Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart

Type de projet : fouille programmée (« Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart »)

Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne

Responsable de l’opération : Thomas Pertelwieser, assisté de Iris Ott

Notice et documents : Lucien Andrieu et Thomas Pertelwieser

  • Phase I. (~3000 / 750 av. J.-C. Fin du Néolithique – fin de l’Âge du Bronze)
  • Phase II. Première étape de construction : 650/580 av. J.-C. (HA D1)
  • Phase II. Deuxième étape de construction : fortification 1 ; 650/580 av. J.-C. (HA D1)
  • Phase II. Troisième étape de construction : fortification 1 ; 650/510 av. J.-C. (HA D1)
  • Fonctionnement : fortification 1 ; 510/480 av. J.-C. (HA D3)
  • Destruction : fortification 1 : 500/375 av. J.-C. (HA D/LT A)
  • Phase III. Occupation et utilisation de la terrasse : 75/25 av. J.-C.
  • Phase IV. Construction du long mur de rempart et de celui de la terrasse : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.
    • Construction des murets transversaux : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
    • Utilisation et fonctionnement : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
    • Réfection et fermeture de la poterne : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
    • Utilisation et fonctionnement : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.
    • Destruction et abandon : fortification 2 ; 25 av. / 15 ap. J.-C.
  • Phase V. Incinération : 20/60 ap. J.-C.

Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase I. (~3000 / 750 av. J.-C. Fin du Néolithique – fin de l’Âge du Bronze)

Le remblai du rempart a permis la conservation d’une couche d’humus contenant du mobilier daté de la fin du Néolithique jusqu’à la fin de l’âge du Bronze.

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Couche d'occupation avant le construction du premier rempart
Couche d’occupation avant le construction du premier rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)

Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase II. Première étape de construction : 650/580 av. J.-C. (HA D1)

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Falaise  taillé et construction de la terrasse
Falaise taillé et construction de la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)

L’édification de la grande terrasse a sûrement marqué le début des travaux sur la première fortification.

La terrasse fut creusée profondément dans la pente naturelle de manière à former un replat horizontal d’une largeur maximale de 15 m et un escarpement rocheux qui est encore préservé sur 2,50 m de hauteur. La partie haute de ce front de taille est fortement érodée. La hauteur originale jusqu’au niveau du replat du plateau et de la base du rempart pouvait être élevée jusqu’à 4,40 m. Les déblais constituent la base de matériaux de construction du rempart.

À l’extrémité du bord du plateau des aménagements initiaux à la construction du rempart sont observables.

La couche d’occupation ancienne fut nivelée.

À environ 3 m de l’escarpement deux trous de poteau ont été observés. Ils sont parallèles à l’axe du rempart et distants de 1,10 m. Leurs creusements sont fortement érodés, leurs diamètres (40 et 35 cm) et leur profondeur (15 cm) ne sont donc que des indices. Surtout leur position proche à l’arête d’érosion du rempart ne permettait pas d’observer des régularités, car de possibles autres vestiges ont tout simplement été pulvérisés par l’érosion. Ces trous de poteau sont les seuls indices de l’emplacement du parement externe du rempart 1.

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart
(T. Pertelwieser / ARAFA)

Sur le même niveau, à 1,5 m de l’emplacement du parement supposé, un dépôt de deux vases céramiques aux 2/3 conservés fut pratiqué. Cette trouvaille peut être interprétée comme sacrifice ou dépôt lié à la construction du rempart 1.

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Grand vase écrasé sous le rempart
Grand vase écrasé sous le rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)

Des faits similaires sont assez fréquents pour des fortifications, comme la découverte de 4(!) dépôts d’outils en fer à Linz-Gründberg (Autriche, fouille de O.H. Urban), deux dépôts (os d’animaux, meules) ont été dégagés cette année sur le Mont Lassois en Bourgogne (fouille T. Pertlwieser).

Directement au sud de ce dépôt se trouve un alignement de blocs de basalte sur 3,10 m de longueur dans l’axe du rempart. D’autres blocs sont aménagés sur le bord ouest du dépôt. Il pourra s’agir soit d’une sorte d’encadrement de la déposition soit – et c’est plus vraisemblable – d’un reste d’un renforcement interne du parement externe.

Deuxième étape de construction : fortification 1 ; 650/580 av. J.-C. (HA D1)

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Reste du rempart 1
Reste du rempart 1 (T. Pertelwieser / ARAFA)

La deuxième étape est marquée par une première couche de déblai, qui se compose de la terre organique, similaire à la couche d’occupation. En effet il est vraisemblable qu’il s’agit de la même terre, qui était aplanie en dessous de la base du rempart et déversée dans la rampe. Au-dessus se trouve une deuxième couche de déblai.

La deuxième plate-forme de pierres est la mieux conservée de ces états. Son extrémité nord est délimitée par une face interne, qui est partiellement préservée sur deux assises de blocs
basaltiques. La distance entre cette face interne et la position supposée du parement externe est 7 m environ.

Deux possibles trous de poteau ont été observés. Ils sont parallèles à l’axe de la face interne. Il est remarquable que les positions des trous de poteau observés au niveau de la 1ere étape de construction et le poteau IF 10148 se trouvent dans un angle droit et que la distance entre ceux de la 2 ème étape (2,30 m) correspond quasiment au double de ceux de la 1ere étape (1,10 à 1,15 m).

Un socle de pierres situé sur la plate-forme à son extrémité nord délimite la 2ème étape et établit un contact direct avec la 3 ème.

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Trou de poteau
Trou de poteau (T. Pertelwieser / ARAFA)

Troisième étape de construction : fortification 1 ; 650/510 av. J.-C. (HA D1)

Éboulis provenant de la destruction du rempart
Éboulis provenant de la destruction du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)

Au-dessus de la couche de remblai se trouve la troisième plate-forme en pierres. A sa base elle est en contact direct avec le socle basaltique. Les traces de trois possibles trous de poteau ont été observées. Leurs emplacements ne se trouvent pas en relation régulière avec ceux des étapes précédentes. Il est à noter qu’il s’agit dans ce cas plutôt d’espaces vides entre les blocs de basalte de la plate-forme, qui ne peuvent pas être attribués aux vestiges de construction avec certitude.

Au-dessus de ce niveau se trouvent les restes d’une autre couche de remblai d’une consistance plus organique par comparaison avec les autres. Il pourra s’agir dans ce cas-là d’un reste peu épais de la surface originale du rempart 1. L’inclinaison de cette couche peut servir à calculer la hauteur originale de la construction. Sa projection prolongée vers l’emplacement du parement externe démontre une hauteur minimale du rempart 1 de 2,30 m.

Fonctionnement : fortification 1 ; 510/480 av. J.-C. (HA D3)

La phase de fonctionnement du rempart 1 se présente à l’emplacement du talus par une couche d’occupation de consistance organique et située contre la face interne du rempart. En 2002 cette couche a livré une fibule du HA D3. La couche peut être interprétée comme sol de circulation contemporain au fonctionnement du rempart 1.

Sur la terrasse, une couche d’altération du substrat s’est formée postérieurement à son édification.
Sur ce niveau, préservé par les éboulis, se trouvent les restes d’une couche d’ancien humus. Sa surface correspond à un sol de circulation.

Destruction : fortification 1 : 500/375 av. J.-C. (HA D/LT A)


À l’emplacement du talus, la phase d’abandon ou respectivement de destruction du rempart 1 est uniquement observable par des structures qui sont liées à la construction du rempart 2.

Sur la terrasse, la couche d’éboulis est composée de blocs de basalte d’une taille identique à ceux des plates-formes du talus. Il est remarquable que la quantité de matériaux éboulés, qui se trouve sur la terrasse, correspond parfaitement au volume manquant sur le talus, entre la position supposée du parement externe et les structures conservées.


Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase III. Occupation et utilisation de la terrasse : 75/25 av. J.-C.

Sol d'occupation sur la terrasse
Sol d’occupation sur la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)

Situés entre les éboulis du rempart 1 et de la deuxième fortification les seuls vestiges des interventions humaines datables autour de la Guerre des Gaules ont été observés sur la terrasse. Il s’agit d’un horizon de terre organique, contenant les restes d’une fosse avec un diamètre de 1 m environ. L’aspect du matériel, aux cassures par comparaisons fraîches, laisse supposer un horizon d’utilisation de la terrasse.

Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase IV. Construction du long mur de rempart et de celui de la terrasse : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.

À l’emplacement du talus, la construction du rempart 2 est marquée par l’interface de construction, qui recoupe les couches de remblai du rempart 1. Une perturbation du blocage de pierres est liée à cette intervention. Deux couches de remblai reposent sur ce niveau et servent comme aplanissement pour la construction des structures par-dessus.

La construction des vestiges structurels du rempart 2 semble avoir été effectuée en deux étapes. La première, correspondante à la phase IVa1, est l’édification du mur longitudinal. Il est maçonné en technique de pierre sèche, les parements sont construits avec des blocs de basalte non taillés, d’un diamètre variable de 15 à 50 cm au plus.

La grande majorité des pierres a un diamètre de 20 à 30 cm. Le fourrage consiste en un remplissage avec des pierres plutôt petites de 10 à 20 cm. L’état de conservation du mur longitudinal montre une dégradation de l’ouest à l’est.

Rempart 2
Rempart 2 (T. Pertelwieser / ARAFA)

A l’extrémité ouest, son parement interne est préservé sur 0,95 m de hauteur (8 – 10 assises de pierres), à l’Est sur seulement 0,30 à 0,40 m (2 – 3 assises). Dans la coupe Est du sondage 1 il ne reste aucune trace du mur longitudinal, ce que peut être une conséquence de la construction de la route ou respectivement du petit parking, qui se trouve dans l’angle sud-est du plateau. Le parement externe n’est que préservé sur une assise de pierres, et il se trouve en position d’écroulement. Le mur a une largeur de 2,10 à 2,20 m. Dans les carrés F à H, le mur est interrompu par une petite ouverture ou poterne. Elle mesure 2 m au nord et 1,7 m au sud et donc est légèrement tronconique. Comme sa position ne laisse aucun accès au contrebas du rempart sur la terrasse, il est à supposer qu’il s’agissait d’un accès au côté externe du mur longitudinal, afin de permettre de travaux de construction ou réparation.

Sur l’arrêt de la terrasse, un petit muret parallèle à l’axe du rempart a été édifié. Sa maçonnerie correspond à celle du mur longitudinal. Sa largeur est relativement irrégulière et varie de 0,90 à 1,40 m. Il est préservé sur 0,60 m de hauteur maximale (3 à 4 assises de pierres), le parement externe n’est préservé que sur une assise.

Construction des murets transversaux : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.

Muret transversal appuyé contre le mur du rempart
Muret transversal appuyé contre le mur du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)

La deuxième étape de construction du rempart 2 correspond à l’édification de murets transversaux contre la face interne du mur longitudinal. Les vestiges de trois de ces murets furent dégagés pendent les fouilles. Ils sont distants les uns des autres de 4,10 m (muret K à L) et 4,90 m (muret L à M). Leur mode de construction correspond à celui du mur longitudinal et leurs bases reposent sur le même niveau de construction.

Le muret K est préservé sur 3,70 m de longueur et sur 0,95 m de hauteur, sa largeur maximale est 1,70 m.

Le muret L a des dimensions comparables : 3,00 m de longueur, 0,50 m de hauteur et 1,70 m de largeur.

Le muret M n’est qu’un reliquat de son parement ouest, il fut presque complètement détruit suite aux fouilles des années 30.

L’état de conservation commun de murets K et L montre une dégradation forte vers l’intérieur du plateau.

À l’extrémité sud les murs ne sont que préservés sur une seule assise de pierres.
C’est peut-être une conséquence de la destruction partielle du talus pendant la construction de la route du plateau.

Les bases des murets ainsi que les assises des pierres des parements présentent une légère inclinaison vers le nord, en suivant le pendage de la rampe du rempart 1 en dessus.

Utilisation et fonctionnement : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.

Une fine couche de terre organique, située à la base de la poterne et contre les parements de ses angles peut correspondre à un sol de circulation de la phase IVb.
Elle peut présenter un fonctionnement relativement court de cet état.

Réfection et fermeture de la poterne : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.

La poterne
La poterne (T. Pertelwieser / ARAFA)

La poterne fut refermée peut-être directement après l’achèvement de travaux de construction.

Le parement externe de cette fermeture est préservé sur une assise de pierres. Le parement interne est constitué en de grandes pierres plates, trouvées en position d’éboulement.

L’espace entre ces parements fut rempli avec un fourrage de pierres de plus grand volume comparé au mur longitudinal.

Utilisation et fonctionnement : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.

Situées dans les alvéoles des murets transversaux, des couches de terre organique sont posées contre leurs parements et contre celui du mur longitudinal. L’une se trouve à l’ouest du muret K, une autre entre les murets K et L et une troisième entre L et M. Ils correspondent à un niveau de circulation de la phase IVd. Cette interprétation est renforcée par la trouvaille de plusieurs clous de chaussures romaines, dont plusieurs exemplaires dites à la croix, et un nombre de clous de maçonnerie.

Destruction et abandon : fortification 2 ; 25 av. / 15ap. J.-C.

L’abandon du rempart 2 est marqué sur le talus par une interface de destruction, qui correspond au bord de démolition du mur longitudinal et des murets transversaux. Au côté externe du rempart se trouve une couche d’éboulis, constituée des pierres écroulées du mur longitudinal. Au côté interne le seul éboulis identifiable est une couche qui correspond au comblement écroulé de la fermeture de la poterne. Les alvéoles entre les murets transversaux sont remplies avec des couches mélangées de terre et des pierres. Ce niveau ensuite fut recouvert avec un dense blocage de grands blocs basaltiques, qui remplit complètement les alvéoles et se disperse aussi au-dessus des bords supérieurs des murs.

Sur la terrasse les couches d’éboulis correspondent à l’éboulement du rempart 2. La couche d’éboulis du mur sur l’arrêt de la terrasse est positionnée de façon équivalente.
Le mobilier de ces niveaux est relativement homogène, l’abandon du rempart 2 semble avoir été un processus intentionnel effectué rapidement.

Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase V. Incinération : 20/60 ap. J.-C.

Incinération
Incinération (T. Pertelwieser / ARAFA)

La trouvaille d’un reste d’au moins une incinération démontre une utilisation de la terrasse postérieure au fonctionnement des fortifications.

La tombe fut creusée dans la dernière couche d’éboulis du rempart. Elle est fortement érodée et bouleversée. Le fond d’un vase se trouve in situ. Il contient des fragments d’os humains brûlés et un petit objet en fer non identifiable. Dans les environs proches, il y avait de très nombreux fragments de céramiques appartenant à plusieurs vases ainsi que des os brûlés. Sa position stratigraphique prouve qu’à une date située entre 30 et 60 ap. J.-C., le rempart 2 était déjà éboulé. A ce moment, le caractère défensif de l’angle sud-est du plateau n’existe plus.

Pour en savoir plus

Sur le site de l’ARAFA :

Liens externes :

  • Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
  • Site web du musée de Gergovie