1 – Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Le contexte géographique et géologique
Fig. 1 :Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Localisation de l’intervention archéologique => A – Carte de France (Admin Express 2019 – IGN) ; B – Carte de la région ARA (Admin Express 2019 – IGN) ; Carte au 1/50 000 (SCAN100 Métropole LAMB93 01-2020 – IGN ; CAO F. Muller/ARAFA)
Le plateau de La Pénide se situe sur la commune d’Espalem, dans le département de la Haute-Loire. Ce secteur de moyenne montagne, peu impacté par les politiques d’aménagements du territoire, recèle un patrimoine archéologique d’exception.
Une nécropole tumulaire et un habitat de hauteur en sont les atouts majeurs.
Les vestiges archéologiques se localisent sur la bordure occidentale du plateau qui culmine entre 685 et 687 m NGF, au lieu-dit La Pénide (Fig. 1). Ce plateau basaltique s’intègre dans la province volcanique de la Margeride, à la lisière occidentale du Cézallier. Sa formation est le résultat de coulées successives, liées à l’activité volcanique. La partie sommitale est composée d’un basalte/basanite à petits cristaux de hornblende qui présente un déficit en silice. Les formes de dissolution rencontrées sur cette coulée se caractérisent par des fentes, failles ou diaclases peu développées. La pente de la façade occidentale du plateau est marquée par des formations sédimentaires oligocènes. L’ossature hercynienne de la formation se définit enfin par un terrain cristallophyllien : paragneiss à biotite et sillimanite (Thonat, Mathonnat et Le Garrec 2006).
Fig. 2 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Carte de situation du tumulus 21, des monuments tumulaires, de l’habitat du Razé et des zones humides sur le plateau de la Pénide (Cartographie et DAO : Fabrice Muller/ARAFA)
La particularité du plateau d’Espalem réside dans la présence de dépressions circulaires à ovoïdes (Fig. 2) dénommées : Lac Lant (ou Lac Long), Lac Citrou, Lac Bec (ou le Grand Lac), Lac Estang. L’origine de ces zones humides prête toujours à débat. Si la thèse d’une formation liée à un phénomène phréatomagmatique semble à l’heure actuelle pouvoir être écartée (Dendievel, Delrieu et Duny 2020), l’éventualité d’une formation corrélée à la fusion d’hydrolaccolites pourrait, quant à elle, être privilégiée.
Ces zones humides ont été fortement impactées par une activité principalement agricole (drainage, mise en culture…). Cette pression humaine significative dès le Moyen Âge n’a cessé de s’accroître aux époques postérieures. A l’heure actuelle, le plateau est principalement marqué par une activité agro-pastorale. Conséquences directes de l’interaction hommes/milieux, les monuments tumulaires et le rempart de l’habitat ont servi de carrières de pierres ou ont, a contrario, été rechargés de matériaux issus des champs avoisinants.
2 – Présentation de la nécropole tumulaire et des connaissances acquises
Fig. 3a :Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Nécropole avant intervention archéologique : butte engazonnée (Tumulus 3) (A. Duny/ARAFA)
Au sein de ce contexte, les tumulus apparaissent hors-sol, sous forme de butte empierrée et/ou végétalisée (Fig. 3). Ils viennent coiffer un paléosol peu épais, une dizaine de centimètres tout au plus, ou directement le substrat sub-émergeant. Ces vestiges funéraires ont été pour la première fois reconnus durant les années 1970/1980 par Alphonse Vinatié, correspondant de la 3ème circonscription des Antiquités Préhistoriques et Historiques d’Auvergne. Il identifia une série de 35 tumulus et tombelles en spécifiant dans ses notes que certains d’entre eux ne pouvaient au final correspondre qu’à de simples pierriers (Vinatié 1983). Il mit également en évidence les témoins de l’habitat fortifié situé à l’ouest de la nécropole, à l’emplacement de l’éperon barré du Razé.
Depuis une quinzaine d’années maintenant, des travaux d’archéologie préventive et programmée viennent poursuivre la recherche initiée par Alphonse Vinatié.
Ainsi en 2018, l’équipe du PCR “Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer” a conduit une campagne ayant abouti au levé topographique de l’ensemble des tumulus et à la rédaction pour chacun d’entre eux d’une fiche d’état sanitaire (Delrieu et al. 2018). Grâce à ce travail, les données d’Alphonse Vinatié ont été largement amendées puisque la nécropole compte à ce jour 57 monuments. On soulignera néanmoins, qu’en l’absence de sondages, certains d’entre eux ne peuvent s’avérer être que des amas empierrés sans organisation particulière. Outre l’aspect quantitatif, la cartographie générée démontre également que les monuments funéraires ne s’orientent pas seulement vers les extrémités NNO et SSE du plateau (éperons) mais sont également “tournés” vers l’intérieur de la planèze au sein de laquelle la présence des lacs devait jouer un rôle symbolique prépondérant.
Fig. 3b :Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Nécropole avant intervention archéologique : engazonnement et couverture arbustive (Tumulus 2) (A. Duny/ ARAFA).
Fig. 3c :Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Nécropole avant intervention archéologique : empierrement hors sol et couverture arbustive (Tumulus 51) (A. Duny/ ARAFA).
C’est à l’exploitation d’une carrière que l’on doit les interventions d’archéologie préventive. On compte ainsi trois diagnostics (Hénon 1999 ; Dunkley et al. 2006 ; Gandelin 2011) dont deux ont à ce jour donné suite à une fouille. Ce sont ainsi un vaste système de combustion (Blaizot et al. 2004) et deux tumulus et deux pierriers (Duny et al. 2013a ; Duny et al. 2013b ; Duny 2016) qui ont pu être fouillés entièrement. Ces derniers travaux ont ouvert la réflexion sur les problématiques architecturales, funéraires et chronoculturelles, que les recherches en cours et à venir vont poursuivre. Il s’agit notamment de dresser une typologie des constructions tumulaires en mettant en évidence les similitudes et les disparités. La fouille de deux des monuments de la nécropole a d’ores et déjà montré que si les dimensions sont quasiment identiques : diamètre respectif de 11 m et 11,30 m, les modes de constructions diffèrent sensiblement. Dans un cas, on observe une architecture plus complexe avec la mise en œuvre de trois espaces internes distincts, chacun ceinturé par une couronne périphérique dont l’ultime en élévation. Dans l’autre cas, il s’agit d’une architecture plus classique s’articulant autour d’un pavage cerclé d’une couronne en élévation et surmonté d’une chape mixte de terre et de pierres (Fig. 4). Ces architectures s’accompagnent également d’un mobilier rare mais attribuable à deux états distincts : Bronze moyen/Bronze final I pour l’un, Bronze final IIb/IIIa pour l’autre.
Fig. 4 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Relevés planimétriques de la base des tumulus 1 et 6 (Extrait de Duny et al. 2013a et b/ARAFA)
3 – Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. La fouille du tumulus 21
La Nécropole de la Pénide offre donc l’opportunité rare d’étudier un corpus conséquent de tumulus en bon état de conservation. Pour initier les recherches sur ces constructions dans le cadre de l’archéologie programmée, choix a été fait de débuter les travaux par la fouille du tumulus 21 (Fig. 5). Monument le plus septentrional de la nécropole et l’un des plus grands, ce tumulus est installé en partie sommitale du plateau et domine le lac Bec (Fig. 6).
En l’état actuel de nos connaissances, le tumulus 21 apparaît “hors norme” au sein du paysage tumulaire auvergnat. Il s’agit d’un vaste empierrement orienté NNO/SSE, au contour piriforme. Il se développe sur 22 m de longueur pour 15 m de largeur. Le nettoyage et le relevé planimétrique initial du tumulus 21 réalisé en 2020 (année probatoire) a permis lors de la campagne 2021 (1ère année de triennale) d’inaugurer la fouille proprement dite du monument.
Fig. 5 :Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après nettoyage manuel, campagne de fouille 2020 (A. Duny/ ARAFA).
Fig. 6 :Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue du Lac Bec situé immédiatement en contrebas du tumulus 21 (A. Duny/ ARAFA).
La méthode de fouille par carroyage à démontages par progressions horizontales et passes successives permettant la réalisation de coupes cumulées, tout en préservant la vision planimétrique des niveaux architecturaux, a été adoptée. A ce jour, la passe 1 correspondant à l’enlèvement des blocs de petits à moyens modules constituant la partie supérieure de la masse tumulaire a été descendue sur la moitié du tumulus, soit 11 quadrants sur 22 au total (Fig. 7). Le niveau atteint correspond à des blocs de modules plus importants s’apparentant pour partie au dôme, pour partie à des aménagements de type couronne. Si la lecture architecturale est encore mal aisée à ce stade de nos travaux, on remarque néanmoins que ce niveau apparaît moins anarchique, plus en place que celui ôté lors du premier démontage. Une première session de prises de vues photogrammétriques a été réalisée afin de pouvoir procéder au dessin pierres à pierres. Les 11 sections générées révèlent également une organisation. Ainsi, en l’état actuel de nos connaissances, l’hypothèse de 2020 sur la présence d’unités architecturales distinctes mais intrinsèquement liées semble être soutenue.
Fig. 7 :Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après démontage du premier niveau de pierres constituant la masse tumulaire, campagne 2021 (A. Duny/ ARAFA).
Plusieurs observations peuvent être formulées. La campagne de 2021 permet ainsi de révéler que la bordure de l’empierrement s’articule autour de blocs de grandes dimensions disposés à plat, en épi ou de chant entre lesquels s’intercalent des éléments de moindre gabarit. Nous pensons qu’il s’agit là de la couronne externe enserrant la totalité de la construction en pierres sèches. Les blocs plus épars, non jointifs et de gabarit peu important qui se retrouvent en périphérie externe de cette couronne peuvent être associés à des éléments remaniés ou éboulés mais également à un niveau de calage de la couronne, surtout en partie ouest où la pente est plus prononcée.
En se déplaçant vers l’intérieur de la masse tumulaire, les vues aériennes et les sections montrent à nouveau des étapes architecturales distinctes. Si certains aménagements potentiels pressentis au sortir de la fouille de 2020 ont été invalidés par les travaux de 2021, d’autres semblent perdurer à la lecture de la documentation de terrain. Il est encore cependant trop tôt pour affirmer pleinement leur existence et pour définir leur nature : aménagements autonomes, parties de couronne(s) interne(s), remaniements postérieurs… D’un point de vue stratigraphique, on soulignera que trois sondages ont été réalisés jusqu’au socle rocheux. Ces sondages permettent de démontrer que l’empierrement global a été installé sur une unité sédimentaire riche en éclats rocheux pouvant correspondre au niveau du substrat altéré. Cette couche, peu épaisse, n’excède pas 6 à 7 cm de profondeur. On constate également que par endroits les blocs ont été positionnés directement sur le socle rocheux irrégulier. Ce dernier, à l’emplacement du tumulus, opère une légère remontée vers l’est. Cette petite rupture de pente contribue à donner un aspect plus volumineux, plus massif à l’empierrement sur sa façade ouest.
Concernant la culture matérielle, la campagne de 2021 ne permet pas encore de proposer une datation pour la fondation du tumulus, sa base n’ayant pas été encore atteinte. Les premiers résultats indiquent néanmoins que la partie supérieure de la masse tumulaire livre des tessons relevant des périodes médiévale et moderne, tandis que la couche sous-jacente recèle des fragments de céramique non tournée dont deux éléments indiquent de manière certaine des fréquentations du tumulus entre le Bronze final IIIb et La Tène B2b.
Pour conclure, nous signalerons qu’à l’instant T de nos travaux, aucune sépulture n’a encore été mise au jour au sein de la nécropole de la Pénide. La découverte de restes osseux reste donc à venir lors des prochaines campagnes. L’équipe y travaille !
Delrieu et al. 2018 : Delrieu F., Auxerre-Géron F.-A., Dendievel A.-M., Duny A., Jouannet C., Lacoste E., Muller F. et Roscio M. – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute-Auvergne). Départements du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme, Rapport de prospection thématique, 2018.
Dendievel, Delrieu et Duny 2020 : Dendievel A.-M., Delrieu F. et Duny A. – Entre lacs et tourbières : approche pluridisciplinaire de l’évolution des paysages sur les zones humides de la Pénide à Espalem (Haute-Loire), BIOM n° 1, Revue scientifique pour la biodiversité du Massif Central, à paraître, p. 1 à 11.
Dunkley et al. 2006 : Dunkley J., Pasty J.-F., Brizard M., Cabezuelo U., Cayrol J. et Combes P. – Espalem, Haute-Loire : Lac Lant “Les Carrières de Blanchon”, Rapport final de diagnostic archéologique, INRAP Auvergne-Rhône-Alpes, Bron, 2006, 94 p.
Duny, Ayasse, et al. 2013 : Duny A., Ayasse A., Banerjea R., Batchelor C., Gray L. et Save S. – Un tumulus du Bronze final en Haute-Auvergne : le tertre 1 du Lac Citrou à Espalem (Haute-Loire), Rapport final d’opération de fouille préventive, Mosaïques Archéologie, Cournonterral, 2013, 163 p.
Duny, Banerjea, et al. 2013 : Duny A., Banerjea R., Batchelor C., Fernandes P., Gray L. et Save S. – Une structure tumulaire du milieu de l’âge du Bronze en Haute-Auvergne : le tertre n°6 du Lac Lant à Espalem (Haute-Loire), Rapport final d’opération de fouille préventive, Mosaïques Archéologie, Cournonterral, 2013, 149 p.
Duny 2016 : Duny A. – Architecture funéraire de l’âge du Bronze en Haute-Auvergne : le cas de deux tumulus de la nécropole de la Pénide à Espalem, Haute-Loire, in Cl.-A. De Chazelles, M. Schwaller (Dir.) : Vie quotidienne, tombes et symboles des sociétés protohistoriques de Méditerranée nord-occidentale. Mélanges offerts à Bernard Dedet, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, Hors-série n°7, Tome 2, Lattes, 2016, p. 527-542.
Gandelin 2011 : Gandelin M. – Espalem et Grenier-Montgon, Haute-Loire, Auvergne. Lac Lant, Les Pignatieres, Le Blanchon, Rapport final de diagnostic archéologique, INRAP Auvergne-Rhône-Alpes, Bron, 2011, 62 p.
Hénon 1999 : Hénon P. – Espalem et Grenier-Montgon. Lac Lant et Lac Long. Nécropole tumulaire des Lacs, Bilan scientifique régional d’Auvergne, 1999, p. 58‑89.
Thonat, Mathonnat et Le Garrec 2006 : Thonat A., Mathonnat M. et Le Garrec M.-J. – Carte géologique de la France, Feuille de Massiac, n°765, 1/50000e, BRGM, 2006.
Vinatié 1983 : Vinatié H. – Haute-Loire, Espalem : “nécropole tumulaire” des Lacs, Fiches de déclaration de sites, 32 fiches, SRA Auvergne, 1983.
Fig. 1 : localisation du site du Suc de Lermu. Document F. Delrieu
Le Suc de Lermu est une petite table basaltique, situé à 1 100 m d’altitude sur la commune de Charmensac dans le Cantal (Fig. 1).
Il possède une surface de 0,8 hectare et domine le paysage alentour. Il est délimité par une série de falaises au nord, à l’est et à l’ouest et par une fort pendage au sud qui lui permet par ailleurs de se rattacher au plateau voisin du Bru par un modeste isthme large de quelques dizaines de mètres.
Le site a été mentionné dès les années 1950 et fait, par la suite, l’objet de plusieurs campagnes de sondages entre 1960 et 1966 sous la direction de M. Soubrier. Ces investigations, couplées aux travaux conduits par Alphonse Vinatié sur le site à la fin des années 1960, permettent d’identifier plusieurs occupations se succédant du Bronze final, à l’âge du Fer et à l’Antiquité tardive.
Une campagne de sondages conduite en 2016 confirme ces différentes séquences d’occupation dont la plus précoce remonte au Néolithique moyen II. Par la suite, le site est investi de manière significative au cours du Bronze final III. C’est à cette période que semble avoir été érigé un rempart doté de noyaux vitrifiés. Après un abandon de quatre siècles, le site est finalement occupé au début de La Tène ancienne.
Une importante campagne de fouille conduite en 2021 (Fig. 2) a permis de reprendre cette abondante de documentation et de préciser la nature et la chronologie des occupations se développant sur le site au cours du second âge du Fer.
Fig. 2 : localisation des zones de fouille ouvertes en 2021 au Suc de Lermu. Document F. Delrieu
1 – Le Suc de Lermu. Une genèse au cours de La Tène A
Une occupation du site au cours de La Tène A pouvant perdurer au cours de La Tène B se développe dans l’emprise du site. Elle est caractérisée par la présence d’un niveau d’occupation (US 05,Fig. 3) et d’un sol archéologique déjà identifié en 2016. L’assemblage céramique issu de la fouille de ce niveau permet de l’attribuer à La Tène A au sens large eu égard à son caractère ubiquiste. Cependant la présence de céramiques tournées à pâte claire, peinte ou non, associées ponctuellement à un registre décoratif caractéristique des productions de céramiques grises monochromes méridionales permettent de proposer une datation centrée sur la fin du Ve s. av J.-C. à l’instar des productions gardoises similaires documentées dans les vallées de la Cèze ou de la Tave (Goury 1995). Il faut cependant noter qu’un faisceau d’éléments tendent à démontrer que les productions tournées du Suc de Lermu ne sont pas issues d’importations mais plus certainement d’une production locale imitant des produits méridionaux (Delrieu et al. 2018).
Leur présence, confirmée en 2021, atteste la conduite d’échanges significatifs entre le sud de l’Auvergne et le Languedoc oriental via le Massif central. Dans la même perspective, cette même campagne de fouille a permis également d’identifier le premier tesson auvergnat de céramique grise monochrome. Il a été mis au jour en position secondaire dans un niveau plus récent. Sa présence n’est pas anodine et confirme l’influence méridionale qui caractérise cette occupation. Cette dernière est attestée par les données carpologiques. La présence de pois et de lentilles, productions thermophiles et xérophiles, plaide en ce sens. Cependant, l’influence languedocienne et plus généralement méridionale de ces assemblages n’est pas exclusive. La présence de deux tessons présentant des décors graphités atteste un ancrage régional fort au niveau de la Haute-Auvergne où ce type de production est bien documenté ainsi que dans tout le centre-ouest de la France actuelle et dans les piémonts occidentaux du Massif central (Charentes, Limousin, Périgord, Lot, Cantal…).
Fig. 3 : coupe n°2 obtenue sur la bordure occidentale de la zone de fouille. Document F. Delrieu
Régionalement cette occupation de hauteur est contemporaine de celles identifiées récemment sur les sites du Puy-Saint-Romain dans le Puy-de-Dôme ou de Chastel-Marlhac dans le Cantal (Auxerre-Géron, Couderc et Delrieu2017). Ce sont pour l’heure les trois seuls sites régionaux occupés de manière évidente pendant cette séquence chronologique. Le Suc de Lermu prend donc place dans un corpus de sites peu étoffé mais dont la présence atteste, aussi bien régionalement qu’au niveau national, l’utilisation des sites de hauteur, fortifiés ou non, pour l’implantation d’habitats supposés permanents.
2 – Le Suc de Lermu. Une occupation à La Tène B2 et C
La principale évolution issue des résultats de fouille conduite en 2021 a été la mise au jour d’une importante et inédite occupation laténienne du site. Cette dernière avait été pressentie en 2016 avec la découverte dans le sondage n°1 d’une fibule de schéma La Tène II.
Fig. 4 : Vue en plan (1er plan) et en coupe (2d plan) de l’ouvrage défensif laténien. Cliché F. Delrieu
Cet horizon chronologique est avant tout caractérisé par la mise en place d’un système défensif (Fig. 4). Ce dernier est fondé directement sur un possible état de fortification ancien du site (US 07). Il se présente sous la forme d’une masse de blocs de basalte liés à la terre (US 08). Surmontée d’une probable palissade en bois (US 10), elle est grossièrement parementée sur sa face extérieure et couverte sur sa face interne par une série de dalles de basalte posées en écaille. Ce système de protection semble devoir permettre d’évacuer rapidement l’eau de pluie de la partie haute du rempart, dans un souci évident de conservation, en direction d’un petit canal aménagé à la base de l’ouvrage défensif, le long de sa limite interne. Son comblement est par ailleurs très hydromorphe (US 04) et a livré un abondant assemblage de mobilier correspondant à des rejets de nature domestique. L’aménagement d’un empierrement de 1 à 1,5 mètre de large longeant la limite interne de ce canal semble pouvoir être associé à une volonté de faciliter la circulation en arrière du rempart (Fig. 5).
Fig. 5 : relevé en plan du sol n°2 (La Tène B2-C). Document F. Delrieu
Cet empierrement est constitué de blocs de basalte posés à plat scellant directement le niveau de La Tène A (US 05). Cet ouvrage défensif et les éléments qui lui sont associés (canal et voie empierrée) sont parties intégrantes de l’US 12 attribuée à La Tène B2 et C qui correspond au niveau d’occupation. Outre l’abondant assemblage céramique, caractéristique de cette séquence mis au jour notamment dans le comblement du canal (US 04) les bornes chronologiques de cette occupation sont constituées par la découverte de deux fibules mises au jour dans le même niveau (US 04). La plus ancienne a été découverte en 2021 et peut-être attribuée à La Tène B2. La plus récente, découverte en 2016 (Delrieu et al. 2018) est datée de La Tène C. En l’état actuel de la documentation concernant cette occupation, ces deux bornes marquent les deux terminus de cette occupation, probablement longue, qui couvre à l’évidence une bonne partie du IIIe s. av. J.-C. et probablement la première moitié du IId. L’ensemble du mobilier céramique associé prend place dans l’intervalle chronologique ainsi défini. Au sein de cette occupation, les données stratigraphiques établissent que l’aménagement du rempart, et probablement de ses structures associées (canal et voie empierrée) marque la genèse de cette occupation, probablement au cours de La Tène B.
En arrière de l’ouvrage défensif précédemment décrit, un possible bâtiment à abside a été identifié (Fig. 5). Sa fondation semble associée à l’US 12. Il n’a pas été fouillé en intégralité mais les éléments de mobilier associés au niveau superficiel de son sol interne semblent permettre d’attribuer cet état récent de son fonctionnement à La Tène B2 et C. De nombreux éléments constitutifs d’une sole perforée associée à un possible four de type Sévrier ont été mis au jour de manière éparse en périphérie et à l’aplomb de ce bâtiment.
Les éléments de culture matérielle identifiés pour cette occupation confirment le développement d’une importante activité domestique sur le site au cours de cette séquence chronologique. La présence d’un catillus (Fig. 6) dans le comblement du canal bordant le rempart (US 04) est inédite en Haute-Auvergne pour cette séquence chronologique où l’usage des meules rotatives n’était pas encore attesté. L’assemblage céramique constitue dorénavant un lot de référence à l’échelle départementale. Le Suc de Lermu correspond en effet au premier site d’habitat de La Tène B et C documenté dans le département du Cantal. Cet ensemble céramique, à l’instar de celui attribuable à La Tène A, est marqué par une forte proximité avec le Languedoc oriental confirmant le tropisme méridional caractérisant cette région durant une bonne partie du second âge du Fer.
Fig. 6 : Vue du catillus mis au jour dans le comblement du fossé associé au rempart laténien. Cliché F. Delrieu
3 – Le Suc de Lermu. Une fréquentation du site au cours de l’Antiquité tardive
Par la suite, le site semble abandonné pendant plus de 500 ans avant qu’une nouvelle occupation ne se développe sur place au cours des Ve et/ou VIe s. Elle se caractérise par la présence d’un niveau d’occupation (US 03) associé à un sol archéologique (sol n°1). Aucune structure n’a été identifiée pour cet horizon chronologique. L’occupation qui s’y développe au cours de l’Antiquité tardive semble donc relativement lâche et n’a pas réellement correspondu à un réaménagement profond et durable du site, du moins dans le secteur fouillé. Il est probable que l’habitat en lui-même se localise à proximité immédiate de la zone de fouille. Comme sur d’autres sites de hauteur contemporains fortifiés au cours de la protohistoire, le rempart ancien est délaissé. L’espace situé en arrière de cet ouvrage défensif probablement ruiné est alors dédié au rejet des reliefs de l’occupation domestique qui se développe probablement au centre du plateau. Cette hypothèse semble correspondre aux données observées au cours des fouilles conduites en 2021. Il faudrait par la suite mener des campagnes de sondages sur les secteurs internes localisés au centre de la table basaltique pour mettre au jour d’éventuels traces immobilières de cet habitat.
Cette séquence avait déjà été identifiée précédemment (Fournier 1962) grâce à la découverte de tessons de DSP et de fragments de verre lors des interventions précédentes. On notera également, que, comme pour les occupations laténiennes, le site semble bien inscrit dans les réseaux d’échanges entre le centre et le sud de la Gaule comme le prouve la présente significative de DSP.
Enfin le site est abandonné définitivement à la fin de cette occupation des Ve et VIe s. Le petit plateau de Lermu retrouve alors certainement sa vocation agricole. L’ensemble de la séquence stratigraphique est alors recouvert par un important apport de colluvions (US 02) issu de l’érosion de la partie centrale du site qui s’accumule en arrière des vestiges des aménagements défensifs protohistoriques.
Si le premier âge du Fer et le début de La Tène ancienne correspondent à des périodes particulièrement bien documentées en Haute-Auvergne, notamment grâce aux données funéraires issues de la fouille des très nombreux tumulus connus dans cette région, le second âge du Fer, à l’inverse, connaît une importante lacune documentaire. En effet, seuls quelques dizaines de sites ou d’indices de sites sont connues pour cette période dans le département du Cantal. La Tène B et C correspondent probablement aux séquences les moins bien documentées du second âge du Fer en Haute-Auvergne. En effet, seule la découverte ancienne d’un fourreau à bouterolle ajourée de type Hatvan-Boldog attribuable à La Tène B2, sur la commune de Laveissenet peut être associée à cette période. Ce manque béant tranche nettement avec l’abondance des données pour cette période qui ont été collectées plus au nord, dans le bassin clermontois. La mise au jour de cette occupation laténienne dans l’emprise du Suc de Lermu correspond donc à une réelle opportunité de documenter en détail un contexte domestique jusqu’à présent inédit en Haute-Auvergne.
Bibliographie
Auxerre-Géron, Couderc et Delrieu 2017 : Auxerre-Géron F.-A., Couderc F. et Delrieu F. – Les habitats de hauteur occupés à La Tène A en Auvergne : bilan et données nouvelles, Bulletin de l’Association Française pour l’étude de l’âge du Fer, Paris, 35, p. 17‑22.
Delrieu et al. 2018 : Delrieu F., Auxerre-Géron F.-A., Chabert S. et Moulin C. – Les occupations protohistoriques du Suc de Lermu à Charmensac : état des lieux et données nouvelles, Revue de la Haute-Auvergne, 80, p. 157‑216.
Fournier 1962 : Fournier G. – Le peuplement rural en Basse Auvergne durant le Haut Moyen Âge, Paris, 678 p.
Goury 1995 : Goury D. – Les vases pseudo-ioniens des vallées de la Cèze et de la Tave (Gard), In : Sur les pas des Grecs en Occident, Hommages à André Nickels, textes réunis et édités par P. Arcelin, M. Bats, D. Garcia, G. Marchand et M. Schwaller, ADAM-Errance, Lattes/Paris, 1995, p. 309-324. (Études massaliètes 5).
Type de projet : fouille programmée (“Corent (63) – Oppidum de Corent”)
Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne, Puis LUERN
Responsables : V. Guichard; M. Poux
Présentation
Le Puy de Corent, vaste plateau volcanique situé à une trentaine de kilomètres au sud-est de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme, France), abrite un oppidum gaulois reconnu depuis longtemps par les prospections.
Corent (63) – Oppidum de Corent (photo B. Dousteyssier)
Corent (63) – Oppidum de Corent. Sondages 1992-1993
Des sondages menés entre 1992 et 1993 par Vincent Guichard et John Collis au centre du plateau y ont mis en évidence un sanctuaire d’époque romaine, à galerie quadrangulaire périphérique de 70 m de côté, précédé de vestiges d’occupations datés du Néolithique moyen, de l’Âge du Bronze et de la Tène finale.
De cette époque date un premier lieu de culte fréquenté entre la fin du IIe et le début du Ier s. avant notre ère, matérialisé par un fossé d’enclos comblé de rejets fauniques sélectionnés (crânes de moutons) et diverses structures construites en tessons d’amphores : témoins des grandes quantités de vin et de viande vraisemblablement consommées sur le site dans le cadre de festins et de rites libatoires, associés à d’autres catégories d’offrandes – monnaies, parures, ossements humains et pièces d’armement mutilées, consacrées sur le modèle des grands sanctuaires guerriers de Gaule septentrionale.
Le décapage extensif du sanctuaire, qui a débutée en 2001, s’inscrit dans le cadre d’un projet triennal mené en collaboration avec l’ARAFA (Association pour la Recherche sur l’Âge du Fer en Auvergne), l’université de Lausanne (Suisse), l’université de Sheffield (Grande Bretagne) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
LUERN
A partir de 2009, une nouvelle association, LUERN, a pris le relai de l’ARAFA.
Type de projet : fouille programmée (« Salettes (43) – Le Camp d’Antoune »)
Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne
Date : 2008
Responsable de l’opération : Marie-Caroline Kurzaj
Notice et documents : Marie-Caroline Kurzaj
I – Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Présentation
Le camp d’Antoune se situe sur la commune de Salettes, dans le sud-est du département de la Haute-Loire.
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Le Camp d’Antoune, vue du sud (M.-C. Kurzaj / ARAFA).
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Localisation générale du Camp d’Antoune (M.-C. Kurzaj / ARAFA).
C’est un site de hauteur d’une quinzaine d’hectares, implanté à plus de 1000 m d’altitude et surplombant la vallée de la Loire.
Occupé dès la fin du IIe et au cours du Ier s. av. J.-C., il est l’un des habitats principaux des Vellaves, peuple client des Arvernes et frontalier de la province romaine de Transalpine à partir de 118 av. J.-C.
Connu depuis la fin du XIXe s., ce site a fait l’objet de plusieurs investigations au cours du XXe s. Elles ont permis de mettre en évidence une occupation de la fin du second âge du Fer. Toutefois ces données étant trop lacunaires, de nouvelles observations ont été réalisées depuis 2007, afin de préciser l’organisation et la chronologie de ce site de hauteur. Le camp d’Antoune est un des rares sites de Haute-Loire à avoir conservé en élévation son système défensif en pierres sèches (blocs de basaltes). Il s’agit d’un rempart discontinu, qui s’interrompt là où les falaises abruptes ne nécessitent pas sa présence.
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Les principaux sites de la fin du second âge du Fer du Velay (M.-C. Kurzaj / ARAFA).
I – Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Le rempart
C’est dans le secteur nord que celui-ci est le mieux conservé et son organisation la plus connue. Un petit rempart d’un mètre de haut précède un profond fossé, à partir duquel se développe le rempart monumental présentant encore aujourd’hui, plus de 12 m d’élévation. Ce dernier est organisé en deux tronçons. Le premier est observable sur environ 120 m de long, d’ouest en est. Puis il marque brusquement une courbe en direction du sud-est et s’interrompt.
A environ 8 m au nord-est de celui-ci, un nouveau tronçon débute selon un tracé rectiligne nord/ouest-sud/est, et que l’on peut suivre sur une longueur d’environ 240 m. A l’emplacement de l’interruption du tronçon nord se trouvait une excavation attribuable aux investigations d’A. Boudon-Lashermes dans les années 1950. L’opération de 2008 s’est en partie concentrée à cet endroit.
La rectification de la coupe de cet ancien sondage a permis l’identification du parement de la porte d’accès au site. Il est composé d’un appareillage de prismes basaltiques.
La datation de cette construction monumentale a pu être entrevue grâce à la présence de quelques fragments de céramique datés entre la fin du IIeme et le début du Ier s. av. J.-C. La forme de cette porte, « en chicane », se retrouve sur plusieurs oppida de Gaule indépendante.
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Secteur nord, organisation du système défensif (M.-C. Kurzaj / ARAFA).
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Organisation de la fortification du Camp d’Antoune (M.-C. Kurzaj / ARAFA).
I – Occupation à l’intérieur de la fortification
Concernant l’organisation de l’occupation à l’intérieur de la fortification, les données sont encore trop lacunaires pour en dresser les caractéristiques. Aucun autre vestige en élévation n’a encore pu être identifié en raison de la densité de la végétation. Par contre, les éléments découverts dans les autres sondages réalisés en 2008 sur le plateau, ont permis, d’après le mobilier récolté, de confirmer la présence d’une occupation de la fin du second âge du Fer.
Malgré la réalisation de nouvelles investigations, l’occupation du camp d’Antoune reste encore méconnue.
Pourtant sa connaissance tient une place importante dans les problématiques concernant les relations entre le monde méditerranéen et les Arvernes. Sa position géographique lui confère un rôle particulier puisqu’il est implanté à l’interface d’influences du monde méditerranéen et de Gaule indépendante. Ceci est renforcé par le fait qu’il se situe, à partir de la fin du IIeme s. av. J.-C, à la frontière de la province romaine de Transalpine. Implanté à proximité d’un axe de circulation entre les peuples Helvien et Arverne, il a sans doute été un lieu de rupture de charge au sein des réseaux commerciaux de cette période.
La poursuite des investigations de terrain apportera sans doute des éléments de réponse à ces différents questionnements.
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Parement de prismes basaltiques de la porte du Camp d’Antoune (M.-C. Kurzaj / ARAFA).
I – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Présentation
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Vue générale de l’oppidum (D. Lallemand / ARAFA).
L’oppidum de Cordes-Chateloi est situé à près de 1,5 km au nord-ouest du bourg de Hérisson. (Nord-ouest du département de l’Allier).
À la fin de la période gauloise, la forteresse appartient aux Bituriges Cubi dont la capitale, Avaricum (Bourges), est distante de 67 km. Cette place centrale est implantée sur une importante voie reliant la capitale des Arvernes à celles des Bituriges.
Le site de la ville gauloise fait l’objet d’un important programme de recherche archéologique depuis 2001, projet soutenu par l’État (DRAC/SRA), le Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, le Conseil Départemental de l’Allier, la Communauté de communes du Pays de Tronçais et la Municipalité de Hérisson.
La forteresse gauloise, d’une superficie de 75 ha, occupe un promontoire qui surplombe la pittoresque vallée de l’Aumance, à 25 km au nord-est de Montluçon. Ses puissantes fortifications sont encore visibles sous la forme d’une imposante levée de terre longue de 800 m.
Le programme de recherche en cours constitue la première étude méthodique de cet important site du Ier s. av. J.-C. implanté sur la bordure sud-est du territoire des Bituriges Cubi.
II – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Le plateau de « Babylone »
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Le mur monumental (D. Lallemand / ARAFA).
La fouille conduite à partir de 2003 est localisée sur le revers d’un petit promontoire naturel qui, depuis sa position, domine tout l’intérieur du site fortifié. Le talus massif gaulois, dans lequel est implantée la fouille, vient s’appuyer sur la partie orientale de ce plateau. Cette fouille a porté en priorité sur les vestiges monumentaux découverts dans le revers du plateau.
Après un nettoyage soigné de la surface décapée, l’intervention a consisté au dégagement de vestiges archéologiques enfouis sous un amoncellement de grosses pierres. Sous ce puissant éboulis (à gauche sur la photo), ont été mis au jour les restes d’un mur construit avec des blocs taillés et un dallage monumental.
L’étape suivante a consisté à dégager l’ensemble des pierres taillées qui semblaient correspondre au parement effondré du mur monumental. Ce travail achevé, nous avons pu confirmer que ceux reposant sur la voirie sous-jacente, étaient tous taillés et appartenaient bien au parement monumental effondré.
Les blocs du mur sont empilés sans ciment comme nous pouvons le voir sur le cliché. La règle du couvre-joint n’est pas non plus appliquée pour ce mur. À l’issue de cette étape de la fouille, sont apparus l’intégralité des vestiges : mur monumental et voie dallée.
III – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Le mur monumental
Très original dans sa conception, cet ouvrage épouse une pente très accentuée : la déclivité s’étalonne à près de 14,8 % ! Ce mur n’est pas seulement formé d’un parement, Il compte également, dans sa structure, un agglomérat de pierres informes situé en arrière des blocs taillés. Nous avons dégagé le sommet de cet empierrement sur environ 8 m pour connaître ses dimensions et pour comprendre sa structure.
Il mesure près de 2 m de large et se prolonge le long des alignements de blocs monumentaux. Son rôle semble donc lié à la stabilité de l’ouvrage final : épauler et amortir les poussées du parement La quantité de pierres utilisée pour cet empierrement est énorme, ce qui souligne encore l’intérêt apporté à cette construction. Nous estimons à plus de 15 m³ le volume de pierres rapportées pour le transect étudié !
Là encore, la fouille a montré l’utilisation de blocs dépassant le quintal !
Depuis les pavés situés dans la partie centrale de la fouille et jusqu’à ceux en limite de la fouille, le dénivelé ouest-est relevé atteint presque 0,50 m sur les 5,60 m de voirie, soit une pente de 8 %.
Il existe également une déclivité nord-sud pour ce dallage, dont le dénivelé oscille entre 0,05 et 0,12 m (soit une pente moyenne d’environ 2 %).
Remarques sur la technique de construction
Concernant le mur, la pente sévère observée et la technique de construction employée expliquent très naturellement son basculement vers le sud-est, en fait, vers l’intérieur de l’ouvrage monumental. Les blocs de la seconde assise ont glissé et ont basculé vers l’intérieur du site sous le poids des matériaux accumulés en arrière des vestiges, le tout dans le respect des lois de l’apesanteur.
À vrai dire, il semble que l’on doive la sauvegarde en élévation de ce mur au poids des blocs monumentaux, à l’orientation transversale des vestiges par rapport au talus massif, enfin à la faible accumulation des matériaux recouvrant ces vestiges. Signalons d’ailleurs que seules deux assises sont conservées en élévation. Il faut avouer que les plans de cet ouvrage sont en complète contradiction avec les règles de principe de la construction gallo-romaine : construction dans la pente, asymétrie des assises, absence de couvre-joints, telles sont quelques-unes des anomalies relevées’ Cependant, il faut admettre que cette construction a été planifiée, calculée et réfléchie. Nul doute que des plans ont été suivis pour son édification. L’existence du glacis taillé dans le substrat suggère aussi que la construction de l’ouvrage monumental a nécessité des aménagements préliminaires : terrassement, nivellement. En outre, La voirie dallée a été installée dans une tranchée de fondation, laquelle est nettement visible à la hauteur du glacis taillé dans le substratum.
IV – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. La voie dallée
La bordure sud du dallage a été découverte dès la phase de décapage, provoquant de grandes émotions. Ne subsiste que la partie nord de cette voirie (notamment les pierres bordières jouxtant un glacis taillé dans le substrat).
La partie méridionale de la voie a disparu, arrachée sans doute pour la réutilisation des dalles à d’autres fins.
Nous estimons que cette voie devait dépasser 5 m de largeur d’après nos premiers travaux !
Les dalles du summum dorsum reposent apparemment sur un cailloutis, qui pourrait être le rudus ou ruderatio des voies romaines. Cette construction sophistiquée et réfléchie complète l’ouvrage monumental. Toutes ces remarques démontrent donc que les techniques de construction employées, si elles ne sont pas parfaites, s’inspirent indubitablement de modèles exotiques, vraisemblablement méridionaux.
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Mur et voie dallée (D. Lallemand / ARAFA).
V – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Un murus gallicus sous les vestiges monumentaux
Nous avons observé que le mur monumental avait tronqué les vestiges d’un état antérieur. Une partie même de l’éboulis intra-muros masquait une partie de ces vestiges. Une limite transversale stricte est alors apparue, formant l’assise d’un petit parement de blocs calibrés. Le nettoyage attentif nous a cependant apporté des données pour interpréter ces vestiges.
Nous pouvons envisager que ces vestiges ont été délaissés, abandonnés, puis très vite recouverts et oubliés, au point qu’ils nous sont parvenus dans un état de conservation exceptionnel. L’éboulement de la porte et l’édification du talus massif en sont peut-être éventuellement des causes. Ajoutons qu’il est probable que la porte n’ait pas fonctionné après sa phase monumentale.
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Angle du bastion construit avec la technique gauloise du murus gallicus (à l’image de la description donnée par J. César en 52av. J.-C.) Il n’existe pas en Europe de mur gaulois conservé de cette manière (ici, 2 m de hauteur) ; L’éventualité d’un classement au titre des Monuments Historiques est envisagée, d’autant que ce monument semble bien être contemporain de la Guerre des Gaules (58 / 52 av. J.-C.) (D. Lallemand / ARAFA).
D’emblée, il faut écarter l’idée d’une construction de type murus gallicus pour cet ouvrage. Nous n’avons observé ni poutrage interne ni alvéoles ménagées dans le parement, aucune fiche en fer et de fait, rien n’indiquant que ce mur soit un murus gallicus.
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Détail de la construction, les trous correspondent aux emplacements des poutres de bois aujourd’hui disparues (D. Lallemand / ARAFA).
La technique de construction employée reste très originale, et l’on ne peut s’empêcher de la comparer avec celle décrite par César. Si les bois longitudinaux et transversaux sont inexistants en apparence – tout comme les fiches en fer d’ailleurs –, il convient de signaler que le parement de pierres sèches et l’agrégat sont quant à eux bel et bien présents. Cette dualité (agrégat-parement) est effectivement l’une des composantes du murus gallicus.
Les vestiges d’Hérisson restent toutefois hors normes : la largeur de l’agrégat atteint 2 m, alors qu’elle mesure moins d’un mètre dans le classique murus gallicus ; quant-au parement constitué de blocs taillés monumentaux, les références en Europe tempérée celtique sont quasiment inexistantes. En effet, les parements des murus gallicus sont le plus souvent construits avec de petits moellons informes (Bibracte, etc.).
La découverte de fragments de fiches en fer, la mise en évidence de vides entre certains blocs, des traces de poutrages et de traces ligneuses nous ont conduit à soupçonner l’existence d’un mur gaulois de type « murus gallicus ». Ce type d’ouvrage est décrit par César lors du siège de l’oppidum d’Avaricum par les légions romaines en 52 av. J.-C.
Après un nettoyage soigné de la surface décapée, l’intervention a consisté au dégagement de vestiges archéologiques enfouis sous un amoncellement de grosses pierres. Sous ce puissant éboulis (à gauche), ont été mis au jour les restes d’un mur construit avec des blocs taillés et un dallage monumental.
VI – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Synthèse par campagne
Campagne 2005
Campagne 2006
Campagne 2007
Campagne 2008
Campagne 2009
La campagne 2009 « Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. » a permis de préciser la topographie du site et des fortifications grâce à la mise en œuvre d’une technique de prospection innovante par balayage laser aéroporté (technique Lidar), tandis que la prospection géophysique extensive a permis de mettre en évidence les traces de constructions très denses sur plus de 3 ha (réseau de voies dallées, îlots d’habitations, sanctuaire). Le volet le plus important de la recherche a néanmoins consisté à entreprendre la fouille intégrale de la principale porte de cette vaste fortification.
Soixante étudiants de différentes universités ont été accueillis sur les fouilles cet été. Après trois campagnes de travail méticuleux qui ont mobilisé chaque année plusieurs dizaines d’étudiants, et le déplacement de centaines de m³ de matériaux, la porte d’entrée de la ville révèle enfin sa physionomie, mais aussi toute son histoire.
Ces résultats parachèvent un programme d’étude débuté en 2001, avec des sondages (2002) et des fouilles de grande ampleur poursuivies ces dernières années (2003, 2005, 2007-2009), ceci grâce au soutien financier de l’État, du Conseil régional d’Auvergne, du Conseil général de l’Allier et de la commune d’Hérisson. Les découvertes sont à la hauteur des dimensions de la forteresse et de sa réputation grandissante chez les spécialistes. Cette porte donnant accès à la ville – passage obligé des chariots, marchands, cavaliers et autres troupes militaires – dispose d’une architecture très originale, à mille lieues de celle que les Romains ont apportée d’Italie il y a 2 000 ans et dont nous suivons encore les règles.
Les remparts gaulois mis au jour à Hérisson associent en effet plusieurs matériaux différents. L’ossature de ces remparts consiste en un assemblage de grandes pièces de bois horizontales entrecroisées (aujourd’hui disparues) assemblées par de grands clous en fer.
La façade des murs est habillée de grands blocs de grès soigneusement taillés, au sein desquels des vides signalent l’extrémité des « tirants » de bois. Cette architecture typique des oppida gaulois avait surpris César lui-même, qui s’était attardé à la décrire sous le nom de murus gallicus, en ajoutant même une appréciation d’ordre esthétique : ce genre de rempart, « n’est pas désagréable à l’œil ». Les découvertes de Hérisson nous révèlent cette architecture qui avait impressionné le général romain. À l’échelle européenne, les vestiges de cette qualité sur des oppida, avec l’emploi de pierres soigneusement taillées, se comptent sur les doigts d’une main ; mais tous sont d’une conservation bien en deçà de Hérisson.
En 2009 a plus précisément été mis au jour un bastion de 4,5 m de largeur de façade pour 8 m de longueur, entièrement construit avec cette technique purement gauloise. Cet ouvrage limite au sud le large couloir d’accès à la porte. Préservé jusqu’à 2 m de hauteur ce qui constitue un fait unique en Europe, son intérêt réside dans son degré de préservation et la qualité de son bâti. Il associe plusieurs techniques de construction et des dispositifs qui n’ont encore jamais été observés sur d’autres fortifications celtiques. L’utilisation de blocs taillés dans le grès rouge local rehausse le caractère ostentatoire du monument.
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Traces d’incendie (D. Lallemand / ARAFA).
Le couloir d’entrée, large de 7 m, a encore conservé la surface de roulement d’origine, marquée des profondes ornières laissées par le passage répété des chariots. En outre, l’entrée porte les stigmates d’un incendie, sous forme de vestiges de bois carbonisés et de traces de feu sur le sol et les pierres. Les dizaines de clous et diverses traces retrouvées au cours des fouilles appartiennent sans doute aux ventaux de la porte massive qui fermait le couloir. Les empreintes de grands poteaux de bois conservées dans le sol suggèrent également l’existence d’une construction surélevée – un grand porche – qui permettait le contrôle de la circulation.
Il y a de fortes chances que l’incendie qui a ravagé cette porte monumentale soit lié à l’un des épisodes célèbres contés dans les Commentaires sur la Guerre des Gaules de Jules César. Le général romain écrit que vingt villes du peuple gaulois des Bituriges sont incendiées au printemps 52 sur les ordres de Vercingétorix, afin de priver les légions de ravitaillement, alors qu’elles se dirigent vers Avaricum (Bourges). Parmi les vingt villes bituriges à témoigner de ce sacrifice, l’oppidum de Hérisson serait le premier à être reconnu par l’archéologie.
Rares sont les sites qui ont livré des vestiges en rapport direct avec les événements militaires de la guerre des Gaules. On peut seulement citer Gergovia à La Roche Blanche près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Alésia à Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or) et Uxellodunum au Puy-d’Issolud (Lot). Hérisson pourrait bien rejoindre cette liste remarquable de sites historiques reconnus d’intérêt national (deux sont classés Monuments Historiques).
Type de projet : fouille programmée (« Bègues (03) – Oppidum de Bègues »)
Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne
Date : 2010-2011
Responsable : Patrick Pion
Notice et documents : Patrick Pion
I – Présentation
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Localisation de l’Oppidum de Bègues (P. Pion / ARAFA).
Le site des Charmes (commune de Bègues, arrondissement de Gannat, Allier) est un éperon barré implanté à l’extrémité d’un promontoire rocheux constitué par un affleurement cristallophyllien de gneiss à mica du socle antécambrien.
Ce promontoire, qui culmine à 426 m NGF, présente un sommet tabulaire formant une plate-forme rectangulaire légèrement inclinée vers le nord, d’une superficie d’environ 6 ha.
Il est ceint sur ses côtés nord-est et nord-ouest par un méandre de la Sioule qu’il surplombe par des pentes raides d’environ 130 m, sur son côté sud-ouest par la vallée encaissée d’un petit affluent. Un large ensellement relie son côté sud-est au plateau calcaire oligocène en bordure duquel est établi le village actuel (456 m NGF), qui se superpose à un oppidum laténien et à une agglomération secondaire gallo-romain.
II – Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Résultats préliminaires
Relevé micro-topographique
La campagne 2010 « Bègues (03) – Oppidum de Bègues » a été consacrée intégralement au relevé micro-topographique de la plate-forme supérieure de l’éperon.
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Micro-topographie de la plate-forme et localisation des fouilles et sondages (P. Pion / ARAFA).
Ce travail poursuivait deux objectifs :
disposer d’un document planimétrique fiable qui permette de localiser précisément les découvertes anciennes et les travaux plus récents (document réclamé par la CIRA, et dont l’absence à ce jour était provisoirement palliée par la carte IGN 1/25 000 et le cadastre, totalement insuffisants à cet égard)
obtenir une vision cohérente de l’organisation générale du site en analysant le modelé détaillé de la plate-forme.
Le travail de relevé, que l’on ne pouvait réaliser par la technique Lidar en raison du couvert végétal, a été effectué manuellement au sol. Il a consisté à prendre les coordonnées de plusieurs milliers points répartis sur l’ensemble des 4,8 ha de la plate-forme. Ces mesures, pour lesquelles nous avons recourus aux services de la société Véodis (université de Clermont-Ferrand), ont été réalisées en 4 campagnes dont la dernière en décembre 2010.
Résultat
L’analyse préliminaire du rendu – un modèle numérique de terrain ou MNT – révèle l’existence de nombreux reliefs artificiels géométriquement organisés qui quadrillent la plate-forme. Leur étude détaillée est en cours, mais on peut d’ores et déjà assurer qu’ils sont antérieurs au cadastre napoléonien, car la mémoire n’en est que partiellement conservée dans la structure parcellaire de ce dernier.
Ces reliefs témoignent de l’aménagement ancien de l’ensemble de la surface de l’éperon en deux grands ensembles :
une partie haute (« acropole ») à l’ouest, constituée de 2 éminences accolées de plan rectangulaire (« plate-formes ») installées sur le point culminant (426 m), entourées de terrasses nivelées
une partie basse, de pente faible orientée à l’est, sur un replat de laquelle est installé l’enclos hallstattien sondé en 2008-2009 ; cette partie basse comporte notamment un vaste espace trapézoïdal ouvert à l’est, faisant figure d’ « avant-cour », bordé au sud par les puissants pierriers dans lesquels Guillon a détecté le rempart.
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. En brun, les plates-formes et terrasses de la partie haute du site ; en jaune et vert, l’ « avant-cour » et le replat de l’enclos ; en bleu, l’amorce des pentes (P. Pion / ARAFA).
Le tracé supposé du rempart n’est détectable qu’au sud de la plate-forme, où le barrage de l’éperon est matérialisé sur environ 200 m par une rupture de pente abrupte, semble-t-il artificiellement retaillée dans le substrat (fig. 3). À l’est, cette arête vient mourir quelques mètres au-dessus du chemin ancien conduisant au gué de la Sioule, suggérant un retour de la fortification vers le nord où elle pourrait prendre appui sur l’affleurement naturel apparaissant en contrebas de l’enclos, ainsi qu’il a été pressenti lors de l’examen des clichés aériens anciens de l’IGN. Elle contrôlerait ainsi le passage obligé de ce chemin longeant le ravin ouest, au point où la bande disponible est la plus étroite.
À l’ouest, l’arête marquant l’emplacement du rempart est adoucie et moins nettement marquée, le secteur ayant eu probablement à souffrir de l’élargissement du chemin d’accès aux parcelles cultivées. Au centre, seul endroit où les vestiges du rempart semblent conservés, les deux puissants éboulis où furent implantées les fouilles Guillon et le segment de parement A étudié en 2009 forment une puissante masse trapézoïdale en retrait, qui suggère l’existence de bastions encadrant une entrée aménagée, voire précédant une seconde ligne intérieure de fortification. Cette hypothèse devra évidemment être vérifiée en fouille, mais il est clair que le segment de rempart observé en coupe par Guillon n’est pas dans l’alignement général de la rupture de pente artificielle marquant l’emplacement du rempart de barrage.
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Le rempart de barrage et le contrôle du chemin ancien menant du plateau au gué de la Sioule (« voie romaine ») (P. Pion / ARAFA).
Ces relevés n’ont en revanche pas permis de détecter clairement le tracé du rempart de contour qui devait enclore le site, côté Sioule notamment où, dominant la plaine, il est impensable qu’il n’ait pas existé et donné toute sa visibilité au site. Quelques reliefs dans l’angle Nord-Ouest de la plate-forme, en deçà du chemin et dans un secteur qui livre en prospection du mobilier hallstattien, pourraient en constituer un témoin. Il est vraisemblable qu’il a été oblitéré par le chemin de contour, ses matériaux ayant été basculés anciennement dans la pente, comme il est fréquent sur des sites de même nature. Ou qu’il fût implanté en léger contrebas de la plate-forme. Seul un relevé micro-topographique des pentes couplé à une prospection électromagnétique et à des sondages est susceptible d’en révéler la trace, comme celle – pressentie – d’aménagements annexes.
III – Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Perspectives
Le programme prévu pour « Oppidum de Bègues » 2011 est la poursuite et si possible (selon moyens financiers) l’achèvement du relevé pour avoir une idée claire des aménagements dans l’environnement de la plate-forme (pentes et ensellement joignant l’éperon à l’oppidum laténien sous le village), ainsi que des tests de prospection géophysique en divers points du site. Ces études achevées, on devrait être à même de lancer en 2012 le programme de fouilles proprement dit.
Situé à 6 km au sud de Clermont-Ferrand, le Plateau de Gergovie se présente sous la forme d’une table basaltique de 1500 m de long, 500 m de large. De ses 744 m de hauteur, il domine une grande partie du département du Puy de Dôme.
Pour profiter du panorama qu’offre ce belvédère naturel, il suffit d’emprunter le chemin qui longe la crête. Si votre regard se pose du côté nord-ouest, il suivra l’alignement des volcans de la Chaîne des Puys et découvrira à ses pieds la ville de Clermont Ferrand. Au sud-ouest, dans le lointain, ce sera le Massif du Sancy, puis au sud, la Limagne des buttes et le Val d’Allier. Enfin à l’est, il découvrira l’étendue de la Grande Limagne, plaine ponctuée de collines s’achevant à l’horizon par les Monts du Forez et du Livradois.
Parvenu à la Maison de Gergovie, vous pourrez découvrir sur grand écran le déroulement de la célèbre bataille de 52 av. J.-C. qui opposa Vercingétorix aux légions de César, et plus encore faire connaissance avec l’ensemble du site. Ainsi, la formation géologique du Plateau, ses richesses archéologiques, l’organisation de l’oppidum, et les résultats des différentes campagnes de fouilles qui y ont été menées vous deviendront familiers. Lorsqu’il retrace les différentes péripéties de la bataille de Gergovie (Gergovia ou Gergobia selon les manuscrits), César utilise très souvent le mot oppidum pour désigner le site : » ex oppida Gergovia, in Arvernos ad oppidum Gergoviam, e regione oppidum » etc… en tout une douzaine de fois. Mais, en deux occasions, il préfère écrire urbs (la ville) » perspecto urbis situ » et « ex omnibus urbis partibus orto clamore « .
Dominant la plaine de 400 m environ, le plateau de Gergovie se détache remarquablement dans le paysage de la Limagne. Avec ses pentes abruptes, il apparaît difficile d’accès, donc facile à défendre.
Le sommet plat occupe une surface de 70 hectares. Sur les bordures sud et ouest, les défenses naturelles ont été renforcées par un mur en pierres sèches enserrant un blocage de pierre, dominant un à pic taillé dans le basalte d’une hauteur de 3 m ; au pied de cette paroi existe une terrasse artificielle limitée extérieurement par un autre mur.
La richesse archéologique du plateau de Gergovie a été mise en évidence dès le XVIème siècle. Le site a été proposé dès cette époque comme le lieu de la bataille livrée par César. Étayent cette hypothèse, la toponymie (un lieu habité du nom de Gergoia est attesté depuis le Xème siècle sur le flanc sud-est de la montagne) et l’archéologie.
Le plateau a en effet connu une occupation dense, apparemment étendue à la quasi-totalité de sa surface. Les vestiges en ont été révélés par des fouilles effectuées dans les années 1930 et 1940. Elles ont mis en évidence un habitat d’apparence déjà romanisée (constructions maçonnées) et deux temples entourés d’un péribole commun, qui témoignent de sa fonction religieuse. Les abondantes collections d’objets livrées par les fouilles des années 1930 et 1940, montrent en effet que le site est densément occupé pendant une période assez brève, de 70-60 avant J.-C. jusqu’à l’approche du changement d’ère. Le rôle commercial est attesté par l’origine des monnaies trouvées sur le site, ainsi que par le nombre impressionnant de tessons de céramiques d’importation. Un quartier artisanal dégagé sur le rebord sud de la dépression centrale, mais aussi d’autres découvertes en différents points du site montrent que Gergovie était un lieu de production ; des artisans travaillaient le métal, fer, bronze, argent, mais aussi l’os et le bois de cervidé. L’abondance de certaines monnaies arvernes tardives suggère la présence d’un atelier monétaire sur le site, qui peut être considéré comme le centre politique régional à cette époque, avant que celui-ci soit transféré dans la ville nouvelle d’Augustonemetum.
Notre source principale d’information est le récit de César lui-même, connu sous le nom de De Bello Gallico (« Des guerres gauloises »). Le général romain décrit brièvement les événements, nous livrant au passage quelques indications – trop brèves – sur la topographie des lieux et les ouvrages qu’il fit construire. Jules César utilise le terme d’oppidum pour désigner le plus singulier type d’agglomération qu’il a découvert en Gaule chevelue au milieu du Ier siècle avant J.-C.
II – Gergovie, oppidum arverne
M. Garcia, Y. Deberge, T. Pertlwieser
L’identification de la Gergovie césarienne est ancienne. On doit à Gabriele Simeoni, érudit florentin du XVIème siècle et familier de l’évêque de Clermont, la localisation du site. Elle repose sur la présence du toponyme Girgia, attesté sur le flanc de la table basaltique au moins depuis le Xème siècle. Bien après Simeoni, on doit à Napoléon III, qui prépare alors son Histoire de Jules César, la première campagne de fouille systématique sur le site. Ainsi, en 1862, il charge le commandant Stoffel, qui œuvre également à Alésia et Uxellodunum, d’organiser la recherche des ouvrages du siège césarien.
La Roche Blanche (63) – Oppidum de Gergovie. Vue aérienne du site (Y. Deberge / ARAFA)
Plan des fouilles d’après Stoffel sur le petit camp
En s’appuyant sur la description faite par César de la topographie des lieux ainsi que celle des retranchements romains, le commandant Stoffel fait réaliser des tranchées destinées à recouper les lignes de fortification.
Ces travaux sont d’une ampleur sans précédent. Il s’agit d’une des plus grandes opérations d’archéologie réalisées à l’époque. La méthode est rodée et conduit à la découverte des retranchements romains. Le mobilier collecté (pointes de flèche, armatures de trait de catapulte, chausse-trappes) et la typologie des vestiges (identiques à ceux mis en évidence à Alésia) laissent peu de doute quant à la datation et l’identification des ouvrages découverts alors.
La confirmation apportée par les travaux du R. P. Gorce, réalisés soixante-dix ans plus tard, ne suffit toutefois pas à faire taire la polémique, déjà ancienne, concernant la localisation du site de Gergovie.
Les recherches conduites au milieu des années 1990, par V. Guichard, apportent une validation supplémentaire des observations faites par les fouilleurs du XIXème siècle.
La découverte d’armement typiquement romain contemporain de la conquête (traits de scorpio, boulets) permet de confirmer l’identification des ouvrages dégagés aux retranchements césariens. La localisation de l’oppidum de Gergovie ne fait aujourd’hui plus débat parmi les spécialistes.
La Roche Blanche (63) – Oppidum de Gergovie. Tracé du fossé césarien sur le petit camp (V. Guichard / ARAFA)
Traits de scorpio découverts dans le fossé du petit camp (V. Guichard / ARAFA)
Boulets (V. Guichard / ARAFA)
III – La Roche Blanche (63) – Oppidum de Gergovie. Les premières Recherches
Bref Historique (T. Pertlwieser)
Au XVIIIe siècle ont eu lieu les premières fouilles : elles se sont poursuivies tout au long du XIXe siècle. Nous ne possédons que des récits lacunaires de l’ensemble de ces découvertes.
Vers 1756, une tranchée est réalisée au milieu du plateau. Une fouille au Sud-Est du plateau a mis au jour un édifice rectangulaire orienté Est-Ouest renfermant une pièce carrée au sol en mortier de tuileau. Il est également fait mention de caves taillées dans le roc et d’un puits.
En 1765, une mosaïque blanche et noire est découverte.
En 1834, le conservateur du musée de Clermont entreprend de nouvelles recherches dont nous ne possédons aucune trace.
Dans les années 1850, plusieurs découvertes fortuites sont mentionnées comme des forges et divers outils ou encore des blocs de pierre taillée en grès.
Vers 1861, plusieurs sondages sont entrepris :
-Des murs faisant partie de l’entrée de l’oppidum sont dégagés (Porte Ouest) ; -Deux gros murs parallèles et distants de 4 mètres sont mis au jour (quartier artisanal) ; -Une partie de la villa Aucler est dégagée (pas loin du temple) ; -Les murs d’un bâtiment rectangulaire se dessinent (partie sud du plateau) ; -Des maçonneries sont localisées dans les parcelles (centre du plateau).
Vers 1890, trois amphores sont découvertes (près du quartier des artisans).
Vers 1930, en recherchant le rempart côté Nord, des fondations maçonnées sont dégagées.
De 1932 à 1937, se sont déroulés des travaux réalisés par O. Brogan et E. Desforges.
Les fouilles conduites dans les années 1930. Les documents montrent à la fois l’ampleur des travaux et le peu de méthode avec laquelle ils ont été réalisés (fouille Brogan et Desforges)
En 1932, 1933 est réalisé une tranchée de 10 m de long (vers le centre du plateau)
En 1934, la villa Aucler est plus largement fouillée.
Fernand Chirent en 1934
En 1934-1935, fouille dans la partie Sud-Est du rempart. Une tranchée, dans l’axe Nord-Sud, de plusieurs dizaines de mètres de longueur coupe le rempart et la terrasse en contrebas.
Les deux temples à périboles sont fouillés en 1935 et 1937.
En 1941 les fouilles reprennent sous la direction des enseignants et des étudiants de l’université de Strasbourg.
De 1945 à 1949 Michel Labrousse, chargé d’enseignement à l’université de Toulouse, prend le relais et publie des comptes-rendus réguliers dans Gallia.
En 1941, 1942, Jean Lassus et Jean-Jacques Hatt réexaminent le rempart Sud-Est, notamment la partie à l’Ouest de la section détruite par les cantonniers probablement vers 1922 lors de la réfection de la route.
De 1942 à 1944 : fouille des ateliers métallurgiques le long du chemin du village de Gergovie et ouverture d’un sondage (quartiers des artisans).
De 1944 à 1946, Michel Labrousse fouille au centre du site. C’est en 1947 que ce dernier tente de retrouver une stratigraphie de l’occupation.
De 1947 à 1949, M. Labrousse reprend l’étude du quartier des artisans.
En 1974, deux sondages sont réalisés sur le flanc Nord du plateau, dont nous n’avons pas les résultats.
En 1982 et 1985 des fouilles de sauvetages sur une superficie de 125 m2 sont effectuées dans la partie centrale du plateau. Six fosses antiques ont été mises au jour ainsi qu’une fosse d’épierrage moderne.
En 1991, Jean Michel Sauget reprend l’étude des deux temples dégagés partiellement. Des fragments de statuette d’une déesse en pierre sont mis au jour.
De 2001 à 2004 les fouilles se concentraient sur la partie sud-est des fortifications.
En 2002 une fouille d’évaluation archéologique menée par l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) est effectuée à l’est du plateau, à proximité de la Maison de Gergovie. Les vestiges d’un petit bâtiment, un lambeau de sol, un fossé et deux fosses datant du dernier quart du premier siècle avant notre ère sont découverts. A partir de l’an 2001 des nouvelles recherches sur la question des fortifications de l’oppidum sont installées à la demande du SRA Auvergne. La maîtrise d’ouvrage des travaux est déléguée à l’Association pour la Recherche sur l’Age du Fer en Auvergne (ARAFA) sous la responsabilité scientifique du Thomas Pertlwieser.
A partir 2004 la reprise de recherches sur la Porte Ouest est entreprise, en 2005 un sondage à la bordure sud fut installé.
La Roche Blanche (63) – Oppidum de Gergovie. Découvertes anciennes
M. Garcia, Y. Deberge, T. Pertlwieser
Le plateau lui-même a fait l’objet très tôt (les premières archives datent de 1756) de nombreuses investigations archéologiques. Elles sont malheureusement très variablement documentées et il n’est pas toujours possible de savoir précisément ce qui a été découvert lors de ces travaux. Les premières recherches méthodiques sont entreprises en 1861, sous la direction de l’agent voyer Aucler, en vue de la visite de l’empereur sur le site. Ces travaux, repris et complétés dans les années 1930 à 1950 par des universitaires (Brogan, Desforges, Lassus, Hatt, Labrousse), permettent à la fois de dégager des segments de la fortification et de fouiller quelques zones à l’intérieur du site.
Ces documents montrent l’ampleur des travaux et le peu de méthode avec laquelle ils ont été réalisés (fouille Brogan et Desforges).
Un secteur artisanal, une villa, un autre secteur à occupation domestique ainsi que le sanctuaire sont reconnus. Les résultats sont importants et le mobilier collecté très abondant. La conclusion formulée alors est que l’occupation du site, à l’architecture très romanisée, doit dater principalement de la période augustéenne, les vestiges contemporains de l’épisode de la guerre des Gaules étant très discrets. Toutefois, la méthode employée à l’époque est certainement pour partie responsable de la datation tardive assignée à l’occupation du plateau. L’analyse des documents laissés par les fouilleurs montre qu’ils ne sont que très rarement allés au-delà des structures maçonnées les plus récentes. Les travaux et découvertes réalisés aujourd’hui attestent, comme le suggère l’analyse des mobiliers provenant des collections anciennes encore accessibles, que le site est bien occupé dès les années 50 av. J.-C.
Les fouilles conduites dans les années 1930. Les documents montrent à la fois l’ampleur des travaux et le peu de méthode avec laquelle ils ont été réalisés (fouille Brogan et Desforges)
Plan des fouilles conduites dans les années 1930
IV – La Roche Blanche (63) – Oppidum de Gergovie. Nouvelle étude de la fortification
Fibule à timbale du premier âge du Fer (L. Andrieu / ARAFA)
L’année 2001 a vu la reprise de l’étude des fortifications de l’oppidum. Placé sous la direction de T. Pertlwieser (ARAFA), ce programme, qui couple un relevé topographique de l’ensemble à des fouilles ponctuelles, a débuté par le réexamen des secteurs dégagés dans les années 1930. Il permet de proposer une histoire renouvelée pour cet ouvrage défensif assez mal documenté par les recherches anciennes. Sur le secteur sud-est, l’une des constructions les plus anciennes associe un poutrage de bois, avec des éléments verticaux en façade, à un blocage de pierres, type de construction connu ailleurs en Gaule (probablement un rempart de type Kelheim).
Le mobilier collecté dans la rampe, notamment une fibule à timbales de la fin du premier âge du Fer (Hallstatt D3), indique qu’il s’agit d’une construction ancienne.
Le rempart du premier âge du Fer ou évolution de la fortification du premier âge du Fer à La Tène (L. Andrieu / ARAFA)
On doit probablement à ce premier ouvrage le creusement de la table basaltique qui a permis le dégagement d’un escarpement vertical quasiment infranchissable d’environ 6 m de haut. L’ouvrage le plus récent, qui est aussi le mieux préservé, correspond à un large mur en pierres sèches (2 m en moyenne), installé en bordure extrême du plateau au sommet de la rampe formée par les premiers états de la fortification. Cette construction, originale en Gaule interne, associe deux solides parements à un blocage de pierres. A la différence du murus gallicus décrit par César et attesté par l’archéologie, cet ouvrage ne contient aucune ossature de bois. Ce rempart a fait l’objet de plusieurs réfections. L’une d’elles a consisté en l’installation d’une rampe en terre marquée à intervalles réguliers par des contreforts massifs en pierres sèches. L’abondant mobilier céramique collecté dans les couches d’utilisation et d’abandon, ainsi que sur la terrasse située au pied du rempart, permet de dater l’utilisation de cet ouvrage entre le milieu et la fin du Ier siècle av. J.-C.
À partir de 2005, les investigations ont porté sur le secteur de « La Porte Ouest », déjà partiellement dégagé au cours des années 1860 et 1930. Sur ce secteur, nettement mieux préservé, les dégagements ont été plus étendus.
Les résultats sont inattendus et témoignent de l’histoire complexe de la fortification.
À cet emplacement, aucun ouvrage antérieur au IIème âge du Fer n’a été encore reconnu. La construction la plus ancienne semble être le large mur en pierres sèches déjà reconnu pour la partie sud-est de la fortification. Ponctuellement conservé sur 2 m de hauteur, il est réalisé à l’aide de blocs à l’aspect émoussé probablement collectés en surface. Juste en arrière du mur, parfois tout contre la base du parement, de vastes carrières ont été ouvertes pour sortir des blocs de basalte de grande dimension. Certains d’entre eux ont été retrouvés bruts d’extraction au fond de l’excavation. Comme en témoignent le module et l’aspect de fraîcheur de certains blocs visibles dans le rempart, l’ouverture de ces carrières a été nécessitée par un réaménagement de la fortification.
Comblées très rapidement (au moment même de l’extraction), elles ont été réutilisées pour accueillir des dépôts à caractère religieux (ensevelissements de chien et mouton) et funéraire (présence d’une inhumation), ainsi que des rejets domestiques et artisanaux. Ces derniers témoignent de la proximité d’un secteur d’habitat, ce que les travaux des deux dernières années ont permis de confirmer.
La Roche Blanche (63) – Oppidum de Gergovie. Plan du secteur de la porte ouest (T. Pertlwieser / ARAFA)
À l’emplacement d’un accès ancien à l’oppidum, un puits, une citerne, des restes d’un ou de plusieurs bâtiments, des niveaux de sol ainsi que des vestiges mobiliers abondant attestent, en effet, d’une occupation domestique et artisanale (métallurgie du fer) du secteur. La campagne de l’année 2007 a également été marquée par une découverte inhabituelle. Une pointe de trait de scorpio a été retrouvée, fichée dans une couche archéologique (angle de 70° par rapport à l’horizontale, pointe butée contre un niveau de sol empierré sous-jacent), dans une position strictement identique à celle des pointes de trait retrouvées sur le site de la fontaine de Loulié, lieu intensément bombardé lors du siège d’Uxellodunum. Cet objet, qui s’intègre parfaitement dans la série de ceux retrouvés sur les sites de la guerre des Gaules, pourrait signaler une position bombardée, au moment du siège, par l’artillerie romaine. A la période augustéenne, ce secteur du site est toujours investi et c’est probablement à cette époque que l’ancien accès à l’oppidum est réaménagé. Une porte maçonnée à la chaux est installée ainsi que différentes constructions annexes qui reprennent strictement le tracé de la fortification plus ancienne.
Secteur de fouille de la porte ouest (Y. Deberge / ARAFA)
Secteur de fouille de la porte ouest (Y. Deberge / ARAFA)
Le rempart laténien au sud-est du plateau (T. Pertlwieser / ARAFA)
Le rempart laténien au sud-est du plateau (T. Pertlwieser / ARAFA)
Le rempart du Ier siècle av. J.-C. (L. Andrieu / ARAFA)
Rempart laténien au sud-ouest du plateau (T. Pertlwieser / ARAFA)
Carrière d’extraction de basalte à l’aplomb du rempart (T. Pertlwieser / ARAFA)
Blocs bruts de taille au fond de la carrière (T. Pertlwieser / ARAFA)
Sépulture à inhumation de la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. installée dans le comblement de la carrière (T. Pertlwieser / ARAFA)
Occupation domestique et artisanale aux abords de la porte (T. Pertlwieser / ARAFA)
CICIIDV.BRI / EPAD retrouvé sur le rempart sud-est (type abondamment représenté à Alésia et Gondole)
V – La Roche Blanche (63) – Oppidum de Gergovie. Sous le sanctuaire romain, un sanctuaire gaulois ?
Échantillon du mobilier issu de la favissa (M. Garcia / ARAFA)
Les connaissances de ce secteur du site reposent sur les investigations effectuées par les équipes franco-britanniques entre 1935 et 1937, les campagnes inachevées des années 1990 dans les temples et sur la dernière campagne depuis 2006 (M. Garcia, ARAFA, Université Lyon II et S. Oesterlé, ARAFA) dans les temples et le péribole.
A l’époque romaine, le sanctuaire se compose de deux fana délimités par un péribole formant une galerie couverte, de 50 x 50 m environ. Dans le fanum nord, la cella comporte un sol en opus signinum et est entourée d’une galerie en colonnade. Dans le fanum sud, une colonnade plus restreinte, reposant directement sur le sol matérialisé par un dallage en basalte, encercle la cella. Les sols des galeries, de la cella du fanum sud ainsi que de la branche est du péribole, sont en terrazzo.
Une entrée du sanctuaire est située à l’ouest, le long de la voie antique. Une colonnade ainsi qu’un dallage forment un portique amenant à l’entrée couverte. Le dallage se poursuit ensuite en direction des deux temples. A l’est, (fouilles 2007), un porche monumental (daté du début du IIe siècle), de plus de 5 m de large comportant des enduits peints et un sol construit en terrazzo, permet d’accéder à la cour, en face des temples.
Plusieurs fosses à caractère votif ont été mises au jour, notamment le long du dallage ouest menant aux temples, et dans la cella du fanum sud. Une grande favissa située dans l’angle nord-est du péribole a livré un mobilier très abondant (céramique, bronze, faune, antéfixe, verre).
Entre les temples, sous les murs maçonnés, une grande fosse (ou un fossé ?) a été partiellement dégagée. Il s’agit d’une structure de taille importante, dont le fond se situe à 2,6 m sous le dallage romain, comprenant de la céramique, des amphores ainsi que de la faune (chien, mouton, cochon, bœuf) typiques des rituels gaulois tels qu’ils sont apparus sur le sanctuaire proche de Corent. Les premiers niveaux de comblement de cette structure sont datés de LTD2a, mais sa phase maximale de fonctionnement se place après la Conquête. Le sanctuaire semble s’installer juste avant la conquête et est fortement remanié à l’époque augustéenne, quand les temples ainsi que le péribole sont mis en place. A la fin du Ier siècle ou au début du IIe siècle, il est monumentalisé et est abandonné au IIIe siècle.
Après 50 ans d’interruption, la reprise des fouilles renouvelle considérablement la connaissance du site de « La Roche Blanche (63) – Oppidum de Gergovie. « . Cette recherche, qui est amenée à se poursuivre, devra concerner la zone interne du site. Cet espace est potentiellement le plus à même de fournir des éléments de réponse quant à l’origine de l’occupation laténienne, sujet qui fait actuellement débat au sein de la communauté des archéologues.
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
Type de projet : fouille programmée (« Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille »)
Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne
Date : 2010-2012
Responsable de l’opération : Jérôme Besson
Notice et documents : Jérôme Besson
I – Connaissance du site
II – Historique des recherches
II – Résultats des trois campagnes de fouilles 2010-2011-2012
I – Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Connaissance du site
Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Carte de localisation du site de Cantilia (Chantelle-la-Vieille) (J. Besson/ ARAFA).
Le site de Cantilia est localisé au lieu-dit Chantelle-la-Vieille, sur la commune de Monestier, au sud du département de l’Allier. L’agglomération antique semble s’étendre à proximité d’un affluent de la Sioule, la Bouble. Cette rivière prend sa source dans le Puy-de-Dôme, à l’ouest du massif des Colettes et contourne ce dernier suivant de profonds ravins. La rivière débouche dans une petite plaine au niveau du lieu-dit l’Hermitage sur la commune de Monestier. Ce bassin marque en quelque sorte la transition entre les Combrailles, les Limagnes bourbonnaises et le Bocage.
Deux sources anciennes mentionnent l’existence de l’agglomération de Chantelle-la-Vieille. En effet, une lettre de Sidoine Apollinaire adressée à Vectius, datée de 470-471, évoque l’église de Cantilia: « J’ai visité tout dernièrement l’église de Chantelle à la prière du sénateur Germanicus » (« Nuper rogatu Germanici spectabilis uiri Cantillensem ecclesiam inspexi » (Sidoine Apollinaire, Lettres, livre IV, XIII, Traduction A. Loyen).
La seconde référence à l’agglomération antique de Chantelle-la-Vieille provient de la Table de Peutinger. Cantilia est mentionnée comme un lieu situé sur le passage de la voie antique reliant Augustonemetum à Limonum (Clermont-Ferrand à Poitiers).
À en croire F. Pérot, Chantelle serait attestée sur une monnaie du IVème siècle sous la forme de CANTILIACO VICO (Pérot 1889b : 197). Mais J. Corrocher insiste sur « l’extrême prudence » qu’il convient d’avoir à l’égard de cette hypothèse (Corrocher 1986 : 46).
II – Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Historique des recherches
Historique des recherches
Les premières découvertes effectuées à Chantelle-la-Vieille sont connues par les écrits de l’Abbé Boudant (Boudant 1862). Cet érudit, passionné d’histoire et d’archéologie, occupait les fonctions de curé de la paroisse de Chantelle. Il est le premier à faire état de découvertes archéologiques dans les environs de Chantelle.
Les travaux les plus sérieux, s’appuyant sur des découvertes archéologiques concrètes, sont sans nul doute les recherches de H. Delaume (Delaume 1973 ; Delaume 1983 ; Delaume 1984). Après plus de dix ans de prospections, guidé par les agriculteurs locaux, il réussit à identifier l’emplacement de Cantilia près de l’actuel village de Chantelle-la-Vieille.
L. Fanaud est également l’un des premiers à apporter des preuves de l’existence de cette agglomération. Selon lui, « les innombrables vestiges gallo-romains, les restes de voies, découverts à Chantelle-la-Vieille, prouvent que cette bourgade était un nœud routier très important et qu’elle est bien la Cantilia » (Fanaud 1960 : 135).
Plus tard, alors que les travaux de H. Delaume, repris par D. Lallemand ont permis de cerner les limites de l’habitat groupé, et d’identifier une nécropole, l’analyse des collections de mobilier issues de Chantelle-la-Vieille révèle la présence d’habitats datés de La Tène D (Lallemand 2004 : 58). Situés sur un lieu stratégique, à proximité d’un des rares gués de la Bouble, les Bituriges donnaient probablement réponse aux Arvernes de l’oppidum de Bègues, à environ 13 km.
Les opérations archéologiques menées à Cantilia sont rares. La seule intervention récente est l’œuvre de D. Lallemand, qui effectue deux sondages exploratoires pour tenter d’appréhender les niveaux anciens de cette bourgade, en 2003. Ces opérations furent assez décevantes, puisque seul un sondage s’est révélé positif, avec un simple niveau d’épandage contenant du matériel céramique antique.
Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Extrait de la Table de Peutinger
Historique des recherches sur le site concerné par l’opération archéologique
Suite à des travaux liés à une prospection thématique menée en 2007 et 2008 sur les agglomérations secondaires antiques du département de l’Allier (Besson 2008), des vestiges ont été observés sur le site « 9, rue du Vieux Bourg », à Chantelle-la-Vieille sur la commune de Monestier.
Une visite sur le terrain avec H. Delaume nous a permis de remarquer la présence de vestiges, visibles dans un talus situé à l’arrière d’une maison d’habitation. Il semblerait qu’une partie de la terrasse de la Bouble ait été reculée pour la construction de cette maison. Ces travaux, qui doivent dater au minimum du début du siècle dernier, ont alors probablement détruit une partie du site. Par la suite, après le changement de propriétaire en 2003, le talus surplombant la face nord de la maison a été repoussé de quelques mètres pour assainir les murs nord-est de la maison. Le site a, là encore, subi quelques dommages.
Ainsi, différentes strates contenant du mobilier archéologique ont été observées. La découverte de ces vestiges – datés de l’époque antique – a engendré la naissance d’une problématique axée sur l’identification et la datation de ces structures.
Pour ce faire, une campagne de sondages a été menée durant 5 semaines lors de l’été 2009. Les résultats ont été au-dessus de toute attente avec la mise au jour de substructions gallo-romaines dans un état de conservation remarquable. Le mobilier collecté a également permis l’identification d’une phase d’occupation très longue s’étendant de la période augustéenne au haut Moyen Âge, soit sur une durée d’environ 800 ans.
Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Plan des vestiges découverts en 2009 dans le sondage 1 (J. Besson/ ARAFA).
III – Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Résultats des trois campagnes de fouilles 2010-2011-2012
Afin d’aborder dans les meilleures conditions ces différents vestiges, une opération de plus grande ampleur a alors vu le jour en 2010 et s’est poursuivie jusqu’en 2012, pour aboutir à plus de 5 mois cumulés de fouille.
Des niveaux tardo-antiques et alto-médiévaux (IIIème – VIIIème siècle ap. J.-C.)
Les premiers niveaux repérés appartiennent au haut Moyen Âge, dernière occupation préservée dans ce secteur. Il s’agit d’une vaste zone empierrée constituant un solide radier de galets et de fragments de tuiles. Des trous de poteaux ancrés dans ces couches témoignent de la présence d’un ou plusieurs bâtiments dont le plan reste indéterminé. Un foyer domestique et des fosses-cendriers suggèrent qu’il s’agit de structures d’habitat. Ces observations sont corroborées par l’abondance du mobilier céramique collecté dans ces niveaux. L’étude céramologique de ces restes a par ailleurs permis de dater ces vestiges des VIIe et VIIIe siècles de notre ère. Ainsi, avec un corpus de plus de 7000 fragments de poteries, le site de Cantilia constitue aujourd’hui un site de référence pour la période.
L’occupation du Haut-Empire (Ier-IIIème siècle ap. J.-C.)
Sous ces niveaux, apparaissent les premiers murs gallo-romains, parfois conservés sur plus de 1,50 m de hauteur. Dès le IIe siècle, ils ferment des espaces qui semblent relativement sommaires. Les murs sont construits sans réelle fondation, avec des roches locales et relativement peu de mortier de chaux. Leur exceptionnel état de conservation n’est pas tant dû à leur solidité, qu’au colmatage du secteur par d’épais niveaux de remblais déposés entre le IIIe et le VIe siècles de notre ère. Ces travaux de remblaiement traduisent une certaine reprise du secteur durant l’Antiquité tardive.
Ces espaces bâtis sont desservis dès le Haut-Empire par des petits axes de circulation. Ces venelles grossièrement empierrées sont par ailleurs entretenues durant plusieurs siècles, indiquant ainsi l’importance de la structuration de ce secteur de l’agglomération. La présence et la position particulière de ces ruelles, ainsi que le caractère peu soigné des constructions mises au jour, laissent présager que nous nous situons à l’arrière de bâtiments d’habitation, probablement disposés le long de la voie principale (approximativement sous la route actuelle). Cette hypothèse est confirmée par la découverte, au sud-ouest de la fouille, de l’angle d’une pièce dotée d’un sol en béton appartenant vraisemblablement à une habitation, aujourd’hui quasi entièrement détruite par les aménagements des derniers siècles. Un autre indice tend à suggérer la proximité d’habitations dans le secteur. Il s’agit de la découverte d’au moins deux tombes de nourrissons. A l’époque antique, ces inhumations revêtent un statut particulier et sont aménagées au plus près des foyers. A l’instar de Cantilia, il n’est alors pas rare de les retrouver contre les murs des maisons. L’une d’entre elles est particulièrement bien conservée. Sa fouille a permis de déceler que le nourrisson avait été inhumé au sein d’un petit coffre en bois clouté. Disposé le long d’un mur, ce modeste cercueil a ensuite été recouvert d’offrandes, dont seules les céramiques (trois vases) nous sont parvenues. Contemporaine de ces bâtiments, une cave a été dégagée. Mesurant une surface au sol de plus de 12 m², elle est conservée sur une profondeur de 1,60 m. Les parois étaient probablement cuvelées à l’aide de bois, comme en témoignent des clous fichés dans le substrat, ainsi que des éléments retrouvés carbonisés. En effet, de nombreux indices indiquent que le bâtiment qui surmontait la cave a subi un fort incendie. Sous l’effet des flammes, le plancher en bois qui soutenait un sol en béton (du rez-de-chaussée) a cédé et s’est effondré dans la cave. Au-dessus, ont été retrouvés de très nombreux fragments d’enduits peints brûlés, des restes de torchis des cloisons du bâtiment, ainsi que des éléments architecturaux en calcaire, complètement fragmentés sous l’effet de la chaleur. Si cette cave faisait probablement partie d’une demeure située au-devant de la zone fouillée, la salle qui la surmontait interpelle par son décorum.
Enfin, évoquons maintenant les vestiges les plus anciens mis au jour dans ce quartier gallo-romain. Il s’agit de trois fours aménagés avant que le secteur ne soit bâti. Malgré un bon état de conservation, le premier n’est pas daté. Ses dimensions réduites laissent suggérer qu’il s’agit d’un four de potier. Le second est très mal conservé – abîmé notamment par les murs construits postérieurement –, mais il peut être rattaché à une période s’étendant du second quart du Ier siècle au début du IIe siècle de notre ère. Ce dernier est installé contre un four déjà existant, qui constitue une des découvertes-phares du site de Cantilia.
Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Four de potier découvert lors de la campagne 2012 (S. Chabert/ ARAFA, 2012).
Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Vue de la pièce semi-excavée fouillée en 2012 (S. Chabert/ ARAFA, 2012).
Un dépôt funéraire atypique dans un four à chaux augustéen
Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Vue du four à chaux, en fin de fouille (S. Chabert/ ARAFA, 2012).
Il s’agit d’un four à chaux de grandes dimensions, mesurant 2,80 m de diamètre pour 1,80 m de profondeur. De forme circulaire, ses parois sont uniquement constituées d’argile cuite. Au nord, un alandier donne accès à un cratère en argile, où s’effectuait la combustion. Les dimensions du four, des blocs de calcaire brûlés et des résidus de chaux contre les parois, indiquent qu’il s’agit d’un four de chaufournier.
Il existe en outre de nombreuses similitudes entre cette structure et deux autres fours connus régionalement à Varennes-sur-Allier (Lallemand 2005) et Monteignet-sur-l’Andelot (Besson et alii 2018).
A l’instar de Varennes, le four de Cantilia est daté de la période augustéenne (0-20 ap. J.-C.), ce qui constitue un développement précoce de l’artisanat de la chaux dans nos régions. Il témoigne également d’une importante politique de construction au début du Ier siècle de notre ère dans l’agglomération, peut-être pour l’édification de bâtiments publics.
Enfin, si le four en lui-même constitue une découverte remarquable pour le site de Cantilia, nous soulignerons qu’il contient également un dépôt funéraire tout à fait exceptionnel. En effet, sous un épais niveau de dépotoir daté du milieu du Ier siècle de notre ère, a été dégagé un ensemble de restes osseux. Ces restes correspondent au dépôt d’un homme, d’une femme, d’une carcasse de cheval et de quatre chiens. Les individus sont soigneusement disposés contre les parois et au centre du four. Cette structuration du dépôt montre qu’il s’agit d’un acte volontaire.
Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Fouille des restes d’une carcasse d’équidé présente au fond du four (J. Besson/ ARAFA, 2011).
La femme, d’environ 60 ans, est inhumée sur le côté gauche. Elle est parée d’une perle en verre, et de deux fibules datées de l’époque augustéenne.
A côté d’elle, un chien est disposé contre la paroi sud.
Toujours le long de la paroi, une carcasse a été déposée. Il s’agit des restes d’un cheval mâle d’environ 13 ans, dont il manque les pattes, la mandibule et le postérieur.
A l’entrée du four, face à l’alandier, l’individu de sexe masculin est inhumé sur le côté gauche. Son bras droit présente une torsion volontaire, de sorte que sa main repose sur des fragments de céramique. Devant ses genoux, un crâne de chien a été retrouvé. Enfin, deux autres canidés sont disposés tête-bêche au centre du four.
Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Vue du premier individu fouillé en 2011, au sein du dépôt funéraire présent dans le four (J. Besson/ ARAFA, 2011).
Monestier (03) – Chantelle-la-Vieille. Vue du second individu, disposé contre la paroi du four (J. Debard/ARAFA, 2012)
Le dépôt est indubitablement organisé de telle façon qu’il suit la paroi circulaire du four.
Cette mise en scène témoigne de l’existence de rites funéraires complexes, qui trouvent pour partie écho sur des sites plus anciens de Gaule septentrionale. Si ce type de dépôt dans un four à chaux reste inédit, il n’est effectivement pas sans rappeler les inhumations de Wettolsheim (Ve-VIe siècle av. J.-C., Méniel 1988) et de Varennes-sur-Seine (La Tène ancienne, Méniel 2005), également associées à des chevaux et/ou des chiens. Nous noterons cependant l’important écart chronologique qui existe entre ces parallèles.
A Cantilia, comme le confirme le mobilier recueilli et une datation C14 obtenue sur un ossement, le four semble bien dater de la période augustéenne. Cette structure revêt donc deux singularités majeures, avec la précocité même du four à chaux – qui, avec Varennes-sur-Allier, en fait l’un des plus anciens de la région – et la pérennité de pratiques funéraires d’origine celtique.
Bibliographie
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Besson 2012 : Besson (J.), avec la collaboration de S. Chabert, J. Debard, A. Ducreux, S. Goudemez, A. Merlet, Monestier (03), Chantelle-la-Vieille, 9 rue du Vieux Bourg, Rapport de fouille archéologique programmée (campagne 2011), DRAC, SRA Auvergne, 2012, 1 volume.
Besson 2011 : Besson (J.), avec la collaboration de S. Chabert, M. Dacko, A. Ducreux, S. Goudemez, L. Pruneyrolles, A. Sérange et J. Viriot, Monestier (03), Chantelle-la-Vieille, 9 rue du Vieux Bourg, Rapport de fouille archéologique programmée (campagne 2010), DRAC, SRA Auvergne, 2011, 2 volumes.
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Besson 2008 : Besson (J.) – Les agglomérations secondaires à l’époque romaine dans le département de l’Allier, Rapport de prospection thématique, DRAC, SRA Auvergne, 2008, ill., 62 p. et fiches de site.
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Méniel 2005 : Méniel (P.) – La sépulture humaine et le dépôt d’animaux de Varennes-sur-Seine « Le Marais de Villeroy » (Seine-et-Marne). XXVIe Colloque AFEAF de Saint-Denis, Revue Archéologique du Centre de la France, 26e suppl., 2005, p. 181-191.
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Sidoine Apollinaire, Lettres, Tome II, Livre IV, XIII, Collection des Universités de France, Paris, Les Belles Lettres, 1970. Texte établi et traduit par A. Loyen.
Oppidum de Gergovie. Toponymie et historiographie. Article publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008 » aimablement autorisé à le reproduire
Auteurs : M. Rousset, A. Rousset , Y. Deberge
Régulièrement, la presse aime relancer le débat sur la localisation des sites d’Alésia de Gergovie ou de Bibracte : « science officielle » contre « gens du terrain » soucieux de donner tort à leur inventeur, Napoléon III. La polémique tient du combat d’arrière-garde : au XIXe siècle, tout érudit local se devait de prouver que « son » site collait le mieux au récit de la Guerre des Gaules. Du désir à la réalité, il y a un fossé. Ou plutôt… des fossés, relevés par les archéologues. Aux savantes interprétations, ces derniers opposent mille faits objectifs : plans, armes, pièces d’équipement et projectiles d’artillerie datés de l’époque césarienne, inscriptions… Inexplicables hors du contexte de la Guerre des Gaules, ces objets sont évidemment absents des autres sites. Ils sont pourtant de ceux qui font toute la différence entre le « possible » et le « plausible ».
Extrait du catalogue de l’exposition de Bibracte « sur les traces de César »
Il est couramment admis dans l’opinion publique et les médias, mais également parmi certains historiens et archéologues, que Merdogne est le toponyme initial du plateau de Gergovie, le changement ayant été opéré par Napoléon III. L’étude critique des archives conduit à conclure que:
l’expression « Plateau de Merdogne » a été inventée par Maurice Busset en 1933 et publiée alors dans la revue L’Illustration ;
avant cette date, cette appellation ne figure sur aucun document : aussi loin que la documentation nous a permis de remonter dans le temps, le plateau ne se voit jamais attribué un autre toponyme que celui de Gergovie, ou bien Gergovia, Gergoye, Girgouia.
La redécouverte des camps romains au pied du plateau en 1995-96 (fouilles V. Guichard, Y. Deberge) a mis un terme aux doutes sur la localisation du site de la bataille de 52 av. J.-C., du moins pour la communauté des archéologues, mais paradoxalement cela n’a pas eu pour conséquence logique de conclure sur la toponymie.
Gergovia est le nom de la forteresse gauloise que les légions romaines ont assiégée en 52 av. J.-C. selon Jules César : … César parvint à Gergovie en cinq jours [après avoir traversé l’Allier] ; ayant livré le jour de son arrivée un petit combat de cavalerie et ayant reconnu la place, qui était sur une montagne fort haute et d’accès partout difficile, il désespéra de l’enlever de force […]. De son côté, Vercingétorix avait campé près de la ville, sur la hauteur, et il avait disposé autour de lui les forces de chaque cité … (livre VII, chapitre XXXVI).
Hormis le sanctuaire fréquenté jusqu‘au IIIème siècle, le site est abandonné par ses habitants au début de notre ère au profit d’Augustonometum (actuel Clermont-Ferrand). Il devient alors un vaste espace de pacages que se partagent au Moyen Age le seigneur et les habitants de Merdogne, village situé sur le flanc sud du plateau, et les moines de Saint-André installés au domaine de Gergovia, sur la pente est du plateau.
Le toponyme Girgia est attesté sur un parchemin du Xème siècle, à l’emplacement du domaine de Gergovia (archives départementales du Puy-de-Dôme 3G armoire 18 sac A4).
Au Moyen Age, les procès constituent la source principale ’informations, l’utilisation des pacages étant à l’origine de nombreux conflits entre trois parties : le seigneur de Merdogne, les habitants du village et les moines de Saint-André. Ainsi, une transaction de 1539 traitant d’un différend entre le seigneur et les habitants de Merdogne qui « avaient introduit leurs bestiaux sur la montagne de Gergovia sans sa permission » (archives départementales du Puy-de-Dôme série L côte 928). La distinction toponymique entre le village et la montagne est ici sans ambiguïté. De plus, aucun texte connu ne relie explicitement le plateau au toponyme Merdogne. Les expressions parfois rencontrées telles que « les hauts de Merdogne » ou encore « les coteaux de Merdogne » désignent les terroirs jouxtant le haut du village.
Intellectuel et humaniste de la Renaissance originaire de Florence (Italie), Gabriel Siméoni est connu dans notre région par son ouvrage sur la Limagne publié en 1560, lequel comporte une carte situant Gergovie au sud de Clermont-Ferrand : « La montagne de Gergovia est de toutes parts comme le dit César et comme je l’ai plusieurs fois expérimenté à pied et à cheval… ». Il est probable que la présence du toponyme de Gergovia sur le flanc sud-est du plateau l’ait tout naturellement attiré vers ce secteur.
L’affiche annonçant le voyage de l’Empereur prévoit ainsi pour le 9 juillet au matin une « Excursion au plateau de Gergovia »
Au début du XIXème siècle, Napoléon Ier fait relever le parcellaire des propriétés de toutes les communes de France : c’est le premier plan dit cadastral. Sur celui de La Roche Blanche, réalisé en 1816, l’expression « montagne de Gergovia » désigne strictement la partie sommitale du plateau.
En 1862, à l’occasion d’un voyage à Clermont-Ferrand, Napoléon III se rend sur le plateau pour visiter les fouilles qu’il faisait réaliser.
En descendant vers La Roche Blanche, l’abbé Olivier, curé de Merdogne, l’interpelle et lui demande de changer le nom du village de Merdogne en Gergovia. M. Villot, propriétaire du domaine de Gergovia situé un peu plus bas, s’oppose à ce changement en invoquant les risques de confusion avec sa propriété. Après deux ans de discussions, on opte pour Gergovie au lieu de Gergovia.
Le changement est pris en compte par les registres d’état civil de la Commune de La Roche Blanche :
29 novembre 1864, naissance à Merdogne de Anne Palazi…
21 janvier 1865, naissance à Gergovie de Marie Finaire.
Le décret impérial du 11 janvier 1865 stipule dans son Art. 1er : « Le village de Merdogne, dépendant de la commune de La Roche Blanche, … portera à l’avenir le nom de Gergovie »
Ce n’est qu’au début des années 1930 que la confusion s’installe entre les deux toponymes avec la polémique que provoque Maurice Busset, professeur de dessin à Clermont-Ferrand, en annonçant avoir trouvé le vrai site de la bataille de Gergovie aux Côtes de Clermont. Dans l’article publié à l’époque dans la revue L’Illustration (n°4695, février 1933), il affuble du nom de Merdogne le site (dit officiel) de Gergovie, expliquant que ce dernier a usurpé son nom sur décision de Napoléon III.
Une vive polémique s’engage alors avec Pierre-François Fournier, Directeur des Archives départementales. L’Auvergne littéraire (n° 71, 1933), qui s’en fait l’écho, répond par un article fort documenté qui conclu en ces termes : « L’Auvergne littéraire est prête à publier impartialement la reproduction de toute carte ou document authentique révélant que le plateau de Gergovie a porté un autre nom. »
Bien que le défi n’ait jamais été relevé, à partir des années 1950, un autre professeur de dessin, Paul Eychart, médiatisera la thèse de Maurice Busset jusqu’à une période récente. La recherche locale sur le sujet en sera polluée à tel point que le toponyme de Merdogne, qui n’est jamais attesté sur aucun document ancien pour désigner le plateau lui-même, sera repris dans la Carte Archéologique de la Gaule du Puy-de-Dôme publiée en 1994.
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
Borne au sud-ouest du grand camp (P.Breuil / ARAFA)
C’est à Napoléon III, qui préparait alors son Histoire de Jules César, que l’on doit les premiers travaux de grande envergure pour tenter de localiser le lieu de la bataille de Gergovie. Informé par Marcelin Boudet (érudit local s’intéressant de près à la campagne de César en pays arverne ; sur le rôle de Boudet dans la préparation des campagnes de fouille de 1861 sur le plateau de Gergovie et de 1862 à ses abords, voir Boudet 1944 et dossier d’archive coté 3F161 aux archives départementales du Puy-de-Dôme) sur la localisation possible des fortifications, l’empereur, engagea par l’intermédiaire de son aide de camp le commandant Eugène Stoffel, des fouilles destinées à retrouver les traces du passage de l’armée romaine au pied de l’oppidum gaulois. En s’appuyant sur la description faite par César de la topographie des lieux ainsi que celle des retranchements romains, le commandant Stoffel, militaire de carrière rompu aux problèmes de castramétation, fit réaliser des tranchées destinées à recouper les lignes de fortification. Le commandant Stoffel, qui avait déjà œuvré sur le camp de Mauchamp à Berry-au-Bac (Aisne) en 1861, disposait de moyens financiers et humains importants. Les fouilles débutèrent après la visite de Napoléon III sur le site, le 9 juillet 1862, et s’achevèrent, semble-t-il, au mois de septembre de la même année. Une photographie conservée au musée des Antiquités nationales montre toutefois une tranchée ouverte sur la colline de la Roche Blanche alors que les arbres sont dépouillés de leurs feuilles : s’agit-il d’une tranchée restée ouverte pendant l’hiver 1862-1863 ?
Stoffel décrit dans une lettre à Rice Holmes la méthode employée (Rice Holmes 1899) : « Je plaçais les ouvriers, avec pelles et pioches, sur plusieurs files, dans une direction perpendiculaire à un des côtés supposés du camp, les ouvriers de chaque file à 20 ou 30 mètres les uns des autres. Chacun était chargé d’enlever la couche d’humus sur deux pieds de largeur (soit 0,60 m)… lorsqu’ils arrivaient sur le fossé… après avoir enlevé la terre végétale… ils ne trouvaient plus, comme précédemment, un sol vierge ; au contraire, ils rencontraient une terre meuble qui se détachait facilement, ce qui permettait de supposer qu’elle avait été autrefois remuée. Je faisais alors élargir la tranchée en lui donnant six pieds de largeur (soit environ 1,80 m)… afin que les ouvriers pussent travailler plus commodément ; et ils approfondissaient la tranchée jusqu’à ce qu’ils rencontrassent le sol naturel… si on y était réellement (sur le fossé), on distinguait sans peine sur les deux bords de la tranchée… le profil du fossé qui se détachait par la couleur de la terre mêlée sur la couleur de terre vierge qui l’encadrait. » Lorsqu’un sondage révélait effectivement la présence d’un fossé, d’autres tranchées étaient alors effectuées à quelques dizaines de mètres de part et d’autre de celui-ci dans le but de suivre son tracé. Plusieurs de ces sondages ont été retrouvés lors de nos recherches notamment sur le tracé du « petit camp » où l’on en a dégagé sept. Cette méthode, peu différente de celle que nous avons utilisé, permit, en deux mois de retrouver l’ensemble des fortifications mentionnées par César. Les fouilleurs localisèrent le « grand camp », un vaste quadrilatère, sur le plateau de la Serre d’Orcet et le « petit camp », de taille plus modeste sur la colline de La Roche Blanche à environ trois kilomètres à l’ouest du premier camp. Le « double fossé » décrit par César fut, semble-t-il, retrouvé de façon plus ponctuelle sur la ligne de crête reliant ces deux points hauts du relief.
Il ne nous reste que peu de documents pour apprécier l’ampleur réelle de ces recherches. Aucun compte rendu de fouille, relevés ou plans ne nous sont parvenus. Excepté les deux planches publiées dans l’ouvrage de Napoléon III et une autre planche inédite (et peu informative) conservée au musée des Antiquités nationales, l’ensemble de la documentation relative aux fouilles a disparu, probablement lors de l’incendie des Tuileries. Un compte rendu relate la venue de l’empereur au mois d’août 1862 pour vérifier l’état d’avancement des investigations. Il aurait été enthousiasmé par les résultats obtenus sur le « petit camp » où, selon les dires de Stoffel, les fossés « remplis d’une terre mélangée d’humus et de craie, présentaient des profils qui tranchaient sur la terre dont ils étaient entourés » et satisfait par les travaux entrepris sur le « grand camp », qui étaient cependant déjà rebouchés. Plusieurs témoins contemporains, dont certains, comme l’érudit Mathieu, farouchement opposé à l’identification de Gergovie au plateau de Merdogne, témoignèrent à l’époque de la réalité matérielle des vestiges découverts (Mathieu 1864). Les nombreuses bornes en basalte, qui furent alors implantées à l’emplacement des ouvrages dégagés, constituent encore aujourd’hui le principal indice permettant de guider les recherches.
Le problème de l’identification des lieux de la bataille de Gergovie fut considéré comme réglé. Le plan qui fut dressé à cette occasion constitue encore aujourd’hui la référence pour ce qui est de la description de l’ensemble du système défensif.
Déjà contestés à l’époque par certains, les résultats de ces recherches furent par tous remis en cause après la chute du régime et le discrédit qui en retomba sur le fouilleur de Gergovie et d’Alésia.
II – Les fouilles des camps de César. 1939
Le Révérend Père Gorce, professeur au Séminaire de Clermont-Ferrand, entreprit entre 1936 et 1939 de vérifier les travaux effectués par les fouilleurs du second Empire. Assisté de quelques séminaristes, il procéda à l’ouverture de 48 tranchées implantées perpendiculairement au tracé présumé du fossé en s’aidant du bornage mis en place par Stoffel. Ces travaux permirent rapidement de retrouver les vestiges attendus aux emplacements prévus.
Les recherches de Gorce confirmèrent l’exactitude des observations effectuées lors des fouilles antérieures. Cependant, en deux points du « grand camp », le tracé du fossé qu’il mit au jour différait nettement de celui issu des fouilles de 1862. Au milieu du flanc occidental du camp, Gorce retrouva l’interruption figurée sur le plan de Napoléon III mais il mit en évidence un système complexe de fossés participant, selon lui, au dispositif d’entrée. Pour ce qui est du flanc nord, il proposa un tracé beaucoup plus sinueux que celui mentionné par Stoffel. Les résultats obtenus sur le « double fossé » ne sont quant à eux absolument pas probants.
En dépit de quelques interprétations discutables, ces travaux prouvent, photos à l’appui, la matérialité des vestiges mentionnés par Stoffel. Ils sont cependant difficilement utilisables, les plans et relevés publiés dans son ouvrage César devant Gergovie (Gorce 1942) étant imprécis, parfois contradictoires, et les interprétations proposées parfois abusives. De plus, aucune place n’a été faite au mobilier découvert, que ce soit pour dater l’ouvrage ou pour essayer d’en déterminer la fonction précise.
III – Les fouilles des camps de César. Observations récentes
Le fossé de liaison de La Pialle. (J.Sauvage / ARAFA)
Des découvertes fortuites ont permis quelques observations.
Ainsi, en 1979, lors de la création de l’autoroute A 71, un fossé en forme de “V” fut observé (information orale J.-P. Daugas) à hauteur de la ligne de crête joignant la Serre d’Orcet à La Roche Blanche, à l’emplacement présumé du « double fossé ».
A la Serre d’Orcet, au Tourteix, une opération de sauvetage portant sur un habitat de l’âge du Bronze (Loison 1985) permit l’étude d’un tronçon de fossé rectiligne sur une longueur de 18 m environ. Ce fossé, attribué initialement à la protohistoire récente, présentait un profil régulier en forme de “V” et une largeur d’environ 0,50 m. Son tracé (orientation et localisation) correspond en fait très précisément celui du fossé déterminant le côté est du « grand camp » mis en évidence par les fouilles anciennes.
En 1994, c’est au pied de la colline de La Roche Blanche, au lotissement « Les Terrasses de La Pialle » qu’un fossé en “V”, large de 2,80 m et profond de 1,20 m, fut dégagé lors de la construction d’une maison individuelle. Ce fossé, dégagé sur environ 42 m, appartient vraisemblablement au dispositif de fortifications reliant les deux camps.
Mais c’est avec les fouilles récentes, que nos connaissances ont le plus évolué.
IV – Les fouilles des camps de César. Le grand camp
Le grand camp de César est situé sur le sommet et les pentes du plateau de la Serre d’Orcet. Quinze sondages ont été réalisés principalement aux angles nord-ouest et sud-ouest où subsistent les bornes implantées par Stoffel au XIXème siècle.
Reste du fossé au grand camp (V. Guichard / ARAFA)
A l’arrière on distingue une borne de Stoffel (V. Guichard / ARAFA)
L’angle nord-ouest
Les deux branches rectilignes d’un même fossé ont été observées, la première a été suivie sur 118 m vers l’est en remontant le plateau, l’autre a été perdu après 17 m. Les deux branches sont raccordées par un tronçon arrondi de 16 m de rayon. Ces fossés ont subi une forte érosion (en 60 ans depuis les observations de Gorse le fossé a été érodé de 0,20 m en moyenne).
L’angle sud-est
Le fossé a été retrouvé sur 29 m, il correspond exactement à celui proposé par Stoffel puis par Gorse.
V – Les fouilles des camps de César. La fortification intermédiaire
Quatre tranchées ont été réalisées en 1995 de part et d’autre de la ligne de crête qui relie les deux camps. Ces sondages ont permis de retrouver le fossé attendu mais de façon discontinue, l’érosion étant très importante.
VI -Les fouilles des camps de César. Le petit camp
Il est situé à 1,5 km au sud de l’oppidum sur une petite colline fortifiée naturellement sur ses flans sud et ouest. Il est délimité, au nord, par un fossé curviligne de 280m qui se poursuit ensuite vers le sud. Dix huit des vingt-deux sondages réalisés ont permis de retrouver le fossé recherché. On a pu le suivre ainsi sur une longueur de 250m.
L’étude du comblement des fossés défensifs, mais également la typologie des objets recueillis en fouille en 1995 et 1996 (amphores Dressel 1B et pièces d’armement typiquement romaines), ont permis d’en déterminer la datation (Ier siècle av. J.-C.), et d’en attester la fonction militaire romaine.
La trace du fossé découvert par la pelle mécanique (V. Guichard / ARAFA)
Le fossé après dégagement (V. Guichard / ARAFA)
On remarque que : – le fossé a été recouvert très rapidement (il n’y a pas d’érosion des parois) – le fossé a été rempli par le haut (position des pierres) – la terre du fond est plus noire que le substrat actuel (le talus était certainement recouvert d’herbe…)
Dégagement d’une amphore brisée contre un rocher de la paroi du fossé. Sa position indique qu’elle a été jetée depuis le haut c’est à dire de l’intérieur du camp (V. Guichard / ARAFA)
Amphore en place, type Dressel 1B, utilisée entre 80 et 30 av. J.-C. (V. Guichard / ARAFA)
Après remontage (les romains sabraient les amphores à la base du col pour les ouvrir) (V. Guichard / ARAFA)
Suite à des travaux de terrassement le fossé a encore été retrouvé à plusieurs endroits entre le petit camp et le grand camp.
Le petit camp est situé à 1,5 km au sud de l’oppidum sur une petite colline fortifiée naturellement sur ses flancs sud et ouest. Il est délimité, au nord, par un fossé curviligne de 280 m qui se poursuit ensuite vers le sud. Dix-huit des vingt-deux sondages réalisés ont permis de retrouver le fossé recherché. On a pu le suivre ainsi sur une longueur de 250 m. L’étude du comblement des fossés défensifs, mais également la typologie des objets recueillis en fouille en 1995 et 1996 (amphores Dressel 1B et pièces d’armement typiquement romaines), ont permis d’en déterminer la datation (Ier siècle av. J.-C.), et d’en attester la fonction militaire romaine.
Pointes de projectiles de catapulte trouvées collées contre la paroi du fossé, après restauration (A. Maillier / Bibracte)
Trois boulets trouvés dans le remplissage du fossé (deux sont en granite, l’autre en basalte) (V. Guichard / ARAFA)
Echelle des boulets (V. Guichard / ARAFA)
Le fossé, le talus et la palissade de bois tels qu’on peut l’imaginer en 52 avant J.C (L. Andrieu / ARAFA)
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
Type de projet : fouille programmée (« Gergovie – 2001 – Fouille du rempart »)
Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne
Responsable de l’opération : Thomas Pertelwieser, assisté de Iris Ott
Notice et documents : Thomas Pertelwieser
Le programme « Gergovie – 2001 – Fouille du rempart » a consisté à dégager une ancienne tranchée de sondage fouillée entre 1933 et 1935 par le comité Pro Gergovia (1932-1937, fouilles du comité Pro Gergovia dirigées par Emile Desforges et Mme Brogan)
La terrasse située en contrebas du rempart a été creusée au plus tard à la fin de l’âge du Bronze.
Juillet 2001, avant travaux (T.Pertelwieser / ARAFA)
Septembre, le dégagement est terminé (T.Pertelwieser / ARAFA)
En coupe les éboulis (T.Pertelwieser / ARAFA)
L’à-pic basaltique taillé lors de la construction de la terrasse a été comblé par les éboulis du rempart.
Mur sur l’arête de l’extrémité sud de la terrasse (T.Pertelwieser / ARAFA)
Coupe de la butte (T.Pertelwieser / ARAFA)
Quatre états successifs de construction du rempart ont été mis au jour :
les deux premiers datés de l’Âge du Bronze (sans plus de précision).
les deux derniers de la fin de l’âge du Fer (période de La Tène), en l’occurrence du Ie siècle avant J.-C. (là aussi, sans plus de précisions). Ils correspondent aux parties de murs visibles de la route.
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
C’est la première (« Gergovie – 2002 – Fouille du rempart ») d’une série de trois opérations de fouille programmée sur les fortifications de l’oppidum. L’objectif cette année était de fouiller une partie de rempart qui ne l’avait jamais été jusqu’ici.
Reprise et fin de la coupe Est dégagée en 2001 (T.Pertelwieser / ARAFA)
Après enlèvement de la couche végétale et des basaltes dispersés au dessus du mur (T.Pertelwieser / ARAFA)
Découverte du parement externe, conservé sur une seule assise (T.Pertelwieser / ARAFA)
Après l’évacuation des couches de remplissage, le rempart apparaît maintenant très nettement. Sa largeur à la base est d’environ 2 m.
L’intérieur est fait d’un blocage compact de pierres de taille variable (5 – 20 cm) mélangées avec très peu de terre.
La couche noire organique (à gauche) est un sol de circulation il contient du mobilier daté du Ier siècle avant J.- C. et s’appuie contre la base du mur longitudinal.
L’ultime phase de construction datée, au plus tard, autour du Ier siècle avant J.- C.
Cette fortification semble avoir été en fonctionnement jusqu’au début de l’époque augustéenne puis abandonnée autour du changement d’ère.
Évacuation des couches de remplissage (T.Pertelwieser / ARAFA)
Ouverture sur le rempart (T.Pertelwieser / ARAFA)
On peut remarquer la parfaite conservation du parement interne sur 75 cm de hauteur dans l’alvéole de droite
La couche constituant le talus sur lequel repose le mur a été fouillée, elle renfermait du mobilier (180 fragments de céramique et de nombreux clous) de la fin de l’âge du Fer (milieu du Ier siècle avant J.- C. au 3e quart de ce siècle).
Cette couche paraît être liée à la construction des murs, elle peut avoir constitué une sorte de remblai sur lequel ils auraient été édifiés.
Au fond de l’alvéole gauche on distingue une “ouverture”. Celle-ci a été pratiquée au moment de la construction du mur. Elle mesure 2 m de large vers l’intérieur et 1,70 m vers l’extérieur. Après une durée d’utilisation qu’il est impossible de déterminer, le passage a été condamné et l’ouverture comblée par un “bouchon” de pierres soigneusement parementé sur ses deux faces.
Ouverture sur le rempart (T.Pertelwieser / ARAFA)
La fonction de cette ouverture est limitée du fait de sa topographie (située au-dessus de l’aplomb rocheux taillé) et de sa petitesse. Elle pouvait faciliter d’éventuels travaux d’entretien le long de la muraille et/ou l’accès à la terrasse à l’aide d’une échelle.
Murs transversaux (T.Pertelwieser / ARAFA)
Les murs transversaux reposent sur la même couche archéologique que le mur longitudinal sur lequel ils s’appuient.
Leur base suit le pendage ancien du talus. Ceci permet de repousser l’hypothèse que ces murs aient été construits pour constituer des caissons internes ou celle de servir de contrefort au mur longitudinal.
Il pourrait s’agir, comme l’a suggéré Brogan en 1936, de rampes d’accès pour circuler sur le sommet du mur.
Au premier plan le niveau géologique est atteint. On distingue une rangée de pierres qui délimitait la première phase de construction visible en face de l’ouverture dans le mur. Cette dernière couche contenait du mobilier de l’âge du bronze final et de la fin du premier âge du fer. Elle a livré une fibule (Hallstatt D3)
Un des objectifs était aussi de savoir ce qu’il en était exactement du deuxième “mur” au bord de la terrasse. Il a été intégralement dégagé.
Deuxième “mur” au bord de la terrasse (T.Pertelwieser / ARAFA)
Son épaisseur est de 0,90 m. Sa construction ressemble à celle du rempart mais aucun matériel archéologique ne permet de le dater. Le parement interne du mur situé en bas de la terrasse. Il est conservé sur 3 assises. Le parement externe qui manquait en 2001 a été découvert. Il ne subsiste plus qu’une seule assise.
Deuxième “mur” au bord de la terrasse (T.Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
I – Gergovie – 2003 – Fouille du rempart. Mur du fond de la terrasse
L’objectif principal de la fouille de 2003 est de comprendre les modes de construction et la datation des anciennes phases.
Aucune indication stratigraphique sur la datation de ce mur n’est présente. Bien que plus étroit que le mur longitudinal du rempart, il est construit de la même façon. Il s’agit vraisemblablement de constructions contemporaines donneront des informations capitales sur la datation des phases anciennes.
Extrémité de la terrasse après enlèvement de la couche végétale (T. Pertelwieser / ARAFA)
Une semaine plus tard au même endroit. Le mur était bien caché dessous (T. Pertelwieser / ARAFA)
Le mur de la terrasse est dégagé (T. Pertelwieser / ARAFA)
II – La terrasse
Une incinération romaine est dégagée sur la terrasse, dans la dernière couche d’éboulis du rempart.
Elle est datée entre 30 et 80 après J.-C. À ce moment-là, le dernier état du rempart est éboulé, son caractère défensif n’existe plus.
Éboulis au pied du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Une incinération romaine est dégagée sur la terrasse dans la dernière couche d’éboulis du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Urne funéraire datée entre 30 et 80 après J.-C. (T. Pertelwieser / ARAFA)
Le parement interne du rempart est bien conservé, la couche archéologique a livré des clous de chaussures et des tessons identiques à ceux découverts en 2002 dans l’autre partie. Les fragments les plus récents datent de la période 25 avant /15 après J.-C. Une bonne longueur du rempart est maintenant découverte
Les pierres sont numérotées et après un relevé très précis le démontage d’ une partie du rempart commence.
Le mobilier des murs transversaux permet de dater leur construction qui ne peut être antérieure au dernier quart du Ier siècle av. J.-C.
Une interprétation claire ne peut être faite de la fonction de ces murs, ils ne se justifient pas comme contrefort, car on n’a constaté aucune menace d’écroulement côté plateau. On a plutôt l’impression d’une construction en forme de rampe pour monter sur le rempart.
Le niveau de leur base et leur mode de construction permettent de penser qu’ils peuvent appartenir au même état stratigraphique que le mur longitudinal. Seul le dégagement complet de la couche passant sous ce mur permettra d’éclaircir la datation de la construction de cette dernière phase du rempart.
Les pierres ont été stockées pour une reconstruction future.
Fibule du Hallstatt D3 (-600 avant J.-C.) découverte 2002 côté Nord du talus du rempart sur une couche d’occupation ancienne qui repose immédiatement sur le sol géologique (T. Pertelwieser / ARAFA)
Orle de bouclier, découvert sur la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)
De nombreux clous de chaussures sont découverts en 2002 et 2003 (T. Pertelwieser / ARAFA)
Fourreau d’épée découverte 2001, dans les éboulis de la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)
Le “contrefort” ou la « rampe d’accès » est complètement enlevée. À l’arrière le mur est parfaitement construit (T. Pertelwieser / ARAFA)
Vue panoramique à la fin des fouilles (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
II – La jonction entre la porte et le rempart à pierre sèche
III – Nouvel état des connaissances
La situation archéologique de la Porte Ouest (anciennement fouillée pendant les années 30) pose des questions irrésolues. Il s’agit d’une construction sûrement gallo-romaine, qui évidemment est connectée avec les structures d’un rempart plus ancien. Les vestiges de ce rempart semblent être comparables à ceux du rempart 2 au sud-est.
La documentation laissée par les anciennes fouilles se réduit à des commentaires minimaux et un plan général simplifié du secteur. En 2004, les fouilles (« Gergovie – 2004 – Fouille du rempart ») ont été limitées à un re-dégagement partiel des structures fouillées en 1937 à 38 et des relevés micro topographiques du secteur.
I – Gergovie – 2004 – Fouille du rempart. Porte et Bassin ouest
Avant le début des fouilles (T. Pertelwieser / ARAFA)
L’enlèvement de la couche végétale a confirmé la supposition que, pendant les anciennes fouilles, le secteur de la porte a été complètement fouillé : en dessous des couches de déblais, la roche basaltique paraît dans presque tout le secteur. Il ne restait plus que très peu de couche archéologique en place. Une deuxième surprise négative s’est manifestée pendant le nettoyage de murs. Quasiment toutes les structures originales sont recouvertes par des réfections contemporaines en pierres basaltiques maçonnées en mortier ou ciment. La hauteur originale des murs fut augmentée parfois jusqu’à trois assises de pierres. Sur plusieurs endroits, ces réfections se référent peu à la position des murs originaux.
La largeur du couloir fut agrandie de plus de 40 cm ou des angles des murs furent ‘ optimisés ‘ et rendus pointus. Il est à supposer que ces travaux furent effectués pendant les fouilles clandestines des années 80.
Les murs originaux sont tous maçonnés en pierre locale (basalte) et mortier blanc. Certaines parties sont renforcées (angles et lieux de liaison) par des pierres importées et taillées. L’état de conservation varie d’une seule à quatre assises de pierres.
Entrée principale (T. Pertelwieser / ARAFA)
(T. Pertelwieser / ARAFA)
Les bases des murs reposent partout directement sur la roche basaltique. A l’intérieur de la pièce ‘ B ‘ le rocher est complètement plat et horizontal. Il est vraisemblable qu’il fut taillé par les constructeurs et utilisé comme sol naturel. Dans l’angle des murs, le creusement d’un possible trou de poteau pouvait être observé. Ce creusement présente un diamètre de 35 cm et il était rempli par une couche de terre dure, qui peut correspondre à un remplissage en place. Quatre tessons de céramique ont été découverts dans ce remplissage : ils présentent un terminus post quem de 125 av. J.-C. Le couloir de la porte (secteur 2) ne fut pas complètement dégagé pendant les fouilles des années 30. D’un côté cela est démontré par la préservation d’une couche au-dessus du rocher, qui a livré un nombre des tessons protohistoriques et des silex.
Les traces de deux fosses ont été découvertes dans le couloir en 2004. L’une des fosses est située bien au bord du mur latéral du bastion Est. Certes son remplissage contenait des inclusions de mortier et un fragment de tegula, mais le mur est très clairement construit par-dessus la fosse et est donc postérieur. Le mobilier, par contre, peut être lié à la construction de ce mur. La fosse a un diamètre de 1,00 m environ et une profondeur de 35 cm.
une des deux fosses (T. Pertelwieser / ARAFA)
La trace de la deuxième fosse est largement érodée. Elle est située plus vers le nord dans un alignement avec les autres fosses. Son diamètre est de 0,95 m, sa profondeur préservée de 25 cm. Ces structures sont à des distances régulières de 3,5 m les unes des autres.
Par leur régularité, ces fosses semblent être liées à une construction antérieure à la porte gallo-romaine. Il est possible que nous ayons découvert ici les vestiges, (des grands trous de poteau) d’une porte précédente.L’ouverture du secteur 10 avait pour objectif le contrôle d’un petit talus au sud du bastion ouest. Ce secteur n’a pas été touché par les anciennes fouilles, donc on pouvait espérer y rencontrer des vestiges vierges.
L’enlèvement de la couche végétale a livré un grand état de pierres basaltiques en position meuble et éboulée. Il est frappant qu’à ses extrémités nord et sud, la taille des pierres change en blocs de grand format (jusqu’au 60 cm), la partie intérieure par contre se compose de pierres plutôt petites de 20 à 25 cm.
On peut supposer qu’il s’agit là des parements (grands blocs) et du fourrage (petites pierres) d’un reliquat du rempart à pierres sèches qui fut démonté ou démoli à l’époque de la construction de la porte gallo-romaine
En effet, la suite du rempart, tel qu’il est préservé dans le sondage 2, projetée vers l’Est correspond parfaitement à l’emplacement du petit talus.
(T. Pertelwieser / ARAFA)
II – Gergovie – 2004 – Fouille du rempart. La jonction entre la porte et le rempart à pierre sèche
Jonction entre le rempart maçonné et celui en pierre sèche (T. Pertelwieser / ARAFA)
Le mur longitudinal du rempart est relativement mal préservé.
Suite aux fouilles et travaux précédents, après lesquels le secteur fut laissé ouvert, son parement interne s’est éboulé ou est en train de s’ébouler. La jonction avec le mur de la porte montre que le parement externe fut complètement démonté et le fourrage du mur longitudinal fut en partie enlevé. Le mur fut construit directement le long de cette interface de démontage de façon que son parement interne s’appuie contre le reste du mur longitudinal sur une longueur de 8 m. Le mur longitudinal présente des traces de réfection ancienne, qui sont très vraisemblablement liées à la construction de la porte gallo-romaine.
D’un côté, il aurait été nécessaire de reconstruire en partie le fourrage du mur longitudinal et de remplir l’espace vers le parement interne du mur. En plus, il y a des réfections claires du parement interne du mur longitudinal. Un deuxième parement se trouve déplacé vers l’intérieur, sur le haut du mur longitudinal. Ce parement consiste en blocs de calcaire de plus grand format (jusqu’à 70 cm) que le parement original. Son tracé ne correspond pas exactement à celui du premier parement. En fait, il est légèrement arrondi en forme convexe et appliqué vers l’intérieur du mur.
III – Nouvel état des connaissances
Dans le secteur de la porte, la fouille « Gergovie – 2004 – Fouille du rempart » a livré des vestiges qui peuvent indiquer l’existence d’une construction précédente à la porte gallo-romaine.
A l’origine, le rempart en pierre sèche semble avoir continué à l’emplacement de la porte et un alignement des possibles creusements de poteaux verticaux pourrait correspondre à une telle construction.
Tous ces aménagements ne sont pas datables pour l’instant et restent difficiles à interpréter. L’étude du mobilier laténien et gallo-romain du secteur de la Porte Ouest démontre la provenance de la grande majorité des trouvailles dans la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. Il est un peu surprenant de constater que les mobiliers du Ier siècle ap. J.-C. et postérieur sont quasiment inexistants.
Une fouille sur une grande surface pourra donner les informations nécessaires afin de pouvoir répondre à ces questions.
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
Type de projet : fouille programmée (« Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart »)
Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne
Responsable de l’opération : Thomas Pertelwieser, assisté de Iris Ott
Notice et documents : Lucien Andrieu et Thomas Pertelwieser
Phase I. (~3000 / 750 av. J.-C. Fin du Néolithique – fin de l’Âge du Bronze)
Phase II. Première étape de construction : 650/580 av. J.-C. (HA D1)
Phase II. Deuxième étape de construction : fortification 1 ; 650/580 av. J.-C. (HA D1)
Phase II. Troisième étape de construction : fortification 1 ; 650/510 av. J.-C. (HA D1)
Fonctionnement : fortification 1 ; 510/480 av. J.-C. (HA D3)
Destruction : fortification 1 : 500/375 av. J.-C. (HA D/LT A)
Phase III. Occupation et utilisation de la terrasse : 75/25 av. J.-C.
Phase IV. Construction du long mur de rempart et de celui de la terrasse : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.
Construction des murets transversaux : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
Utilisation et fonctionnement : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
Réfection et fermeture de la poterne : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
Utilisation et fonctionnement : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.
Destruction et abandon : fortification 2 ; 25 av. / 15 ap. J.-C.
Phase V. Incinération : 20/60 ap. J.-C.
Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase I. (~3000 / 750 av. J.-C. Fin du Néolithique – fin de l’Âge du Bronze)
Le remblai du rempart a permis la conservation d’une couche d’humus contenant du mobilier daté de la fin du Néolithique jusqu’à la fin de l’âge du Bronze.
Couche d’occupation avant le construction du premier rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase II. Première étape de construction : 650/580 av. J.-C. (HA D1)
Falaise taillé et construction de la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)
L’édification de la grande terrasse a sûrement marqué le début des travaux sur la première fortification.
La terrasse fut creusée profondément dans la pente naturelle de manière à former un replat horizontal d’une largeur maximale de 15 m et un escarpement rocheux qui est encore préservé sur 2,50 m de hauteur. La partie haute de ce front de taille est fortement érodée. La hauteur originale jusqu’au niveau du replat du plateau et de la base du rempart pouvait être élevée jusqu’à 4,40 m. Les déblais constituent la base de matériaux de construction du rempart.
À l’extrémité du bord du plateau des aménagements initiaux à la construction du rempart sont observables.
La couche d’occupation ancienne fut nivelée.
À environ 3 m de l’escarpement deux trous de poteau ont été observés. Ils sont parallèles à l’axe du rempart et distants de 1,10 m. Leurs creusements sont fortement érodés, leurs diamètres (40 et 35 cm) et leur profondeur (15 cm) ne sont donc que des indices. Surtout leur position proche à l’arête d’érosion du rempart ne permettait pas d’observer des régularités, car de possibles autres vestiges ont tout simplement été pulvérisés par l’érosion. Ces trous de poteau sont les seuls indices de l’emplacement du parement externe du rempart 1.
(T. Pertelwieser / ARAFA)
Sur le même niveau, à 1,5 m de l’emplacement du parement supposé, un dépôt de deux vases céramiques aux 2/3 conservés fut pratiqué. Cette trouvaille peut être interprétée comme sacrifice ou dépôt lié à la construction du rempart 1.
Grand vase écrasé sous le rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Des faits similaires sont assez fréquents pour des fortifications, comme la découverte de 4(!) dépôts d’outils en fer à Linz-Gründberg (Autriche, fouille de O.H. Urban), deux dépôts (os d’animaux, meules) ont été dégagés cette année sur le Mont Lassois en Bourgogne (fouille T. Pertlwieser).
Directement au sud de ce dépôt se trouve un alignement de blocs de basalte sur 3,10 m de longueur dans l’axe du rempart. D’autres blocs sont aménagés sur le bord ouest du dépôt. Il pourra s’agir soit d’une sorte d’encadrement de la déposition soit – et c’est plus vraisemblable – d’un reste d’un renforcement interne du parement externe.
Deuxième étape de construction : fortification 1 ; 650/580 av. J.-C. (HA D1)
Reste du rempart 1 (T. Pertelwieser / ARAFA)
La deuxième étape est marquée par une première couche de déblai, qui se compose de la terre organique, similaire à la couche d’occupation. En effet il est vraisemblable qu’il s’agit de la même terre, qui était aplanie en dessous de la base du rempart et déversée dans la rampe. Au-dessus se trouve une deuxième couche de déblai.
La deuxième plate-forme de pierres est la mieux conservée de ces états. Son extrémité nord est délimitée par une face interne, qui est partiellement préservée sur deux assises de blocs basaltiques. La distance entre cette face interne et la position supposée du parement externe est 7 m environ.
Deux possibles trous de poteau ont été observés. Ils sont parallèles à l’axe de la face interne. Il est remarquable que les positions des trous de poteau observés au niveau de la 1ere étape de construction et le poteau IF 10148 se trouvent dans un angle droit et que la distance entre ceux de la 2 ème étape (2,30 m) correspond quasiment au double de ceux de la 1ere étape (1,10 à 1,15 m).
Un socle de pierres situé sur la plate-forme à son extrémité nord délimite la 2ème étape et établit un contact direct avec la 3 ème.
Trou de poteau (T. Pertelwieser / ARAFA)
Troisième étape de construction : fortification 1 ; 650/510 av. J.-C. (HA D1)
Éboulis provenant de la destruction du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Au-dessus de la couche de remblai se trouve la troisième plate-forme en pierres. A sa base elle est en contact direct avec le socle basaltique. Les traces de trois possibles trous de poteau ont été observées. Leurs emplacements ne se trouvent pas en relation régulière avec ceux des étapes précédentes. Il est à noter qu’il s’agit dans ce cas plutôt d’espaces vides entre les blocs de basalte de la plate-forme, qui ne peuvent pas être attribués aux vestiges de construction avec certitude.
Au-dessus de ce niveau se trouvent les restes d’une autre couche de remblai d’une consistance plus organique par comparaison avec les autres. Il pourra s’agir dans ce cas-là d’un reste peu épais de la surface originale du rempart 1. L’inclinaison de cette couche peut servir à calculer la hauteur originale de la construction. Sa projection prolongée vers l’emplacement du parement externe démontre une hauteur minimale du rempart 1 de 2,30 m.
Fonctionnement : fortification 1 ; 510/480 av. J.-C. (HA D3)
La phase de fonctionnement du rempart 1 se présente à l’emplacement du talus par une couche d’occupation de consistance organique et située contre la face interne du rempart. En 2002 cette couche a livré une fibule du HA D3. La couche peut être interprétée comme sol de circulation contemporain au fonctionnement du rempart 1.
Sur la terrasse, une couche d’altération du substrat s’est formée postérieurement à son édification. Sur ce niveau, préservé par les éboulis, se trouvent les restes d’une couche d’ancien humus. Sa surface correspond à un sol de circulation.
Destruction : fortification 1 : 500/375 av. J.-C. (HA D/LT A)
À l’emplacement du talus, la phase d’abandon ou respectivement de destruction du rempart 1 est uniquement observable par des structures qui sont liées à la construction du rempart 2.
Sur la terrasse, la couche d’éboulis est composée de blocs de basalte d’une taille identique à ceux des plates-formes du talus. Il est remarquable que la quantité de matériaux éboulés, qui se trouve sur la terrasse, correspond parfaitement au volume manquant sur le talus, entre la position supposée du parement externe et les structures conservées.
Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase III. Occupation et utilisation de la terrasse : 75/25 av. J.-C.
Sol d’occupation sur la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)
Situés entre les éboulis du rempart 1 et de la deuxième fortification les seuls vestiges des interventions humaines datables autour de la Guerre des Gaules ont été observés sur la terrasse. Il s’agit d’un horizon de terre organique, contenant les restes d’une fosse avec un diamètre de 1 m environ. L’aspect du matériel, aux cassures par comparaisons fraîches, laisse supposer un horizon d’utilisation de la terrasse.
Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase IV. Construction du long mur de rempart et de celui de la terrasse : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.
À l’emplacement du talus, la construction du rempart 2 est marquée par l’interface de construction, qui recoupe les couches de remblai du rempart 1. Une perturbation du blocage de pierres est liée à cette intervention. Deux couches de remblai reposent sur ce niveau et servent comme aplanissement pour la construction des structures par-dessus.
La construction des vestiges structurels du rempart 2 semble avoir été effectuée en deux étapes. La première, correspondante à la phase IVa1, est l’édification du mur longitudinal. Il est maçonné en technique de pierre sèche, les parements sont construits avec des blocs de basalte non taillés, d’un diamètre variable de 15 à 50 cm au plus.
La grande majorité des pierres a un diamètre de 20 à 30 cm. Le fourrage consiste en un remplissage avec des pierres plutôt petites de 10 à 20 cm. L’état de conservation du mur longitudinal montre une dégradation de l’ouest à l’est.
Rempart 2 (T. Pertelwieser / ARAFA)
A l’extrémité ouest, son parement interne est préservé sur 0,95 m de hauteur (8 – 10 assises de pierres), à l’Est sur seulement 0,30 à 0,40 m (2 – 3 assises). Dans la coupe Est du sondage 1 il ne reste aucune trace du mur longitudinal, ce que peut être une conséquence de la construction de la route ou respectivement du petit parking, qui se trouve dans l’angle sud-est du plateau. Le parement externe n’est que préservé sur une assise de pierres, et il se trouve en position d’écroulement. Le mur a une largeur de 2,10 à 2,20 m. Dans les carrés F à H, le mur est interrompu par une petite ouverture ou poterne. Elle mesure 2 m au nord et 1,7 m au sud et donc est légèrement tronconique. Comme sa position ne laisse aucun accès au contrebas du rempart sur la terrasse, il est à supposer qu’il s’agissait d’un accès au côté externe du mur longitudinal, afin de permettre de travaux de construction ou réparation.
Sur l’arrêt de la terrasse, un petit muret parallèle à l’axe du rempart a été édifié. Sa maçonnerie correspond à celle du mur longitudinal. Sa largeur est relativement irrégulière et varie de 0,90 à 1,40 m. Il est préservé sur 0,60 m de hauteur maximale (3 à 4 assises de pierres), le parement externe n’est préservé que sur une assise.
Construction des murets transversaux : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
Muret transversal appuyé contre le mur du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
La deuxième étape de construction du rempart 2 correspond à l’édification de murets transversaux contre la face interne du mur longitudinal. Les vestiges de trois de ces murets furent dégagés pendent les fouilles. Ils sont distants les uns des autres de 4,10 m (muret K à L) et 4,90 m (muret L à M). Leur mode de construction correspond à celui du mur longitudinal et leurs bases reposent sur le même niveau de construction.
Le muret K est préservé sur 3,70 m de longueur et sur 0,95 m de hauteur, sa largeur maximale est 1,70 m.
Le muret L a des dimensions comparables : 3,00 m de longueur, 0,50 m de hauteur et 1,70 m de largeur.
Le muret M n’est qu’un reliquat de son parement ouest, il fut presque complètement détruit suite aux fouilles des années 30.
L’état de conservation commun de murets K et L montre une dégradation forte vers l’intérieur du plateau.
À l’extrémité sud les murs ne sont que préservés sur une seule assise de pierres. C’est peut-être une conséquence de la destruction partielle du talus pendant la construction de la route du plateau.
Les bases des murets ainsi que les assises des pierres des parements présentent une légère inclinaison vers le nord, en suivant le pendage de la rampe du rempart 1 en dessus.
Utilisation et fonctionnement : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
Une fine couche de terre organique, située à la base de la poterne et contre les parements de ses angles peut correspondre à un sol de circulation de la phase IVb. Elle peut présenter un fonctionnement relativement court de cet état.
Réfection et fermeture de la poterne : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
La poterne (T. Pertelwieser / ARAFA)
La poterne fut refermée peut-être directement après l’achèvement de travaux de construction.
Le parement externe de cette fermeture est préservé sur une assise de pierres. Le parement interne est constitué en de grandes pierres plates, trouvées en position d’éboulement.
L’espace entre ces parements fut rempli avec un fourrage de pierres de plus grand volume comparé au mur longitudinal.
Utilisation et fonctionnement : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.
Situées dans les alvéoles des murets transversaux, des couches de terre organique sont posées contre leurs parements et contre celui du mur longitudinal. L’une se trouve à l’ouest du muret K, une autre entre les murets K et L et une troisième entre L et M. Ils correspondent à un niveau de circulation de la phase IVd. Cette interprétation est renforcée par la trouvaille de plusieurs clous de chaussures romaines, dont plusieurs exemplaires dites à la croix, et un nombre de clous de maçonnerie.
Destruction et abandon : fortification 2 ; 25 av. / 15ap. J.-C.
L’abandon du rempart 2 est marqué sur le talus par une interface de destruction, qui correspond au bord de démolition du mur longitudinal et des murets transversaux. Au côté externe du rempart se trouve une couche d’éboulis, constituée des pierres écroulées du mur longitudinal. Au côté interne le seul éboulis identifiable est une couche qui correspond au comblement écroulé de la fermeture de la poterne. Les alvéoles entre les murets transversaux sont remplies avec des couches mélangées de terre et des pierres. Ce niveau ensuite fut recouvert avec un dense blocage de grands blocs basaltiques, qui remplit complètement les alvéoles et se disperse aussi au-dessus des bords supérieurs des murs.
Sur la terrasse les couches d’éboulis correspondent à l’éboulement du rempart 2. La couche d’éboulis du mur sur l’arrêt de la terrasse est positionnée de façon équivalente. Le mobilier de ces niveaux est relativement homogène, l’abandon du rempart 2 semble avoir été un processus intentionnel effectué rapidement.
Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase V. Incinération : 20/60 ap. J.-C.
Incinération (T. Pertelwieser / ARAFA)
La trouvaille d’un reste d’au moins une incinération démontre une utilisation de la terrasse postérieure au fonctionnement des fortifications.
La tombe fut creusée dans la dernière couche d’éboulis du rempart. Elle est fortement érodée et bouleversée. Le fond d’un vase se trouve in situ. Il contient des fragments d’os humains brûlés et un petit objet en fer non identifiable. Dans les environs proches, il y avait de très nombreux fragments de céramiques appartenant à plusieurs vases ainsi que des os brûlés. Sa position stratigraphique prouve qu’à une date située entre 30 et 60 ap. J.-C., le rempart 2 était déjà éboulé. A ce moment, le caractère défensif de l’angle sud-est du plateau n’existe plus.
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
La fouille de 2005 (« Gergovie – 2005 – Fouille du rempart ») a permis de dégager la porte Ouest dans son intégralité. Le résultat principal est que la quasi-totalité du site a été dégagé au cours des fouilles de Brogan et Desforges en 1937 à 1938, chose qui était impossible de prévoir avant les opérations de 2004 et 2005Afin de pouvoir documenter toutes les structures de la porte Ouest, les réfections modernes sur les parties hautes des murs ont été enlevées dans tous les secteurs de la fouille.
La fouille de 2005 a permis de dégager la porte ouest dans son intégralité (T. Pertelwieser / ARAFA)
I – Le bastion ouest
La partie ouest de la pièce du bastion Ouest est le seul secteur qui livre des niveaux archéologiques préservés, c’est la seule qui ne fut pas entièrement fouillée.
Ces niveaux comprennent essentiellement des couches de remblais qui ont servi au nivellement du substrat.
Bastion ouest (T. Pertelwieser / ARAFA)
Le mobilier collecté dans ces niveaux, relativement homogène bien que peu abondant, nous donne un terminus post quem pour la construction de cette porte. Même s’il n’est pas abondant, ce mobilier permet de donner de proposer une datation aux années 20-5 av. J.-C. pour la construction de la porte. Cette proposition de datation, que l’on pourra difficilement préciser, compte tenu du caractère ténu des niveaux archéologiques conservés, permet toutefois de repousser confirmer la datation ancienne du rempart antérieur en pierres sèches.
Le mur d’environ 90 cm de largeur est conservé sur 7 assises de pierres au maximum.
De gros blocs de basalte ont servi à remblayer la pièce jusqu’au niveau de la base des murs ouest et nord. Ces couches de remblai passent sous les murs ouest et nord mais s’appuient contre le parement interne du mur sud. Il semble toutefois que ces trois murs sont contemporains (comme en témoigne les chaînages d’angle observé) et résultent d’une même phase de construction.
Le puits situé sous le mur maçonné (T. Pertelwieser / ARAFA)
L’enlèvement de ce remblai a révélé la présence d’un muret en pierre sèche, orienté vers le nord-est et de son éboulis. Seul le parement Nord-Ouest de ce muret est conservé sur une seule assise de pierres. L’extrémité sud du mur est complètement détruite. À son autre extrémité, il passe sous le mur nord de la pièce.
Sous ce niveau une découverte inattendue a été faite à la fin de la campagne de fouille. En partie engagé sous les murs Sud et Ouest de la pièce, a été mis en évidence l’ouverture d’un puits ou d’une citerne. En plan, cette structure est de forme circulaire. Sa construction fait appel à la pierre pour la partie dégagée du cuvelage. Elle n’a fait l’objet, compte tenu de la date de sa découverte, que d’une fouille superficielle sur une hauteur de 90 cm.
Le mobilier céramique présent dans ces couches, notamment un petit lot homogène de vaisselle d’importation (sigillée italique et gobelet à parois fines), permet de donner un terminus post quem aux années 20 av. J.-C. pour cette phase de construction.
Le mobilier du remblai contient également plusieurs éléments métalliques qui peuvent appuyer cette identification à une phase de construction.
II – Gergovie – 2005 – Fouille du rempart. L’entrée et la porte
Dans le secteur de la porte, la fouille « Gergovie – 2005 – Fouille du rempart » a livré des vestiges qui peuvent indiquer l’existence d’une construction précédente à la porte gallo-romaine. À l’origine, le rempart en pierre sèche semble avoir continué à l’emplacement de la porte et un alignement des possibles creusements de poteaux verticaux pourrait correspondre à une telle construction. L’enlèvement de la couche végétale et des déblais des anciennes fouilles a révélé la présence d’un éboulis de blocs de basalte qui s’étend vers le Sud (en direction de la pente) et vers le Nord contre la base de la façade externe du bastion Ouest. Sous cet éboulis la structure en pierres se présente dans son état original.
Le puits situé sous le mur maçonné (T. Pertelwieser / ARAFA)
Il s’agit d’une structure irrégulière, sans organisation intérieure. Son bord Nord est complètement désorganisé alors que les faces Sud et Est possèdent un parement externe très irrégulier bâti en pierres sèches de taille variable. Ce parement est préservé sur jusqu’à 3 assises de pierres. L’axe du parement est parallèle à l’axe de l’ancien d’accès depuis le bas et tourne vers le nord-est en direction de la porte. L’ancien accès présente, comme cela avait été remarqué par nos prédécesseurs, une surface constituée d’une couche de petits galets basaltiques, dernier vestige d’un empierrement originellement plus conséquent. Une fine couche de terre végétale la sépare du rocher.
(T. Pertelwieser / ARAFA)
Dans ce secteur de la pente, la roche présente plusieurs marches dont l’origine naturelle est probable. À l’extrême limite du plateau, à proximité du bord Ouest du chemin d’accès et à 0.90 m du parement de la structure massive en pierres, une petite structure en creux a été dégagée. Il peut s’agir d’un trou de poteau. Son remplissage a livré un clou enfer. Toutes les couches situées à cet emplacement (structure en pierres incluse) ont livré un mobilier très fragmenté et très érodé avec quelques contaminations par des éléments modernes (verre de bouteille, chaîne de tronçonneuse’). Sous la structure en pierre a été mis en évidence une fine couche de terre contenant un grand nombre de fines inclusions de mortier de chaux. Ce niveau, qui repose lui-même sur un paléosol surmontant le substrat, peut être interprété comme correspondant au niveau de construction de la porte maçonnée. Le mobilier, qui est très peu abondant, ne permet toutefois pas de proposer une datation pour la mise en place de ces couches Contrairement à nos espérances, il n’a pas été possible de constater si le rempart ancien possédait une entrée ou porte à cet emplacement. La découverte de trois fosses ou trous de poteaux alignés dans cet espace en 2004laissait pourtant espérer la mise en évidence d’une construction à poteaux porteurs. Aucune autre structure analogue n’a été découverte cette année. La structure massive en pierres sèches située en avant du bastion ouest ne peut être identifiée aux restes d’un rempart ruiné. Il s’agit probablement du stockage des pierres résultant du démontage du rempart protohistorique au moment de l’édification de la porte maçonnée. Son parement externe résulte probablement d’une activité d’épierrage. Le chemin qui traverse cet espace et passe en partie sur les vestiges de la porte ouest a été utilisé jusqu’au début du 20e siècle. Cette porte correspond donc à un ré habillage d’une partie du rempart probablement au cours de la période augustéenne
Deux creusements de forme rectangulaire de 80 cm sur 40 cm ont étés dégagés (Est) et de 100 cm sur 40 cm (Ouest).
Leur position correspond aux extrémités de la base du seuil découverte en 2004. Il pourra donc s’agir des empreints de grands poteaux en bois disposés verticalement et aux angles extérieurs de l’entrée : dispositif de porterie en bois.
Il y a deux creusements de chaque coté du seuil (T. Pertelwieser / ARAFA)
Deux autres creusements ont aussi été dégagés à l’extrémité de la sortie de la porte. Ces vestiges sont toutefois très clairement moins bien préservés. À l’Est, il correspond à un emplacement vide de forme carrée de 75 cm par 65 cm, qui a dû à l’origine servir à l’installation soit d’un poteau soit d’un élément architectural en pierre. La structure Ouest est dans un état de conservation encore plus médiocre. On peut toutefois observer l’empreinte sur un côté soit d’un poteau ou soit d’une pierre taillée ;
À partir de ces éléments, une construction à double porte (externe et interne) peut être restituée. Tous ces aménagements ne sont pas datables pour l’instant et restent difficiles à interpréter. L’étude du mobilier laténien et gallo-romain du secteur de la Porte Ouest démontre la provenance de la grande majorité des trouvailles dans la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. Il est un peu surprenant de constater que les mobiliers du Ier siècle ap. J.-C. et postérieur sont quasiment inexistants. Une fouille sur une grande surface pourra donner les informations nécessaires afin de pouvoir répondre à ces questions.
III – Gergovie – 2005 – Fouille du rempart. Sondage dans le rempart sud
Ce sondage pratiqué en bordure sud plateau a révélé une importante stratigraphie qui valide, au moins d’un point de vue formel, les observations faites sur le talus sud-est.
Sondage du rempart sud (T. Pertelwieser / ARAFA)
Toutefois le mobilier collecté dans les niveaux correspondant lors de « Gergovie – 2005 – Fouille du rempart » donne une datation très surprenante comprise, selon le cas, entre les années 50av. J.-C. et le plein Ier siècle ap. J.-C.
Description des niveaux archéologiques, par ordre stratigraphique.
Fine couche de terre avec des petites inclusions de basalte, d’environ 15 cm d’épaisseur, située directement au-dessus du substrat géologique. Cette couche a livré un mobilier homogène, datable vers le milieu du Ier av. J.-C.
Couche de terre mélangée avec des pierres basaltiques de tailles allant jusqu’à 10 cm. Épaisseur : environ 25 cm. La couche contient du mobilier homogène, datable au début du Ier siècle. ap. J.-C. Par rapport sa structure inhomogène la couche doit être interprétée comme correspondant à un remblai.
Blocage de pierres en basalte ayant des diamètres allant jusqu’au 40 cm avec de cassures fraîches et étroites. La couche possède une épaisseur maximale de 70 cm, et elle se décline vers le sud en forme d’une ‘ rampe ‘.
Ce niveau a livré du mobilier datable du dernier quart du Ier siècle av. J.-C.
Remblais de terre et de pierres basaltiques, composé de terre végétale relativement homogène. Épaisseur de la couche : 40 cm maximum. Elle est inclinée vers le sud de 30° environ. Le mobilier nous donne un terminus post quem à la transition du Ier/IIème siècle ap. J.-C.
Parement interne (sud) d’un mur en pierres sèches orienté Est – Ouest, situé sur le bord du plateau. Le mur est préservé sur 60 cm de hauteur. Le parement est bâti très irrégulièrement en pierres de basalte de différent volume. En comparaison avec les parements du rempart en pierres sèches, il donne une impression relativement chaotique.
Éboulis du mur, constitué de pierres de même module.
Remblais de terre et des pierres de 50 cm d’épaisseur, s’appuyant contre le parement interne du mur
Remblais de terre et de pierres de 60 cm d’épaisseur.
Terre végétale.
Surface actuelle.
L’interprétation de cette stratigraphie, et surtout de son association avec des éléments mobiliers très tardifs, est à ce stade de l’analyse difficile à faire. Il semble que ce secteur a connu des transformations importantes à la période gallo-romaine.
Nous proposons pour les campagnes à venir d’étendre le décapage sur ce secteur pour essayer de comprendre quelle est l’origine à ce phénomène : reconstruction du mur à la période gallo – romaine, perturbation antique’
La découverte d’éléments postérieurs au début du Ier siècle ap. J.-C. en position primaire sous ce qui est censé correspondre au mur qui borde le plateau pose problème. Peut-être faut-il mettre en relation ce phénomène avec l’utilisation de la terrasse (et d’une partie du rempart) comme lieu de sépultures pour la période du milieu du Ier siècle ap. J.-C. C’est en tout cas ce que semble indiquer la découverte fait en 2003 sur la partie sud-est du rempart.
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
Phase 3 : Zone dépotoir, nivellement de la carrière, installation du mur
Phase 4 : Formation d’une couche d’humus
Phase 5 : Installation de la porte gallo-romaine
I – Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Rempart sud-ouest
La structure la plus ancienne mise en évidence dans ce secteur correspond à une vaste carrière qui a entaillé profondément le rocher basaltique.
Cette structure s’étend, du sud au nord, sur 13,5 m de largeur, depuis la base du parement interne du rempart vers l’intérieur du plateau. La dimension est-ouest est inconnue ; les limites de ce creusement se trouvent à l’extérieur du chantier. La profondeur maximale du creusement est de 2,7 m depuis la surface du sol actuel. Le fond de cet aménagement est parfaitement plat et semble correspondre à un plan de faille naturelle dans le rocher. Ses parois sont plus irrégulières et présentent fréquemment un profil en escalier qui résulte d’une extraction pratiquée en suivant les failles verticales et horizontales apparues dans la coulée de basalte au moment de son refroidissement.
Le comblement de la structure est constitué, en très grande majorité, de couches chargées en débris et éclats de basalte produits lors de l’utilisation de la carrière. Il s’agit d’une succession de strates de faible épaisseur, souvent très homogènes, qui se distinguent les unes des autres par la seule orientation et la taille des éclats et plaquettes de basalte qu’elles contiennent.
On a récolté peu de mobilier dans ce comblement : quelques tessons protohistoriques et quelques tessons de la Tène finale (c’est à dire entre -120 et – 70) (terminus post quem).
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Pichet de Gergovie (La Tène D2b à période augustéenne) déposé à la tête de la défunte (T. Pertelwieser / ARAFA)
Une tombe a été creusée jusqu’au niveau géologique dans ce comblement. Au fond se trouvait un squelette, le seul mobilier qui l’accompagnait était un pot décoré en céramique fine tournée. Ce pot semble dater de la la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. et probablement dans la période augustéenne. Le mobilier du comblement de la fosse donne un terminus post quem LTD2b (c’est à dire entre -50 et -30 anavant J.-C.) pour l’installation de la tombe.
On note aussi, au fond de la carrière le dépôt intentionnel d’un cadavre de chien et d’un jeune ovin.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Mur du rempart avec sa rampe massive (T. Pertelwieser / ARAFA)
Le rempart a été dégagé sur 18 m de long. Son mode de construction est semblable à celui déjà observé les années précédentes au sud-est du plateau.
L’état originel du rempart a une largeur de 2,5 m est est conservé sur une hauteur de 70 cm . Il est fait de pierres de basalte roulés récoltées en surface.
Au dessus une phase de renforcement du rempart avec des pierres formées de grandes dalles de basalte aux arrêtes vives qui proviennent très certainement de la carrière adjacente( US 21045 de couleur rouge sur la photo). Une partie est tombée (US 21006 de couleur verte sur la photo) La construction n’est pas soignée et a l’air de s’être faite dans la précipitation
« C’est surtout la structure même du mur, découvert sur une vingtaine de mètres, qui nous renseigne le plus. Il a visiblement été construit dans l’urgence. »
Le rempart semble avoir été prolongé vers l’ouest dans la partie qui correspond à une fouille ancienne (US 21075 couleur jaune sur la photo). Le mur est ici conservé sur une hauteur de 1,5 m et sa construction est beaucoup plus soignée.
Par la suite un blocage de gros cailloux de basalte s’appuie contre le parement interne du rempart qui est alors presque entièrement recouvert. Il constitue ainsi une rampe massive.
Aucun tesson ne permet de dater les premiers états de construction mais 96 fragments de céramiques et une fibule permettent de dater les derniers états de fonctionnement à l’époque Augustéenne (terminus post quem).
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Détail du parement (T. Pertelwieser / ARAFA)
On peut remarquer que les pierres sont empilées sans aucune recherche (certaines sont verticales, d’autres obliques). On distingue aussi des joints verticaux séparés par environ 1m, c’est la largeur de travail d’un homme. Chacun devait travailler individuellement sans se préoccuper, certainement par manque de temps, d’une bonne jonction avec la partie construite par son voisin.
Ceci corrobore parfaitement le texte de César (Guerre des Gaules-livre VII – chapitre 48) : « … Cependant, ceux des Gaulois qui s’étaient assemblés de l’autre côté de la ville, ainsi que nous l’avons expliqué plus haut, pour y faire des travaux de défense, … »
Ainsi, la date de construction du rempart sud-est en pierre sèches qui, après les fouilles 2003, nous semblait plutôt se situer aux environs de -30 avant J.-C. doit être rectifiée. Elle est bien contemporaine de la guerre des Gaules. Nous ne saurons jamais si elle avait commencé en -54 ou un peu avant, ou même en -52 dès que l’on a su que César se dirigeait vers Gergovie.
Le travail nous semble colossal aujourd’hui mais la motivation aidant et la main d’œuvre étant nombreuse, un rempart de plus de 2m de haut peut être construit dans la journée.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
II – Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. La porte Ouest
Phase1 : Implantation d’une carrière
Le premier événement important survenu dans ce secteur du site est l’implantation d’une vaste carrière qui a servi à l’extraction de blocs de basalte de grandes dimensions.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. La carrière de basalte (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. La carrière de basalte (T. Pertelwieser / ARAFA)
Cette structure correspond à creusement pour lequel on a pu suivre l’extension sur une dizaine de mètres du nord au sud et environ 11 mètres d’ouest en est. Si le bord nord et une partie du bord est ont pu être dégagés, les limites ouest et sud sont situées hors de l’emprise de la fouille de 2006. On ne connaît donc pas l’extension totale de cet aménagement qui peut, si l’on se base sur les observations faites dans le sondage sud-ouest où une structure du même type a été dégagée, se développer sur près de 20 m de largeur.
Le comblement s’est fait au fur et à mesure de l’avancée du front de taille avec les déchets d’exploitation.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Blocs de basalte abandonnés au fond de la carrière (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Remplissage de la carrière avec les déchets de taille (T. Pertelwieser / ARAFA)
Le mobilier récolté permet de proposer une datation du comblement à la Tène D2 (soit environ 55-30 avant J.-C) .
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Phase 2 : Occupation domestique et artisanale
C’est à un stade relativement avancé du comblement de la carrière (la dépression est comblée sur la moitié de sa hauteur), que sont installées plusieurs structures qui témoignent d’une occupation à vocation domestique et artisanale. Une citerne, un bâtiment ainsi que plusieurs murs en pierres sèches sont implantés dans ou en bordure de cette dépression encore nettement perceptible dans la topographie.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Les constructeurs ont aménagé une terrasse pour niveler la partie sud de la construction. Cet aménagement se présente sous la forme d’un amas de blocs de basalte retenu par deux lignes parementées sur ses côtés sud-ouest et sud-est, la construction n’étant pas alignée sur le nord.
Cet aménagement repose directement sur le remblais de carrière qui a été ponctuellement recreusé pour permettre son installation. Le côté nord-ouest de cette construction est matérialisé par une tranchée de palissade creusée dans le substrat basaltique.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
A environ 1 m à l’est du parement sud-est du bâtiment ont été dégagés les restes d’un autre mur en pierre sèche assez fortement endommagé par les aménagements postérieurs (les fouilles récentes notamment). Cette construction relative massive (1,4 m de largeur) se développe vers le nord parallèlement à la ligne de parement du bâtiment.
L’espace laissé libre entre le mur et le parement sud-est du bâtiment nous paraît avoir servi d’accès depuis le nord vers la citerne. A cet emplacement, la carrière présente un creusement en pente douce vers le sud qui aboutit juste à hauteur des arases du puits telles qu’elles étaient conservées. Contre la parois nord de la carrière ont été mis en place quelques de blocs de basalte qui semblent avoir eu pour fonction de constituer un emmarchement.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Mur qui pourrait être un reliquat de l’ancienne aile rentrante de la porte gauloise (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Habitat à l’arrière des bastions (T. Pertelwieser / ARAFA)
Par la suite cet accès a été fermé d’un blocage de blocs de basalte parementés au sud. Cela peut indiquer l’abandon de la structure de puisage.
La datation de ces aménagements est surtout faite par le mobilier de comblement de la citerne. Pas de sigillée et parois fines augustéennes. On peut proposer une datation antérieure à la période augustéenne (55-30 av J.-C.) avec abandon à la fin de la Tène D2b.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Phase 3 : Zone dépotoir, nivellement de la carrière, installation du mur
Cette phase correspond à une occupation de l’espace qui voit successivement l’utilisation de la dépression de la carrière comme zone dépotoir, le nivellement de la carrière pour l’installation d’un mur en pierres sèches puis sa destruction.
Un comblement d’une couche de 50 cm riche en mobilier est déposée au sommet de la carrière encore assez nettement marquée.
Dans un second temps, le reste de la dépression de la carrière fait l’objet d’un comblement massif sur lequel est construit un mur de basalte d’une largeur supérieure à l m qui vient s’appuyer sur ce qui peut correspondre aux restes de la fortification protohistorique, ou du moins d’un état tardif de celle-ci.
Le mobilier recueilli permet de dater cette phase à la période augustéenne.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Le niveau dépotoir appartient plutôt au début du règne d’Auguste (gobelets d’Aco, faible fréquence des sigillées, absence des productions de Lezoux, fibule à disque médian) et peut être mis en regard du dernier état de la phase 2. Les couches sommitales s’accorderaient plus avec une datation à la fin du règne d’Auguste ou au début de la période tibérienne mais qui ne dépasserait pas la deuxième décennie du Ier s. ap. J.-C., compte tenu de l’absence de nombreux marqueurs céramologiques.
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Epad (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie – 2006 – Fouille du rempart. Monnaie les sabines 89 av. J.-C. (T. Pertelwieser / ARAFA)
Phase 4 : Formation d’une couche d’humus
Nous proposons de l’identifier à un niveau d’abandon postérieur à la destruction et au remblaiement des aménagements en pierres sèches.
Phase 5 : Installation de la porte gallo-romaine
Cette phase correspond à l’installation de l’ensemble de maçonneries constituant le dispositif d’entrée gallo-romain. Nous ne présenterons pas de façon détaillée, dans ce rapport, cet ensemble maçonné et nous renvoyons le lecteur aux rapports des années 2004 et 2005.
Aucune couche d’occupation n’a pu être associée à cet état maçonné. Il est probable qu’une grande partie des élévations conservées ne correspondent, en réalité, qu’aux fondations des bâtiments. En témoigne l’aspect extérieur de ces murs qui présentent, en partie basse, de larges « bourrelets » de mortier et un appareillage peu soigné ainsi que le manque de seuils d’entrées.
Sur l’ensemble du mobilier collecté depuis 2004 (tous contextes confondus) sur ce secteur on notera l’absence d’éléments très tardifs, puisque seul un tesson appartient aux productions de la Graufesenque datées des années 10/20 ap. J.-C. à la fin du Ier s. ap. J.-C., 20 tessons appartiennent aux phases anciennes de Lezoux (fin Auguste-Tibère) alors que la majorité des éléments correspond aux productions arétines (110 restes) et ne sont pas postérieures au règne d’Auguste ou de Tibère.
Compte tenu du phasage proposé et de l’absence d’éléments mobiliers gallo-romains réellement tardifs, la construction de cet aménagement est probablement à situer entre la fin de la période augustéenne et le milieu du Ier s. ap. J.-C.
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
I – Gergovie – 2006 – Fouille du sanctuaire. Introduction
Les connaissances de ce secteur du site reposent sur les investigations effectuées par les équipes franco-britanniques entre 1935 et 1937, les campagnes inachevées des années 1990 dans les temples et sur la dernière campagne depuis 2006 (M. Garcia, ARAFA, Université Lyon II et S. Oesterlé, ARAFA) dans les temples et le péribole. A l’époque romaine, le sanctuaire se compose de deux fana délimités par un péribole formant une galerie couverte, de 50 x 50 m environ. Dans le fanum nord, la cella comporte un sol en opus signinum et est entourée d’une galerie en colonnade. Dans le fanum sud, une colonnade plus restreinte, reposant directement sur le sol matérialisé par un dallage en basalte, encercle la cella. Les sols des galeries, de la cella du fanum sud ainsi que de la branche est du péribole, sont en terrazzo. Une entrée du sanctuaire est située à l’ouest, le long de la voie antique. Une colonnade ainsi qu’un dallage forment un portique amenant à l’entrée couverte. Le dallage se poursuit ensuite en direction des deux temples. A l’est (fouilles 2007), un porche monumental (daté du début du IIème siècle) de plus de 5 m de large, comportant des enduits peints et un sol construit en terrazzo, permet d’accéder à la cour, en face des temples. Plusieurs fosses à caractère votif ont été mises au jour, notamment le long du dallage ouest menant aux temples, et dans la cella du fanum sud.
Gergovie – 2006 – Fouille du sanctuaire. Grande fosse (ou un fossé ?) (M. Garcia/ ARAFA)
Une grande favissa située dans l’angle nord-est du péribole a livré un mobilier très abondant (céramique, bronze, faune, antéfixe, verre). Entre les temples, sous les murs maçonnés, une grande fosse (ou un fossé ?) a été partiellement dégagée. Il s’agit d’une structure de taille importante, dont le fond se situe à 2,6 m sous le dallage romain, comprenant de la céramique, des amphores ainsi que de la faune (chien, mouton, cochon, bœuf) typiques des rituels gaulois tels qu’ils sont apparus sur le sanctuaire proche de Corent. Les premiers niveaux de comblement de cette structure sont datés de LT D2a (période située environ entre 140 et 110 av. J.-C. ; 140-130 : LT D2a ancienne, 130-110 : LT D2a récente), mais sa phase maximale de fonctionnement se place après la conquête. Le sanctuaire semble s’installer juste avant la conquête et est fortement remanié à l’époque augustéenne, quand les temples ainsi que le péribole sont mis en place. A la fin du Ier siècle ou au début du IIème siècle, il est monumentalisé et est abandonné au IIIème siècle. Après 50 ans d’interruption, la reprise des fouilles renouvelle considérablement la connaissance du site de Gergovie. Cette recherche, qui est amenée à se poursuivre, devra concerner la zone interne du site. Cet espace est potentiellement le plus à même de fournir des éléments de réponse quant à l’origine de l’occupation laténienne, sujet qui fait actuellement débat au sein de la communauté des archéologues.
II – Gergovie – 2006 – Fouille du sanctuaire. Campagne 2006
Gergovie – 2006 – Fouille du sanctuaire. Plan de la fouille 2006 (M. Garcia/ ARAFA)
Les recherches nombreuses sur le site de Gergovie et ses alentours ont permis la mise au jour des éléments liés à la Guerre des Gaules mais ont aussi permis de voir que le plateau était densément occupé à l’époque romaine. Un des bâtiments les mieux connus du site pour cette période est sans doute la zone dite « du temple ».
Ce secteur, dégagé depuis 1934 par O. Brogan et Desforges comporte deux temples ou fana (pluriel du mot latin fanum) entouré d’une galerie ou péribole. Cette galerie était composée de colonnades. Celles-ci sont construites à l’aide de quart de rond en brique et recouvertes de stuc (mortier et poussière de marbre, voir ci-dessus). Il existe une entrée monumentale à l’ouest, sans doute en raison de la présence de la voie principale qui passe devant le sanctuaire.
Gergovie – 2006 – Fouille du sanctuaire. Quart de rond en brique pour la construction des colonnes (M. Garcia/ ARAFA)
Les temples présentent une forme architecturale que l’on retrouve essentiellement en Gaule romaine, c’est-à-dire une pièce centrale nommée cella, dans laquelle se trouvait la (ou les) statues de culte, entouré d’une galerie formée de colonnade. Ces temples sont maçonnés et les sols sont construits à l’aide de mortier et fragments de tuiles et amphores pilées : terrazzo). Le temple nord présentait un sol en opus signinum dans sa cella, c’est-à-dire un terrazzo incrustés de tesselles (cubes de pierre de couleurs différentes) formant un décor de rosace.
En 1990, J.-M. Sauget ouvre une tranchée centrale pour comprendre la stratigraphie du site (succession des couches dans le temps). Cette étude n’est pas menée à son terme et reste inachevée jusqu’à la reprise des travaux en 2006.
Ces temples ont été construits au Ier siècle de notre ère et fonctionnent jusqu’au IIème, puis semblent abandonnés et réoccupés jusqu’au IIIème siècle. L’occupation antérieure reste encore à définir plus précisément.
De nouvelles recherches ont été lancées sur ce secteur, qui ont vu la réouverture de la tranchée de 1990 et dont les résultats n’avaient pas été publiés, ainsi que l’ouverture de deux sondages dans le péribole. Le but était de tester la stratigraphie ainsi que l’état de conservation des vestiges, tout en permettant d’appréhender les techniques de fouilles des années 1930.
Gergovie – 2006 – Fouille du sanctuaire. Reprise de la fouille de Sauget (M. Garcia/ ARAFA)
Tranchée A
Ce sondage est la reprise de la tranchée ouverte par J.-M. Sauget. Il s’agit d’une tranchée de 4 m de large environ, pour 40 m de long, recoupant les deux temples au centre de leur cella. Ce sondage a permis la mise au net des diverses stratigraphies ou empilement des diverses couches pour l’élaboration des temples. Il apparaît donc que la cella est le premier élément construit, puis vient ensuite la galerie, peut-être 10 ou 15 ans plus tard, avec peut être d’abord un état de la galerie en matériaux légers.
Dans la cella du temple sud, une favissa (fosse permettant le rejet d’élément appartenant au fonctionnement du sanctuaire) conservait différents éléments d’architecture et de sculpture.
Sondage B
Ce sondage dans l’angle nord-est du sanctuaire a permis de voir que la construction de la branche nord du péribole est très complexe et présente plusieurs phases de remaniements. Il a aussi permis de voir les techniques de fouilles utilisées dans les années 1930. Il s’agissait à l’époque de rechercher les murs et de les suivre jusqu’à leur base. Ces murs ne sont pas démontés mais leur dégagement complet ne permet plus à l’heure actuelle de voir la liaison entre ces murs et les niveaux de sols adjacents.
De plus, il faut préciser que différents états des murs étaient ainsi mis au jour sans distinction.
Le sondage B a vu la mise au jour de trois phases de construction, permettant la création d’une galerie présentant sans doute une colonnade entre la galerie et la cour. Cette galerie présente divers niveaux de sols qui se superposent.
À l’intérieur de la cour, le sol sans doute pavé est percé par une autre favissa dans laquelle se trouve un nombre important de céramique, ainsi que de la faune, dans élément de miroir et une fibule.
Gergovie – 2006 – Fouille du sanctuaire (M. Garcia/ ARAFA)
Sondage C
Ce sondage a été effectué dans l’angle sud-est du sanctuaire à un emplacement où aucune fouille ancienne ne semblait avoir été effectuée.
Gergovie – 2006 – Fouille du sanctuaire (M. Garcia/ ARAFA)
Ce niveau est très perturbé par les structures postérieures : l’installation d’un mur de terrasse sur le mur romain, ainsi qu’une fosse moderne n’ont permis de distinguer qu’un seul mur très clairement. Le niveau géologique étant très haut à ce niveau, la conservation n’est donc pas assurée.
Cet angle est bien moins conservé. Seules deux phases semblent pouvoir être distinguées, sans doute la construction des dernières phases a conduit à la destruction des structures antérieures. Néanmoins, ce secteur présente une originalité. En effet, le mur de façade Est est construit à l’aide d’assises de tuiles, ce qui plaide pour une élévation en matériaux légers, et non une colonnade telle que l’on peut voir sur la façade ouest.
L’ensemble est recouvert par le niveau de démolition de la galerie, niveau composé d’éléments de la toiture effondrée en place. Ce niveau recouvre le niveau de circulation de la galerie.
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
Type de projet : fouille programmée (« Gergovie – 2007 – Fouille du rempart »)
Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne
Responsable de l’opération : Thomas Pertelwieser
Notice et documents : Lucien Andrieu, Thomas Pertelwieser
I – La porte ouest
II – Rempart sud-ouest
I – La porte ouest
Tranchée de palissade du coté nord-est (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Le but de la fouille « Gergovie – 2007 – Fouille du rempart » était de mieux caractériser l’environnement de la fortification.
Le bâtiment partiellement dégagé en 2006, a été perçu dans sa totalité cette année. Son côté sud-est est implanté juste en limite nord de la carrière.
Le côté nord-est est matérialisé par une tranchée de palissade creusée dans le substrat basaltique, suivie par plusieurs trous de poteau.
Sur le côté sud-est le bâtiment s’appuie directement sur le gros mur de pierre sèche qui pourrait être le reste de l’ancienne porte avec un dispositif à « ailes rentrantes » connus ailleurs en gaule. Au nord de cet ensemble plusieurs autres structures peuvent témoigner de l’existence d’un aménagement bâti.
On note la présence d’une citerne rectangulaire d’une contenance de 4,5 m3 qui n’a été comblée qu’à l’époque augustéenne en une seule fois. On a découvert au fond trois fibules.
Quatre fosses ont été dégagées lors de la fouille « Gergovie – 2007 – Fouille du rempart » :
la première a livré une table basaltique et des micro-déchets, des battitures qui caractérisent le forgeage à chaud du fer. On a découvert des blocs de tuyères à proximité. On peut en déduire que cette fosse a accueilli un forgeron.
la plus grande des fosses a une fonction indéterminée, ce peut être une fosse d’extraction ou un atelier semi-enterré.
la troisième fosse peu profonde (0.3 m au maximum et de 4 m de diamètre) a un comblement constitué d’un sédiment limono-argileux brun sombre.
Citerne (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Cette couche est perforée par une pointe de trait de catapulte, fichée en terre selon un angle de 70° et orienté au sud.. Cet objet s’est enfoncé de tout son long dans ce sédiment meuble et s’est arrêté sur le niveau empierré sous-jacent. Sa position, au moment de la découverte, est strictement identique à celles des pointes de traits retrouvées sur le site de la fontaine Loulié, au Puy d’Issolu, lieu intensément bombardé par l’armée de César en 51 av. J.-C. (Girault 2007). Prise d’ information faite auprès de diverses troupes de reconstitution utilisant fréquemment ce type d’armement, l’angle de la pointe ainsi que la profondeur d’enfouissement, correspondent très précisément à ceux que l’on obtient en réalisant un tir parabolique, méthode qui permet d’atteindre la portée maximale qui est comprise, d’après les essais effectués, entre 400 et 500 m.
Trait de catapulte (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Trait de catapulte (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Cet objet, qui s’intègre parfaitement dans la série de ceux retrouvés sur les sites de la Guerre des Gaule, signale une position bombardée par l’artillerie romaine probablement au moment du siège de 52 av. J.-C. au pied de Gergovie. Si cette hypothèse se trouve confirmée (par la mise au jour d’autres objets du même type), cet objet retrouvé en position primaire fournit un terminus ante quem pour les vestiges sous-jacents. Dans tous les cas, sa découverte conforte l’attribution à La Tène D2 des vestiges associés à la phase 2.
(Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Un radier de sol constitué par un niveau à plat de petits blocs de basalte est présent à l’est de l’ensemble bâti précédemment décrit. Cet aménagement, relativement peu épais (5 cm), occupe une emprise d’environ 80 m². Il est limité : au sud, par une ligne de trous de poteaux ; à l’ouest, par l’ensemble bâti associé à la tranchée de palissade. La limite est n’est pas établie de façon certaine. Le sondage pratiqué dans la partie sud de l’aménagement, montre que ce sol, repose soit le substrat basaltique, soit les remblais installés au cours de la phase 1. Ce sol est recoupé par des fosses. Une concentration de torchis ou terre cuite écrasé in situ mêlée à plusieurs éléments métalliques (fer) a été dégagé à la surface de ce radier. Elle correspond soit aux restes d’un foyer très mal préservé, soit à ceux d’une paroi de construction effondrée. Le mobilier présent à la surface de ce sol est assez peu abondant et relativement usé, ce qui confirme l’identification à un espace de circulation. La présence d’une monnaie appartenant au type EPAD au guerrier à la surface de cet aménagement et l’absence de mobilier augustéen confirme l’hypothèse d’une utilisation autour dans le troisième quart du Ier s. av. J.-C.
L’interprétation de cet aménagement amène plusieurs interrogations. S’il correspond à l’évidence à un espace de circulation, la question de savoir s’il s’agit d’un sol extérieur ou d’un sol de bâtiment. La première hypothèse s’accorde avec celle d’une porte à cet emplacement déduite de la présence du mur massif 20157. S’oppose à cela la présence de plusieurs fosses (dont un atelier de forge) et d’une palissade qui se développe perpendiculairement à ce même mur 20157. Ces éléments indiqueraient plutôt un espace couvert de type atelier (présence de la forge). Ces deux interprétations ne s’excluent pas totalement puisqu’il est assez fréquemment, sur les oppida, de voir des constructions privées (habitations, ateliers) empiéter sur des espaces publics de type voie ou place (Condé-sur-Suippe, Corent…) ou encore sur des ouvrages défensifs (Bibracte). On peut envisager que l’installation de cet atelier de forge ait été effectuée sur un espace initialement destiné à la voierie. Cette proposition, très provisoire, reste à vérifier par les travaux à venir.
Vient ensuite la fermeture vers l’accès à la citerne circulaire et le nivellement du sol. Peuvent également être rattachés à cette phase plusieurs aménagements qui attestent définitivement de la présence d’un bâtiment immédiatement à l’est de l’ensemble construit mis en évidence pour l’état précédent. Cette construction s’appuie partiellement sur les aménagements plus anciens. Cet ensemble détermine une construction rectangulaire large de 7 m et longue de 12 m, ce qui correspond assez précisément à la taille de la construction dégagé pour le premier état. Ce bâtiment est associé, dans sa partie interne, à une couche d’occupation d’une dizaine de centimètres d’épaisseur qui livre un mobilier relativement abondant mais fragmenté (environ 1 500 fragments pour 18 kg) où figurent en bonne place les éléments en fer (335 fragments pour 2 kg) ainsi que les scories (384 fragments pour 7,4 kg). La présence de ces vestiges mobiliers permet d’envisager que la fonction de cet espace reste inchangée (atelier de forge). La présence d’une monnaie à la légende VERCA immédiatement à la base du mur permet de fixer un TPQ pour l’installation de ce bâtiment. Ce type de monnaie est considéré comme datant du début de la période augustéenne. La présence d’un radier de sol (une voie ?) à l’est du bâtiment est fortement probable mais reste à démontrer par le démontage plus systématique de l’aménagement supérieur, à entreprendre en 2008. La datation tardive proposée pour cet aménagement (période augustéenne) repose sur la collecte des éléments mobiliers présents en surface (juste sous le niveau de décapage). Le nettoyage de cet aménagement a clairement montré la présence de recharges avec l’existence d’au moins un état antérieur à celui le plus largement dégagé en 2007. Ce niveau plus ancien, se présente sous la forme d’un radier, nettement plus structuré que celui dégagé en partie supérieure, fait d’éclats de basalte et d’éléments mobiliers (amphores, scories, faunes) disposés à plat. L’installation du bâtiment, entérine de façon définitive le glissement de l’accès au plateau vers l’est. Cette hypothèse s’accorde avec le décalage net vers l’est observé entre le mur appartenant au premier dispositif d’entrée et la porte maçonnée gallo-romaine.
La citerne rectangulaire est ensuite comblée en une seule fois et viens ensuite l’installation de la porte gallo-romaine maçonnée.
II – Gergovie – 2007 – Fouille du rempart. Rempart sud-ouest
La fouille « Gergovie – 2007 – Fouille du rempart » a permis d’établir un premier phasage des structures du secteur.
Vue externe du rempart (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Le rempart comporte deux parements (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Le comblement à l’arrière du rempart par de grosses pierre forme une sorte de rampe (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
comblement à l’arrière avec de grosses pierres (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
phase 1a : Installation d’une carrière au bord sud-ouest du plateau. Cette carrière a profondément entaillé le rocher basaltique (2.7 m de profondeur et 8.5 m de largeur)
phase 1b : Abandon et remplissage assez rapide de la carrière
phase 2a : Construction du rempart de 2.5 m de largeur en pierres sèches, le bord extérieur repose sur le rocher tandis que le bord intérieur semble installé en partie sur des remblais. La fouille « Gergovie – 2007 – Fouille du rempart » a permis de dégager complètement le rempart sur une longueur de 18 m.
phase 2b : Niveau d’utilisation du rempart matérialisé par une couche de terre humique (non encore fouillée).
phase 3a et 3b : Réactivation de la carrière.
phase 3c : Inhumation humaine et dépôts d’animaux (un agneau complet, un jeune bovin et un pied de canidé) au fond de la carrière.
phase 3d : Abandon et remplissage très rapide de la carrière.
phase 3e : Le deuxième état de la fortification correspond à une phase de renforcement du rempart qui passe par un rehaussement ou reconstruction partielle du mur en pierres sèches.
Cette réfection consiste principalement en l’installation d’un nouveau parement interne réalisés à l’aide de blocs de grande dimension (jusqu’à plus de 60 cm de long). Ces pierres présentent des arêtes vives ce qui indique qu’il s’agit de blocs frais probablement directement issus de l’exploitation de la carrière située aux pieds du rempart.
Si le parement interne est installé à l’aplomb du mur préexistant, le parement externe est placé en retrait du parement de l’ état précédent et repose, pour toute sa longueur dégagée, sur le fourrage du premier état. Il n’est aujourd’hui préservé que sur 2 assises. Il est possible qu’avant cette réfection, le mur d’origine ait été démonté partiellement et aplani pour pouvoir recevoir la nouvelle construction.
Grosses pierres qui empêchent le mur de s’effondrer (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Le parement interne n’est préservé que dans la partie est de la fouille, sur 6 m de longueur. Cette face interne déborde du parement le plus ancien, vers l’intérieur, et forme un surplomb de 30 cm maximum.
Il est ponctuellement préservé jusqu’à 4 assises.
Cette réfection conduit à la constitution d’un mur nettement plus modeste qu’antérieurement puisque la distance de parement à parement n’est plus que de 2 m au lieu des 2,5 m de largeur observés pour le premier état. Pour soutenir certains blocs qui paraissent avoir eu tendance à basculer vers l’intérieur du site, de grandes dalles rocheuses ont été posées en position inclinée contre la face interne de la première construction. Ce blocage a été repéré jusqu’à la tranchée pratiquée dans les années 1930 qui a complètement détruit cet aménagement.
En fait, ce soubassement de dalles fait partie d’une construction en pierres massives beaucoup plus importante, qui s’étend en arrière de ce deuxième état de la fortification. Là, une vaste rampe constituée d’un blocage massif, dense et compact de blocs de basalte, vient s’appuyer sur toute la hauteur du parement interne de l’état 1 du rempart. Cette rampe est inclinée vers le nord et s’étend, depuis le parement interne, sur 6 m de profondeur. Aux emplacements où elle est la mieux préservée, on voit nettement une organisation des blocs disposés de façon à ménager une surface assez nette et homogène.
(Thomas Pertelwieser / ARAFA)
(Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Pierres avec trace d’outils (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
La taille des pierres varie de 25 à 90 cm de diamètre. Ces pierres montrent fréquemment les indices d’une extraction directe depuis la carrière, comme par exemple des arêtes vives ou des surfaces « fraîches » non oxydées. Elles correspondent, de par leur taille et leur forme, aux traces d’exploitation visibles dans la carrière. Le démontage de la rampe a permis d’observer sur un bon nombre de pierres des traces d’outils qu’on retrouve également au fond de la carrière. Il s’agit d’impacts circulaires de 2 à 3 cm de diamètre, qui se trouvent le plus souvent à l’emplacement des failles verticales ou horizontales du rocher basaltique. Ces traces évoquent un outil de type pic ou burin.
Deuxième mur à l’extérieur du mur existant (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Deuxième mur à l’extérieur du mur existant (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
L’ensemble des structures appartenant à la phase 3 peut témoigner d’une réalisation faite dans l’urgence. L’installation d’une carrière directement contre la partie interne du rempart est un cas de figure unique qui ne connaît pas de comparaison en Europe. Généralement, les terrasses ou les fossés qui sont mis à profit pour récupérer des matériaux nécessaires à la construction de la fortification sont situés à l’extérieur des remparts.
Deuxième mur à l’extérieur du mur existant (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
De plus, le deuxième état du rempart présente un aspect beaucoup moins soigné que le premier état de la fortification avec un parement interne maintenu par des blocs placés obliquement et l’installation d’une rampe massive. La construction du parement externe en retrait du parement d’origine est également atypique et témoigne d’un souci d’économiser du temps et des matériaux. Sur la très grande majorité des fortifications protohistoriques, les réfections les plus récentes englobent les états les plus anciens et réutilisent ainsi la masse initiale. Tous ces indices tendent à montrer que cette réfection, qui comprend l’installation d’un mur aux dimensions plus réduites qui rehausse toutefois la fortification et la mise en place d’une rampe massive immédiatement en arrière du rempart, a été réalisée dans l’urgence. Elle a nécessité la réactivation de la carrière anciennement comblée et située immédiatement en arrière du rempart. La limite nord de la rampe correspond assez précisément à la limite sud du recreusement visible dans le comblement de la carrière. Si on imagine un travail réalisé par une équipe assez nombreuse, l’extraction puis la construction de l’ensemble a pu être réalisé dans un laps de temps relativement court.
phase 3f : Niveau d’utilisation du rempart.
phase 4 : Abandon de la fortification.
phase 5 : Fouilles anciennes et modernes.
Le parement interne est très bien conservé (Thomas Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
Type de projet : fouille programmée (« 2015 – 2021 – Les fouilles de P. Jud »)
Conduite du projet : ASG (association du site de gergovie)
Responsable de l’opération : Peter Jud
Notice et documents : Lucien Andrieu, Peter Jud et Xavier Lauer
Les fouilles « 2015 – 2021 – Les fouilles de P. Jud » ont permis de découvrir un ensemble urbain très cohérent.
(Peter Jud / ASG)
Dès le début de l’occupation, vers 70 avant notre ère, un fossé de drainage traverse le secteur (n° 3 du plan). Il s’agit de la structure la plus ancienne reconnue à ce jour.
Puis, un mur de fortification formé de grands blocs basaltiques et large de 2,70 m est construit (5). Ce mur est orienté perpendiculairement au rempart, qui borde le plateau. Il appartient à l’aménagement de la porte principale de la ville.
Dans le corridor formé par les deux ailes rentrantes du rempart, une tour massive en bois à plusieurs étages bloque l’entrée, surplombant la chaussée et les portes (6). Cette voie, large de plusieurs mètres, se dirige vers le centre de la ville (4). Elle est encore par endroit recouverte d’un dallage à la romaine. Immédiatement derrière la porte, une plateforme rectangulaire constituée de larges dalles supporte un vaste bâtiment sur poteaux, identifié comme une halle publique (7).
Cet ensemble urbain d’une qualité surprenante, construit essentiellement en pierre sèche, se développe entre les années 60 et 20 avant notre ère. Dans la phase terminale de l’occupation du secteur, marquée déjà par l’abandon progressif de la ville, un quartier artisanal s’installe. Un ensemble de bâtiments légers construits en bois, s’organise autour d’une petite cour. Pour cette dernière phase, ont été reconnu des ateliers métallurgiques, un puits et une citerne.
L’équipe des fouilleurs dirigée par Peter Jud est composée d’étudiants en archéologie des universités de Paris Sorbonne, de Clermont-Ferrand et Montpellier, ainsi que de bénévoles français et étrangers.
(Peter Jud / ASG)
Parement du rempart (Peter Jud / ASG)
Trous de poteaux partie sud (Peter Jud / ASG)
Reste de foyer sous la tour (Peter Jud / ASG)
Fossé parallèle au rempart découvert en 2021 (Peter Jud / ASG)
Un fossé sous le grand dallage. Il a été recouvert par le dallage (Peter Jud / ASG)
Le grand dallage (Peter Jud / ASG)
A l’arrière du grand dallage (Peter Jud / ASG)
Fossé porte sud (Peter Jud / ASG)
Au centre du plateau un immense dallage a été découvert il mesure au moins 125m de long pour 25m de large !
Cela donne une surface de plus de 3000 mètres carrés. Cette place pouvait dont contenir environ 3000 personnes (en comptant comme la police 1 personne par mètre carré) ou 9000 personnes ( en comptant 3 individus au mettre carré) et même 20000 personnes (à la Mecque il y a 7 pèlerins par mettre carré).
Le travail colossal qu’il a fallu fournir pour l’établir démontre l’importance du site. C’est pourrait être un espace public, la suite des fouilles permettra de mieux comprendre
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
Auteur de la notice « 2016 – La porte centrale » : Lucien Andrieu. Réalisation 3D avec Blender par Lucien Andrieu, suivant les données de fouilles de Peter Jud
Voici un extrait du rapport de fouille 2016 de Peter Jud, archéologue responsable du chantier.
«Les fouilles de 2013 à 2016 n’ont pas seulement permis la découverte de la porte sud, mais en plus de proposer une restitution du dispositif défensif complexe dans ce secteur clé de la ville gauloise. Cette hypothèse permettra des fouilles et sondages très ciblés pour les années à venir, afin de valider le plan de cet aménagement, unique dans le monde des fortifications celtiques.
Le mur de fortification construit en pierre sèche ne présente pas du tout la physionomie normale des remparts d’oppida de Gaule tempérée. A cette particularité s’ajoute désormais la présence très surprenante de tours en pierre et en bois, et d’une voie dallée. Par contraste, l’architecture du bâtiment de la porte suit exactement le modèle standard appliqué partout dans le monde celtique.
La construction de la fortification et de la porte, achevée certainement avant les événements de 52 av.n. e, représente sans doute une partie intégrante d’un grand projet urbanistique : la création d’une « vraie ville ». La découverte de la grande place dallée confirme que ce projet de ville ne se limitait pas à la construction d’une fortification. Le dallage de cette place, d’un poids estimé de près de 3000 tonnes, témoigne d’un effort collectif extraordinaire de la communauté gergoviote. Pour le moment, cette espace public correspond à un hapax, une attestation isolée. Le phasage provisoire, établi sur la base de la stratigraphie, confirme que ce projet urbain appartient aux tout premiers temps de l’occupation.
Le site n’était pas, comme on l’a longtemps cru, un modeste village gaulois se développant peu à peu pour ne devenir une ville qu’au début de l’époque gallo-romaine.
L’hypothèse que Gergovie n’était, à l’époque de la guerre des Gaules qu’une fortification vide, doit également être abandonnée.»
Le rempart ne suit plus le bord du plateau, il est dévié pour former une sorte d’entonnoir et permet ainsi aux archers placés sur les côtés de défendre l’accès à la porte.
Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
« Une nouvelle interprétation du rempart de Gergovie à La Tène D2 est proposée. La forme et l’espacement des éperons internes qui en font la principale singularité s’accordent mal avec leur identification habituelle comme contreforts ou comme rampes d’accès. Ils s’expliquent mieux comme supports d’un plancher permettant d’élargir le chemin de ronde. Des dispositifs similaires sont attestés dans des fortifications de l’Hispanie Citérieure et de la Gaule Transalpine qui reproduisent, par l’intermédiaire de Rome, un modèle hellénistique. »
Les murs latéraux ne seraient donc pas des rampes d’accès ni des renforts pour soutenir le mur mais des supports pour une structure bois qui « permettent de multiplier par deux la largeur du chemin de ronde, les rendant ainsi plus fonctionnels ».
Cette nouvelle interprétation des fouilles permet d’imaginer une autre façon de voir le rempart de Gergovie.
Auteur de la notice et concepteur des panneaux : Lucien Andrieu
L’ARAFA avait installé plusieurs panneaux d’information sur le plateau. Le vent, les intempéries, le vandalisme avaient fini par les rendre presque illisibles. Ils sont maintenant remplacés par des cartels plus petits et plus solides.
Comme ils comportaient beaucoup d’informations et des photos de fouille qui ne sont pas sur les nouveaux cartels, leur contenu peut encore intéresser certains visiteurs
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole : chapitres I à V issus de l’Article publié dans “L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008″ qui nous a aimablement autorisé à le reproduire. Les données présentée à partir du chapitre VI correspondent à des synthèses par année de fouille
I – Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Présentation
Le site de Gondole (commune du Cendre) est, des trois oppida arvernes localisés au sud du grand bassin clermontois, celui qui reste le plus mal connu du grand public et de la communauté des chercheurs.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. L’oppidum de Gondole à la confluence de l’Allier et l’Auzon (S. Foucras / ARAFA)
Pourtant, dès le XIXe siècle, il y est fait mention de découvertes surprenantes qui étaient considérées, jusqu’à la reprise récente des recherches, avec beaucoup circonspection. Ainsi, P.-P. Mathieu, érudit local qui suivait de près les travaux liés à la voie de chemin de fer construite à proximité immédiate du site, dit avoir vu « un squelette humain, la tête coiffée d’un casque d’airain », d’un « puits de 2 m de diamètre remplis de pierres mêlées à des ossements de chrétiens » ou encore d’une « fosse de 12 par 12 pieds remplis d’ossements de chrétiens mêlés à quelques os de cheval ».
II – Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. La redécouverte du site
L’identification du site à un oppidum gaulois est finalement récente puisqu’on la doit à une prospection réalisée dans les années 1980 à l’intérieur du site (J. Collis). C’est également à cette époque que l’attribution à la période protohistorique a été proposée pour l’imposante fortification qui protège le site.
Les premiers travaux d’envergure n’ont été réalisés qu’au début du XXIe siècle, à l’occasion d’un projet routier et urbain. Une opération de diagnostic archéologique, conduite entre 2002 et 2005 (U. Cabezuelo, INRAP), a concerné toutes les parcelles situées en avant de la fortification et se trouvant à l’ouest de la voie de chemin de fer, soit un espace d’environ 45 hectares. Ces sondages systématiques ont révélé que, loin d’être fantaisistes, les descriptions faites au XIXe s. relatant la découverte de vestiges funéraires quelque peu inhabituels, renvoyaient bien à une réalité archéologique. Cette opération a également montré, que loin de se limiter au seul espace fortifié, l’occupation laténienne débordait très largement à l’extérieur de l’oppidum.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Rempart et talus. Soit 4a : la voie de chemin de fer passe sur le bord du fossé ; 4b : sondage dans le fossé, le rempart est à droite, la pelle fait plus 8 m de long (Y. Deberge / ARAFA)
Depuis 2005, une opération de fouille programmée est conduite, plus à l’est, immédiatement aux abords du fossé défensif de l’oppidum (Y. Deberge, ARAFA). Débutée par une campagne de reconnaissance archéologique portant sur 3 hectares, la zone de fouille se concentre finalement sur un secteur de 5 000 m² à forte densité de vestiges, l’objectif étant de compléter les informations apportées par les travaux préventifs notamment en caractérisant le mode d’occupation de cet espace situé en dehors de l’espace fortifié.
Ces observations de terrain, cumulées à celles obtenues par prospection aérienne, méthode de repérage des vestiges particulièrement efficiente sur ces terrains alluviaux, attestent, chose rarement observée sur les oppida de Gaule interne, d’une occupation qui déborde largement de la seule zone fortifiée. Au total, la surface occupée par l’oppidum et ses abords à la période gauloise est de 70 ha, soit une surface équivalente à celle des proches voisins de Corent et de Gergovie.
III – Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Organisation de l’occupation laténienne
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Étendue de l’occupation laténienne et fonctionnalisation des espaces (Y. Deberge / ARAFA)
L’oppidum est implanté à la confluence de l’Allier et de l’un de ses affluents, l’Auzon. Ces deux rivières ont dégagé un éperon qui surplombe d’une vingtaine de mètres leurs lits majeurs. Cette position, naturellement fortifiée, a été renforcée par l’installation d’un ouvrage massif, un large fossé suivie d’un haut talus, qui barre sur 600 m de long ce site de confluence.
Ainsi délimité, l’oppidum même occupe une surface d’environ 28 ha. En avant de cet ouvrage, la topographie est nettement plus plane et se présente sous la forme d’un vaste versant qui s’élève selon une pente très douce vers l’ouest. Les terrains situés au sud et à l’est correspondent aux terrasses hautes et basses de l’Allier. C’est sur cet espace non fortifié que se développe, sur environ 40 ha, l’occupation extensive mise en évidence récemment.
Dans la partie nord-ouest, les vestiges renvoient préférentiellement aux domaines religieux et funéraires. Dans la partie sud-est, l’occupation est plus tournée vers les domaines domestiques et artisanaux
IV – Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. L’ouvrage défensif
La fortification se présente aujourd’hui sous la forme d’une vaste dépression, large de 70 m et profonde de 4 m, suivie d’un talus, ponctuellement conservé sur 8 m de hauteur, qui s’étale sur près de 80 m de profondeur.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Profil actuel et restitué de l’ouvrage défensif (Y. Deberge, V. Guichard / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Sondage dans la moitié sud du fossé (Y. Deberge / ARAFA)
Un sondage, réalisé sur la moitié de sa largeur (l’autre moitié est située sur des terrains privés non accessibles), a révélé un creusement aux parois abruptes et un fond plat marqué par la présence d’un aménagement dans la partie centrale du fossé (palissade, douve ?). La présence de quelques restes organiques à la base du creusement, dont quelques lentilles d’eau, indique que la partie basse du fossé pouvait être en eau.
Ces observations permettent de tenter une restitution de la forme initiale de l’ouvrage : ce vaste fossé devait, à l’origine, avoisiner les 8 m de profondeur et approcher 30 m de largeur à l’ouverture. Son creusement a permis le dégagement d’une masse de terre considérable (environ 135 000 m³) qui a servi à l’édification du rempart. L’architecture interne du rempart n’est pas connue. Cependant, la découverte de gros blocs calcaires présentant une face de parement, en plusieurs points du site (y compris en remploi dans certaines structures laténiennes fouillées récemment), indique que cet ouvrage a pu avoir un habillage de pierres.
Le seul accès visible à la zone fortifiée correspond à une interruption marquée dans le tracé de l’ouvrage, approximativement au deux tiers sud. Cette entrée, encore utilisée aujourd’hui, est traversée par un chemin vicinal qui se prolonge, en ligne droite, à l’intérieur du site. Il est très probable qu’il reprenne le tracé d’une ancienne voie comme en témoigne l’orientation des vestiges laténiens qui se distribuent, de façon cohérente, perpendiculairement et parallèlement à cet ouvrage, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du site. Une autre voie empierrée, beaucoup plus monumentale, a été récemment mise en évidence en avant l’oppidum. Constituée d’une voie de roulement empierrée de 6 m de large, elle est bordée de part et d’autre de profonds fossés ou tranchées de palissades. Son tracé, repéré sur 400 m de longueur, part en direction de l’oppidum voisin de Gergovie.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. La voie monumentale découverte en avant de l’oppidum (J. Dunkley / INRAP)
V – Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. La zone interne de l’oppidum
L’espace fortifié n’est connu que par l’intermédiaire de quelques sondages, de taille très réduite, et de prospections au sol. Ces observations confirment la présence de niveaux archéologiques (sols construits et structures en creux) conservés ainsi que leur datation au Ier s. av. J.-C. Les photographies aériennes sont d’un apport bien plus déterminant pour ce qui est de la perception de l’organisation générale des vestiges. Elles mettent en évidence, aux emplacements où la végétation de surface n’empêche pas les observations, une occupation très structurée. Le long de la voie centrale, des axes de circulation installés orthogonalement déterminent des îlots de quelques milliers de mètres carré chacun. Au sein de ces espaces, se distinguent de grandes structures quadrangulaires, d’environ 40 m² au sol, et des vestiges plus ponctuels, généralement circulaires et d’un diamètre limité (1 à 2 m). La fouille conduite à l’extérieur du site permet d’interpréter ces aménagements visibles, de façon spectaculaire, depuis les airs. Palissades, caves et puits semblent consteller la zone interne de l’oppidum.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Vestiges archéologiques dans la zone interne de l’oppidum (Y. Deberge / ARAFA)
VI – Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Un espace à vocation funéraire et religieuse
C’est dans la partie ouest de l’espace « extra-muros », et au nord de la grande voie, qu’a été découvert au cours de l’année 2002, le spectaculaire ensevelissement d’hommes et de chevaux. Dans une fosse rectangulaire, ont été dégagés huit hommes et huit chevaux, identifiés à des cavaliers et leurs montures. Le soin apporté à la mise en place des défunts (sept hommes et un adolescent) et à celles des animaux (tous des mâles adultes) permet d’écarter l’hypothèse d’une sépulture de catastrophe, ce que le nombre pourrait laisser suggérer. Une mise en scène précise a été recherchée. Les chevaux sont installés sur deux rangées dans la partie ouest de la fosse, tête au sud. Les hommes sont disposés, sur deux rangées, dans la partie est de la fosse, tête au sud. Les défunts sont placés sur le côté droit, le bras gauche reposant sur l’épaule du voisin. Aucune trace témoignant d’une mort violente n’a été mise en évidence sur les squelettes. Aucun élément mobilier (pièce de harnachement ou armement) ne vient nous éclairer sur la signification de cet ensemble funéraire particulier.
La découverte de Gondole renvoie à un type de pratiques, situées à la limite du funéraire et du religieux, qui sont assez largement documentées en Gaule interne, bien que sous des formes très différentes. Sur le sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre (Somme), ce sont des éléments désarticulés d’hommes et de chevaux qui ont été regroupés, bien après la mort, dans un vaste ossuaire. Sur le site de Vertault (Côte d’Or), on retrouve cette association d’hommes et d’animaux, et notamment de chevaux. Toutefois, jamais le lien entre les hommes et les chevaux n’est aussi étroit et évident qu’à Gondole.
Dans les champs du possible, l’hypothèse d’une mise à mort collective de clients au décès du puissant qu’ils servaient, pratiques décrites par César dans ses commentaires, peut également être envisagée. « Tout ce qu’on croit avoir été cher au défunt pendant sa vie, on le jette dans le bûcher, même les animaux ; et il y a peu de temps encore, on brûlait avec lui les esclaves et les clients qu’on savait qu’il avait aimé, pour complément des honneurs qu’on lui rendait » (César, Guerre de Gaules, 6, 19). Une dernière hypothèse, serait de voir dans cette sépulture particulière un témoignage des événements qui ont agités la région en 52 av. J.-C. Les fortifications césariennes liées au siège de Gergovie ne se situent qu’à quelques milliers de mètres du site de Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole…
Depuis, la mise en contexte fourni par l’extension des travaux de diagnostic nous éclaire un peu plus sur la nature de cette découverte exceptionnelle. La datation à la fin de l’âge du Fer, déjà proposée à partir d’une analyse 14C, est confirmée par la collecte d’éléments mobiliers (céramique, amphore, monnaie, fibule…). D’autres fosses du même type ont été repérés en plusieurs emplacements (au moins 19 dans les sondages réalisés). Toutes ne présentent pas cette association particulière d’hommes et de chevaux. Certaines contiennent des bovins, d’autres des caprins. Enfin, des sépultures à inhumation et des enclos fossoyés rectangulaires renvoient à des pratiques funéraires plus classiques.
L’association de ces différents types de vestiges témoigne d’une utilisation mixte de cet espace à la fois dans le cadre de pratiques religieuses et funéraires.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Sépulture d’hommes et de chevaux découverts en avant de l’oppidum (U. Cabezuelo / INRAP)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Sépulture d’hommes et de chevaux découverts en avant de l’oppidum (U. Cabezuelo / INRAP)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Vestiges funéraires découverts dans le même secteur ; enclos quadrangulaires funéraires (?) (U. Cabezuelo / INRAP)Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Sépulture à inhumation (U. Cabezuelo / INRAP)
VII – Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Un « faubourg » artisanal
Au sud de la grande voie, l’occupation est de nature domestique et artisanale.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. La zone artisanale dégagée aux abords de l’oppidum (Y. Deberge / ARAFA)
Toujours situé à l’extérieur de l’enceinte de l’oppidum, ce « faubourg » de la ville gauloise s’étend jusqu’à la basse terrasse de l’Allier située plus à l’est.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Voie comprenant deux états distincts (Y. Deberge / ARAFA)
Même si ponctuellement on rencontre quelques sépultures réparties de façon éparse sur le secteur, la très grande majorité des structures correspondent à des caves, des puits, des fosses et vestiges artisanaux. La fouille programmée conduite, depuis 2005, sur un peu plus de 3 000 m² au cœur de cet espace, permet une première caractérisation de cette occupation.
A l’image de ce qui est perçu pour la zone interne de l’oppidum, ce secteur apparaît fortement structuré. Les vestiges s’organisent de part et d’autre d’une longue voie empierrée qui se développe perpendiculaire au chemin vicinal actuel qui pérennise très certainement un axe de circulation ancien.
Plusieurs grandes caves, initialement surmontées de bâtiments de bois, sont présentes de part et d’autre de cette voie. Elles occupent une emprise au sol comprise entre 16 et 40 m² et sont toutes pourvues d’une descente d’escalier taillée dans le substrat avec, pour certaine, un emmarchement en pierres. Ces caves comportent un cuvelage en bois destiné à prévenir les éboulements des parois. Leur sol, très plan, est constitué une couche de limon marneux.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Plan d’une cave (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Cave avec descente d’escalier (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Cave avec descente d’escalier (S. Foucras / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Reconstitution de la cave (Y. Deberge / ARAFA)
Les puits sont également très présents. Leur nombre s’élève à 25 sur les 3 000 m² décapés. Certains d’entre eux comportent les traces d’un cuvelage de bois, dispositif indispensable en raison du caractère meuble du substrat superficiel (sable et grave). Ces structures livrent un abondant mobilier détritique parmi lequel les amphores vinaires, conteneurs encombrant et difficilement réutilisables, figurent en bonne place. Ils livrent ponctuellement des restes organiques conservés (semelle en bois, fragment de seau, spatule en bois, macro-restes végétaux…) qui documentent un aspect de la vie quotidienne généralement peu connue, faute de vestiges conservés.
Quelques trous de poteau, malheureusement mal conservés, marquent l’emplacement de constructions au plan difficilement déterminable.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Rejet mobilier effectué dans un puits (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Rejet mobilier effectué dans un puits (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Rejet mobilier effectué dans un puits (Y. Deberge / ARAFA)
Les vestiges artisanaux sont, quant à eux, omniprésents avec notamment de très nombreuses fosses destinées à la préparation des argiles. Autres structures emblématiques de la production potière, huit fours ont été mis au jour. Ils sont de plan très standardisé avec deux laboratoires de cuisson circulaires de petite dimension (1 m de diamètre environ) associés à un seul laboratoire de chauffe. Ces fours sont simplement aménagés par creusement dans le substrat graveleux, la paroi interne étant simplement recouverte d’une couche d’argile. Les mieux préservées montre un conduit de chauffe voûté, un laboratoire de cuisson muni d’un ressaut périphérique et une languette destinés à supporter une sole amovible constitué de gros fragments de récipients réutilisés. Les ratés de cuisson compte pour près de la moitié des rejets céramiques collectés sur le site. Les ateliers sont localisés dans certaines des plus grandes caves. L’une d’elle a livré plusieurs outils de potier (des lissoirs en pierre), une autre contenait un récipient céramique, retrouvé en position primaire, rempli d’une préparation rouge destinée à l’enduction des céramiques. Le sol de cette cave était d’ailleurs recouvert de large étendue de ce pigment rouge, indice que cette étape de la production se faisait à cet emplacement. Ces découvertes font échos à celle d’un outil caractéristique du potier, une molette utilisée pour décorer les céramiques avant cuisson, retrouvée lors du diagnostic archéologique conduit par l’INRAP.
Fours de potier (Y. Deberge / ARAFA)
Détail de l’intérieur d’un four; La languette sert au maintien de la sole (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Reconstitution des deux fours (L. Andrieu / ARAFA)
Le mobilier collecté, particulièrement abondant (plus de 120 000 restes pour une masse totale supérieure 4 tonnes), est diversifié (céramique, amphore, faune, quincaillerie, parure, monnaies…). Il permet à la fois de préciser la chronologie de l’occupation, centrée sur les deuxième et troisième quarts du Ier s. av. J.-C. (La Tène D2a, D2b), et de dresser un panorama des activités pratiquées sur le site. À la fois lieu d’habitation et de consommation (en témoigne l’abondant mobilier détritique), ce secteur est surtout marqué par une très forte implication dans la production artisanale Les vestiges mobiliers, outre la production potière, témoigne d’une pratique artisanale diversifiée : manufacture d’objets en fer (scories, chutes et barres de fer, bloc tuyère en pierre), métallurgie des alliages cuivreux (creuset, moules et chutes métalliques) et tabletterie.
La production métallurgique développée à « Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole » reste difficilement déterminable (clouterie, tôle en alliage cuivreux ?) à l’inverse de celle de l’atelier de potiers. La céramique produite correspond uniquement à la vaisselle fine, assimilable à la vaisselle de table. L’atelier semble tout particulièrement spécialisé dans les productions engobées, rouges ou blanches. Le répertoire des formes produites dérive en droite ligne des productions indigènes connues aux périodes antérieures (jattes à bord rentrant, formes hautes de forme ovoïde ou carénée, bol à panse carénée…). Suivant un processus engagé au IIe s. av. J.-C., un large emprunt est également fait aux répertoires méditerranéens. Sont reproduites des formes de la campanienne (A et B), des cruches et pichets dérivés de modèles méridionaux et catalans, et, fait nouveau, des récipients qui copient la céramique culinaire italique. Ainsi, à côté des imitations d’assiettes Lamb. 5 ou 6, de bols Lamb. 1, 8, 31/33 sont produites, à Gondole, les premières imitations connues en territoire arverne de plats à enduit rouge interne. Toutefois, ces copies ne sont jamais des retranscriptions fidèles de la forme originale. Elles comportent fréquemment des décors typiquement indigènes faits de lignes lissées (curvilignes, rectilignes, chevrons…) ou d’impressions réalisées à la molette. Ce détournement décoratif et morphologique va de pair avec celui de l’usage de ces céramiques. C’est notamment vrai pour les plats à enduit rouge interne qui, s’ils ont une fonction culinaire certaine dans le monde italique, sont ici destinés aux usages de la table.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Molette de potier (U. Cabezuelo / INRAP)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Molette de potier (U. Cabezuelo / INRAP)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Pigments rouge destinés à l’enduction des céramiques (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Lissoirs et polissoirs confectionnés à partir de haches polies réutilisées (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Ratés de cuisson (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Pot contenant du pigment (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Productions céramiques (L. Andrieu / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Productions céramiques (L. Andrieu / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Productions céramiques (L. Andrieu / ARAFA)
VIII – …lieu de résidence d’une population privilégiée
L’écrasante majorité du mobilier découvert sur le site est de facture indigène et renvoie aux activités domestiques et artisanales.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Instruments de toilette italiques (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Fibules (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Intaille (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Parure annulaire et boucles de ceinture (Y. Deberge / ARAFA)
Toutefois, certains objets « détonnent » par rapport à ce que l’on pourrait s’attendre à trouver sur un site artisanal gaulois. Il s’agit en premier lieu de plusieurs instruments de toilette (palette à fard, spatules en fer, sondes en alliage cuivreux, cure-oreille, cure-ongle…), qui sont des objets typiquement romains.
Ces ustensiles, présents à « Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole » aussi bien dans les ensembles de La Tène D2a (vers 80-50 av. J.-C.) que dans ceux de La Tène D2b (vers 50-30 av. J.-C.), sont généralement rares avant la conquête même si on les rencontre ponctuellement sur certains oppida. La vaisselle d’importation et les amphores vinaires figurent également en nombre à Gondole, avec respectivement 170 et 460 récipients identifiés, sur seulement 3 000 m2 fouillés. Les armes, souvent attestées à l’état de fragments sur les sites d’habitat laténiens, sont également bien représentées. A côté d’éléments fragmentaires (deux épées incomplètes, des éléments de bouclier) ont été découverts un casque en fer, quasiment complet, appartenant au type dit de Port, un fer de lance, une possible pointe d’épieu et un gladius. it
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Casque en fer pourvu de couvres joues et d’un protège nuque (type Port ; S. Foucras / ARAFA)
Toutefois, certains objets « détonent » par rapport à ce que l’on pourrait s’attendre à trouver sur un site artisanal gaulois. Il s’agit en premier lieu de plusieurs instruments de toilette (palette à fard, spatules en fer, sondes en alliage cuivreux, cure-oreille, cure-ongle…) qui sont des objets typiquement romains. Ces ustensiles, présents à Gondole aussi bien dans les ensembles de La Tène D2a (vers 80-50 av. J.-C.) que dans ceux de La Tène D2b (vers 50-30 av. J.-C.), sont généralement rares avant la Conquête même si on les rencontre ponctuellement sur certains oppida. La vaisselle d’importation et les amphores vinaires figurent également en nombre à Gondole, avec respectivement 170 et 460 récipients identifiés, sur seulement 3 000 m² fouillés. Les armes, souvent attestées à l’état de fragments sur les sites d’habitat laténiens, sont également bien représentées. A côté d’éléments fragmentaires (deux épées incomplètes, des éléments de bouclier) ont été découverts un casque en fer, quasiment complet, appartenant au type dit de Port, un fer de lance, une possible pointe d’épieu et un gladius. Cet ensemble évoque très fortement une panoplie militaire romanisée comparable à celles connues pour certaines sépultures aristocratiques de Gaule du Centre et en Gaule Belgique. L’association avec quelques éléments liés au joug et au char (anneau passe-guide, renfort de caisse de char, bandage de roue) finit de souligner le caractère particulier de cette occupation installée hors de l’oppidum. Trois bagues en fer initialement pourvues d’un chaton décoré et dorées à la feuille trouvent également leur place dans ce contexte privilégié fortement romanisé.
La présence de ce mobilier, relativement exceptionnel, associée à celle des éléments importés abondants et diversifiés permet de poser la question du statut des occupants de ce secteur du site. En se basant sur ces vestiges matériels, on peut supposer que cet ensemble, pourtant situé à l’extérieur de l’oppidum, a été le lieu de résidence d’une population privilégiée, portant les armes, ayant des contacts étroits avec le monde romain : des membres d’une élite guerrière ayant servi dans les troupes auxiliaires probablement au moment de la Guerre de Gaules. L’association de ces vestiges aux témoins d’une pratique artisanale développée montre que cette population privilégiée exerce un contrôle direct sur les activités à forte implication économique. On soulignera que les productions céramiques de Gondole, qui peuvent être associées chronologiquement à cet ensemble particulier de mobilier, comportent, à côté d’un fond indigène très présent, une proportion importante de formes directement issues du monde romain.
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Gladius en fer retrouvé sur le sol de l’une des caves (Y. Deberge / ARAFA)
Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Pendeloque en bronze à figuration zoomorphe (Y. Deberge / ARAFA)Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Fibule en bronze à décoration zoomorphe (Y. Deberge / ARAFA)
Les différents travaux conduits, aussi bien dans un cadre préventif que programmé, depuis ces cinq dernières années renouvellent profondément la connaissance que nous avions de l’occupation laténienne de Gondole. Les vestiges découverts témoignent de l’extraordinaire potentiel de ce site parfois considéré comme « secondaire » en regard de ses deux proches voisins que sont Gergovie et Corent.
VI – Campagne de fouilles 2005-2006
Le site de « Gondole », localisé sur la commune du Cendre, est l’un des trois oppida (ville gauloise), avec Corent et Gergovie, identifiés à ce jour dans le bassin clermontois. Il est notamment connu pour son imposante fortification (la ligne de chemin de fer Clermont-Issoire passe dans son fossé) et les découvertes exceptionnelles faites lors d’opérations préventives entre 2002 et 2005 (« tombes aux cavaliers »).
En 2005, une opération de fouille archéologique programmée a été conduite sur une parcelle (propriété du Conseil général du Puy-de-Dôme) immédiatement située en avant du rempart. Elle a permis l’étude du fossé défensif de l’oppidum et la mise en évidence d’une importante occupation à caractère domestique et artisanal.
2006, correspond à la première année de la fouille trisannuelle (2006-2008) qui a pour objectif l’étude, sur environ 5 000 m², de ce faubourg artisanal situé aux portes de l’oppidum gaulois.
Vue générale des travaux de 2006
1- Historique du projet
L’oppidum de Gondole est, des trois oppida arvernes localisés au sud du grand bassin clermontois, celui qui reste le plus mal connu du grand public mais aussi de la communauté des chercheurs. Identifié assez récemment à un oppidum gaulois à la suite de premiers travaux exploratoires (Collis 1989), il n’a pas encore fait l’objet d’une étude d’envergure comme cela est le cas depuis ces dernières années pour les sites de Corent (M. Poux) et de Gergovie (T. Pertlwieser).
Les découvertes faites dans le cadre de l’archéologie préventive (diagnostic INRAP sous la direction de U. Cabezuelo de 2002 à 2005) sur les parcelles situées en avant de la fortification (l’une des plus imposantes du monde celtique) montrent pourtant que loin d’être un site secondaire en regard de ces deux voisins, il correspond à un site majeur occupé sur une surface sensiblement équivalente à ces derniers.
Après une campagne de reconnaissance archéologique aux abords même de la fortification conduite en 2005, nous avons entamé en 2006 une campagne de fouille dans un cadre triennal qui a pour objectif l’étude, sur une superficie d’environ 5 000 m², de l’occupation domestique et artisanale mise en évidence sur ce secteur du site. Parallèlement aux fouilles menées sur Gergovie (étude de la fortification gauloise – depuis 2001 – et du sanctuaire gallo-romain – depuis 2006-) et Corent (étude du sanctuaire gaulois et ses abords – depuis 2001), le projet de recherche conduit à Gondole permet de documenter des aspects encore méconnus de la société arverne du Ier s. av. J.-C. ; celles de la forme et de l’organisation de l’habitat, de l’artisanat, de la culture matérielle et des paléoenvironnements. Il a également pour objectif d’apporter des informations supplémentaires (chronologique notamment) pour expliquer la présence de ces trois grands oppida sur un si petit territoire, chose quasi unique à l’échelle de la Gaule.
2 – Moyens et déroulement de l’opération
Ce projet de recherche est autorisé par l’État. Il reçoit le soutien du Ministère de la Culture (DRAC Auvergne), de la Région Auvergne, du Conseil général du Puy de Dôme, de la communauté d’agglomération Clermont Communauté (en 2005) et de la commune du Cendre. Placée sous la direction scientifique de Y. Deberge (Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne), épaulé de J. Dunkley et S. Foucras, la fouille repose très largement sur la participation de bénévoles, amateurs locaux et étudiants en archéologie (universités de Clermont-Ferrand, Nantes, Lyon, Tours, Strasbourg, Moscou…). En échange de leur participation, les bénévoles reçoivent une initiation aux méthodes de l’archéologie ce qui rentre, pour certains, dans le cadre de leur cursus universitaire. Ils sont hébergés et nourris.
Une partie du personnel d’encadrement est salarié : responsable de la fouille et de secteur, spécialistes… La fouille se déroule au rythme d’un mois à un mois et demi de fouille en période estivale. Les moyens alloués en 2005-2006, sont suffisants pour réaliser la fouille dans des conditions relativement satisfaisantes. Ils sont nettement insuffisants pour pourvoir aux études qui suivent la période de fouille proprement dite (analyse des mobiliers, stabilisation et restauration des objets…).
3 – Résultats de la campagne de 2006
Cette année, 1 800 m² ont été fouillés dans la partie qui avait livré la plus forte densité de vestiges l’an passé. Les structures archéologiques sont nombreuses (puits, fosses, celliers, trous de poteau, caves, fours de potier), de même que les vestiges mobiliers (environ 42 000 objets). C’est surtout sur les aspects concernant l’organisation et la datation de l’occupation que cette campagne apporte des éléments nouveaux.
Organisation générale du site
La fouille montre que la structuration de l’espace repose en grande partie sur la voie dont le tracé a pu être suivi, d’ouest en est, sur environ 60 m. Celle-ci, pour laquelle deux phases d’aménagements ont pu être mises en évidence, détermine l’orientation de tous les autres vestiges (caves, fossés, palissades…). Certaines structures sont implantées en bordure immédiate de cet aménagement ce qui témoigne probablement de l’existence de certaines contraintes (de place ?). Deux autres axes structurants sont révélés par la présence d’alignements de puits aux extrémités est et ouest de la zone décapée. Ils traduisent l’existence de délimitations (limite foncière ou axe de circulation secondaire) qui n’ont pas été matérialisées dans le sous-sol. Les caves mises au jour apparaissent regroupées dans la partie nord de l’espace étudié. Cette organisation, avec trois caves implantées à peu de distance les unes des autres, rappelle le plan en « îlots » observé pour la zone interne de l’oppidum de Gondole : quelques caves sont installées au sein d’un enclos de quelques dizaines de mètres de côté, le même module se répétant plusieurs fois.
Dynamique de l’occupation
Conformément à ce qui avait été proposé à l’issue de la précédente campagne, les deux phases d’occupation comptent un nombre inégal de vestiges mobiliers et immobiliers, la phase la plus récente étant de loin la mieux représentée. On notera toutefois que l’achèvement de la fouille de plusieurs structures a permis de mettre en évidence des utilisations longues, l’état le plus récent masquant ou ayant détruit en grande partie les aménagements plus anciens. La répartition chronologique du mobilier suit la même logique avec une phase récente qui compte un nombre d’objets quatre fois plus important que pour la première phase. On note néanmoins que cette répartition vaut surtout pour la céramique. Si l’on exclue les éléments directement liés à l’activité de production potière, les deux phases d’occupation sont représentées par une masse sensiblement équivalente de vestiges mobiliers. Il faut en déduire que l’activité domestique du site, par ailleurs attestée par le cortège des éléments mobiliers renvoyant à ce domaine, reste constante alors que l’activité artisanale se développe fortement, notamment avec l’installation de l’atelier de potier.
Vestiges immobiliers particuliers
La fouille de cette année confirme l’utilisation majoritaire de la construction sur cave. Trois grandes caves, d’une emprise au sol d’environ 35 m² chacune, ont ainsi pu être dégagées en 2005-2006. Ces vastes aménagements ne trouvent de parallèles qu’au sein des plus grands oppida de Gaule interne (Bibracte, Villeneuve-Saint-Germain…). L’achèvement de la fouille de l’une de ces structures a été l’occasion de proposer, pour le grand public, une première reconstitution architecturale in situ de l’un de ces aménagements.
Les celliers sont également nombreux de même que les puits à eau. Ces derniers offrent l’opportunité, par les conditions de préservation favorables qu’ils présentent (milieu humide), de collecter des vestiges en matière organique : objets en bois, tissus, cordages, graines, pollens… La fouille de 2006 a d’ailleurs permis la découverte d’un seau bois, malheureusement très mal préservé.
Activités mises en évidence
Les mobiliers nous permettent de dresser sommairement le panel des activités pratiquées sur le site. L’écrasante majorité du mobilier renvoie à la sphère domestique : céramique de stockage, culinaire et de table, rejets de faune consommée, plaques de foyer et soles démantelées ou en place, torchis, petit outillage domestique (pelle à feu, seau en bois, couteau, rasoir, force…), objets de parure usagés, navette en os (tissage) et meules rotatives… Les éléments attestant la présence de constructions sont également très nombreux (clous, rivets, crampons, clé…).
Les vestiges liés à l’artisanat sont diversifiés mais très variablement représentés d’un point à l’autre du site. Une activité de forgeage du fer est attestée par la présence d’outil, de chutes de fer et de déchets. L’artisanat potier est signalé par la présence de fours de potiers (7 laboratoires de cuisson), de très abondants ratés de cuisson rejetés dans des tessonières (22 823 restes) et de quelques outils. Une activité de tabletterie est attestée par la découverte de quelques déchets liés à la fabrication d’anneaux en os et de fragments de bois de cervidés sciés. La métallurgie des métaux fusibles (bronze et plomb) est signalée par la présence de chutes et déchets (gouttes de bronze, tôles découpées et martelées, jets de coulée…) retrouvés en position secondaire. L’atelier associé à ces déchets n’a pas été localisé.
Découvertes particulières
Enfin, certains d’objets « détonnent » par rapport à ce que l’on pourrait s’attendre à trouver sur un site artisanal gaulois. Il s’agit en premier lieu de plusieurs instruments de toilette –palette et spatules à fard, miroir…- que l’on associe à plusieurs nodules de pigments ocre, rouge et rose – cosmétiques-. Les armes sont également bien représentées mais souvent présents à l’état de fragments à l’image de ce que l’on a coutume de rencontrer sur les sites d’habitat. À noter toutefois la découverte d’un casque en fer, quasiment complet, appartenant au type Port (6 de casques de ce type sont connus en Europe). Sa mise au jour, dans un secteur du site qui a par ailleurs livré deux fragments d’épée, un fer de lance et une hache-herminette (plus proche du piochon), évoque très fortement une panoplie militaire comparable à celle connues dans certaines sépultures aristocratiques de Gaule interne. Les pièces d’armement (toujours très fragmentées à l’image de ce que l’on observe sur les habitats) et quelques éléments liés au harnachement, au char et au joug (boucle de sous-ventrière, anneau passe-guide, renfort de caisse, bandage de roue) sont également présents dans d’autres secteurs du site. Pour finir, on notera la découverte de trois bagues en fer (toujours incomplètes) pourvues initialement d’un chaton décoré (conservé pour deux d’entres-elles) et dans deux cas partiellement (totalement ?) dorées à la feuille.
La présence d’un mobilier relativement exceptionnel associée à celle d’un mobilier d’importation abondant et diversifié permet de poser la question du statut des occupants de ce secteur du site. En se basant sur ces vestiges matériels, on peut supposer que cet ensemble, pourtant situé à l’extérieur du site, a accueilli une population relativement privilégiée (un aristocrate guerrier ayant servi comme auxiliaire dans l’armée romaine ?). L’association de ces vestiges aux témoins d’une pratique artisanale développée souligne le contrôle exercé par les élites sur ces activités à forte implication économique.
Synthèse provisoire
Cette première année de fouille de ce programme triennal permet de confirmer la mobilisation importante des abords de l’oppidum qui apparaissent, au moins pour la partie explorée, comme très structurés. La forme de l’occupation mise en évidence semble peu différer de celle perçue, essentiellement à partir des clichés aériens, pour la zone interne de l’oppidum. La typologie des vestiges présents (caves surmontées de construction, bâtiment sur poteaux, puits, fosses, sol construit, voie…) renvoie à un mode d’occupation que l’on a coutume de rencontrer sur les sites proto-urbains de type agglomération ouverte ou oppidum. Ici, ce « quartier » de la ville gauloise semble plus particulièrement tourné vers la production artisanale, faisant de ce secteur un véritable faubourg artisanal du site de Gondole. Sa présence hors de l’espace fortifié permet de poser la question de la définition même des limites de l’oppidum.
Concernant la chronologie de l’occupation, sa durée limitée dans le temps, de même que son attribution à La Tène D2 (entre 80 et 30 av. J.-C.), se trouvent renforcée par les mobiliers mis au jour au cours de la campagne 2006. L’analyse, qui repose sur un échantillon qui s’étoffe progressivement (47 monnaies, 289 amphores, 117 récipients d’importation, 19 fibules…), nous permet de proposer un terminus post quem aux années 80/70 av. J.-C. pour le début de l’occupation (présence de Dressel 1B, d’un as républicain frappé en 86 av. J.-C., de fibules attribuables à La Tène D2…) et un terminus ante quem aux années 30/20 av. J.-C. pour l’abandon du site (absence d’amphores, d’objets de parure, de vaisselle d’importation et de monnaies attribuables à la période augustéenne…) avec deux phases d’occupation qui se signalent par des mobiliers indigènes très distincts (La Tène D2a et La Tène D2b).
Valorisation et diffusion des résultats
Comme en 2005 (journées portes ouvertes, conférence publique au Cendre…), les résultats de la campagne de fouille de 2006 ont fait l’objet d’une diffusion auprès du grand public. Initialement, il avait été prévu d’effectuer des visites commentées à cadence hebdomadaire. Cela n’a pas été possible faute de moyens pour mettre en place un balisage et une signalétique sur le site.
Les principales actions en direction du grand public en 2006 ont été :
la mise en place de panneaux explicatifs sur les objectifs et résultats de la fouille conduite à « Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole » ;
des visites guidées sur rendez-vous ;
une journée portes ouvertes réalisée en fin de fouille : environ 500 visiteurs ;
la reconstitution in situ de l’une des caves ;
la mise en ligne des résultats sur internet ;
trois présentations publiques en mars 2007 (environ 250 auditeurs).
4 – Le Cendre (63) – Oppidum de Gondole. Projet 2007
Le projet engagé en 2006 va se poursuivre en 2007 sans grand changement de méthode ; l’objectif reste de pouvoir disposer, à terme, d’un espace étudié suffisamment grand (5000 à 6000 m²) pour tenter une analyse spatiale des vestiges mobiliers et immobiliers. Les moyens humains consacrés à la fouille vont être accru avec un allongement de deux semaines de la période de fouille et un recrutement plus large des bénévoles.
Nous proposons également, si les moyens sont suffisants, de procéder à la fouille complète de certains puits dégagés en 2005-2006. Ce type de fouille, qui nécessite des terrassements importants pour la mise en sécurité, sera conduite aux emplacements déjà fouillé en 2005-2006. La fouille de ces structures devrait permettre la découverte d’objets en matériaux périssables (bois, cuir, tissu…).
Les résultats de l’opération archéologique feront l’objet d’une présentation au public :
sur site : par des visites commentées à cadence hebdomadaire ; par l’accueil de groupes sur rendez-vous (y compris scolaires, d’où l’allongement de la période de fouille sur le mois de septembre) ; par l’organisation d’une journée portes ouvertes (en fin de campagne) ;
après la période de fouille : lors de conférences grand public ; site web…
Céramiques (Rempart 2003) : auteur de la notice et réalisation 3D : Lucien Andrieu
Étude et dessins de Y. Deberge avec la collaboration de J. Gasc, A. Wittmann et M. Loughton
Comment étaient les vases ?
Il est assez rare de découvrir un vase intact en fouille. On arrive parfois à récupérer tous les morceaux ou presque et par collage le reconstituer entièrement. Le plus souvent nous ne possédons que quelques tessons, parfois un seul, mais cela peut suffire à reconstituer tout le vase. Un vase est archéologiquement complet lorsque nous pouvons en dessiner sa coupe. Voici quelques exemples faits à partir des découvertes de la fouille du rempart de Gergovie en 2003 (« Céramiques (Rempart 2003) »).
Céramique grossière tournée, niveau supérieur de l’éboulis sur la terrasse (Gergovie 2003 ) (Y. Deberge / ARAFA)
Céramique fine tournée enduite au micas, niveau supérieur de l’éboulis sur la terrasse (Y. Deberge / ARAFA)
Céramique grossière tournée, niveau supérieur de l’éboulis sur la terrasse (Gergovie 2003 ) (Y. Deberge / ARAFA)
Céramique fine tournée, niveau supérieur de l’éboulis sur la terrasse (Gergovie 2003 ) (Y. Deberge / ARAFA)
Céramique fine tournée, niveau supérieur de l’éboulis sur la terrasse (Gergovie 2003 ) (Y. Deberge / ARAFA)
Céramique fine tournée,niveau supérieur de l’éboulis sur la terrasse (Gergovie 2003 ) (Y. Deberge / ARAFA)
Céramique fine tournée,niveau supérieur de l’éboulis sur la terrasse (Gergovie 2003 ) (Y. Deberge / ARAFA)
Sigilée « Gaule du Sud », incinération Céramique fine tournée, incinération (Gergovie 2003 ) (Y. Deberge / ARAFA)
Céramique fine tournée, niveau reposant sur le rempart (Gergovie 2003) (Y. Deberge / ARAFA)
Céramique fine tournée, remblai de blocs dans l’alvéole du rempart (Gergovie 2003 ) (Y. Deberge / ARAFA)
Céramique fine tournée, couche secteur du rempart (Gergovie 2003 ) (Y. Deberge / ARAFA)
De nombreuses autres formes de céramiques ont été découvertes au cours de fouilles :
Cruche de Gergovie (très courante sur le plateau) (Y. Deberge / ARAFA)
Vase découvert en 2007 dans la sépulture de la carrière (rempart sud-ouest) (Y. Deberge / ARAFA)