structuré que celui dégagé en partie supérieure, fait d’éclats de basalte et d’éléments mobiliers (amphores, scories, faunes) disposés à plat. L’installation du bâtiment, entérine de façon définitive le glissement de l’accès au plateau vers l’est. Cette hypothèse s’accorde avec le décalage net vers l’est observé entre le mur appartenant au premier dispositif d’entrée et la porte maçonnée gallo-romaine.
La citerne rectangulaire est ensuite comblée en une seule fois et viens ensuite l’installation de la porte gallo-romaine maçonnée.
II – Gergovie – 2007 – Fouille du rempart. Rempart sud-ouest
La fouille « Gergovie – 2007 – Fouille du rempart » a permis d’établir un premier phasage des structures du secteur.
phase 1a : Installation d’une carrière au bord sud-ouest du plateau. Cette carrière a profondément entaillé le rocher basaltique (2.7 m de profondeur et 8.5 m de largeur)
phase 1b : Abandon et remplissage assez rapide de la carrière
phase 2a : Construction du rempart de 2.5 m de largeur en pierres sèches, le bord extérieur repose sur le rocher tandis que le bord intérieur semble installé en partie sur des remblais. La fouille « Gergovie – 2007 – Fouille du rempart » a permis de dégager complètement le rempart sur une longueur de 18 m.
phase 2b : Niveau d’utilisation du rempart matérialisé par une couche de terre humique (non encore fouillée).
phase 3a et 3b : Réactivation de la carrière.
phase 3c : Inhumation humaine et dépôts d’animaux (un agneau complet, un jeune bovin et un pied de canidé) au fond de la carrière.
phase 3d : Abandon et remplissage très rapide de la carrière.
phase 3e : Le deuxième état de la fortification correspond à une phase de renforcement du rempart qui passe par un rehaussement ou reconstruction partielle du mur en pierres sèches.
Cette réfection consiste principalement en l’installation d’un nouveau parement interne réalisés à l’aide de blocs de grande dimension (jusqu’à plus de 60 cm de long). Ces pierres présentent des arêtes vives ce qui indique qu’il s’agit de blocs frais probablement directement issus de l’exploitation de la carrière située aux pieds du rempart.
Si le parement interne est installé à l’aplomb du mur préexistant, le parement externe est placé en retrait du parement de l’ état précédent et repose, pour toute sa longueur dégagée, sur le fourrage du premier état. Il n’est aujourd’hui préservé que sur 2 assises. Il est possible qu’avant cette réfection, le mur d’origine ait été démonté partiellement et aplani pour pouvoir recevoir la nouvelle construction.
Le parement interne n’est préservé que dans la partie est de la fouille, sur 6 m de longueur. Cette face interne déborde du parement le plus ancien, vers l’intérieur, et forme un surplomb de 30 cm maximum.
Il est ponctuellement préservé jusqu’à 4 assises.
Cette réfection conduit à la constitution d’un mur nettement plus modeste qu’antérieurement puisque la distance de parement à parement n’est plus que de 2 m au lieu des 2,5 m de largeur observés pour le premier état. Pour soutenir certains blocs qui paraissent avoir eu tendance à basculer vers l’intérieur du site, de grandes dalles rocheuses ont été posées en position inclinée contre la face interne de la première construction. Ce blocage a été repéré jusqu’à la tranchée pratiquée dans les années 1930 qui a complètement détruit cet aménagement.
En fait, ce soubassement de dalles fait partie d’une construction en pierres massives beaucoup plus importante, qui s’étend en arrière de ce deuxième état de la fortification. Là, une vaste rampe constituée d’un blocage massif, dense et compact de blocs de basalte, vient s’appuyer sur toute la hauteur du parement interne de l’état 1 du rempart. Cette rampe est inclinée vers le nord et s’étend, depuis le parement interne, sur 6 m de profondeur. Aux emplacements où elle est la mieux préservée, on voit nettement une organisation des blocs disposés de façon à ménager une surface assez nette et homogène.
La taille des pierres varie de 25 à 90 cm de diamètre. Ces pierres montrent fréquemment les indices d’une extraction directe depuis la carrière, comme par exemple des arêtes vives ou des surfaces « fraîches » non oxydées. Elles correspondent, de par leur taille et leur forme, aux traces d’exploitation visibles dans la carrière. Le démontage de la rampe a permis d’observer sur un bon nombre de pierres des traces d’outils qu’on retrouve également au fond de la carrière. Il s’agit d’impacts circulaires de 2 à 3 cm de diamètre, qui se trouvent le plus souvent à l’emplacement des failles verticales ou horizontales du rocher basaltique. Ces traces évoquent un outil de type pic ou burin.
L’ensemble des structures appartenant à la phase 3 peut témoigner d’une réalisation faite dans l’urgence. L’installation d’une carrière directement contre la partie interne du rempart est un cas de figure unique qui ne connaît pas de comparaison en Europe. Généralement, les terrasses ou les fossés qui sont mis à profit pour récupérer des matériaux nécessaires à la construction de la fortification sont situés à l’extérieur des remparts.
De plus, le deuxième état du rempart présente un aspect beaucoup moins soigné que le premier état de la fortification avec un parement interne maintenu par des blocs placés obliquement et l’installation d’une rampe massive. La construction du parement externe en retrait du parement d’origine est également atypique et témoigne d’un souci d’économiser du temps et des matériaux. Sur la très grande majorité des fortifications protohistoriques, les réfections les plus récentes englobent les états les plus anciens et réutilisent ainsi la masse initiale. Tous ces indices tendent à montrer que cette réfection, qui comprend l’installation d’un mur aux dimensions plus réduites qui rehausse toutefois la fortification et la mise en place d’une rampe massive immédiatement en arrière du rempart, a été réalisée dans l’urgence. Elle a nécessité la réactivation de la carrière anciennement comblée et située immédiatement en arrière du rempart. La limite nord de la rampe correspond assez précisément à la limite sud du recreusement visible dans le comblement de la carrière. Si on imagine un travail réalisé par une équipe assez nombreuse, l’extraction puis la
construction de l’ensemble a pu être réalisé dans un laps de temps relativement court.
phase 3f : Niveau d’utilisation du rempart.
phase 4 : Abandon de la fortification.
phase 5 : Fouilles anciennes et modernes.
Pour en savoir plus
Sur le site de l’ARAFA :
- Toponymie et historiographie
- 1995-1996 – Les fouilles des camps de César
- 2001 – Fouille du rempart
- 2002 – Fouille du rempart
- 2003 – Fouille du rempart
- 2004 – Fouille du rempart
- 2004 – L’histoire d’une portion du rempart
- 2005 – Fouille du rempart
- 2006 – Fouille du rempart
- 2006 – Fouille du sanctuaire
- 2007 – Fouille du rempart
Liens externes :
- Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)