Charmensac (15) – Le Suc de Lermu

L’habitat fortifié du Suc de Lermu à Charmensac (Cantal) : campagne de fouille 2021

Fabien Delrieu (SRA Auvergne-Rhône-Alpes) ; Christine Mennessier-Jouannet (UMR 8546) ; Cécile Moulin (UMR 5138) et Fabrice Muller (Inrap Auvergne-Rhône-Alpes)

Le Suc de Lermu est une petite table basaltique, situé à 1 100 m d’altitude sur la commune de Charmensac dans le Cantal (Fig. 1). 
Il possède une surface de 0,8 hectare et domine le paysage alentour. Il est délimité par une série de falaises au nord, à l’est et à l’ouest et par une fort pendage au sud qui lui permet par ailleurs de se rattacher au plateau voisin du Bru par un modeste isthme large de quelques dizaines de mètres
Fig. 1 : localisation du site du Suc de Lermu. Document F. Delrieu

Le Suc de Lermu est une petite table basaltique, situé à 1 100 m d’altitude sur la commune de Charmensac dans le Cantal (Fig. 1).

Il possède une surface de 0,8 hectare et domine le paysage alentour. Il est délimité par une série de falaises au nord, à l’est et à l’ouest et par une fort pendage au sud qui lui permet par ailleurs de se rattacher au plateau voisin du Bru par un modeste isthme large de quelques dizaines de mètres.

Le site a été mentionné dès les années 1950 et fait, par la suite, l’objet de plusieurs campagnes de sondages entre 1960 et 1966 sous la direction de M. Soubrier. Ces investigations, couplées aux travaux conduits par Alphonse Vinatié sur le site à la fin des années 1960, permettent d’identifier plusieurs occupations se succédant du Bronze final, à l’âge du Fer et à l’Antiquité tardive.

Une campagne de sondages conduite en 2016 confirme ces différentes séquences d’occupation dont la plus précoce remonte au Néolithique moyen II. Par la suite, le site est investi de manière significative au cours du Bronze final III. C’est à cette période que semble avoir été érigé un rempart doté de noyaux vitrifiés. Après un abandon de quatre siècles, le site est finalement occupé au début de La Tène ancienne.

Une importante campagne de fouille conduite en 2021 (Fig. 2) a permis de reprendre cette abondante de documentation et de préciser la nature et la chronologie des occupations se développant sur le site au cours du second âge du Fer.

Le suc de Lermu. Une campagne de sondages conduite en 2016 confirme ces différentes séquences d’occupation dont la plus précoce remonte au Néolithique moyen II. Par la suite, le site est investi de manière significative au cours du Bronze final III. C’est à cette période que semble avoir été érigé un rempart doté de noyaux vitrifiés. Après un abandon de quatre siècles, le site est finalement occupé au début de La Tène ancienne. 
Une importante campagne de fouille conduite en 2021 (Fig. 2) a permis de reprendre cette abondante de documentation et de préciser la nature et la chronologie des occupations se développant sur le site au cours du second âge du Fer.
Fig. 2 : localisation des zones de fouille ouvertes en 2021 au Suc de Lermu. Document F. Delrieu

1 – Le Suc de Lermu. Une genèse au cours de La Tène A

Une occupation du site au cours de La Tène A pouvant perdurer au cours de La Tène B se développe dans l’emprise du site. Elle est caractérisée par la présence d’un niveau d’occupation (US 05,Fig. 3) et d’un sol archéologique déjà identifié en 2016. L’assemblage céramique issu de la fouille de ce niveau permet de l’attribuer à La Tène A au sens large eu égard à son caractère ubiquiste. Cependant la présence de céramiques tournées à pâte claire, peinte ou non, associées ponctuellement à un registre décoratif caractéristique des productions de céramiques grises monochromes méridionales permettent de proposer une datation centrée sur la fin du Ve s. av J.-C. à l’instar des productions gardoises similaires documentées dans les vallées de la Cèze ou de la Tave (Goury 1995). Il faut cependant noter qu’un faisceau d’éléments tendent à démontrer que les productions tournées du Suc de Lermu ne sont pas issues d’importations mais plus certainement d’une production locale imitant des produits méridionaux (Delrieu et al. 2018).

Leur présence, confirmée en 2021, atteste la conduite d’échanges significatifs entre le sud de l’Auvergne et le Languedoc oriental via le Massif central. Dans la même perspective, cette même campagne de fouille a permis également d’identifier le premier tesson auvergnat de céramique grise monochrome. Il a été mis au jour en position secondaire dans un niveau plus récent. Sa présence n’est pas anodine et confirme l’influence méridionale qui caractérise cette occupation. Cette dernière est attestée par les données carpologiques. La présence de pois et de lentilles, productions thermophiles et xérophiles, plaide en ce sens. Cependant, l’influence languedocienne et plus généralement méridionale de ces assemblages n’est pas exclusive. La présence de deux tessons présentant des décors graphités atteste un ancrage régional fort au niveau de la Haute-Auvergne où ce type de production est bien documenté ainsi que dans tout le centre-ouest de la France actuelle et dans les piémonts occidentaux du Massif central (Charentes, Limousin, Périgord, Lot, Cantal…).

Le suc de Lermu. Une occupation du site au cours de La Tène A pouvant perdurer au cours de La Tène B se développe dans l’emprise du site. Elle est caractérisée par la présence d’un niveau d’occupation (US 05,Fig. 3) et d’un sol archéologique déjà identifié en 2016. L’assemblage céramique issu de la fouille de ce niveau permet de l’attribuer à La Tène A au sens large eu égard à son caractère ubiquiste. Cependant la présence de céramiques tournées à pâte claire, peinte ou non, associées ponctuellement à un registre décoratif caractéristique des productions de céramiques grises monochromes méridionales permettent de proposer une datation centrée sur la fin du Ve s. av J.-C.
Fig. 3 : coupe n°2 obtenue sur la bordure occidentale de la zone de fouille. Document F. Delrieu

Régionalement cette occupation de hauteur est contemporaine de celles identifiées récemment sur les sites du Puy-Saint-Romain dans le Puy-de-Dôme ou de Chastel-Marlhac dans le Cantal (Auxerre-Géron, Couderc et Delrieu 2017). Ce sont pour l’heure les trois seuls sites régionaux occupés de manière évidente pendant cette séquence chronologique. Le Suc de Lermu prend donc place dans un corpus de sites peu étoffé mais dont la présence atteste, aussi bien régionalement qu’au niveau national, l’utilisation des sites de hauteur, fortifiés ou non, pour l’implantation d’habitats supposés permanents.

2 – Le Suc de Lermu. Une occupation à La Tène B2 et C

La principale évolution issue des résultats de fouille conduite en 2021 a été la mise au jour d’une importante et inédite occupation laténienne du site. Cette dernière avait été pressentie en 2016 avec la découverte dans le sondage n°1 d’une fibule de schéma La Tène II.

Le suc de Lermu. Cet horizon chronologique est avant tout caractérisé par la mise en place d’un système défensif (Fig. 4). Ce dernier est fondé directement sur un possible état de fortification ancien du site (US 07). Il se présente sous la forme d’une masse de blocs de basalte liés à la terre (US 08). Surmontée d’une probable palissade en bois (US 10), elle est grossièrement parementée sur sa face extérieure et couverte sur sa face interne par une série de dalles de basalte posées en écaille. Ce système de protection semble devoir permettre d’évacuer rapidement l’eau de pluie de la partie haute du rempart, dans un souci évident de conservation, en direction d’un petit canal aménagé à la base de l’ouvrage défensif, le long de sa limite interne. Son comblement est par ailleurs très hydromorphe (US 04) et a livré un abondant assemblage de mobilier correspondant à des rejets de nature domestique. L’aménagement d’un empierrement de 1 à 1,5 mètre de large longeant la limite interne de ce canal semble pouvoir être associé à une volonté de faciliter la circulation en arrière du rempart (Fig. 5).
Fig. 4 : Vue en plan (1er plan) et en coupe (2d plan) de l’ouvrage défensif laténien. Cliché F. Delrieu

Cet horizon chronologique est avant tout caractérisé par la mise en place d’un système défensif (Fig. 4). Ce dernier est fondé directement sur un possible état de fortification ancien du site (US 07). Il se présente sous la forme d’une masse de blocs de basalte liés à la terre (US 08). Surmontée d’une probable palissade en bois (US 10), elle est grossièrement parementée sur sa face extérieure et couverte sur sa face interne par une série de dalles de basalte posées en écaille. Ce système de protection semble devoir permettre d’évacuer rapidement l’eau de pluie de la partie haute du rempart, dans un souci évident de conservation, en direction d’un petit canal aménagé à la base de l’ouvrage défensif, le long de sa limite interne. Son comblement est par ailleurs très hydromorphe (US 04) et a livré un abondant assemblage de mobilier correspondant à des rejets de nature domestique. L’aménagement d’un empierrement de 1 à 1,5 mètre de large longeant la limite interne de ce canal semble pouvoir être associé à une volonté de faciliter la circulation en arrière du rempart (Fig. 5).

Le suc de Lermu. Cet horizon chronologique est avant tout caractérisé par la mise en place d’un système défensif (Fig. 4). Ce dernier est fondé directement sur un possible état de fortification ancien du site (US 07). Il se présente sous la forme d’une masse de blocs de basalte liés à la terre (US 08). Surmontée d’une probable palissade en bois (US 10), elle est grossièrement parementée sur sa face extérieure et couverte sur sa face interne par une série de dalles de basalte posées en écaille. Ce système de protection semble devoir permettre d’évacuer rapidement l’eau de pluie de la partie haute du rempart, dans un souci évident de conservation, en direction d’un petit canal aménagé à la base de l’ouvrage défensif, le long de sa limite interne. Son comblement est par ailleurs très hydromorphe (US 04) et a livré un abondant assemblage de mobilier correspondant à des rejets de nature domestique. L’aménagement d’un empierrement de 1 à 1,5 mètre de large longeant la limite interne de ce canal semble pouvoir être associé à une volonté de faciliter la circulation en arrière du rempart (Fig. 5).
Fig. 5 : relevé en plan du sol n°2 (La Tène B2-C). Document F. Delrieu

Cet empierrement est constitué de blocs de basalte posés à plat scellant directement le niveau de La Tène A (US 05). Cet ouvrage défensif et les éléments qui lui sont associés (canal et voie empierrée) sont parties intégrantes de l’US 12 attribuée à La Tène B2 et C qui correspond au niveau d’occupation. Outre l’abondant assemblage céramique, caractéristique de cette séquence mis au jour notamment dans le comblement du canal (US 04) les bornes chronologiques de cette occupation sont constituées par la découverte de deux fibules mises au jour dans le même niveau (US 04). La plus ancienne a été découverte en 2021 et peut-être attribuée à La Tène B2. La plus récente, découverte en 2016 (Delrieu et al. 2018) est datée de La Tène C. En l’état actuel de la documentation concernant cette occupation, ces deux bornes marquent les deux terminus de cette occupation, probablement longue, qui couvre à l’évidence une bonne partie du IIIe s. av. J.-C. et probablement la première moitié du IId. L’ensemble du mobilier céramique associé prend place dans l’intervalle chronologique ainsi défini. Au sein de cette occupation, les données stratigraphiques établissent que l’aménagement du rempart, et probablement de ses structures associées (canal et voie empierrée) marque la genèse de cette occupation, probablement au cours de La Tène B.

En arrière de l’ouvrage défensif précédemment décrit, un possible bâtiment à abside a été identifié (Fig. 5). Sa fondation semble associée à l’US 12. Il n’a pas été fouillé en intégralité mais les éléments de mobilier associés au niveau superficiel de son sol interne semblent permettre d’attribuer cet état récent de son fonctionnement à La Tène B2 et C. De nombreux éléments constitutifs d’une sole perforée associée à un possible four de type Sévrier ont été mis au jour de manière éparse en périphérie et à l’aplomb de ce bâtiment.

Les éléments de culture matérielle identifiés pour cette occupation confirment le développement d’une importante activité domestique sur le site au cours de cette séquence chronologique. La présence d’un catillus (Fig. 6) dans le comblement du canal bordant le rempart (US 04) est inédite en Haute-Auvergne pour cette séquence chronologique où l’usage des meules rotatives n’était pas encore attesté. L’assemblage céramique constitue dorénavant un lot de référence à l’échelle départementale. Le Suc de Lermu correspond en effet au premier site d’habitat de La Tène B et C documenté dans le département du Cantal. Cet ensemble céramique, à l’instar de celui attribuable à La Tène A, est marqué par une forte proximité avec le Languedoc oriental confirmant le tropisme méridional caractérisant cette région durant une bonne partie du second âge du Fer.

Le suc de Lermu. Les éléments de culture matérielle identifiés pour cette occupation confirment le développement d’une importante activité domestique sur le site au cours de cette séquence chronologique. La présence d’un catillus (Fig. 6) dans le comblement du canal bordant le rempart (US 04) est inédite en Haute-Auvergne pour cette séquence chronologique où l’usage des meules rotatives n’était pas encore attesté. L’assemblage céramique constitue dorénavant un lot de référence à l’échelle départementale. Le Suc de Lermu correspond en effet au premier site d’habitat de La Tène B et C documenté dans le département du Cantal. Cet ensemble céramique, à l’instar de celui attribuable à La Tène A, est marqué par une forte proximité avec le Languedoc oriental confirmant le tropisme méridional caractérisant cette région durant une bonne partie du second âge du Fer
Fig. 6 : Vue du catillus mis au jour dans le comblement du fossé associé au rempart laténien. Cliché F. Delrieu

3 – Le Suc de Lermu. Une fréquentation du site au cours de l’Antiquité tardive

Par la suite, le site semble abandonné pendant plus de 500 ans avant qu’une nouvelle occupation ne se développe sur place au cours des Ve et/ou VIe s. Elle se caractérise par la présence d’un niveau d’occupation (US 03) associé à un sol archéologique (sol n°1). Aucune structure n’a été identifiée pour cet horizon chronologique. L’occupation qui s’y développe au cours de l’Antiquité tardive semble donc relativement lâche et n’a pas réellement correspondu à un réaménagement profond et durable du site, du moins dans le secteur fouillé. Il est probable que l’habitat en lui-même se localise à proximité immédiate de la zone de fouille. Comme sur d’autres sites de hauteur contemporains fortifiés au cours de la protohistoire, le rempart ancien est délaissé. L’espace situé en arrière de cet ouvrage défensif probablement ruiné est alors dédié au rejet des reliefs de l’occupation domestique qui se développe probablement au centre du plateau. Cette hypothèse semble correspondre aux données observées au cours des fouilles conduites en 2021. Il faudrait par la suite mener des campagnes de sondages sur les secteurs internes localisés au centre de la table basaltique pour mettre au jour d’éventuels traces immobilières de cet habitat.

Cette séquence avait déjà été identifiée précédemment (Fournier 1962) grâce à la découverte de tessons de DSP et de fragments de verre lors des interventions précédentes. On notera également, que, comme pour les occupations laténiennes, le site semble bien inscrit dans les réseaux d’échanges entre le centre et le sud de la Gaule comme le prouve la présente significative de DSP.

Enfin le site est abandonné définitivement à la fin de cette occupation des Ve et VIe s. Le petit plateau de Lermu retrouve alors certainement sa vocation agricole. L’ensemble de la séquence stratigraphique est alors recouvert par un important apport de colluvions (US 02) issu de l’érosion de la partie centrale du site qui s’accumule en arrière des vestiges des aménagements défensifs protohistoriques.

Si le premier âge du Fer et le début de La Tène ancienne correspondent à des périodes particulièrement bien documentées en Haute-Auvergne, notamment grâce aux données funéraires issues de la fouille des très nombreux tumulus connus dans cette région, le second âge du Fer, à l’inverse, connaît une importante lacune documentaire. En effet, seuls quelques dizaines de sites ou d’indices de sites sont connues pour cette période dans le département du Cantal. La Tène B et C correspondent probablement aux séquences les moins bien documentées du second âge du Fer en Haute-Auvergne. En effet, seule la découverte ancienne d’un fourreau à bouterolle ajourée de type Hatvan-Boldog attribuable à La Tène B2, sur la commune de Laveissenet peut être associée à cette période. Ce manque béant tranche nettement avec l’abondance des données pour cette période qui ont été collectées plus au nord, dans le bassin clermontois. La mise au jour de cette occupation laténienne dans l’emprise du Suc de Lermu correspond donc à une réelle opportunité de documenter en détail un contexte domestique jusqu’à présent inédit en Haute-Auvergne.


Bibliographie

Auxerre-Géron, Couderc et Delrieu 2017 : Auxerre-Géron F.-A., Couderc F. et Delrieu F. – Les habitats de hauteur occupés à La Tène A en Auvergne : bilan et données nouvelles, Bulletin de l’Association Française pour l’étude de l’âge du Fer, Paris, 35, p. 17‑22.

Delrieu et al. 2018 : Delrieu F., Auxerre-Géron F.-A., Chabert S. et Moulin C. – Les occupations protohistoriques du Suc de Lermu à Charmensac : état des lieux et données nouvelles, Revue de la Haute-Auvergne, 80, p. 157‑216.

Fournier 1962 : Fournier G. – Le peuplement rural en Basse Auvergne durant le Haut Moyen Âge, Paris, 678 p.

Goury 1995 : Goury D. – Les vases pseudo-ioniens des vallées de la Cèze et de la Tave (Gard), In : Sur les pas des Grecs en Occident, Hommages à André Nickels, textes réunis et édités par P. Arcelin, M. Bats, D. Garcia, G. Marchand et M. Schwaller, ADAM-Errance, Lattes/Paris, 1995, p. 309-324. (Études massaliètes 5).

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