Quand les Arvernes écrivaient le gaulois : article publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008 » qui nous a aimablement autorisé à le reproduire
En plein Vème siècle, Sidoine Apollinaire déclare que la noblesse arverne vient tout juste d’apprendre le latin et de se débarrasser de la « crasse » du gaulois (« sermonis Gallici squamam », Lettre à Ecdicius).
La lecture de l’inscription a toujours été faite sur photos car l’objet avait disparu (RIG, 2002, L-65). Il a été retrouvé et est aujourd’hui exposé. On relève la présence probable du verbe d’offrande (i)euru.
On sait pourtant que dès avant la conquête de César, les élites gauloises étaient formées à Rome. Les nobles gaulois avaient donc une ancienne tradition de bilinguisme latin-gaulois, dont on trouve plusieurs exemples parmi les personnages cités par César. Une pratique n’impliquant d’ailleurs pas une attitude pro-latine ou un parti pris défaitiste durant la guerre des Gaules. Néanmoins, après la conquête, et plus encore après l’écrasement des révoltes du Ier siècle (Sacrovir), on peut supposer que les élites ont adopté la langue du vainqueur, les inscriptions devenant très vite uniquement latines. L’épigraphie gallo-latine sur pierre semble être de courte durée (une ou deux générations) et très marginale, mais elle témoigne d’une phase de transition entre une affirmation de la culture gauloise et l’adoption totale de la culture latine (non seulement de son écriture, mais aussi de sa langue). Au niveau religieux, le gaulois disparaît des inscriptions de fondations officielles, et ne subsiste plus que dans des actes de magie, à caractère populaire.
Ce long texte (environ 50 mots) a été écrit après cuisson sur un fond d’assiette. Trois essais d’analyse incitent à dire qu’il s’agit moins d’une « lettre », comme on l’a pensé, que d’une suite de maximes morales, de préceptes, une sorte de « conseil au jeune homme ». Malgré la présence de mots d’analyse certaine, on est encore très loin d’avoir compris la signification générale du texte.
L’intérêt des inscriptions gauloises (il faut y inclure les légendes monétaires gauloises) tient au fait que ce sont des documents gaulois écrits par les Gaulois eux-mêmes. « C’est bien sûr la voie royale pour la connaissance du gaulois », écrit Pierre-Yves Lambert (La langue gauloise, Ed. Errance, 2e éd. 2003). Les progrès de l’archéologie ont permis de multiplier les trouvailles de graffites sur l’instrumentum (objets de la vie quotidienne, essentiellement des vases céramiques). Ces inscriptions de type familier (marques de propriété, etc.), le plus souvent en cursive mais parfois en capitales d’un style relâché par rapport aux inscriptions lapidaires, donnent une idée de l’emploi du gaulois dans l’écriture. On admet que le gaulois a été écrit sur l’instrumentum plus longtemps qu’il ne l’a été sur pierre.
Les centres d’industrie céramique (Montans, La Graufesenque, près de Millau, Banassac-La-Canourgue, Lezoux…) sont nés très tôt en Gaule romaine, pour la fabrication de sigillées destinées à concurrencer la production de la péninsule italienne. Bols, jattes, assiettes, plats, portent des inscriptions avant cuisson : messages publicitaires, sentences, formules de bienvenue, etc. Les inscriptions après cuisson sont plus personnelles : marques de propriété, signatures, dédicaces… Le Musée Départemental de la Céramique expose une vingtaine de graffites gallo-latins (la plupart sur céramique sigillée) mais en compte bien davantage. Trois des objets avec inscription conservés au musée sont présentés ici.