Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Christine Mennessier-Jouannet

Depuis les premières fouilles exécutées en Limagne d’Auvergne sur des sites gaulois, notamment par Robert Périchon et John Collis, des fragments nombreux mais difficilement identifiables à une quelconque activité ont été trouvés mélangés avec les tessons, la faune, et toute sorte d’objets brisés et au rebut. Bref, dès le début, ils ont été compris comme appartenant à la sphère domestique, à la maison. Des traces de feu remarquables sur la surface supérieure les ont identifiées à des accessoires de foyer domestiques : de là, leur premier appellatif de « plaque de foyer ». Le terme a été ensuite repris par l’ensemble des acteurs de l’archéologie. Il prête pourtant à confusion, car une « plaque de foyer » se rapporte à un objet plat posé verticalement contre un mur ou une paroi de fond de cheminée et ayant pour fonction de réfléchir la chaleur fournie par un foyer lui-même au sol. Nous lui préférons donc l’expression de « plaque de cuisson » en raison des stigmates de feu présents la partie supérieure.

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson. Figure 1 : plaque de foyer quadrangulaire. Document R. Périchon (Périchon et Vichy 1967, planche 1, p. 312)

En 1967, sur le site de La Grande Borne, terroir appartenant au « site d’Aulnat » ainsi nommé par Jean-Jacques Hatt et Pierre-François Fournier dans la publication annonçant sa découverte (Hatt 1942), Robert Périchon a fouillé deux de ces plaques dans leur position d’origine, presque intactes et pour l’une d’elles posée sur le sol d’une structure bâtie et environnée de charbons de bois et de mobilier.

Nous savons que l’espace construit était d’une faible superficie d’environ 8 m² et cloisonné en matériaux légers : « elle [la plaque] était au centre de l’un des côtés les plus étroits d’une aire de forme rectangulaire encombrée de déchets de nourriture et de fragments de céramique… ». Pour l’autre, nous apprenons qu’elle était environnée de petits trous de piquets disposés en triangle, indices d’une installation pour suspendre un récipient (Périchon et Vichy 1967). Un croquis est fourni dans l’article (fig. 1).

Ultérieurement, l’étude reprise par Zoé Poucher en 1995 semble avoir été menée sur la base de l’article de 1967

Figure 1 : plaque de foyer quadrangulaire. Document R. Périchon (Périchon et Vichy 1967, planche 1, p. 312)

Depuis cette date, aucune découverte semblable n’a été faite en Auvergne. De plus, ces deux plaques ont été probablement séparées du reste du mobilier et sont actuellement perdues. Il nous faut travailler sans ces précieux témoins.

Nous ne disposons que de trois autres plaques suffisamment conservées pour apprécier leur morphologie : deux portions de plaque provenant également de La Grande Borne (fouille Périchon) et une autre provenant de la ZAC des Trois Fées à Cébazat (fouille 2013, par Anne Duny, Paléotime).

Pour le reste, des milliers de fragments de plaque proviennent de rejets domestiques. On les retrouve en position secondaire dans les puits, les fossés des habitats enclos ou les silos réutilisés en dépotoirs et leur petite dimension ne permet pas de restituer leur forme complète.

En Limagne d’Auvergne, leur fabrication et leur utilisation est attestée de la fin du VIe siècle avant notre ère jusqu’aux débuts de l’époque romaine.

Notre propos sera d’envisager comment mettre en évidence une description la plus poussée possible de ces plaques pour lesquelles les zones vides sont plus importantes que les zones renseignées. Il s’agira ensuite de comprendre leur évolution dans le temps et enfin de rendre plus précis leur contexte d’utilisation.

I. Description

Celle de La Grande Borne dont il reste un dessin, mesure 58 × 55 cm pour une épaisseur donnée de 2 cm. En général, l’épaisseur de chaque plaque est très stable au millimètre près avec seulement un creusement léger et plus ou moins accentué le long du rebord. Cette plaque est munie d’un système de rebords dissymétrique : sur l’un des plus longs côtés, le rebord mesure 7 cm de haut et les trois autres semblent identiques avec une hauteur de 3,8 cm. Le poids total n’est pas donné. Au moins deux côtés sont décorés de digitations, thème décoratif fréquent pendant La Tène ancienne et moyenne (Périchon et Vichy 1967 ; Poucher 1995).

Celle du site des Trois Fées à Cébazat est composée de 28 fragments pesant 6,580 kg dont 23 recollent et forment partiellement un angle de cette plaque (fig. 2). Les deux côtés de cet angle sont rectilignes, confirmant une forme générale quadrangulaire, carrée ou rectangulaire. L’un des rebords est marqué par une légère inflexion d’environ 1 cm, tandis que l’autre côté est plus marqué avec une hauteur depuis la base de plus de 5 cm. Son épaisseur varie entre 2,5 cm et 2,9 cm vers le centre. Cette zone présente un renflement de quelques millimètres, peut-être dû à un rechapage qui permet de restituer un profil complet, ce qui induit une largeur d’environ 48 cm. L’autre axe, incomplet, a été reconnu sur 52 cm. La surface de la plaque avoisinerait le quart de mètre carré. Si la partie remontée pèse 6,5 kg et qu’elle représente environ le tiers de la plaque, celle-ci ferait un poids de 20 kg au minimum, ce qui est déjà considérable.

Les deux autres fragments de plaques provenant de la fouille de Robert Périchon à La Grande Borne sont également quadrangulaires. Dans les deux cas, un seul angle est conservé avec des rebords bas et décorés pour un exemplaire par de longues entailles obliques. Le poids conservé est de 5 kg pour l’un avec une représentation probable du tiers de la plaque, soit 15 kg et de 2 kg pour l’autre plus faiblement documentéau 1/5e de sa surface, ce qui fournit un poids plus faible de 10 kg environ.

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson. Figure 2 : plaques de cuisson parmi les mieux conservées. A : Cébazat (63), Les Trois Fées. Puits 1490, us 1298 (fouille A. Duny) ; B : Clermont-Ferrand (63), La Grande Borne (fouille R. Périchon), carré B24AT ; C : Clermont-Ferrand (63), La Grande Borne (fouille R. Périchon), carré B24AV

Figure 2 : plaques de cuisson parmi les mieux conservées. A : Cébazat (63), Les Trois Fées. Puits 1490, us 1298 (fouille A. Duny) ; B : Clermont-Ferrand (63), La Grande Borne (fouille R. Périchon), carré B24AT ; C : Clermont-Ferrand (63), La Grande Borne (fouille R. Périchon), carré B24AV

La masse des fragments épars fournit de multiples éléments qui valident une forme sûrement quadrangulaire et l’asymétrie au moins fréquente des hauteurs des rebords. Le recours à des argiles identiques à celles qui servent à la production des vases et récipients indique que nous avons affaire à des objets qui font partie du quotidien. Leur mise en forme assez uniforme d’un fragment à l’autre, de même que les traitements de surface donnent l’impression d’une production relativement standardisée.

Les modes de fabrication vont dans le même sens : les plaques sont pour certaines moulées sur des supports en bois, mais pour d’autres mises en forme sur des surfaces planes, graveleuses ou sableuses comme le montrent les traces laissées sur la surface inférieure. Elles sont ensuite mises à sécher, puis cuites comme les céramiques, ce que confirme l’uniformité des traitements des surfaces inférieures. Dans de nombreux cas, les finitions, soit raclées, soit égalisées ou même lissées des surfaces inférieures rendent difficile, sinon impossible, l’observation du mode de production. Dans tous les cas, il s’agit d’un travail bien fait, notamment pour la surface supérieure.

II. L’évolution dans le temps

Parmi de nombreux éléments descriptifs de ces plaques, un seul est apparu au fil de l’étude comme nettement discriminant du point de vue chronologique : l’épaisseur des plaques.

Dès les premiers moments du second âge du Fer, la forme quadrangulaire est acquise, l’asymétrie des rebords est aussi présente, la composition des pâtes plutôt grossières à mi-fines est la norme, le traitement soigné de la base est identique sur l’ensemble de la période laténienne. Les décors peuvent ouvrir la brèche à un peu plus de variété : il n’y en a pas sur les plaques les plus anciennes (Ha D3 – LT A1 : Auvergne-étape 1), ils apparaissent ensuite sous forme de longues entailles obliques ou de torsades disposées le long du sommet d’un ou plusieurs rebords durant le IVe siècle avant notre ère (LT B1 : Auvergne-étape 2) mais ne deviennent fréquent qu’à partir du IIIe siècle (LT B2 et C1 : Auvergne-étapes 3 à 5). Leur longévité jusqu’à la fin du IIe siècle av. rend difficile leur utilisation pour dissocier chronologiquement des étapes particulières. Une autre distinction morphologique existe, mais trop discrète pour être prise en compte sur le long terme : l’absence de rebord sur les plaques les plus anciennes (Auvergne-1) au moins sur un côté. En fait, seule l’épaisseur du plateau lui-même, par chance uniforme sur chacun des fragments mesurés, a mis en évidence une évolution dans leur fabrication.

Ce constat a été rendu possible grâce à l’inventaire fait sur des ensembles de référence sélectionnés pour leur représentativité chronologique. Un des enjeux de la publication collective de 2017 était de classer la céramique commune sur la période du Ve au Ier siècle avant notre ère et d’ancrer ce classement sur celui de mobiliers mieux datés (métal, verre, monnaies…). C’est dans ce cadre que le classement des plaques de cuisson s’est inséré sur la base des épaisseurs des plateaux (Fig. 3c).

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson. Figure 3  : étude de cas documentant l’importance de l’épaisseur des plaques pour leur datation.
A  : La période de bascule entre plaques fines et épaisses intervient dans la 2ᵉ moitié du IIIe siècle av. notre ère ;
B  : Sur la longue durée, des plaques fines peuvent être présentes dans les étapes récentes, mais aucune plaque épaisse de plus de 2 cm n’existe avant le début du III e siècle av. ;
C : Tableau récapitulatif de l’ensemble des sites exploités dans le cadre de la publication de 2017 ( Mennessier- Jouannet et Deberge 2017)
Figure 3  : étude de cas documentant l’importance de l’épaisseur des plaques pour leur datation.
: La période de bascule entre plaques fines et épaisses intervient dans la 2ᵉ moitié du IIIe siècle av. notre ère ;
: Sur la longue durée, des plaques fines peuvent être présentes dans les étapes récentes, mais aucune plaque épaisse de plus de 2 cm n’existe avant le début du III e siècle av. ;
: Tableau récapitulatif de l’ensemble des sites exploités dans le cadre de la publication de 2017 ( Mennessier- Jouannet et Deberge 2017)

Deux exemples illustrent cette démarche. Le site des Trois Fées a connu une occupation sur la longue durée et la période gauloise y est représentée à partir du IVe siècle avant jusqu’à la conquête romaine. Les plaques ont été décrites en même temps que la céramique des différentes structures où elles se trouvaient : ainsi la plaque présentée ci-dessus côtoyait de la céramique attribuable à LT B2b ou C1, ce qui la date du IIIe siècle avant notre ère. Sur le graphique (Fig. 3b) on observe que :

  • Les plaques d’épaisseur comprise entre 1,4 et 2 cm proviennent des niveaux rattachés au premier grand enclos d’habitat mis en place à LT B, soit au IVe siècle.
  • Lors de la restructuration de l’habitat avec le creusement d’un grand fossé (LT B2b/C1 au IIIe siècle), les mesures se décalent avec trois plaques entre 1,7 et 1,9 cm, mais surtout 5 plaques entre 2 et 2,5 cm et plus rien au-delà de 2,9 cm pour certains exemplaires.
  • Ce n’est qu’à partir de LT C2 et jusqu’à LT D1a, au IIe siècle, que les épaisseurs dépassent les 2,9 cm.

Des blocs se dessinent ainsi qui ont valeur chronologique. Ce classement obtenu sur la base de 55 fragments est consolidé par des données quantitativement plus importantes. Ainsi, le graphique (Fig. 3a) met une focale sur la répartition durant le IIIe siècle en dissociant les deux périodes de LT B2b et LT C1 avec respectivement un total de 185 et 98 restes. Le même phénomène de glissement des épaisseurs s’observe d’une phase à l’autre : plus on avance dans le temps, plus les plaques ont de l’épaisseur.

Le tableau (Fig. 3c) effectué à partir du total (263) des plaques attestées par un rebord (NMI), montre le même décalage des épaisseurs au fil du temps et confirme que :

  • 25 des 26 plaques étudiées pour les étapes 1 et 2 ne dépassent pas 1,9 cm d’épaisseur, sauf un qui mesure 2 cm.
  • L’étape 3, quoique peu représentée, amorce l’épaissement des parois au-delà de 2 cm pour le tiers des exemplaires.
  • L’étape 4 avec 97 exemplaires connaît une explosion quantitative de ces ustensiles. 67 % de ce total ont une épaisseur inférieure à 2 cm pour 23 % compris entre 2 et 2,6 cm. Aucune plaque n’est plus épaisse. Cette période voit l’amorce du changement par le renforcement de l’épaisseur et par là même une mise à disposition nettement plus importante de matière première.
  • L’étape Auvergne 5 voit le basculement vers des formes nettement plus épaisses. 41 % des plaques mesurent moins de 2 cm, mais 50 % sont comprises entre 2 et 2,6 cm, et 9 % mesurent jusqu’à 3,2 cm. Les deux tiers des plaques dépassent le seuil critique de 2 cm.

Ces données peuvent se synthétiser en un tableau morpho-chronologique qui met en évidence une évolution lente, mais nette sur les cinq premières étapes de la chronologie du second âge du Fer en Auvergne, tout au moins en Basse Auvergne (fig. 4).

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson. Figure 4  : Tableau de synthèse de l’évolution des formes et décors des plaques de cuisson durant la période laténienne (V e – fin du II e siècle avant notre ère). Document C. Mennessier-Jouannet
Figure 4  : Tableau de synthèse de l’évolution des formes et décors des plaques de cuisson durant la période laténienne (V e – fin du II e siècle avant notre ère). Document C. Mennessier-Jouannet

Conclusion. Qui utilise cet accessoire de cuisine et comment ?

Que ces plaques aient été utilisées posées sur le sol comme le suggèrent les observations de Robert Périchon ou amovibles comme l’ont défendu Vincent Guichard et Yann Deberge, il est aujourd’hui difficile de trancher car, comme il a été montré les caractéristiques morphologiques précises de ces accessoires de cuisine sont mal connues. Leur poids est malgré tout élevé, même s’il n’empêche pas un transport éventuel. Cependant, les mensurations somme toute proches du carré rendent leur prise en main délicate, d’autant que les stigmates des feux qu’elles supportent en fragilisent la structure. Pour La Tène ancienne, un autre aspect est à prendre en compte : les fragments sont retrouvés dans des contextes de bâtiments très exigus, ceux-ci faisant au maximum 14 m² pour une moyenne autour de 10 m² de superficie. Pour ces raisons, je préfère suggérer que ces accessoires de cuisson avaient un emplacement dédié dans l’organisation spatiale de la maison. Si l’on s’en tient aux plaques qui portent des traces de feu, on peut leur restituer une fonction complémentaire aux foyers ouverts, reconnus le plus souvent à l’extérieur des bâtiments. Elles apparaissent ainsi comme des substituts des foyers ouverts adaptés à l’intérieur des maisons et fonctionnent vraisemblablement avec des braises. De ce fait, elles présentent une équivalence de fonction avec les soles foyères retrouvées dans les maisons de même époque du Midi de la France.

Par déduction logique, il apparaît que ces plaques signalent la présence de foyer domestiques et deviennent un jalon très intéressant pour apprécier le nombre de « feux » existants sur un site, selon l’expression médiévale consacrée. Leur répartition sur les sites ruraux connus pour les Ve et IVe siècles avant notre ère en Limagne d’Auvergne est compatible avec cette hypothèse.

Dans la même foulée, leur évolution quantitative presque exponentielle observée dès la première moitié du IIIe siècle confirme bien les données amassées par ailleurs concernant la fondation de ce que l’Antiquité elle-même appelait une ville : un site où la population s’agglomère. Les multiples fragments rejetés sur le chemin 8 du site d’Aulnat (fouille de John Collis) et la concentration de ces plaques sur l’empierrement fouillé par Robert Périchon prouvent un nombre de foyers domestiques sans commune mesure par rapport à ce qui était connu antérieurement dans les campagnes.

Bibliographie

Duny et alii 2015

Duny (A.). – De l’âge du Bronze à La Tène finale en Limagne : une occupation protohistorique pérenne sur le site de la ZAC des Trois Fées (Cébazat, Puy-de-Dôme), rapport final d’opération de fouille archéologique, Ophis Puy-de-Dôme, Mosaïques Archéologie/SRA Auvergne, 2015, 3 volumes.

Hatt 1942

Hatt (J.-J). – Découverte d’un village gaulois de La Tène III au terroir de Fontvieille, sur l’emplacement de la base aérienne d’Aulnat-Sud (Puy-de-Dôme), Bulletin Historique et Scientifique de l’Auvergne, LXII, 1942, p. 36-48.

MennessierJouannet et Deberge 2017

Mennessier-Jouannet (Ch.), Deberge (Y.). – Chronologie du mobilier archéologique du second âge du Fer en Auvergne, 65esupplément de la R.A.C.F, 655 p., 490 fig.

Périchon, Vichy 1967

Périchon (R.), Vichy (M.). – Note de céramologie : les plaques de foyer, dans Revue Archéologique du Centre de la France, 6, 1967, p. 311-316.

Poucher 1995

Poucher (Z.). – A study of plaque de foyer from Aulnat-Gandaillat and Le Patural, two Iron Age sites located in the Auvergne region of France, Sheffield, Université de Sheffield, 1995, 74 p. Document inédit: archives de l’Arafa.

Annexes

Figure 5 : exemples de plaques de cuisson. Fiche technique.
A1 : face inférieure régulièrement égalisée et fragment de la face supérieure avec lissage ;
A2 : face inférieure avec traitement plus irrégulier et empreintes d’éléments sableux ;
B1, B2 et B3 : coupe, angle avec rebord et face inférieure régulièrement égalisée d’une même plaque ; C : fragment de plaque de cuisson décorée avec traces de feu et présence de cendres agglomérées. Document C. Mennessier-Jouannet
Figure 5 : exemples de plaques de cuisson. Fiche technique.
A1 : face inférieure régulièrement égalisée et fragment de la face supérieure avec lissage ;
A2 : face inférieure avec traitement plus irrégulier et empreintes d’éléments sableux ;
B1, B2 et B3 : coupe, angle avec rebord et face inférieure régulièrement égalisée d’une même plaque ; C : fragment de plaque de cuisson décorée avec traces de feu et présence de cendres agglomérées. Document C. Mennessier-Jouannet

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Monument funéraire ou plate-forme de crémation ?

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Monument funéraire ou plate-forme de crémation ? : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Lionel Izac-Imbert

Le tumulus de Celles découvert en 1902 à Neussargues (Cantal) par Jean Pagès-Allary, pose – depuis sa découverte – un certain nombre de questionnements quant à sa fonction exacte.

La fouille a été menée de manière assez méthodique, les publications ou les archives1 permettent de disposer d’une documentation de qualité. Les données disponibles ont été re-questionnées dans la cadre d’une opération de reprise des travaux de terrain en 2000.

Les problématiques principales touchaient principalement à la question chronologique, à l’identification du processus de crémation ou à des données architecturales.

I – Les données de la fouille ancienne : une tombe à incinération sous tumulus d’un « notable arverne » ?

Joseph Déchelette imagine le processus de crémation1 dès la publication dans l’Anthropologie2. On dispose de sa description : à la base blocs de basalte arrondis, recouverts de pierres plates (phonolithe) sur lesquelles repose une couche de cendre mélangée de charbons. Au-dessus de ce lit se trouve une couche d’argile non cuite qui supporte des pierres plates (phonolithe) formant toiture. Le tout est caché par de l’éboulis et de la terre arable sur laquelle s’est développée la végétation actuelle (chêne). […] La voûte du tumulus s’est effondrée sous l’action des agents extérieurs : racines des arbres et eaux d’infiltration. […] De forme ovoïde, les dimensions du tumulus sont : grand axe 25 mètres, petit axe 20 mètres, hauteur au centre 1m,80.3

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Figure 1 : vue des fouilles anciennes avec Jean Pagès-Allary, vers 1902. Archives musée d’art et d’archéologie d’Aurillac
Figure 1 : vue des fouilles anciennes avec Jean Pagès-Allary, vers 1902. Archives musée d’art et d’archéologie d’Aurillac

De l’examen de cette coupe, il ressort clairement que le cadavre a été incinéré sur le tumulus même, ainsi que cela a été constaté ailleurs, à diverses reprises. La combustion a dû être ici extrêmement intense, car des blocs de basalte sont entrés en fusion, ce qui nécessitait une température de 800 degrés environ. On doit donc admettre que l’incinération n’a pas été opérée à l’aide d’un simple bûcher établi en plein air, mais que le foyer crématoire avait été installé dans une sorte de four muni d’un dispositif quelconque de tirage artificiel. (ibid.).

Un premier inventaire des découvertes1 est établi :

  • fer : lance, bouclier, couteaux, serpette, scies, lime, plane, compas, ciseaux, tranchet, emporte-pièce, gouge, perçoirs à douille, marteaux, poinçons, faucille, boucle rivetée ;
  • bronze : anneaux ;
  • céramique : terrines, vases à liquide, vases ovoïdes peints, fusaïoles et pesons de métier à tisser ;
  • lithique : moulin à bras en basalte, fragments de gneiss poli, silex et pierres à affûter.

Déchelette donne des comparaisons avec La Tène, Bibracte ou Stradonice et conclut : travail du bois et peut être aussi celui du cuir. Il propose une datation à La Tène III, à une époque peu antérieure à la conquête romaine. Pagès-Allary attribue la panoplie d’outils à un sellier bourrelier de l’époque gauloise2. Jean-Paul Guillaumet (CNRS)3 privilégie l’hypothèse du travail des matières dures animales.

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Figure 2 : exemple d’outillage en fer découvert en 1902. DAO : J. Jouannet, d’après une illustration de J.-P. Guillaumet 

Figure 2 : exemple d’outillage en fer découvert en 1902. DAO : J. Jouannet, d’après une illustration de J.-P. Guillaumet 

II – Une architecture funéraire ?

La reprise de travaux de terrain, à partir de 20011, lève le voile sur certaines incertitudes.

L’analyse de la topographie confirme la présence d’un dôme naturel en pied de falaise, dans l’axe menant de la vallée de l’Alagnon en direction du plateau du Cézallier, dont les concepteurs ont tiré profit pour mettre en relief le monument.

L’édification, entre la fin du Ve s. et le début du IVe s. av. J.-C., se caractérise par l’architecture de pierres sèches soignée de la plate-forme centrale qui adopte une forme rectangulaire (11,20 m. x 12,55 m. x 0,95 m. conservés). Les fondations sont ajustées à l’aide de blocs de grand gabarit. Au Nord, une carrière de ballastière l’a détruit.

Elle est dotée d’une chape horizontale de blocs qui a subi l’action du feu avec de nombreux fragments d’argile brûlée. Elle a fourni la majorité des objets (vases, éléments d’armement, panoplie d’outils en fer, une meule rotative). Cette phase est datée par la céramique et la panoplie guerrière du IIIe s. av. J.-C.

On note une plateforme de taille plus réduite (6 m. x 2,15 m. x 0,98 m.) conservée au sud, au pied de laquelle deux objets en fer ont été découverts : un poinçon à cuir et une broche à rôtir2 dont le bon état de conservation trahit un passage au feu.

Enfin, une plateforme inférieure prend la forme d’un arc de cercle (16,40 m. x 1,95 m. x 1,15 m.) en guise de structure périphérique de circulation.

Pagés-Allary mentionne des fragments d’ivoire brûlé3 mais ces éléments n’ont pas été conservés. Toutefois, l’interprétation comme lieu de cérémonie funèbre s’accorde avec la mise en place d’un bûcher qui se surimpose à un monument plus ancien.

Le statut du défunt incinéré, inscrit entre sphère guerrière et artisanale, évoque le domaine de la vénerie qui s’accorde bien avec l’assemblage de mobilier mis au jour au sein du tumulus de Celles.

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Figure 3 : plan général du monument. Relevé : Magali Cabarrou 

Figure 3 : plan général du monument. Relevé : Magali Cabarrou 
Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Figure 4 : schéma interprétatif. Document: L. Izac

Figure 4 : schéma interprétatif. Document: L. Izac

III – Une plateforme de crémation ?

Lors des fouilles anciennes la mention de blocs de « torchis brûlés » avait été notée en grande quantité notamment à la base et dans l’environnement immédiat des dépôts d’objets mis au jour en 1902.

Une analyse des nombreux éléments mis au jour lors de la reprise de la fouille a été confiée à Claire-Anne de Chazelles (CNRS).

Tous les fragments recueillis appartiennent à un matériau préparé à base de terre et d’eau, avec un possible ajout de fibres végétales. La présence récurrente d’une surface grossièrement modelée confirme que ce matériau a été utilisé à l’état plastique, étendu puis régularisé manuellement.

En corrélant les informations relatives à ce matériau et celles qui témoignent de son support, et en écartant diverses possibilités habituellement envisagées à l’issue d’une étude de ce type de vestiges, une seule proposition peut être avancée.

D’une part, le matériau très dense, lourd en raison de la faible proportion de fibres végétales et au contraire de la forte présence de grains et petits graviers minéraux, n’est pas du tout adapté à la réalisation de structures verticales sur armature de clayonnage et encore moins au revêtement de panneaux pleins en bois.

D’autre part, la rareté des négatifs de petites branches et particulièrement d’éléments croisés confirme cette impression. Quant aux empreintes de grosses branches écorcées, elles sont le plus souvent isolées bien qu’il existe quelques exemples montrant leur association avec des branches plus fines ou refendues. Enfin, les négatifs anguleux, de même que les formes plutôt prismatiques des fragments, correspondent bien à l’hypothèse d’empreintes de pierres et de cailloux.

Le fait que les surfaces lissées manuellement soient fréquemment en relation avec une face perpendiculaire, soit plane mais irrégulière soit conservant le négatif d’une grosse branche, indique que le matériau a par endroits été appliqué contre une « bordure » qui a permis de le contenir tout en respectant un niveau.

L’hypothèse la plus vraisemblable consiste à interpréter ces fragments comme les vestiges d’une chape horizontale, d’une épaisseur moyenne de 6 à 10 cm, recouvrant un radier de moellons et de cailloux assez serrés. Selon cette interprétation, le matériau plastique se serait insinué entre les blocs avant de pouvoir former une couche superficielle assez épaisse. Les traces de branches pourraient correspondre à la bordure évoquée et les empreintes de branches plus fines à d’éventuels éléments servant d’entretoises pour maintenir un cadre, par exemple, dans lequel le matériau serait contenu. Les faces planes irrégulières pourraient pour leur part attester aussi la présence de blocs participant à la contention du matériau humide ou simplement témoigner de son infiltration entre les pierres du radier.

La cuisson très poussée du matériau est une question cruciale qui conditionne l’interprétation non seulement de la chape mais de la structure entière. Les données semblent montrer que ce revêtement complétait l’aménagement de la partie sommitale du monument en pierres et rien n’indique, objectivement, qu’il ait été recouvert par des structures en bois. Cela dit, on ne peut pas faire l’économie de cette possibilité dans la mesure où le sommet de la construction n’a pas été retrouvé en place, privant ainsi les archéologues de précieuses indications. Il est probable que l’incendie de superstructures en bois d’une certaine importance aurait pu favoriser la cuisson de la chape à l’égal d’une sole de four. Pour expliquer ce degré de cuisson et, bizarrement, l’absence de gradient depuis la surface vers le bas de la chape, il convient d’envisager deux solutions : soit des feux nombreux et répétés, se répartissant sur toute l’aire sommitale, soit un feu gigantesque et maintenu en activité pendant un certain temps.

Conclusion

L’ensemble de ces résultats invite donc à envisager une voie d’explication du monument en tant que plateforme architecturée ayant accueilli un processus de crémation puis de dépôts funéraires. Objet d’étude singulier ce dispositif particulier s’intègre donc dans une série de monuments funéraires et para-funéraires protohistoriques encore mal documentés et dont l’originalité tient notamment au soin apporté à son architecture monumentale.

Bibliographie

Guillaumet 1983

Guillaumet (J.-P.). – Le matériel du tumulus de Celles (Cantal), in Collis J., Duval A., Périchon R. (éd.). Le deuxième âge du Fer en Auvergne et en Forez et ses relations avec les régions voisines. 4e colloque régional annuel consacré à l’âge du Fer en France non-méditerranéenne, Clermont-Ferrand, 1980, Université de Sheffield ; Centre d’études foréziennes, p. 189-211, 17 fig., 1 pl. h.t. (IV b), 1983

PagèsAllary 1905

Pagès-Allary (J.). – Nouvelles observations sur le tumulus de Celles (Cantal), L’Anthropologie, t. XVI, 1905. Paris: Masson, 1905, p. 117-118.

PagèsAllary, Déchelette, Lauby 1903

Pagès-Allary (J.), Déchelette (J.), Lauby (A.). – Le Tumulus arverne de Celles, près Neussargues (Cantal), L’Anthropologie, 14, 1903, p. 35‑416

1 Opérations de relevés, sondages, fouille programmée autorisées par la Direction régionale des affaires culturelles d’Auvergne, service régional de l’archéologie, avec le soutien de la Fédération des associations archéologiques du Cantal et de l’Association pour la Recherche sur l’Age du Fer en Auvergne.

2 Cet objet peut être également identifié comme manche de simpulum ou tisonnier.

3 Les premiers croquis font apparaître des os longs (fémur ?). (ibid.)

1 Le mobilier a fait l’objet d’un don au musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) en juillet 1905 suite à une exposition au musée du Petit Palais à Paris.

2 Pagès-Allary 1905.

3 Guillaumet 1983.

2 Pagés-Allary, Déchelette, Lauby 1903.

3 Original, archives musée d’art et d’archéologie d’Aurillac.

1 Archives du Musée de d’Art et d’Archéologie d’Aurillac, du Musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, du musée de la Haute-Auvergne de Saint-Flour.

La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal : tour d’horizon du potentiel en minerais et des données archéologiques disponibles

La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal : tour d’horizon du potentiel en minerais et des données archéologiques disponibles : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Florie-Anne Auxerre-Géron

I – Introduction

Le Massif central possède de nombreux gisements de minerais métallifères, notamment les principaux métaux exploités dès la Protohistoire comme l’or, l’argent, le cuivre, l’étain, mais également le plomb et le fer. Les gisements peuvent prendre plusieurs formes : il peut s’agir de gîte dit primaire, c’est-à-dire que le minerai se trouve dans des filons en place dans la roche, ou bien il peut s’agir de dépôt secondaire en alluvions, colluvions ou placers (Cauuet 2013, p. 74 ; Hubert et Abraham 2018, p. 32). Pour le département du Cantal en particulier, le potentiel minéralogique est bien réel, mais rares sont les indices qui permettent aujourd’hui de dater les travaux miniers anciens recensés aujourd’hui sur le territoire (fig. 1). Les données disponibles indiquent qu’une extraction de l’or mais aussi de l’argent a existé dans certains districts à la fin de la période gauloise, mais il reste encore un important travail de recherche à mener.

Figure 1 : Les principaux districts métallifères du Cantal et les sites mentionnés dans le texte. CAO F.-A. Auxerre-Géron, d’après les données issues de Cauuet 2013, Cauuet 2018, Hubert et Cauuet 2015
Figure 1 : Les principaux districts métallifères du Cantal et les sites mentionnés dans le texte. CAO F.-A. Auxerre-Géron, d’après les données issues de Cauuet 2013, Cauuet 2018, Hubert et Cauuet 2015

I – En rive gauche de la Dordogne, entre Cantal et Puy-de-Dôme : le district de Labessette et Beaulieu

Dans cette commune puydomoise, limitrophe de la Corrèze et du Cantal, un vaste complexe minier a été repéré dès 1900 par un ingénieur des mines, Joseph Demarty. Plusieurs fosses et tranchées ont alors été relevées, sur un site appelé localement « Camp Romain » ou « Camp de César » (Demarty 1907). Rapidement, ces vestiges ont été identifiés comme étant des traces d’exploitations anciennes, et des aménagements liés à des opérations de lavage ont également été repérés. Joseph Demarty supposait alors que le minerai extrait devait être l’or ou l’étain (ibid., p. 165). Ayant eu l’autorisation de la mairie de procéder à des fouilles, Joseph Demarty a pu ouvrir 3 m², tamisant les sédiments, et récoltant beaucoup de mobilier attestant d’une implantation gallo-romaine. À ce mobilier s’ajoute également des tessons de céramiques noires attribuées à l’« Époque Marnienne » (ce qui correspondrait au début du Second âge du Fer), ainsi que des morceaux de fer et de grandes quantités de charbons de bois (ibid., p. 165-166). Ajoutons qu’il mentionne également la découverte non loin du site d’« une épée à lame de fer et à poignée en cuivre sans garde », qu’il attribue, d’après une description orale, au Premier âge du Fer. Après examen des descriptions des aménagements de bois mis au jour (fig. 2), Élodie Hubert propose d’interpréter ces vestiges comme un boisage complexe avec cadres en chantier vertical (Hubert 2011, p. 46), semblable à ce que Béatrice Cauuet a pu observer à la mine de La Fagassière (Cauuet 2004, p. 57-59), et qui a pu être daté de La Tène moyenne et finale. Toutefois, à partir des dessins disponibles, qui présentent des pièces de bois bien droites et écorcées, le doute subsiste sur cette attribution chronologique. En 1997, Béatrice Cauuet a pu prospecter les environs de Labessette (ainsi que les communes environnantes) et inventorier douze sites, le « Camp de César » inclus, pour un total de 26 aurières.

Figure 2 : Relevés des boisages mis au jour par J. Demarty lors de l’exploration des travaux miniers anciens de Labessette (Puy-de-Dôme ; issu de Demarty 1907, p. 84)

Figure 2 : Relevés des boisages mis au jour par J. Demarty lors de l’exploration des travaux miniers anciens de Labessette (Puy-de-Dôme ; issu de Demarty 1907, p. 84)

Signalons au passage que d’autres opérations de prospections, côté corrézien, menées par Matthieu Boussicault, ont d’ailleurs permis d’esquisser un district plus large, s’étendant de l’autre côté de la Dordogne. À Labessette, Béatrice Cauuet a également récolté de la céramique datée de La Tène finale (écuelle à bord rentrant, gobelet à bord droit, pot globulaire ; Cauuet 1997, p. 90 ; Cauuet 2013, p. 88). Ces travaux miniers ne sont donc pas pour l’instant datés d’une manière certaine par la fouille, mais le mobilier récolté en prospections, mentionné par les sources anciennes, ainsi que les différentes observations et comparaisons effectuées laissent entrevoir des aurières exploitées au moins à la fin de la période gauloise.

II – Le nord-est du Cantal : un potentiel qui reste à mesurer et une exploitation à la fin de la Protohistoire.

Dans le nord-est du département, une intense activité minière au XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle (exploitation de l’antimoine), a été possible grâce aux nombreux gisements de mispickels, de galène (Molèdes) et de plomb argentifère (Massiac). Certains gisements de mispickels sont aurifères, comme à Bonnac, dans lequel Jean Pagès-Allary estime un potentiel de 6 à 10 g d’or par tonne (Audollent 1911). Ce secteur couvre donc essentiellement les basses vallées de la Sianne et de l’Alagnon : en effet, entre Cantal et Haute-Loire s’étendent des collines cristallines où de nombreux filons métallifères affleurent, notamment grâce aux nombreuses vallées encaissées qui découpent le relief. Parmi ces vallées, la vallée de la Fontaine-Salée, où affleure le filon d’antimoine et d’argent dit « des Anglais » ou « des Mineyres », a livré des éléments concrets puisque des fouilles ont pu y être effectuées au milieu des années 1970. En effet, à la suite de sondages positifs établis par le BRGM et dans la perspective d’une exploitation, des engins de terrassement mirent au jour une ancienne construction, en rive gauche de la rivière (Tixier 1986, p. 9). Une fouille de sauvetage sommaire fut lancée, et ces vestiges furent interprétés comme une sorte d’hypocauste, aménagé pour le traitement des minerais (du minerai grillé fut d’ailleurs découvert dans le remplissage de l’hypocauste ; ibid., p. 11). Une aire de lavage a également été identifiée en surface. Les explorations souterraines du BRGM ont aussi permis de mettre au jour d’anciennes galeries ainsi que des puits conservant encore leurs boisages, que Luc Tixier put observer et relever en 1976 et 1977. Une datation 14C effectuée sur un des bois donne la fourchette de 1850 BP ± 100, c’est-à-dire entre – 30 et 50 de notre ère (ibid., p. 13 ; Cauuet 2018, p. 198), plaçant donc cette principale phase d’exploitation au début de la période gallo-romaine. Le mobilier recueilli aux abords du four et en amont du site confirme cette attribution, mais des céramiques de la fin du 2nd âge du Fer ont également été découvertes (Vinatié 1986, p. 17).

À la frontière entre la Haute-Loire et le Cantal, sur la commune d’Ally, la mine d’argent de La Rodde (plomb argentifère) a été exploitée notamment au cours des périodes antique et médiévale, et reprise au XIXe et XXe siècle (Cauuet 2018, p. 198). Au cours de fouilles menées entre 1993 et 1998, Christian Vialaron a pu prélever des boisages et des charbons qui ont été datés par 14C, ce qui a permis de mettre en évidence des périodes d’exploitation plus anciennes (Vialaron 2016). Une datation réalisée sur des charbons de bois, localisés en bas d’une stratigraphie importante, a notamment révélé que des travaux ont été réalisés au cours du Premier âge du Fer (fourchette chronologique comprise entre 769 et 416 avant notre ère). L’exploitation avait alors été effectuée grâce à des chantiers à ciel ouvert, qui ont formé une tranchée large et profonde (jusqu’à 8 m de profondeur). Une autre phase d’exploitation, prenant alors la forme de travaux souterrains, est attribuée à la période comprise entre le IIIe siècle avant notre ère et le Ier siècle de notre ère, sur la base de datations radiocarbones réalisées également sur des boisages de puits et des charbons. En outre, du mobilier céramique a permis d’attester que ces travaux ont pu perdurer au début de la période antique.

En plus des informations fournies par les sites miniers eux-mêmes, il faut noter la présence dans le secteur d’un exceptionnel dépôt de monnaies et de bracelets d’argent, découvert au « Suc de la Pèze » à La Chapelle-Laurent, non loin de Massiac. En effet, sa similarité avec certains dépôts du territoire rutène localisés dans des zones de contacts en Rutènes et Cadurques (Gruat et Izac-Imbert 2002, p. 77), et surtout, dans des districts miniers, laisse envisager que nous avons affaire à une pratique comparable, étroitement liée à un contexte minier. Pour terminer, un autre élément matériel est à noter : il s’agit d’un maillet à gorge en roche volcanique, découvert sur le plateau de « Chalet » à Massiac, outil notamment utilisé pour des activités d’extraction (Tissidre et Baillargeat-Delbos 2015). Un exemplaire similaire a été découvert dans une aurière de Dordogne, sur le site des Fouilloux (Jumilhac), exploité à la fin de la période gauloise (Cauuet 2004, p. 29).

III – Le sud-ouest du Cantal : le district minier de Prunet et les apports récents de la recherche

Des travaux récents ont permis de mettre en lumière un autre secteur clé du département pour l’étude des exploitations minières protohistoriques. Ces deux dernières décennies, en Chataigneraie cantalienne, des prospections menées par Philippe Abraham puis par Elodie Hubert (Université de Toulous Jean Jaurès) ont permis de mettre en évidence des mines anciennes, sans doute des aurières étant donnée la géologie du secteur (Cauuet 2013, p. 88 ; Hubert et Cauuet 2015, fig. 12 ; Hubert et Abraham, 2018 p. 35-36). Le district minier qui a été identifié, a été baptisé district de Prunet : il couvre cette commune, mais aussi Lafeuillade-en-Vézie et Lacapelle-del-Fraisse. L’inventaire réalisé par ces deux chercheurs, qui a pu aussi être alimenté par l’étude de relevés Lidar, montre un secteur très dense en vestiges, attestant principalement d’exploitations en roche à ciel ouvert, mais aussi de la présence de chantiers miniers sur gisements secondaires, c’est-à-dire ouverts dans des dépôts détritiques. Ces vestiges sont des fosses, le plus souvent alignées, de tailles variables, mais globalement de plus petite taille que celles connues en pays Lémovice. Cette différence notoire pourrait avoir deux explications : les filons exploités dans le district de Prunet sont en effet moins importants que ceux disponibles en Limousin, notamment moins puissants. Autre possibilité également, il a été mis en évidence en Limousin qu’il y avait un rapport entre la taille des fosses et les périodes d’exploitation, les plus petites étant datées du début du 2nd âge du Fer (Hubert et Abraham 2018 p. 42). Si la typologie de ces vestiges permet sans trop de risque de les dater de la fin de la Protohistoire, notamment par comparaison avec les exploitations connues en Limousin voisin et documentées par des fouilles, les éléments qui permettent de dater précisément ces sites miniers sont encore très peu nombreux : en effet, même si deux sondages ont pu être menés ces dernières années, ce type de site ne livre pas de mobilier datant, et rares sont les charbons qui permettent une datation. Cependant, à Lacapelle-del-Fraisse, des jalons chronologiques ont pu être posés pour le site du Camp du Puech, sondé en 2018 : une datation sur un charbon mis au jour dans une couche de déblais atteste d’une fréquentation au cours de l’Antiquité, tandis que des charbons découverts en fond de minière et sous le niveau de haldes ciblent les IIe et Ier siècle avant notre ère, attestant d’une activité d’extraction au cours de la période gauloise (informations orales Élodie Hubert).

IV – Les parallèles avec les sites miniers du Limousin et de l’Aveyron

La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal doit être abordée aussi à la lumière des données obtenues dans les départements voisins ou limitrophes, mieux documentés comme l’Aveyron, la Corrèze et la Haute-Vienne. En territoire Lémovice notamment, les mines protohistoriques sont étudiées depuis le début des années 1980 (travaux de Béatrice Cauuet). C’est d’abord par le biais d’inventaire de vestiges et d’anomalies d’origines anthropiques souvent détectés par des géologues qu’ont commencé les recherches sur ces travaux, mais aussi par une étude minutieuse des toponymes : ainsi si certains évoquent clairement la présence d’or (Aurière, Laurière etc.), d’autres peuvent indiquer la présence d’anomalie de terrain (Cros, Crose, Croze, etc., dérivés du mot « creux » en occitan, Suquet ou Tuquet, dérivés du mot « tertre ») ou les animaux fouisseurs particulièrement attirés par les déblais (Trou du Loup, Trou du renard, Renardière, Tessonière et ses dérivés, « tesson » signifiant blaireau). Les premières fouilles archéologiques permirent rapidement de déterminer que ces mines, notamment celles du district de Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), ont été exploitées tout au long du Second âge du Fer. À l’heure actuelle, il est établi que l’activité minière se développe dès la fin du Premier âge du Fer (les exploitations sont alors à ciel ouvert, limitées à 10 m de profondeur ; Cauuet 2013, p. 94), avant de s’intensifier à la période gauloise. Certains sites ont également livré des vestiges de l’âge du Bronze, notamment de la phase moyenne ou de la toute fin du Bronze final, ce qui suggère des épisodes d’exploitations plus anciens. Les fouilles ont également permis de documenter des aménagements annexes : ateliers de traitement mécanique (concassage, broyage à l’aide de tables en pierre, de mortiers), ateliers de lavage (différents chenaux, bassins et citernes creusés). La phase finale de la chaîne opératoire a également pu être documentée grâce à la découverte de petits creusets aux parois vitrifiées (ibid., p. 94-95). Notons enfin que des espaces d’habitats liés à ces mines ont aussi été fouillés, attestant qu’une communauté entière se consacrait à cette activité, et ce sur plusieurs générations et d’une manière permanente.

Outre l’exploitation de l’or, l’existence de mines d’argent dans les départements voisins du Cantal est aussi documentée pour la période protohistorique : dans le nord-ouest du département de l’Aveyron, de nombreuses mines de plomb argentifères ont été repérées le long de la faille de Villefranche-de-Rouergue, ainsi que des gisements d’étain à l’Ouest de Laguiole (ibid., p. 89 et 92). En ce qui concerne les stannières, Philippe Abraham a documenté des dépôts sablonneux minéralisés exploités par des petits chantiers de lavage d’alluvion (fosses ou tranchées) et le mode opératoire a pu être mis en lumière, notamment grâce à des analyses géochimiques qui ont permis de localiser les aires de préparations mécaniques aux mines de « La Boule » et de « Grandval » (Abraham 2000). Des datations 14C ont permis d’apporter les premiers jalons chronologiques de ces exploitations. Une datation calibrée atteste ainsi d’une phase d’activité dès le Bronze final (1390-1025 avant notre ère), et plusieurs dates pointent l’ensemble de l’âge du Fer (Cauuet 2013, p. 89).

V – Conclusion

L’objectif de cet article était de présenter un tour d’horizon du potentiel en minerais dans le Cantal. Ce dernier est réel, et nous avons pu voir que le département est riche de gisements aurifères et argentifères, à l’image de bon nombre de département du Massif central. Quant aux données archéologiques aujourd’hui disponibles, il faut souligner qu’elles étaient encore bien maigres il y a encore 10 ans, mais qu’une nouvelle dynamique de recherche a été enclenchée, livrant déjà son lot de données inédites permettant de revoir la question des exploitations protohistoriques. S’il n’est plus exclu que de l’or mais aussi de l’argent ont pu être extraits du sous-sol cantalien à la fin du Second âge du Fer au moins, il reste encore à déterminer les modalités de ces exploitations, mais aussi l’histoire de ces mines. En effet, dans certains cas, leur genèse est antérieure à l’âge du Fer ; ailleurs elle est attestée au cours du Premier âge du Fer, mais ces travaux anciens sont encore mal connus. Enfin, il reste à définir quelle place ont pu avoir ces productions dans l’économie protohistorique, en particulier dans l’économie arverne.

VI – Bibliographie

Abraham 2000

Abraham (P.). – Les mines d’argent antiques et médiévales du district minier de Kaymar (nord-ouest de l’Aveyron), Gallia, 57, p. 123-127

Audollent 1911

Audollent (A.). – Mines d’or en Auvergne, Revue des Études Anciennes, 13, 2, p. 202

Cauuet 1997

Cauuet (B.). – Prospection-inventaire, les mines d’or des Arvernes, Communes de Bagnols, La Bessette, Cros, Larodde, Tauves et Trémouille Saint Loup, BSR Auvergne 1997, p. 90

Cauuet 2004

Cauuet (B.). – L’or des Celtes du Limousin, Ed. Culture et Patrimoine en Limousin, Limoges, 124 p.

Cauuet 2013

Cauuet (B.). – Les ressources métallifères du Massif central à l’âge du Fer, in Verger (S.), Pernet (L.) dir., Une Odyssée gauloise. Parures féminines à l’origine des premiers échanges entre la Grèce et la Gaule, Arles, Errance, p. 86-95

Cauuet 2018

Cauuet (B.). – Sources et productions d’argent en Gaule aux âges du Fer, in Hiriart (E.),Genechesi (J.), Cicolani (V.), Martin (S.), Nieto-Pelletier (S.), Olmer (F.) dir., Monnaies et archéologie en Europe celtique. Mélanges en l’honneur de Katherine Gruel. Glux-en-Glenne, Bibracte 29, p. 195-204

Demarty 1907

Demarty (J.). – Les mines de Labessette (Puy-de-Dôme), exploitations gauloises et gallo-romaines, Revue d’Auvergne, 1, Janvier-Février 1907, Clermont-Ferrand, p. 161-170

Gruat et Izac-Imbert 2002

Gruat (P.), Izac-Imbert (L.). – Le territoire des Rutènes : fonctionnement et dynamiques territoriales aux deux derniers siècles avant notre ère, in Garcia (D.),Verdin (F.) dir., Territoires celtiques. Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale, Paris, Errance, p. 66-87.

Hubert 2011

Hubert (E.). – Les mines d’or des Arvernes. État de la question, mémoire de Master 1 d’Archéologie, Université Toulouse Le Mirail, 83 p.

Hubert 2013

Hubert (E.). – L’or et la puissance des Arvernes. Définition de districts miniers aurifères à l’Ouest du Puy-de-Dôme, mémoire de Master 2 d’Archéologie, Université Toulouse Le Mirail, 164 p.

Hubert et Abraham 2018

Hubert (E.), Abraham (P.). – Les aurières du district de Prunet (sud d’Aurillac, Cantal), Revue de la Haute-Auvergne, t. 80, vol.1, p. 31-48.

Hubert et Cauuet 2015

Hubert (E.), Cauuet (B.). – Productions d’or chez les Arvernes. État de la question, poster présenté à l’occasion du colloque « l’or de l’âge du Fer en Europe celtique – société, technologie et archéométrie », 11-14 mars 2015, Université Toulouse Jean Jaurès.

Tissidre et Baillargeat-Delbos 2015

Tissidre (M.), Baillargeat-Delbos (C.). – Découverte d’un maillet à gorge du Néolithique, à Chalet (commune de Massiac), R.H.A., t. 77 avril-juin, p. 231-234

Tixier 1986

Tixier (L.). – L’exemple de la Mine des Anglais. L’exploitation minière, in Bril (H.), Watelet (P)., Les richesses du sous-sol en Auvergne et Limousin, ville d’Aurillac, p. 9-14

Vialaron 2016

Vialaron (Ch.). – La mine gauloise de la Rodde d’Ally. Concession pour plomb, argent et antimoine de Freycenet-La Rodde (Haute-Loire), Le Puy-en-Velay, 2016, 152 p.

Vinatié 1986

Vinatié (A.). – Le mobilier archéologique, in Bril (H.), Watelet (P)., Les richesses du sous-sol en Auvergne et Limousin, ville d’Aurillac, p. 15-17

Recherche d’archives paléoenvironnementales à proximité de sites protohistoriques (Nord du Cantal) – Carnet de terrain

Recherche d’archives paléoenvironnementales à proximité de sites protohistoriques (Nord du Cantal) : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Dendievel André-Marie1,2, Delrieu Fabien3,4, Antoine Ludovic2, Duny Anne5, Mennessier-Jouannet Christine6, Simon Catherine2, Surmely Frédéric3,7, Richard Hervé8

I – Introduction

Dans le cadre du Programme Collectif de Recherche (PCR) coordonné par F. Delrieu, des recherches pluridisciplinaires en archéologie et paléoenvironnements sont menées depuis 2018 dans le Nord du Cantal (Delrieu et alii 2019 ; Delrieu et alii 2020 ; Delrieu et alii 2021). Dans le cadre de l’axe « Paléoenvironnements & Paysages Protohistoriques » du PCR, la recherche porte sur l’identification, la caractérisation – notamment à l’aide de datations par le radiocarbone – et l’étude de zones humides ayant accumulé des sédiments remontant à la Protohistoire (âge du Bronze et âge du Fer). Le but de cette recherche est ainsi d’obtenir des « archives naturelles » à proximité immédiate des sites archéologiques pour reconstituer les modalités d’évolution de ces écosystèmes au cours du temps et obtenir des informations précises et locales sur les activités humaines passées et les paysages protohistoriques.

I – Zone d’étude : Nord du Cantal

Pour ce « carnet de terrain », nous proposons une synthèse des résultats obtenus suite aux carottages au niveau de deux fenêtres d’étude (fig. 1) : la « fenêtre Sianne » qui s’étend des sources de la Sianne (rivière) au plateau d’Espalem, et la « fenêtre Sumène » qui encadre la vallée de la Sumène depuis le plateau de Trizac jusqu’au Mont-de-Bélier à Saint-Étienne-de-Chomeil.

Figure 1 : Tourbières et sites archéologiques associés. A) Localisation des fenêtres d’étude sur une carte du relief de l’Auvergne ; B) Profil altitudinal de la « fenêtre Sianne » ; C) Profil altitudinal de la « fenêtre Sumène ». Abréviations : NCP = nécropole, CFL = confluence. Crédit : A.-M. Dendievel, 2020-2023.
Figure 1 : Tourbières et sites archéologiques associés. A) Localisation des fenêtres d’étude sur une carte du relief de l’Auvergne ; B) Profil altitudinal de la « fenêtre Sianne » ; C) Profil altitudinal de la « fenêtre Sumène ». Abréviations : NCP = nécropole, CFL = confluence. Crédit : A.-M. Dendievel, 2020-2023.

Ces deux fenêtres présentent de nombreuses tourbières, c’est-à-dire des zones humides dont le sol saturé en eau (conditions anoxiques) permet l’accumulation de tourbe contenant du pollen et des macro-restes botaniques par exemple. En s’accumulant au cours du temps, ces restes forment de véritables « archives naturelles » idéales pour reconstituer l’évolution des environnements du passé au présent (Cubizolle 2019).

Les fenêtres d’étude ont été choisies car elles présentent des tourbières à proximité immédiate, voir au sein même, de sites de la Protohistoire répartis le long de gradients altitudinaux (cf. fig. 1) :

  • Pour la « fenêtre Sianne », ce gradient s’étage de 1 455 m au niveau de la tourbière des sources de la Sianne, jusqu’à 680 m d’altitude pour la tourbière du Lac Long (aussi connu sous le nom de Lac Lant) sur le plateau de la Pénide, à Espalem.

Au plus haut, les sites archéologiques sont représentés par des « tras » (ensemble d’habitats semi-excavés, souvent alignés en peigne). Il y a aussi de nombreuses nécropoles tumulaires et sites d’habitat aux altitudes intermédiaires (1200 – 900 m) : nécropole de la Croix-de-Baptiste près de la tourbière de Sagne-Gousseau, tumulus de Laurie et sites du Bru ou de la Coharde près du Vern. Plus bas en altitude, le plateau de la Pénide présente un site fortifié occupé durant trois phases (Néolithique moyen, âge du Bronze ancien et final IIIb), ainsi qu’une nécropole tumulaire – actuellement en cours de fouille – dont les éléments de datations renvoient à différentes occupations du Néolithique moyen, de la fin de l’âge du Bronze moyen d’après les datations par le radiocarbone, et du Bronze final IIb-IIIa sur la base du rare mobilier recueilli (Dendievel et alii 2020).

  • Pour la « fenêtre Sumène », ce gradient s’étage de 1 100 m (tourbière de Tronque, Plateau de Trizac) à 719 m d’altitude (tourbière de Chastel-Marlhac). Ici aussi, les sites archéologiques sont omniprésents avec des tras en altitude, des nécropoles tumulaires (plateaux de Trizac et de Saint-Étienne-de-Chomeil) et des sites de hauteur (Chastel-Marlhac, Rochemur).

II – Méthodologie suivie

Pour étudier les archives sédimentaires, nous avons utilisé une méthodologie s’appuyant à la fois sur une approche géohistorique, sur un travail de terrain précis et des analyses en laboratoire (voir la démarche en détail dans Dendievelet alii 2020).

En bref, l’approche géohistorique est la 1ʳᵉ étape qui consiste à dépouiller différents documents afin d’identifier des zones humides ayant accumulé des sédiments sur le long terme. Elle s’appuie sur l’étude des cartes et plans anciens, notamment le « Cadastre Napoléonien » et les cartes topographiques de l’IGN depuis le début du XXe siècle. Ces documents sont accessibles aux archives départementales (par exemple, celles du Cantal : https://archives.cantal.fr/rechercher/cadastre-et-archives-foncieres/cadastre-napoleonien) et sur le Géoportail (http://www.geoportail.gouv.fr).

Figure 2 : A) Sondage à la barre dans la tourbière de Mérigot (Crédit : L. Antoine, 2020) ; B) Carottier russe utilisé dans la « fenêtre Sumène » (Crédit : A.-M. Dendievel, 2019).

Une fois l’intérêt de la zone humide confirmée, l’étape 2 a lieu sur le terrain. Le sondage à la barre permet d’estimer l’épaisseur des sédiments en enfonçant une tige filetée graduée (fig. 2a). Cette technique donne une information qualitative sur l’épaisseur et le type de sédiment (argile, tourbe, sables).

Les informations sont géoréférencées à l’aide d’un GPS différentiel afin d’implanter le point de carottage dans la zone la plus profonde (étape 3). Le carottage est alors réalisé en utilisant un carottier manuel (fig. 2b).

Les sédiments sont décrits sur le terrain en fonction du degré de décomposition de la matière organique, de leur texture et de leur couleur. Les carottes de sédiments sont ensuite conservées en chambre froide en vue de leur étude.

Figure 2 : A) Sondage à la barre dans la tourbière de Mérigot (Crédit : L. Antoine, 2020) ; B) Carottier russe utilisé dans la « fenêtre Sumène » (Crédit : A.-M. Dendievel, 2019).

Enfin, l’étape 4 se déroule en laboratoire avec les datations par le radiocarbone (14C) et l’analyse du taux d’aimantation des sédiments (susceptibilité magnétique). Les datations ont été effectuées par accélérateur de spectrométrie de masse (AMS) sur des macro-restes botaniques identifiés, ou sur sédiments bruts lorsque cela n’était pas possible. Nous avons ciblé certains niveaux remarquables comme la transition entre les sédiments lacustres et la tourbe, ainsi que les niveaux de charbons. Les résultats ont été calibrés avec la courbe de calibration « IntCal20 » (Stuiver et Reimer 1993 ; Reimer et alii 2020). Quant à la susceptibilité magnétique volumique (SM), elle a été mesurée avec une sonde Bartington MS2E à une résolution de 1 cm. Cette analyse est utilisée pour analyser l’accumulation de sédiments aimantés due à l’érosion par exemple.

III – Résultats et discussion

Dans ce carnet de terrain, les résultats présentés sont préliminaires et susceptibles d’être complétés dans les prochaines années. Nous présentons d’abord les séquences stratigraphiques extraites des zones humides, ainsi que les premières datations données en âges calibrés, qui reflètent les modalités d’évolution des écosystèmes. L’ensemble des datations est disponible mis en ligne en accès libre sur le site PANGAEA (https://doi.pangaea.de/10.1594/PANGAEA.957252). Nous discutons par la suite des informations que ces premiers résultats offrent sur la mise en place des tourbières et la conservation des archives environnementales remontant à la Protohistoire sur les deux secteurs étudiés.

1 – Fenêtre Sianne

Le long de la fenêtre Sianne, quatre principaux sites ont été carottés et sont en cours d’étude (fig. 3) :

  • Concernant la tourbière des sources de la Sianne, située à 1 455 m près du Signal du Luguet, le carottage montre une accumulation de plus de 350 cm de tourbe, mais le substrat géologique n’a pas été atteint lors du carottage (fig. 3-A). Plusieurs niveaux de charbons témoignent d’incendies locaux. Le plus ancien a été daté du Néolithique final à 230 cm de profondeur. Les niveaux de charbons repérés pourraient indiquer des défrichements à haute altitude (1 500 m). Nous pouvons situer approximativement la Protohistoire entre 200 et 100 cm de profondeur.
  • Entre 1250 et 1 100 m d’altitude, deux sites ont été carottés : la tourbière de Sagne Gousseau, dominant le plateau d’Allanche, et les poches tourbeuses du Vern sur le plateau de la Coharde.
  • D’après nos premiers résultats, la tourbière de Sagne Gousseau se serait formée par paludification au cours du Mésolithique (fig. 3-B). À ce stade des recherches, on peut supposer que les niveaux de tourbe de la Protohistoire se situent entre 45 et 95 cm de profondeur environ. L’analyse de ce site, installé au pied de la nécropole tumulaire de la Croix de Baptiste, est cruciale pour reconstituer l’évolution d’un paysage de moyenne montagne en contexte funéraire. Par ailleurs, l’étage altitudinal auquel se trouve cette tourbière correspond à une zone de transhumance majeure et devrait permettre d’étudier l’impact des pratiques de pâturage sur le long terme.
  • Au Vern, un carottage a permis de prélever 1,7 m de tourbe argileuse, avant de se heurter à un niveau sablo-graveleux (fig. 3-C). La base de la poche tourbeuse a été datée de l’Antiquité tardive (545-645 après J.-C.), et pourrait faire suite à une déstabilisation du versant, voire un glissement de terrain.
  • Enfin, à 700 m d’altitude, plusieurs zones humides sont présentes entre les tumulus de la nécropole protohistorique de la Pénide, à Espalem (43). Nous avons réalisé plusieurs carottages au Lac Long. La séquence débute par un dépôt lacustre organo-minéral (gyttja) daté du Mésolithique (fig. 3-D). Au Néolithique ancien, le lac s’est comblé et a évolué en tourbière. Un retour vers un système lacustre-palustre semble probable au Bronze final (1209-1016 avant J.-C.), au moment où sont construits certains tumulus. De plus l’analyse de la susceptibilité magnétique démontre une forte érosion des sols de la Protohistoire à l’Antiquité Tardive, en lien avec les activités anthropiques très certainement (Delrieu, Martinez et Dendievel 2023). Les études paléoécologiques en cours (palynologie, macro-restes) permettront de préciser les différentes évolutions du paysage ainsi que les activités agro-pastorales locales.
Figure 3  : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sianne ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.

Figure 3  : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sianne ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.

1 – Fenêtre Sumène

Le long de la fenêtre Sumène, plusieurs autres sites ont été carottés et sont en cours d’étude (fig. 4) :

  • La tourbière de Tronque est située à 1 100 m d’altitude sur le plateau de Trizac, entre les vallées de la Sumène et du Mars. Le carottage montre une accumulation de plus de 250 cm de tourbe (substrat géologique non-atteint ; fig. 4-A). Au moins un niveau de charbons témoigne d’incendies locaux et remonterait au Néolithique final (fig. 4-A). On estime que les niveaux de sédiments de la Protohistoire se situerait entre 95 et 50 cm de profondeur.
  • Au nord, en rive droite de la Sumène et du Soulou, quatre tourbières ont été carottées sur la commune de Saint-Étienne-de-Chomeil : deux tourbières aux Brougues, une tourbière située sous le pointement de Mérigot, et une tourbière à Muratet au pied du site de hauteur de Rochemur. Les données chronostratigraphiques sont assez semblables : ces sites correspondent à d’anciens petits lacs remontant au Tardiglaciaire (fig. 4-C ; fig 4-D). Certains ont même conservé des niveaux de cendres volcaniques (appelés téphras). Ces lacs se sont comblés progressivement, à différentes vitesses, entre la fin du Paléolithique et le Mésolithique final d’après les datations obtenues. Il s’agit aujourd’hui surtout de tourbières planes, voire bombées comme à Mérigot. Des informations sur les paysages protohistoriques sont probablement conservées dans la partie supérieure de ces séquences entre 30 et 70 cm de profondeur majoritairement.
  • Enfin, une dernière séquence a été extraite d’une petite zone humide située sur le plateau de Chastel-Marlhac. Ce site situé à 780 m d’altitude domine la plaine de la Sumène. La séquence présente plus de 5 m de sédiments lacustres (substrat géologique non-atteint ; fig. 4-B). Dans ce contexte, les datations réalisées sur du sédiment brut (faute de mieux) doivent être considérées avec une extrême prudence en raison de l’« effet réservoir » lié à la présence de carbone ancien recyclé par les plantes aquatiques et/ou les crustacés présents dans les sédiments. Dans la partie supérieure, un niveau organique riche en charbons a été daté de l’âge du Bronze moyen. L’étude de la susceptibilité magnétique suggère une érosion croissante peut-être jusqu’à l’Antiquité tardive, moment où le plateau de Chastel-Marlhac est citéh dans les écrits de Grégoire de Tours (Delrieu, Martinez et Dendievel 2023). Par ailleurs, l’analyse préliminaire des macro-restes a mis en évidence la persistance de taxons aquatiques tout au long de la séquence (daphnies, cristatelle, potamot) sur ce site (Delrieu et alii 2021).
Figure 4 : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sumène ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.
Figure 4 : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sumène ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.

IV – Éléments de synthèse et perspectives

À travers ce carnet de terrain, nous avons présenté les résultats liminaires de caractérisation (stratigraphie, premières datations, susceptibilité magnétique) des séquences sédimentaires issues des tourbières des vallées de la Sianne et de la Sumène. Cette recherche minutieuse et longue souligne l’intérêt et le potentiel d’étude des tourbières situées à proximité immédiate des sites archéologiques pour reconstituer l’évolution des paysages locaux sous l’effet des activités humaines. Si la plupart des zones humides étudiées résultent du comblement d’anciens lacs, nous avons pu confirmer que des archives sédimentaires de grand intérêt pour la reconstitution des paysages protohistoriques sont bien conservés sur ces sites, ce qui n’était pas un pari gagné d’avance ! Ce travail de longue haleine poursuit actuellement son cours à travers l’étude paléoécologique du lac long à Espalem et celle de la séquence des sources de la Sianne. À suivre…

V – Bibliographie

Cubizolle 2019

Cubizolle (H.). – Les tourbières et la tourbe. Géographie, hydro-écologie, usages et gestion conservatoire, Paris, Lavoisier, 419 p.

Delrieu et alii 2020

Delrieu (F.), Auxerre-Géron (F.), Dendievel (A.-M.), Duny (A.), Mennessier-Jouannet (C.), Lacoste (E.), Muller (F.), Roscio (M.), Surmely (F.). – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute-Auvergne). Départements du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme. Rapport de prospection thématique avec sondages – année 2019, Clermont-Ferrand, DRAC – SRA AuRA.

Delrieu et alii 2021

Delrieu (F.), Auxerre-Géron (F.-A.), Dendievel (A.-M.), (Duny A.), Mennessier-Jouannet (C.), Lacoste (E.), Muller (F.), Richard (H.), Surmély (F.). – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute Auvergne). Troisième année – 2020, Clermont-Ferrand, SRA Auvergne-Rhône-Alpes, 110 p.

Delrieu et alii 2019

Delrieu (F.), Auxerre-Géron (F.-A.), Dendievel (A.-M.), Duny (A.), Muller (F.), Mennessier-Jouannet (C)., Roscio (M.). – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute-Auvergne), Rapport 2018 de prospection thématique avec sondages, Clermont-Ferrand, SRA Auvergne-Rhône-Alpes.

Delrieu, Martinez et Dendievel 2023

Delrieu (F.), Dendievel (A.-M.), Martinez (D.). – Approche comparative de l’occupation des sites de hauteur en Auvergne (Bronze final III/premier âge du Fer et Antiquité tardive/haut Moyen Âge) : chronologie, formes, dynamiques spatiales et paysagères à l’échelle d’un territoire. In Martinez (D.), Quiquerez (A.), Approche diachronique des sites de hauteur des âges des Métaux, de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, Editions ArteHis, Dijon. URL : http://books.openedition.org/artehis/30933

Dendievel,Delrieu et Duny 2020

Dendievel (A.-M.), Delrieu (F.), Duny (A.). – « Entre Lacs et Tourbières : approche pluridisciplinaire de l’évolution des paysages et des zones humides de la Pénide à Espalem (Haute-Loire) », BIOM – Revue scientifique pour la biodiversité du Massif central, 1, p. 1‑11.

Reimer et alii 2020

Reimer (P.-J.), Austin (W.E.N.), Bard (E.). – « The IntCal20 Northern Hemisphere Radiocarbon Age Calibration Curve (0–55 cal kBP) », Radiocarbon, 62, 4, p. 725‑757.

Stuiver et Reimer 1993

Stuiver (M.), Reimer (P.-J.). – « Extended 14C data base and revised CALIB 3.0 14C Age calibration program », Radiocarbon, 35, 1, p. 215‑230.

Affiliations : 1) Univ Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, ENTPE, UMR 5023 LEHNA, F-69518, Vaulx-en-Velin ; 2) GRAV – Groupe de Recherche Archéologique Vellave, 43 600 Sainte-Sigolène ; 3) DRAC ARA, Service Régional de l’Archéologie, 63 000 Clermont-Ferrand ; 4) UMR CNRS 5138 ArAr, 69 007 Lyon ; 5) Paléotime, 38 250 Villard-de-Lans ; 6) UMR 8546 AOrOc CNRS – ENS, 75 230 Paris Cedex 05 ; 7) UMR 6042 Geolab CNRS – UCA, 63 000 Clermont-Ferrand ; 8) UMR 6249 Chrono-Environnement CNRS – UBFC, 25 000 Besançon.

Un dernier moment de folie créatrice : le répertoire ornemental de la céramique dans le nord-est du massif central au IIe siècle avant J.-C.

Article publié dans les Actes du XXVIe colloque de l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer : Vincent Guichard, Philippe Arnaud, Jonathan Dunkley, Gilles Loison, Viviane Richard, et al.. Un dernier moment de folie créatrice : le répertoire ornemental de la céramique dans le nord-est du massif central au IIe siècle avant J.-C.. Olivier Buchsenschutz; Alain Bulard; Marie-Bernadette Chardenoux; Nathalie Ginoux. Décors, images et signes de l’âge du Fer européen. Actes du XXVIe colloque de l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer (Paris et Saint-Denis, 9-12 mai 2002), Supplément à la Revue archéologique du Centre de la France (24), FERACF, pp.91-112, 2003

I – Introduction

Fig. 1 – Un dernier moment de folie créatrice. Découpage territorial présumé au Haut-Empire et sites du nordest du Massif central ayant livré de la céramique peinte laténienne à décor animalier (région de Clermont-Ferrand exclue)
Fig. 1 – Découpage territorial présumé au Haut-Empire et sites du nordest du Massif central ayant livré de la céramique peinte laténienne à décor animalier (région de Clermont-Ferrand exclue)

Le “deuxième style plastique“ et le “style des épées hongroises“ qui s’épanouissent au début du IIIe siècle avant J.-C. sont communément considérés comme les styles décoratifs les plus originaux de la période laténienne, ceux qui manifestent le plus clairement l’identité “celtique“.

Par rapport à cette période fastueuse, l’artisanat laténien postérieur au IIIe siècle semble présenter une diversité et une qualité amoindries. Deux paramètres sont principalement invoqués, qui contribuent chacun à sa mesure à ce constat :

  • la raréfaction de la documentation d’origine funéraire, due à la propagation du rite de l’incinération,
  • la généralisation de productions en grande série au détriment des “pièces uniques “décorées avec les techniques de la cire perdue (parures annulaires, appliques de récipients) et de la gravure (fourreaux d’épées).

Jusqu’à une date assez récente, seule la qualité graphique parfois remarquable de la gravure monétaire laténienne des IIe et Ier siècles avant J.-C. obligeait à nuancer le propos.

Les découvertes effectuées au cours du dernier demi-siècle – et à un rythme accéléré depuis les années 1980 – dans le domaine de la céramique à décor peint apportent désormais un éclairage complémentaire de tout premier ordre sur les formes artistiques et les sources d’inspiration des artisans laténiens du IIe siècle avant J.-C.

Il est désormais acquis que ce siècle voit l’épanouissement d’un style décoratif nouveau à la fois parfaitement ancré dans la tradition laténienne, d’une réelle originalité et d’une qualité indéniable.

La céramique peinte à décor curviligne élaboré d’inspiration naturaliste est connue dans un grand nombre de régions du monde laténien aux IIe et Ier siècles avant J.-C. Néanmoins, les régions du nord-est du Massif central (territoires des Arvernes, des Ségusiaves et, dans une moindre mesure, des Eduens) présentent, de loin, la documentation la plus riche grâce au nombre des récipients répertoriés, à la diversité de leurs décors et à la possibilité de suivre pas à pas l’évolution d’un procédé décoratif depuis son émergence au tournant du IIIe et du IIe siècle, jusqu’à sa disparition un siècle plus tard.

Ce corpus documentaire du nord-est du Massif central a déjà fait l’objet de deux catalogues (Guichard 1987 et Guichard 1994). Le développement de l’archéologie préventive ne cessant d’accélérer le rythme des découvertes, notre exposé doit être introduit par la chronique des dernières trouvailles significatives, qui enrichissent le dossier de données parfois spectaculaires, avant de livrer quelques compléments à l’analyse que nous avons déjà eu l’occasion de publier. Pour être complet, on doit également noter de nouvelles découvertes en dehors de notre région d’étude.

Fig. 2 – Un dernier moment de folie créatrice. Cartographie des sites de la fin de l’âge du Fer dans la région de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme)

Fig. 2 – Cartographie des sites de la fin de l’âge du Fer dans la région de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme)

II – Un dernier moment de folie créatrice. Chronique des découvertes

1 – Riom, La Gravière (Puy-de-Dôme)

La fouille, conduite par l’un d’entre nous (Gilles Loison), a été suscitée par l’installation d’une zone industrielle, à la sortie nord de l’agglomération de Riom. Le secteur étudié se situe à la base de la pente d’une croupe calcaire exposée au sud-est, en bordure de la plaine de Grande Limagne.

L’étendue fouillée (un rectangle de 80 × 50 m) a livré des structures qui s’échelonnent sur toute la durée de la protohistoire, depuis le Chalcolithique jusqu’à la fin de l’âge du Fer. Le mobilier étudié provient d’une fosse (F41b) qui représente la seule trace d’activité attribuable aux trois derniers siècles avant le changement d’ère (à l’exclusion peut-être de fossés parcellaires qu’il est difficile de dater précisément).

La fosse avait la forme d’un cylindre de 0,6 m de diamètre pour 0,6 m de profondeur. Elle recoupait une fosse de forme irrégulière et de dimensions plus fortes (largeur maximum de 2,2 m) au comblement dépourvu de mobilier.

Le remplissage de la fosse 41b elle-même, stratifié, comprenait une mince couche cendreuse, surmontée d’une couche brune limoneuse plus épaisse (10 cm) très riche en mobilier, puis plusieurs couches de scellement pratiquement dépourvues de céramique. Une rubéfaction locale de la paroi, dans sa partie supérieure, indiquait que celle-ci avait abrité une source de chaleur.

La fosse contenait environ 250 fragments de céramique, dont 150 tessons de céramique peinte et 100 tessons de céramique fine tournée, à surface initialement enfumée. Tous ces fragments portent les séquelles d’une surcuisson violente qui s’est souvent produite (ou prolongée) après le bris des vases. Ils sont souvent très déformés. Le mobilier non-brûlé est quasiment inexistant et semble résiduel : très petits fragments de céramique modelée protohistorique, esquilles osseuses.

Les fragments appartiennent à au moins 16 vases différents. Tous sont très fragmentés et incomplets. Leur variété semble exclure l’hypothèse d’un dépotoir d’atelier de potier, que pourrait suggérer la surcuisson des tessons. On serait même tenté de dire que les récipients rassemblés dans la fosse résultent d’un choix effectué suivant des critères de diversité – tous sont décorés, mais aucun décor ne se répète sur deux vases différents – au sein d’une forme générale unique, celle de grands vases fuselés hauts de 30 à 40 cm qui devaient servir à présenter la boisson.

Les anomalies présentées par le mobilier font donc pencher en faveur d’un dépôt relevant d’une manipulation bien précise. L’hypothèse d’un dépôt funéraire d’incinération est envisageable mais s’oppose à l’absence totale (mais non-rédhibitoire) d’ossements brûlés dans le comblement de la fosse et à l’uniformité du type de vases représenté, alors qu’on s’attendrait à voir se côtoyer des vases à liquide et des assiettes (pour la présentation de la nourriture). Le caractère insolite de ce dépôt est aussi amplifié par son isolement.

L’ensemble se classe sans hésitation au IIe siècle avant J.-C. Dans l’état actuel de la connaissance des mobiliers régionaux, les vases à décor lissé ne peuvent pas être datés plus précisément. Comparativement au répertoire du site en cours d’étude de Clermont-Ferrand “La Grande Borne “, la forme fuselée et le décor élaboré de l’un d’entre eux (N°8, Fig. 10) paraissent même exceptionnels.

Certains décors peints curvilignes sur fond de résille (N°4, Fig. 6 et fragment non figuré) présentent des affinités avec le groupe stylistique 1, dont les témoins identifiés appartiennent quasiment tous à la première moitié du IIe s.4.

En revanche, d’autres décors peints (N°1, Fig. 3 sûrement ; N°2 et 3, Fig. 4 et 5 de façon plus incertaine) illustrent un autre style ornemental (groupe 4) dont tous les représentants recensés à l’heure actuelle sont datés dans la seconde moitié du IIe siècle (Guichard 1987, p. 121-122 ; Guichard 1994, p. 115), datation que nous retiendrons finalement pour la mise en place du dépôt.

Vase n° 1

Vase fuselé à ouverture étroite, fragmentaire.

Fig. 3 – Un dernier moment de folie créatrice. Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°1
Fig. 3 – Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°1

Le décor peint d’inspiration animalière, en réserve sur fond blanc, reprend le mode de composition classique du groupe 4, qui est traité ici de manière particulièrement exubérante et baroque, avec une surcharge exceptionnelle de motifs curvilignes.

La composition principale est constituée d’une frise continue de quadrupèdes tournés à droite. On distingue la tête de l’un d’entre eux, dotée de longues oreilles longilignes et, entre ces dernières, d’un motif qui se développe en demi-palmette ; son encolure est pourvue d’une crinière stylisée par une frise de petites esses enchaînées et remplie d’un motif d’esse plus large.

Ces quadrupèdes sont surmontés par d’autres, contorsionnés et tournés à gauche, dont on repère surtout la tête surmontée de trois rinceaux parallèles et le corps couvert de groupes de courts traits parallèles suggérant le pelage.

Le col, peint en rouge, est orné d’un motif de damier, tout à fait classique sur les vases décorés du groupe 4.

Vase n° 2

Fragment de col de vase haut à décor peint sur fond blanc, curviligne et traité en réserve. Il s’agit vraisemblablement d’une variante du décor qui caractérise le groupe 4.

Fig. 4 – Un dernier moment de folie créatrice. Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°2
Fig. 4 – Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°2

Vase n° 3

Fragment de paroi de vase fuselé à décor peint en réserve sur fond blanc, divisé en métopes.

Fig. 5 – Un dernier moment de folie créatrice. Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°3
Fig. 5 – Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°3

Le décor est à peine discernable. Les séparations des métopes sont constituées de motifs en échelle.

Une large partie du champ est occupée par des motifs de demi-palmettes dont le traitement rappelle celui de la queue retombante des quadrupèdes de certains vases décorés dans le style 4.

Ces motifs sont environnés d’esses et de petits cercles pointés.

Vase n° 4

Grand vase fuselé fragmentaire à décor peint sur fond blanc divisé en métopes séparées par des faisceaux de lignes ondées.

Fig. 6 – Un dernier moment de folie créatrice. Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°4
Fig. 6 – Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°4

La composition, en réserve sur fond de résille, est probablement d’inspiration animalière.

Il semble en effet possible de distinguer l’encolure et le mufle d’un animal tourné à gauche, devant lequel se développe un motif indéterminé.

Vase n° 5

Fragment de vase peint à décor sur fond blanc qui présente des motifs curvilignes complexes qu’il est impossible de rattacher à un style déjà répertorié

Fig. 7 – Un dernier moment de folie créatrice. Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°5
Fig. 7 – Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°5

Vase n° 6

Grand vase fuselé à ouverture resserrée doté d’un col élevé souligné par un léger épaulement. Le décor principal, exécuté en réserve, se développe sur le fond peint en blanc de la panse.

Fig. 8 – Un dernier moment de folie créatrice. Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°6
Fig. 8 – Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°6

Il se compose d’une frise continue très incomplète de quadrupèdes tournés à droite, dont l’extrémité des pattes est bien visible sur certains fragments.

L’espace situé sous le corps de chaque animal est occupé par un large motif en forme d’esse environné de cercles pointés, selon une formule proche de celle du groupe 4.

La partie supérieure du décor paraît en revanche beaucoup plus inhabituelle mais n’est pas restituable.

Un bandeau rouge situé à la base du décor principal est orné d’un motif d’échelle, classique sur les vases du groupe 4.

Le col, également peint en rouge, est orné d’un registre de frises de postes, également assez classique, surmonté d’un autre, plus original, orné d’oves exécutées en réserve.

Vase n° 7

Fig. 9 – Un dernier moment de folie créatrice. Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°7
Fig. 9 – Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°7

Fragments d’un vase haut fuselé à ouverture étroite dont la panse est renforcée de deux baguettes,

  • l’une à la base du col,
  • l’autre à la base de la panse, à surface initialement enfumée.

Le décor lissé se développe suivant une composition verticale, avec une alternance de motifs verticaux d’esses enchaînées et de bandes couvertes de croisillons.

Vase n° 8

Grand vase fuselé à ouverture large et col très court, dont la partie médiane de la panse est décorée au lissoir sur deux registres.

Celui du haut est constitué d’une frise de métopes séparés par des lignes ondées et remplis par des croisillons ; celui du bas comprend une suite de lignes ondées verticales jointes par des motifs identiques disposés en biais.

Fig. 10 – Un dernier moment de folie créatrice. Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°8
Fig. 10 – Riom, La Gravière, fosse 41 : vase n°8

Non illustrés

  • Un vase fuselé fragmentaire portant un décor peint géométrique sur fond blanc, le col (et probablement la base de la panse) portant un bandeau rouge. Le décor se divise en un registre supérieur étroit orné de chevrons et en un registre beaucoup plus développé orné d’une composition suivant une trame verticale, faisant alterner bandes rectilignes épaisses et faisceaux de lignes ondées ;
  • Un haut de vase fuselé à ouverture étroite (?) et col souligné par un épaulement, uniformément peint en rouge ;
  • Deux vases fuselés à ouverture large à très large, pied cintré, col court, surface extérieure entièrement peinte en blanc sans décor surpeint, et un autre vase peint sans doute identique et représenté uniquement par des fragments de paroi qui présentent la particularité de porter une peinture parfaitement polie, à l’aspect de porcelaine ;
  • Des fragments de paroi d’un grand vase haut à surface initialement enfumée dont la panse est décorée au lissoir d’un registre de croisillons surmontant un registre couvert par des lignes verticales ;
  • Un fragment de paroi de vase haut fuselé à décor sur fond blanc constitué de métopes séparées par des faisceaux de lignes ondées. Le décor principal, sur fond de résille, n’est pas discernable ;
  • Un fragment de col de vase haut à décor peint curviligne (?) en réserve sur fond de résille ;
  • Un col de vase haut probablement doté d’un léger épaulement, peint en rouge.
  • Un fragment très déformé de grand vase haut à décor lissé sur la partie médiane de la panse, disposé en chevrons.

2 – Clermont-Ferrand, le Puy de la Poix (Puy-de-Dôme)

La seconde série de découvertes provient d’une fouille de sauvetage effectuée par deux d’entre nous (Philippe Arnaud et Viviane Richard) en 1991.

Elle se situe dans une zone qui a déjà livré à de nombreuses reprises des vestiges laténiens. Celle-ci, située à l’extrémité sud-est de la plaine de Grande Limagne, est en effet un lieu de passage obligé le long d’un cheminement nord-sud, encadré par les pentes du Puy de Crouelle et de la colline de Gandaillat. Les points de découverte parsèment la plaine sur une distance de deux kilomètres, mais ils ne permettent pas d’apprécier la superficie effectivement occupée à l’époque laténienne. Souvent mentionné sous le nom d’Aulnat – Gandaillat, le site a fait l’objet d’une importante intervention dans les années 1970, par R. Périchon et J. Collis, au terroir de La Grande Borne. La fouille considérée ici a été suscitée par l’élargissement de la rue Elisée-Reclus (D772), à l’emplacement où celle-ci longe le Puy de la Poix, un très modeste bombement de roches bitumineuses d’origine volcanique (pépérite), et à seulement 200 m au nord-ouest du chantier de La Grande Borne. La fouille, une étroite bande de terrain de 80 × 5 m, a livré plusieurs dizaines de structures en creux laténiennes, parmi lesquelles :

  • Un puits (F78) taillé dans la marne, profond de 4,5 m, de section carrée au sommet (d’un peu moins d’un mètre de côté), circulaire ensuite. Il était doté d’un parement appareillé en pierre à son sommet, reposant sans doute à l’origine sur un chassis en bois. Son remplissage initial comprend dix vases entiers, dont six intacts ; le remplissage secondaire, de type dépotoir, de très nombreux vases fragmentés (2800 tessons, soit environ 150 vases ; Deberge, dans PCR 2001, p. 91-115) dont l’assemblage peut être daté du milieu du IIe siècle ;
  • Un cellier (F68) pratiquement carré (2,0 × 1,8 m), profond (2,1 m) et doté de banquettes latérales, dont le remplissage ne contenait, à la base, qu’une quarantaine de tessons d’amphore (seconde moitié du IIe siècle) ;
  • Un cellier (F50) rectangulaire (2,6 × 1,6 m) et profond (1,1 m), contenant un abondant mobilier détritique (environ 1500 tessons de céramique) analogue à celui du puits F78 ;
  • Une vaste fosse (F22) oblongue (4,5 × 2,0 m) et peu profonde (0,3 m) au centre de laquelle avait été déposé le corps d’un individu adulte en décubitus dorsal, avec un objet indéterminé en tôle de fer au-dessus des pieds ; le mobilier détritique qui l’environnait (environ 200 tessons) permet une datation dans la première moitié du IIe siècle. La céramique peinte est abondante parmi les découvertes. Elle représente 7 % des tessons dans le puits, 11 % dans la fosse 50. Le lot livré par le comblement primaire du puits est particulièrement spectaculaire. Il s’agit de quatre vases peints entiers et d’un autre fragmentaire, dont le décor a été parfaitement conservé par l’environnement anaérobie. Ils étaient associés à huit vases enfumés complets et à plusieurs autres fragmentaires. Ce dépôt comprend donc douze vases qui ont été pour une partie au moins été précipité intacts dans le puits. Il s’agit uniquement de vases hauts en céramique fine, sans doute utilisés pour le service de la boisson. Ils portent tous des traces d’usure – voire même une réparation à la poix (N°17, Fig. 19) et un enduit intérieur d’étanchéification avec le même matériau (N°13, Fig. 15) – qui indiquent une utilisation initiale plus ou moins prolongée avant leur dépôt, dont aucun indice ne permet de préciser la signification.

Vase n°9 (inv. 63-113-341-1103-9)

Puits 78. Vase peint intact, avec pied légèrement abrasé.

Fig. 11 - Un dernier moment de folie créatrice. Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°9
Fig. 11 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°9

La forme est haute et fuselée, à ouverture étroite.

La peinture a été appliquée sur une couche d’engobe de couleur beige qui couvre l’ensemble de la surface extérieure.

Le décor se développe en un large registre sur fond blanc, limité par deux étroits bandeaux rouges rehaussés de lignes horizontales noires. Il consiste en une frise de trois quadrupèdes debout tournés à gauche qui apparaissent en réserve sur une résille tracée avec sept pinceaux 5 fins réunis en peigne.

Les motifs animaux ont quant à eux été mis en place avec un pinceau large. Ils allient détails anatomiques réalistes (sabots et genoux) et détails stylisés (encolure développée, oreilles dessinant une lyre, queue relevée et épanouie).

Le corps des animaux est agrémenté de plusieurs rinceaux tracés avec le même outil, manié de façon à faire apparaître des pleins et des déliés.

Vase n°10 (inv. 63-113-341-1103-11)

Puits 78. Vase peint intact (à une petite lacune près, à la base), avec pied légèrement abrasé.

La forme est haute et fuselée, à ouverture étroite.

La peinture a été appliquée sur une couche d’engobe, comme pour le vase précédent.

Le décor se développe également en un large registre sur fond blanc, limité par deux étroits bandeaux rouges rehaussés de lignes horizontales noires. Il consiste en une frise de trois motifs curvilignes foliacés disposés verticalement sur toute la hauteur du champ et tracés avec un pinceau épais.

Ils apparaissent en réserve sur une résille tracée avec sept pinceaux fins réunis en peigne.

Fig. 12 - Un dernier moment de folie créatrice. Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°10
Fig. 12 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°10

Vase n°11 (inv. 63-113-341-1103-10)

puits 78. Vase peint brisé (quelques lacunes), avec pied légèrement abrasé.

Fig. 13 - Un dernier moment de folie créatrice. Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°11
Fig. 13 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°11

La forme est haute et fuselée, à ouverture étroite.

La peinture a été appliquée sur une couche d’engobe.

Le décor se développe également en un large registre sur fond blanc, limité par deux étroits bandeaux rouges rehaussés chacun d’une frise de pyramides à deux gradins disposées tête-bêche. Il consiste en une frise de trois quadrupèdes tournés à droite qui se détachent en réserve sur une résille tracée avec six pinceaux fins réunis en peigne.

Contrairement aux deux vases précédents, le décor a été mis en place avec un pinceau très fin, avec une grande minutie, comme le montrent des détails d’exécution.

Le corps est sobrement stylisé, de manière traditionnelle : développement de l’encolure et pincement exagéré de l’abdomen, ligne ondée figurant la crinière. Les oreilles sont en revanche le prétexte au développement d’un motif exubérant en forme de palmette symétrique, dont le cœur est occupé par un triscèle traité en réserve et entouré de cercles pointés.

Vase n°12 (inv. 63-113-341-1103-12)

Puits 78. Vase peint, brisé mais complet, avec pied très abrasé.

Fig. 14 - Un dernier moment de folie créatrice. Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°12
Fig. 14 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°12

La forme est haute, à panse large et ouverture très large.

La peinture a été appliquée directement sur la surface de l’argile.

Le décor se développe en un large registre sur fond blanc, limité par deux étroits bandeaux rouges, rehaussés pour celui du bas de traits noirs horizontaux, pour celui du haut d’une frise de carrés noirs.

Le décor principal est géométrique et d’architecture très simple : lignes verticales étroites, ondées et tracées au peigne, alternant avec des paires de lignes droites épaisses.

Vase n°13 (inv. 63-113-341-1103)

Puits 78. Vase peint dont seule la moitié inférieure (brisée) est conservée.

Fig. 15 - Un dernier moment de folie créatrice. Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°13
Fig. 15 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°13

Son pied est légèrement abrasé, son intérieur est poissé.

Sa forme est haute et fuselée.

La peinture a été appliquée sur une couche d’engobe de couleur crème.

Le décor se développe sur fond blanc ; il est délimité vers le bas par un étroit bandeau rouge. Il consiste en un damier qui se développait sans doute initialement sur quatre registres.

Les cases sont remplies alternativement par une résille et par un motif de croissant de lune.

Vase n°14 (inv. 63-113-341- 1103-3)

Puits 78. Vase enfumé, brisé mais complet, avec pied très abrasé.

La forme est haute, à panse et ouverture larges, col court. Le fond, fabriqué avec une argile plus sableuse, a été mis en place après le tournage du reste du vase. La surface externe est égalisée, le col seul étant lissé.

Fig. 16 - Un dernier moment de folie créatrice. Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°14
Fig. 16 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°14

Vase n°15 (inv. 63-113-341-1103-2)

puits 78. Vase enfumé, brisé mais complet, avec pied faiblement abrasé et de facture très proche du précédent.

La forme est haute, à panse et ouverture larges, col court. Le fond semble avoir été façonné en même temps que le reste du vase.

Fig. 17 - Un dernier moment de folie créatrice. Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°15
Fig. 17 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°15

Vase n°16 (inv. 63-113-341-1103-5)

Puits 78. Vase enfumé intact (à l’exclusion d’une lacune au rebord), avec pied abrasé.

Fig. 18 - Un dernier moment de folie créatrice. Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°16
Fig. 18 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°16

La forme est haute, à panse large et ouverture très large, col souligné par une baguette.

Le fond paraît avoir été mis en place après le tournage du reste du vase.

La surface externe est pourvue d’un décor lissé : ligne horizontale ondée sur l’épaule, surmontant un large registre occupé par des lignes verticales

Vase n°17 (inv. 63-113-341-1103-4)

Puits 78. Vase enfumé intact, dont le pied est très abrasé et la panse, percée accidentellement, a été réparée à la poix.

La forme, à panse et ouverture larges, est très inhabituelle. Elle est caractérisée par un col et un pied haut, soulignés tous deux par une baguette. La surface externe est entièrement lissée.

Fig. 19 - Un dernier moment de folie créatrice. Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°17
Fig. 19 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°17

Vase n°18 (inv. 63-113-341-1103-8)

Puits 78. Vase enfumé intact (à l’exception d’une grosse lacune au col), avec pied très abrasé.

Fig. 20 - Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°18
Fig. 20 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°18

La forme, à panse et ouverture larges, est, en Basse-Auvergne, typique de La Tène C.

Elle est caractérisée par un pincement à mi-hauteur de la panse.

Le col est de plus souligné par deux baguettes et le fond (façonné à part) soulevé.

La surface externe est pourvue d’un décor lissé : ligne horizontale ondée sur l’épaule, large registre occupé par des lignes verticales sur le pied.

Vase n°19 (inv. 63-113-341-1103-1)

Puits 78. Vase enfumé brisé (une grosse lacune à la panse), avec pied légèrement abrasé.

Fig. 21 - Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°19
Fig. 21 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°19

La forme est très proche de celle du vase précédent.

Elle s’en distingue par une allure plus fuselée et un fond moins élaboré, fabriqué en même temps que le reste de la pièce.

Le décor est identique.

Ce vase se distingue toutefois par une particularité de façonnage : la paroi de la partie de la panse située en dessous du pincement ayant été jugée trop épaisse à l’issue du tournage, elle a été fortement amincie avant séchage par raclage vertical de l’intérieur avec un outil de profil semi-circulaire.

Vase n°20 (inv. 63-113-341-1107/10)

Fosse 50. Vase peint très fragmentaire.

Fig. 22 - Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°20
Fig. 22 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°20

La forme est haute et fuselée.

Le décor se développe sur fond blanc et surmonte un bandeau rouge. Il consiste en trois quadrupèdes tournés à gauche et disposés dans des métopes séparées par un motif d’échelle.

Les animaux apparaissent en réserve. Seule la partie inférieure est conservée, qui montre un traitement sobre et très classique (abdomen pincé, queue tombante, sabots nettement tracés).

Un tesson isolé, appartenant à la partie haute du décor, suggère qu’ils étaient surmontés d’une ramure. Le tracé initial, sans doute opéré avec un pinceau fin, a été complété avec un instrument nettement plus large. Un losange a été épargné sous le ventre de chaque animal.

Il est décoré de deux traits en croix qui déterminent quatre triangles dont deux sont remplis par une résille.

2 – Clermont-Ferrand, Gandaillat (Puy-de-Dôme)

Le vase dont il est question est issu d’une fouille de sauvetage effectuée en 2001 par l’une d’entre nous (C. Vermeulen) sur un autre secteur du vaste site d’Aulnat / Gandaillat / La Grande Borne, à 1 km environ à l’est des découvertes mentionnées au paragraphe précédent.

Ce secteur fouillé sur 8 000 m² a livré des structures de nature très variée (habitat, métallurgie, vestiges funéraires) et un mobilier très abondant qui ont comme point commun de dater dans leur extrême majorité de la première partie de La Tène D1.

Ainsi, le vase étudié provient du comblement primaire d’un puits (n° 34) – ce qui explique une nouvelle fois son très bon état de conservation – où il était associé à un abondant mobilier de cette période.

Vase n°21

Fig. 23 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Profil restitué de façon approximative, dans l’attente d’un remontage
Fig. 23 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Profil restitué de façon approximative, dans l’attente d’un remontage

Vase conservé aux trois-quarts environ. Son profil est restituable, à l’exclusion du col (Fig. 23). Sa hauteur conservée est de 43 cm, pour une hauteur estimée de 47 cm environ et un diamètre de 32 cm. Sa paroi interne est enduite de poix.

Le vase, tourné, est fuselé, avec une épaule élevée bien marquée qui surmonte un pied élancé à fond légèrement soulevé. La restitution de la partie supérieure ne pose pas de difficulté : col haut légèrement rentrant terminé par une lèvre allongée déversée et raccordé à la panse par une moulure faiblement marquée.

L’argile utilisée est bien épurée. Les parois sont minces, voire très minces (près du pied). La cuisson leur a donné une bonne dureté et une teinte homogène brun clair en surface. Comme c’est très fréquemment le cas pour les vases peints du bassin de Clermont-Ferrand, on observe que les surfaces extérieures du récipient ont d’abord été enduites d’un engobe de couleur blanc-crème, qui a épargné le pied (où l’on observe des coulures). Après séchage a été mis en place le fond

coloré : un large bandeau blanc de 29 cm pour le registre principal, encadré d’étroits bandeaux rouge près du pied et sur le col. Le vase a été cuit après un polissage soigné de ces surfaces peintes. Le décor proprement dit utilise une peinture qui apparaît noire et opaque quand elle est bien conservée, comme c’est le cas ici, malgré la minceur de la couche picturale. L’excellente conservation permet d’observer les modalités du tracé. Bien que répétés sept fois sur le pourtour du vase, les motifs ne se reproduisent jamais exactement à l’identique, quelles que soient leur taille et leur complexité. On observe en outre que leur tracé a toujours été effectué avec un instrument très fin (1 mm environ) préalablement au remplissage des surfaces noircies, sans aucun repentir apparent. On doit donc exclure le recours à des poncifs et à des pochoirs, de même que l’utilisation d’une technique de peinture en réserve avec masquage par de la cire ou de la graisse, comme on l’observe pour d’autres séries de céramique peinte contemporaines. Le décor est une frise d’animaux qui se développe sur le bandeau blanc central. Il est encadré par deux registres secondaires qui se superposent approximativement aux bandeaux rouges :

  • au registre inférieur, une échelle horizontale qui surmonte une bande de pyramides à gradins disposées tête-bêche, tandis que la partie restante du pied a été sommairement recouverte d’une couche de peinture noire ;
  • au registre supérieur, une frise d’oves surmontée par une échelle horizontale et – sans aucun doute bien que cela ne soit pas conservé – par une frise de pyramides identique à celle du registre inférieur.
Fig. 25 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Relevés photographiques partiels mettant en évidence les animaux du registre principal
Fig. 25 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Relevés photographiques partiels mettant en évidence les animaux du registre principal

Le décor principal (Fig. 24) est traité de façon à ce que les motifs principaux apparaissent en réserve.

Il s’agit d’une frise continue rythmée par sept grands quadrupèdes tournés à droite qui occupent toute la hauteur du champ (Fig. 25).

Ces animaux très stylisés ont deux paires de pattes longilignes, un abdomen très pincé, une encolure cambrée et excessivement étirée. La queue et la tête donnent lieu à un épanouissement de motifs curvilignes sans aucun rapport avec la physionomie animale : élégant rinceau pour la queue, longues “pousses “terminées par un enroulement ou une palmette pour la ramure.

Fig. 24 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Développement photographique du décor
Fig. 24 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Développement photographique du décor
Fig. 26 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Relevés photographiques partiels mettant en évidence les animaux du registre inférieur
Fig. 26 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Relevés photographiques partiels mettant en évidence les animaux du registre inférieur

D’autres animaux sont placés sous le ventre de chacune des figures principales (Fig. 26). Il s’agit encore de quadrupèdes aux pattes longilignes et à l’abdomen pincé, cette fois tournés à gauche et traités avec plus de simplicité en raison de l’exiguïté du champ disponible, de sorte que la queue et les oreilles, simplement tracées, sont bien reconnaissables.

Le registre supérieur est occupé par des paires d’animaux (Fig. 27) qui paraissent appuyer leurs pattes sur l’encolure des figures principales. De ce fait, elles sont basculées presque à la verticale. Ces quadrupèdes sont affrontés, la tête baissée comme s’ils broutaient ou se désaltéraient. Leur queue est sobrement stylisée par une pousse terminée par un rinceau. Leur ramure donne lieu, en revanche, à un traitement sophistiqué sous forme de deux paires de demies palmettes nervurées. Les deux figures, parfaitement symétriques, se distinguent par un seul détail : le remplissage du corps de celle de droite par de fines lignes ondées qui semblent évoquer le pelage. Le décor est enfin agrémenté de nombreux motifs non-figuratifs autonomes qui remplissent tous les petits espaces vacants. On compte ainsi, pour chaque répétition des motifs animaliers : une rosette, cinq ou six esses et huit à dix cercles évidés et pointés.

Fig. 27 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Relevés photographiques partiels mettant en évidence les animaux du registre supérieur
Fig. 27 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Relevés photographiques partiels mettant en évidence les animaux du registre supérieur

3 – Clermont-Ferrand, Le Brézet (Puy-de-Dôme)

On ne quitte toujours pas le complexe d’Aulnat avec cette découverte récemment publiée issue d’une fouille de 1997 (Deberge 2000).

Le vase peint étudié provient de nouveau du comblement primaire d’un puits du début de La Tène D1. L’environnement semble plutôt ici lié à des activités cultuelles, sans exclure les activités domestiques.

Vase n°22

Vase incomplet de forme haute assez élancée, bien que son pied ne soit pas cintré.

Fig. 28 – Clermont-Ferrand, Le Brézet : vase n°22 (d’après Deberge 2000).
Fig. 28 – Clermont-Ferrand, Le Brézet : vase n°22 (d’après Deberge 2000).

La partie sommitale manque complètement.

Le décor, traité en réserve sur fond rouge, est très bien conservé.

Il se développe sur un large registre qui occupe toute la panse et est divisé en trois métopes. Chaque métope est occupée par un quadrupède tourné à gauche aux pattes élancées, à la longue queue tombante et à la ramure – incomplète – exubérante.

Un appendice curviligne est greffé sur sa croupe, tandis que deux motifs abstraits indépendants occupent des espaces libres dans le bas du champ.

Les métopes sont séparées par de larges motifs de chevrons.

4 – Clermont-Ferrand, Le Pâtural (Puy-de-Dôme)

Les derniers vases proviennent d’un site de plaine dégagé sur une vaste étendue (près d’un hectare) entre 1987 et 1995 par John Collis et Jon Dunkley, à moins de 3 km au nord du précédent.

Bien que l’occupation culmine au IIe siècle avant J.-C. et que la céramique y soit très abondante, la céramique peinte ayant conservé un décor lisible est rare (sans doute parce que l’essentiel du mobilier provient de fossés où il a pu rester longtemps exposé à l’air libre).

Les vases présentés, qui s’ajoutent à ceux présentés antérieurement (Guichard 1994, p. 110 et fig. 9), ont été retrouvés, pour le premier à l’état de gros fragments parmi les blocs de calage d’un poteau, sans aucun autre mobilier caractéristique (sinon une embouchure de cruche à pâte calcaire d’origine méridionale), pour le second dans le remplissage d’un fossé daté en première analyse du milieu du IIe siècle avant J.-C. par le mobilier associé.

Vase n°23 (inv. PA 64042)

Vase peint, très lacunaire.

Fig. 29 – Clermont-Ferrand, Le Pâtural, fosse 64042 : vase n°23.
Fig. 29 – Clermont-Ferrand, Le Pâtural, fosse 64042 : vase n°23.

La forme, haute et fuselée, se distingue par son col haut souligné par une baguette et son pied très soulevé.

La peinture, assez érodée, est appliquée sur une couche d’engobe de couleur crème.

Le registre principal, sur fond blanc, est délimité par deux bandeaux rouges.

Le décor, qui recourt à la même technique que ceux du groupe 4 (motifs principaux en réserve sur fond en aplat, surcharge de motifs indépendants, esses et lignes de rinceaux) n’est pas reconstituable.

Le champ paraît découpé par des traits rectilignes obliques. Le centre du registre est occupé par des quadrupèdes qui paraissent bondir, au lieu de s’appuyer sur la bordure inférieure du champ.

Vase n°24 (inv. PA 71050, 71056, 71057 : fossé 70926)

Vase peint très lacunaire, de forme haute et certainement fuselée. Le décor se développe sur fond blanc. On reconstitue une composition comparable à celle qui caractérise le groupe 4 : une frise principale d’animaux (quadrupèdes) tournés à droite, environnés d’animaux plus petits qui occupent l’espace situé au-dessus de leur croupe et (sans doute) celui placé au-dessous de leur poitrail. Plus précisément, l’espace supérieur, entre deux animaux du registre principal, semble normalement occupé par une large volute qui prolonge leur crinière et, situés de part et d’autre de celle-ci, de deux quadrupèdes bondissants. La présence d’un seul quadrupède dans un des intervalles, de longueur réduite, doit s’expliquer par une mauvaise gestion de la surface à décorer. Ce vase se distingue en revanche par un traitement décoratif contraire aux conventions habituelles des décors animaliers du nord-est du Massif central : les motifs se détachent ici en sombre sur fond clair. La stylisation des formes animales présente d’autres traits originaux : mufles arrondis, gros yeux globuleux et, surtout, oreilles beaucoup moins développées qu’à l’habitude.

Fig. 30 – Clermont-Ferrand, Le Pâtural, fossé 70926 : vase n°24.
Fig. 30 – Clermont-Ferrand, Le Pâtural, fossé 70926 : vase n°24.

III – Le répertoire ornemental de la céramique peinte du IIe siècle avant J.-C. dans le nord-est du Massif central

Ce répertoire comprend des décors géométriques et des décors plus élaborés, utilisant des motifs d’origine végétale ou animale. La proportion des uns et des autres est difficile à apprécier précisément. Un décompte systématique effectué sur plusieurs sites du département de la Loire (Feurs et Roanne) suggère un rapport 3 ou 4 pour 1. Les décors géométriques présentent une grande variété, sujette à des variations d’un site à l’autre, et une réelle spécificité vis-à-vis du répertoire d’autres régions bien documentées du monde laténien. Toutefois, nous nous attarderons seulement sur les décors plus élaborés, infiniment plus spectaculaires et plus riches d’information. Les décors complexes n’utilisant pas des motifs animaliers sont rares. Les plus caractéristiques illustrent le thème de la frise de rinceaux, traitée dans un esprit résolument différent de celui propre au “style végétal continu “du IVe siècle (frise de rinceaux : Guichard 1987, fig. 9/1, Guichard 1994, fig. 3/1 ; autres compositions : Guichard 1994, fig. 15/4). Les décors animaliers sont en revanche très fréquents. Les nouveaux éléments apportés au corpus améliorent notablement notre connaissance de leur répertoire. On avait proposé de définir au sein de celui-ci quatre groupes stylistiques, qui permettaient de classer l’ensemble des décors reconstituables et la grande majorité de ceux connus seulement à l’état de fragments (Guichard 1987, p. 109-125).

Le premier regroupait tous les décors sur fond de résille. Il s’avérait représenté seulement par des frises ininterrompues de quadrupèdes et datable essentiellement de la première moitié du IIe siècle. Le second correspondait aux décors divisés en métopes. S’y rattachaient uniquement des figurations de quadrupèdes dotés d’une ramure épanouie en forme de lyre symétrique et apparaissant en réserve sur fond traité en aplat noir. Ce groupe, fréquent en territoires éduen et ségusiave et jusqu’à présent absent en territoire arverne, couvrait tout le IIe siècle.

Le troisième groupe s’identifiait au décor d’une série peu nombreuse de coupes représentées seulement en territoire ségusiave, constitué de frises continues de quadrupèdes traitées en réserve sur fond en aplat. Le quatrième groupe se caractérisait par une frise continue de quadrupèdes traitée en réserve sur fond en aplat. Il réunissait une série assez nombreuse de récipients découverts en territoires arverne et ségusiave, qui se distinguaient aussi par une grande surcharge ornementale et provenaient uniquement de contextes datés de la seconde moitié du IIe siècle.

Certains des nouveaux vases, sans remettre en question ce classement, permettent de mieux apprécier la variété au sein de chaque groupe. C’est le cas en particulier des nouveaux représentants typiques du groupe 4 (Riom, N°1, Fig. 3 ; Gandaillat, N°21, Fig. 24). Le premier montre un décor simplifié, où les quadrupèdes des registres inférieur et supérieur ont été remplacés par des palmettes. Les deux autres présentent en revanche un décor surchargé à l’extrême. Sur le vase de Gandaillat, dont la grande taille est exceptionnelle, le peintre exploite avec virtuosité le champ inhabituellement large qui lui est offert, multipliant les figures animales (vingt-huit, contre une douzaine habituellement) et les ornements sans modifier l’économie générale du décor.

Cette variété est également constatée pour le groupe 1 avec le singulier exemple d’un vase du Puy de la Poix (N°10, Fig. 12), sur lequel les animaux ont disparu au profit de motifs purement abstraits dont le traitement est identique à celui réservé à la queue ou aux oreilles sur les vases de ce groupe.

D’autres décors, malheureusement tous fragmentaires, n’entrent certainement pas dans un de nos groupes. C’est le cas de vases de Riom (N°5, Fig. 7) et du Pâtural N°23, (Fig. 29) dont la technique décorative paraît toutefois proche des vases du groupe 4. Plusieurs autres présentent une subdivision du registre principal en métopes, jusqu’alors inédite en territoire arverne (Riom, N°4, Fig. 6 et sans doute N°3, Fig. 5 ; Puy de la Poix, N°20, Fig. 22 ; Le Brézet, N°22, Fig. 28), sans pour autant montrer les représentations animales simples et stéréotypés qui caractérisent le groupe 2. Surtout, un vase du Pâtural (N°24, Fig. 30) présente une solution décorative originale, qui permet de définir un cinquième groupe stylistique, avec des motifs animaliers qui ne se détachent pas en réserve sur fond sombre. Cette solution avait déjà été repérée sur un vase du site de La Grande Borne à Clermont-Ferrand (Guichard 1994, fig. 3/3), dont le seul fragment conservé laissait apparaître une tête traitée de façon identique.

La disponibilité de vases complets au décor parfaitement conservé permet également de mieux appréhender la technique utilisée par les artisans gaulois. Deux des vases de la découverte du Puy de la Poix (N°9 et 10, Fig. 11 et 12) montrent l’utilisation d’un pinceau large pour mettre en place à grands traits et en jouant sur les pleins et les déliés un décor qui demeure très sobre. Le qualificatif de calligraphique nous paraît parfaitement adapté pour désigner cette technique. Le dernier vase à décor animalier de la même découverte (N°11, Fig. 13) montre en revanche le recours à un instrument très fin manié avec un grand souci de précision, ce qui permet, entre autres, de surcharger le décor de motifs secondaires. On peut parler à ce propos de technique miniaturiste. On retrouve ce traitement notamment sur le spectaculaire vase de Gandaillat (N°21, Fig. 24). Plus généralement, tous les vases du groupe 4 (ainsi que ceux du groupe 3 et les représentants classiques du groupe 2) relèvent de cette technique, alors que ceux du groupe 1 adoptent la technique calligraphique.

L’un des vases du Puy de la Poix (N°11, Fig. 13) présente l’intérêt particulier de réunir des caractères normalement spécifiques des groupes 1 (remplissage de résille) et 4 (technique calligraphique). Il se situe donc stylistiquement, et d’ailleurs aussi chronologiquement, comme l’indique son contexte d’enfouissement, à l’articulation des deux groupes et permet de vérifier que le second est effectivement issu de l’évolution du premier, à la faveur d’un changement de technique décorative.

Les deux vases qui déterminent le groupe 5 montrent l’utilisation de la technique miniaturiste, ainsi qu’une mise en œuvre dans le même esprit que le groupe 4, avec une profusion de motifs secondaires qui ornent toutes les plages disponibles, sombres et claires, et traitées, selon le cas, en positif ou en réserve. D’après leur contexte archéologique, ces vases appartiennent plutôt à une période antérieure à celle du développement du groupe 4. Ce dernier pourrait donc finalement être issu d’une synthèse entre le groupe 1, pour le traitement en réserve, et le groupe 5, pour la technique décorative miniaturiste, aussi utilisée dans la première moitié du IIe siècle pour des décors végétalisants : le meilleur exemple est fourni par un vase de La Grande Borne (Guichard 1994, fig. 3/1).

On peut encore noter que la technique miniaturiste requiert un travail plus minutieux et plus long, qui va à l’encontre d’une logique économique d’augmentation de la cadence de production. La surcharge de motifs secondaires sur certains vases et l’infinie variété des décor du groupe témoignent aussi de modes de production qui ne cherchent assurément pas à optimiser leur rentabilité commerciale. Il n’en reste pas moins que la fréquence des découvertes suggère une production numériquement importante de ces vases à décor animalier.

Le grand nombre de vases décorés disponibles permet ainsi de retracer l’histoire d’une technique décorative restreint. A l’image de ce que l’on a pu proposer pour les décors gravés des émissions monétaires contemporaines, on peut constituer des séries sur des bases stylistiques et l’on peut vérifier leur valeur chronologique par confrontation avec le contexte de dépôt des objets. La tendance principale, tout au long du siècle qui nous occupe, est l’évolution depuis des décors très sobres et rapidement mis en place vers des décors très sophistiqués, requérant un temps de travail toujours accru. Ces derniers utilisent une technique miniaturiste qui, encore peu utilisée dans la première moitié du IIe siècle, du moins en Auvergne, remplace complètement par la suite la technique calligraphique plus ancienne. Cette évolution se traduit par un maniérisme de plus en plus prononcé – le vase de Gandaillat (N°21, Fig. 24) en fournit le plus éclatant exemple – sans que les thèmes décoratifs ne soient jamais remis en cause. Ceux-ci sont en effet étonnamment unitaires et spécifiques de la céramique peinte : frises de quadrupèdes volontairement ubiquistes, tenant à la fois des cervidés et des équidés dès les représentations les plus anciennes et se parant progressivement d’appendices curvilignes qui finissent par masquer la forme animale elle-même. Cette exubérance, propre à ce style décoratif, n’empêche pas la préservation du dynamisme issu de l’élimination de tout plan de symétrie qui, par excellence, fait la spécificité de l’art laténien depuis le IVe siècle.

Le vocabulaire décoratif original des potiers du Massif central témoigne d’une fonction symbolique particulière des animaux, en liaison avec l’usage des récipients qu’ils ornent, qui est clairement lié à la boisson (comme le montrent l’enduit de poix sur leur paroi interne, systématique sur les exemplaires les mieux conservés, et leur association avec d’autres récipients de service dans les ensembles funéraires contemporains). Cette fonction est certainement différente de celle des animaux représentés sur les monnaies ou les figurines en ronde-bosse contemporaines, qui illustrent de tout autres conventions iconographiques. Malgré des modes de composition fort différents, des analogies plus précises peuvent en revanche être soulignées entre les motifs du groupe stylistique 5 (surtout) et quelquesuns des rares témoignages de l’art toreutique laténien tardif : fourreau à décor animalier du site de La Tène, plaques en bronze de Levroux et douelles du seau d’Aylesford. Si la datation du premier objet, de par sa forme, est parfaitement cohérente avec celle de nos vases peints, ceux-ci suggèrent en revanche, pour les deux derniers ensembles, une datation plus ancienne que celle qui leur est traditionnellement attribuée.

IV – Un dernier moment de folie créatrice. Les décors lissés : un précédent aux décors peints ?

L’apparition de la céramique à décor peint complexe au début du IIe siècle est un phénomène brutal, ce que l’on perçoit tant par la place qu’elle va rapidement acquérir parmi la vaisselle de présentation que par la variété et la qualité du répertoire ornemental qui se met en place en l’espace d’une génération. Si la technique décorative utilisée est connue en Europe tempérée de longue date, les précédents régionaux en céramique peinte ne suffisent pas à expliquer à eux seuls cet engouement rapide et cet aboutissement technique. Ces précédents existent toutefois et permettent d’établir une filiation depuis les rares jattes à bord rentrant et vases au Hallstatt final et au début de La Tène ancienne, décorées d’un bandeau extérieur rouge, parfois rehaussé de motifs géométriques simples à la barbotine ou, plus exceptionnellement, d’un décor surpeint complexe utilisant pour la première fois du pigment noir, associé à la technique du masquage à la cire (Jouannet, Périchon dans : PCR 1999, p. 52, pour deux vases du site de La Cartoucherie à Clermont-Ferrand), en passant par d’aussi rares jattes à profil en S et vases à piédestal à décor rouge uniforme au IIIe siècle.

Les séries de mobilier disponibles en Basse-Auvergne montrent aussi que la technique décorative privilégiée au IIIe siècle utilise le brunissoir, qui permet de faire se détacher des motifs lustrés sur une surface volontairement laissée mate. Dans ce domaine, une tradition régionale remontant au IVe siècle (voire à la fin du siècle précédent) est bien attestée par diverses découvertes, même si celles-ci demeurent encore imprécisément datées : Feurs, Roanne, Perreux et Le Châtelard de Lijay dans le département de la Loire, le soi-disant tumulus de Celles dans celui du Cantal, ainsi que plusieurs séries de Basse-Auvergne. A La Tène ancienne, le support privilégié de ce type de décor est le vase haut à piédestal, toujours soigneusement façonné et rectifié à la tournette. Des compositions élaborées, géométriques ou curvilignes, sont attestées dans toutes les découvertes : frises de méandres à Lijay et dans la région de Clermont-Ferrand, frises de palmettes enchaînées à Lijay et à Celles, etc. Cette technique connaît un nouvel engouement au IIe siècle et sert alors à orner la quasitotalité de la vaisselle fine, lorsque celle-ci n’est pas peinte, avant de tomber en désuétude à l’aube du Ier siècle. C’est de la même époque que datent les compositions les plus complexes11, qui montrent clairement le parallélisme des expérimentations dans les deux techniques du lissage et la peinture.

Par ailleurs, la relative fréquence des graffiti figuratifs dans la région de Clermont-Ferrand au IIe siècle avant J.– C. et la qualité de certaines représentations (Périchon 1987) qui utilisent des conventions graphiques très différentes de celles de la céramique peinte suggèrent que les représentations figurées se développaient sur bien d’autres supports (par exemple l’exceptionnel témoignage d’une figurine de quadrupède en rondebosse de la première moitié du IIe siècle avant J.-C. sur le site de La Grande Borne : Deberge et al. dans : PCR 2001, p. 85).

V – Un dernier moment de folie créatrice. Innovations et tradition dans le répertoire du Ier siècle avant J.-C. et du Ier s. après J.-C.

La disparition des décors élaborés et la raréfaction de la céramique peinte, à la charnière du IIe et du Ier siècle, participe d’un mouvement général de renouvellement du vaisselier : amélioration des techniques de préparation de l’argile et de cuisson, appropriation de formes issues du répertoire méditerranéen pour certains usages. Cette mutation révèle sans aucun doute une logique de production qui prend plus en compte les paramètres économiques (formes et décors plus normalisés, fabriqués en séries plus nombreuses et plus homogènes). La qualité de l’ornementation en pâtit de façon évidente : la céramique peinte ne conserve qu’un répertoire très appauvri de décors géométriques de composition très simple (Guichard et al. 1991, p. 222-223 et fig. 10), les décors lissés disparaissent presque totalement, tandis qu’apparaissent les décors impressionnés à la molette, qui demeureront en vogue jusqu’au début du Ier siècle après J.-C. Ces derniers, mis en place de façon répétitive et rapide, ne laissent plus aucune place à l’inventivité de l’artisan.

Cette nouvelle logique, qui s’accompagne de la réorganisation progressive des modes de production, voit le jour en Basse-Auvergne dans les dernières décennies du IIe siècle, au terme d’une longue période de développement démographique et économique, en même temps que l’accession à un régime économique monétarisé est conclue par la généralisation des monnayages de bronze. Elle précède de toute évidence la vaste réorganisation du peuplement qui résulte de la fondation d’un oppidum central, sur le plateau de Corent, au tournant du Ier siècle. Le renouvellement radical du répertoire céramique livré par cet oppidum dès le premier tiers du Ier siècle montre seulement une accélération du processus. Celle-ci est sans doute induite par un regroupement des moyens de production industrielle

au moment de la réorganisation radicale du peuplement qui accompagne l’apparition de l’oppidum central (désaffection quasi-systématique des centres de peuplement non-fortifiés plus anciens). En territoire ségusiave, la même tendance générale est observée, mais de façon moins brutale, sans doute parce que l’apparition d’oppida ne remet pas en cause aussi radicalement l’existence des agglomérations situées en plaine.

A nos yeux, l’abandon du riche répertoire de la céramique peinte par les potiers du nord-est du Massif central n’apparaît donc pas comme une conséquence du phénomène “catastrophique “(par son ampleur et sa rapidité) que constitue la mise en place des oppida, mais comme celle d’un phénomène qui, trouvant son origine à une époque bien plus ancienne, aboutit vers la fin du IIe siècle à une adaptation des modes de production aux exigences d’une économie de marché. (Peut-être doit-on en revanche considérer que l’apparition des oppida est une autre conséquence du même phénomène, provoquée, de façon indirecte, par une crise de société qui aurait accompagné l’émergence du nouveau cadre économique.)

La révélation de la richesse de l’artisanat de la céramique peinte laténien de la fin de l’âge du Fer est la manifestation, spectaculaire, de la reconnaissance archéologique engagée voici seulement quelques décennies, mais à un rythme sans cesse accéléré, de la période qui précède immédiatement la mise en place du réseau des oppida en Gaule du Centre-Est. Les jalons de cette reconnaissance sont les publications des fouilles des agglomérations de plaine qui caractérisent cette période : Bâle par E. Major et Breisach par G. Kraft dans les années 1930, Clermont-Ferrand / Aulnat par J.-J. Hatt en 1942, Roanne par M. Bessou à partir de 1967, puis Levroux, Feurs…

L’artisanat étudié ici présente un caractère régional marqué, qui ne prend réellement de sens que si on le considère dans son contexte régional. C’est donc un gros avantage, dont on bénéficie rarement pour la documentation artistique de la période laténienne, de disposer d’une série nombreuse de témoignages, bien répartis dans l’espace et dans le temps (et donc, en particulier, bien datés). Outre l’intérêt immédiat d’enrichir le corpus, jusque-là bien maigre, des productions artistiques de la période, cette série permet d’apprécier la mise en place d’un vocabulaire décoratif cohérent et autonome dans un domaine géographique bien délimité, tout en s’inscrivant avec une parfaite logique dans l’évolution du fonds culturel laténien. La mise en place de ce répertoire peut être mise en parallèle avec la formation des entités politiques régionales (ici : Arvernes, Ségusiaves, Eduens) qui caractérisent la fin de

l’âge du Fer en Europe moyenne. Sa disparition brutale témoigne enfin de l’importance croissante des paramètres économiques pour l’évolution de la société laténienne à la même époque. Les nouvelles solutions décoratives illustrées par les découvertes rendues publiques ici nous obligent enfin à rappeler que le corpus des décors peints de la céramique laténienne du Massif central ne demeure encore que très partiellement connu et qu’il est encore amené à s’étoffer au cours des prochaines années (pour notre plus grande satisfaction !)

VI – Un dernier moment de folie créatrice. Illustrations

Conventions graphiques : les plages peintes en blanc sont figurées sur les relevés graphiques par une trame gris clair, celles peintes en rouge par une trame plus dense et les motifs surpeints (de couleur sépia) en noir. Les plages non-peintes sont laissées en blanc.

Les profils des vases sont rendus à l’échelle 1/3 sur les Fig. 3, 8 à 15, 28 à 30, et à l’échelle 1/4 sur les figures 16 à 23.

Sauf mention contraire, les relevés graphiques sont l’œuvre de l’auteur principal. La numérisation des dessins est due à Y. Deberge.

Fig. 1 – Découpage territorial présumé au Haut-Empire et sites du nordest du Massif central ayant livré de la céramique peinte laténienne à décor animalier (région de Clermont-Ferrand exclue).

Fig. 2 – Cartographie des sites de la fin de l’âge du Fer dans la région de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

Fig. 3-10 – Riom, La Gravière, fosse 41 : vases n°1 à 8.

Fig. 11-21 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, puits 78 : vases n°9 à 19.

Fig 22 – Clermont-Ferrand, Puy de la Poix, fosse 50 : vase n°20

Fig. 23-27 – Clermont-Ferrand, Gandaillat, puits 34 : vase n°21. Profil restitué de façon approximative, dans l’attente d’un remontage (Fig. 23) ; développement photographique du décor (Fig. 24) ; relevés photographiques partiels mettant en évidence les animaux du registre principal (Fig. 25), du registre inférieur (Fig. 26) et du registre supérieur. D’après clichés Antoine Maillier, © Bibracte.

Fig. 28 – Clermont-Ferrand, Le Brézet : vase n°22 (d’après Deberge 2000).

Fig. 29 – Clermont-Ferrand, Le Pâtural, fosse 64042 : vase n°23.

Fig. 30 – Clermont-Ferrand, Le Pâtural, fossé 70926 : vase n°24.

VII – Un dernier moment de folie créatrice. Bibliographie

Béfort et al. 1989 : BEFORT (J.-C.), DELPORTE (H.), GUICHARD (V.) – L’occupation protohistorique du Châtelard de Lijay (Loire). Cahiers archéologiques de la Loire, 6, 1986 (1989), p. 19-45.

Deberge 2000 : DEBERGE (Y.) – Un puits à cuvelage en bois de La Tène finale (Le Brézet, Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme). Revue archéologique du centre de la France, 39, 2000, p. 43-62.

Genin, Lavendhomme 1998 : GENIN (M.), LAVENDHOMME (M.-O.) dir. – Rodumna (Roanne, Loire) : le village gallo-romain : l’évolution des mobiliers domestiques. Paris : éd. Maison des sciences de l’homme, 1998. (Documents d’archéologie française ; 65).

Grand 1995 : GRAND (K.) – Le répertoire décoratif de la céramique peinte gallo-romaine de Roanne (Loire). Revue archéologique du centre de la France, 34, 1995, p. 177-194.

Gruel, Vitali 1998 : GRUEL (K.), VITALI (D.) dir. – L’oppidum de Bibracte, bilan de onze années de recherche. Gallia, 55, 1997 (1998), p. 1-140.

Guichard 1987 : GUICHARD (V.) – La céramique peinte à décor zoomorphe des IIe et Ier s. avant J.-C. en territoire ségusiave. Études celtiques, 24, 1987, p. 103-143.

Guichard 1994 : GUICHARD (V.) – La céramique peinte gauloise des IIe et Ier s. avant J.-C. dans le nord du Massif central : nouvelles données. Études celtiques, 30, 1994, p. 103-136.

Guichard et al. 1991 : GUICHARD (V.), PICON (M.), VAGINAY (M.) – La céramique peinte gauloise en pays ségusiave aux IIe et Ier s. avant J.-C. Dans : CHARPY (J.-J.) dir. – La céramique peinte celtique dans son contexte européen, symposium international d’Hautvillers (1987). Reims : Société archéologique champenoise, 1991, p. 211-228. (Mémoires de la Société archéologique champenoise ;5).

Guichard et al. 1993 : GUICHARD (V.), PION (P.), MALACHER (F.), COLLIS (J.) – A propos de la circulation monétaire en Gaule chevelue aux IIe et Ier siècles av. J.-C. Revue archéologique du centre de la France, 32, 1993, p. 25-55.

Lavendhomme, Guichard 1997 : LAVENDHOMME (M.-O.), GUICHARD (V.) dir. – Rodumna (Roanne, Loire) : le village gaulois. Paris : éd. Maison des sciences de l’homme, 1997. (Documents d’archéologie française ; 62).

Pagès-Allary 1920 : PAGES-ALLARY (J.) – Dernier souvenir au tumulus de Celles (Cantal). Bulletin de la Société préhistorique française, 17, 1920, p. 124-129.

Pagès-Allary et al. 1903 : PAGES-ALLARY (J.), DECHELETTE (J.), LAUBY (A.) – Le tumulus arverne de Celles près Neussargues (Cantal). L’Anthropologie, 14, 1903, p. 385-416.

Pasquier 1997 : PASQUIER (I.) – La céramique peinte d’un habitat de La Tène finale : “Les Guignons “à Nanterre (Hauts-de-Seine). Revue archéologique du centre de la France, 36, 1997, p. 23-37.

Paunier, Luginbühl à paraître : PAUNIER (D.), LUGINBÜHL (T.) dir. – Le site de la domus PC1 à Bibracte : recherches de l’université de Lausanne (1988-1997). Glux-en-Glenne : Centre archéologique européen du Mont Beuvray, à paraître. (Bibracte).

Périchon 1987 : PERICHON (R.) – L’imagerie celtique d’Aulnat. Dans : Mélanges offerts au Dr. Jean-Baptiste Colbert de Beaulieu. Paris : Le Léopard d’Or, 1987, p. 677-695.

PCR 1999 : MENNESSIER-JOUANNET (C.) dir. – Projet collectif de recherche sur les mobiliers du second âge du Fer en Auvergne : rapport annuel 1999. Mirefleurs : ARAFA 2000. (Multigraphié).

PCR 2000 : MENNESSIER-JOUANNET (C.) dir. – Projet collectif de recherche sur les mobiliers du second âge du Fer en Auvergne : rapport annuel 2000. Mirefleurs : ARAFA 2001. (Multigraphié).

PCR 2001 : MENNESSIER-JOUANNET (C.) dir. – Projet collectif de recherche sur les mobiliers du second âge du Fer en Auvergne : rapport annuel 2001. Mirefleurs : ARAFA 2002. (Multigraphié).

Vaginay 1983 : VAGINAY (M.) – Un site du premier âge du Fer à Perreux (Loire). Cahiers archéologiques de la Loire, 3, 1983, p. 27-38.

Vaginay, Guichard 1988 : VAGINAY (M.), GUICHARD (V.) dir. – L’habitat gaulois de Feurs : Fouilles récentes. Paris : éd. Maison des sciences de l’homme, 1988. (Documents d’archéologie française ; 14).

Sites fortifiés et occupations de hauteur en Auvergne

Type de projet : Projet collectif de recherche (PCR) Sites fortifiés et occupations de hauteur en Auvergne de l’âge du Bronze final à la fin des âges du Fer

Date : 2007

Responsable : Patrick Pion

Notice et documents : Patrick Pion, R. Lauranson, M.-C Kurzaj

Rapport : Rapport d’activité 2007

  • I – Résumé du rapport d’activité 2007 (2e année)
  • II – Sommaire du rapport PCR 2007
  • III – Résultats principaux
  • IV – Prospectives 2008

I – Résumé du rapport d’activité 2007 (2e année)

Les objectifs généraux et problématiques de ce Projet Collectif de Recherche étant détaillés dans le rapport d’activité 2006, le lecteur voudra bien s’y reporter. On ne développera ici qu’une brève synthèse des travaux réalisés en 2007.

II – Sommaire du rapport PCR 2007

Documentation : dépouillements systématiques

  • Résultats du dépouillement systématique des albums photographiques du MAN par départements (J.P. Guillaumet ; P. Pion)

État des enquêtes par départements

Allier

  • Principaux résultats de la fouille de Hérisson (D. Lallemand)
  • Bilan documentaire et évaluation des recherches anciennes sur l’éperon barré de Bègues / Les Charmes (P. Pion)
  • Inventaire exhaustif des sites de hauteur et installations fortifiée du département de l’Allier (D. Lallemand)

Puy de Dôme

  • Découverte et Prospection de sites de hauteur inédits en Combrailles (G. Massounie)
  • Occupation protohistorique du château du Broc (R. Liabeuf)
  • Toponymie historique du plateau de Gergovie (A. Rousset ; M. Rousset ; Y. Deberge)
  • Résultats de l’application d’un SIG à l’analyse des covisibiltés entre oppida et plaine de la grande Limagne (S. Mesnart)
  • Résultats principaux des fouilles 2007 : Gondole
  • Résultats principaux des fouilles 2007 : Corent (P.-Y.Milcent ; M. Poux)
  • Résultats principaux des fouilles 2007 : Gergovie (M. Garcia ; Y. Deberge)

Haute-Loire

  • Prospections et interventions sur l’oppidum de La Rochelambert/Marcillac à St-Paulien (M.C. Kurzaj ; E. Nectoux)
  • Examen des collections anciennes de l’oppidum du Mont Mallorum à Bas-en-Basset (R. Lauranson)
  • Étude du matériel protohistorique des sondages récents du chateau de Polignac (M.C. Kurzaj)
  • Contrôles au sol de l’éperon barré de Genier-Mongon, le Razat (B. Dousteyssier ; F. Delrieu)

Cantal

  • Occupations et fréquentations protohistoriques sur la planèze de Pierrefort (prospections F. Surmely ; P. Pion)
  • Chastel-sur-Murat : étude des collections anciennes et ré-interprétation du site (P. Pion ; L. Izac-Imbert)
  • Repérages et documentation de sites à partir de collections associatives ou privée : musées d’Antignac, de Massiac (P. Pion ; R. Liabeuf)
  • Contrôles au sol de l’éperon barré du Martinet à Molèdes (B. Dousteyssier ; F. Delrieu)
  • Contrôles de sites connus : Camp de César à La Bessette, Escoalier à Mauriac et Bort-les-Orgues
  • Nouveaux signalements : éperon barré du Gour Noir (H. Pigeire)
  • Nouveaux signalements : Labro à Ferrières-St-Mary (F. Delrieu ; B. Dousteyssier)

III – Résultats principaux

Hors fouilles programmées, les acquis principaux de 2007 concernent d’une part la datation des occupations de plusieurs sites de hauteur, d’autre part leurs fonction et complémentarités éventuelles.

Sur le premier point, l’un des traits les plus remarquables est la fréquence des occupations Bronze/Ier Fer sur beaucoup des sites « datés » (par ailleurs encore bien peu nombreux), tandis que contre toute attente on note souvent l’absence ou la fugacité des vestiges attribuables au Second âge du Fer et notamment à sa fin, pour des sites dont certains pourtant furent qualifiés d’oppida (Polignac, Le Bru, Carlat – en cours-). On ne peut en effet évoquer des problèmes de conservation ou de taphonomie, car ce matériel tardif est généralement mieux conservé, et volumineux au point d’occulter souvent les occupations plus anciennes.

La problématique des fonctions et complémentarités éventuelles est renouvelée quant à elle par deux études approfondies.

Chastel-sur-Murat (P. Pion ; L. Izac-Imbert) a fait l’objet d’un conséquent travail de recollement des planches originales de Pagès avec les copies d’originaux, planches publiées et le matériel conservé au musée d’Aurillac, ce qui a permis de relocaliser au moins approximativement un certain nombre de découvertes. Il ressort du faciès mobilier une fréquentation à la LTC2 et LTD1 (II s – début du Ier s. BC) avec un vraisemblable hiatus à LT D2 avant les occupations plus tardives romaines et médiévales. La surprise réside dans les catégories de mobilier représentées, trop sélectives pour correspondre à un habitat, et encore moins à un oppidum, en dépit du qualificatif de « petite Bibracte » qui lui fut donné. Il s’agit d’un site à fonctions rituelles lato sensu, d’un type toutefois radicalement différent des sanctuaires connus au cœur du territoire arverne aussi bien qu’en Bourgogne ou Gaule Belgique (absence totale des armes et des amphores notamment). Il conviendra donc d’approfondir l’enquête pour mieux identifier les pratiques dont il fut le siège.

Le bassin de Clermont-Ferrand, le plus intensivement exploré archéologiquement, a fait l’objet d’une étude expérimentale à grande échelle en mobilisant les potentialités d’un SIG, pour aborder les sites dans le paysage, en termes de visibilités et covisibilités (S. Mesnart, mémoire de master 2 de Paris X). Il en ressort notamment que les champs visuels couverts par Corent et Gergovie sont largement complémentaires, le premier contrôlant spécifiquement le secteur d’Aulnat et la partie aval du cours de l’Allier, tandis que Corent maîtrise seul le cours en amont du verrou. Gondole quant à lui est visible des deux sites mais son champ visuel est inexistant et son implantation répond manifestement à d’autres critères que le contrôle territorial.

IV – Prospectives 2008

Pour le Puy de Dôme, plusieurs opérations du programme initial pour 2007 n’ont pu être réalisées, du fait de la surcharge de travail des archéologues de l’INRAP qui participent au PCR sans avoir pu bénéficier de jours PASS à lui consacrer. C’est notamment le cas pour l’inventaire du département Puy-de-Dôme, qui demande un investissement en temps assez lourd et doit impérativement être terminée en 2008.

Concernant les prospections, il est clair que la carte actuelle des sites présente des vides étonnants qui doivent être testés systématiquement. Le cas de la Combraille, comme celui de la planèze de Pierrefort, est à cet égard exemplaire puisqu’aucun site n’y était signalé à ce jour sur la carte archéologique. On envisage donc d’ouvrir une autre fenêtre dans des zones vierges (Mauriac ou la Chataigneraie pour le Cantal, Haut-Allier pour la Haute-Loire, en fonction des disponibilités des chercheurs. Mais le problème crucial demeure évidemment la datation de ces sites, pour lesquels la seule typologie des aménagements, quand ils existent, est insuffisante. Il est certain que pour cela on ne pourra faire l’économie de sondages sur un échantillon de sites qu’il conviendra de cibler précisément.

Détails des structures observées lors de missions de prospections aériennes. 1 – Rempart supposé du site des Charmes ; 2 – Rempart de l’ oppidum du second âge du Fer ; 3 – Enclos ; 4 – Fanum , bâtiments annexes et fosses (?) ; 5 – Fossés ; 6 et 7 – Talus anciens ?
Détails des structures observées lors de missions de prospections aériennes. 1 – Rempart supposé du site des Charmes ; 2 – Rempart de l’ oppidum du second âge du Fer ; 3 – Enclos ; 4 – Fanum , bâtiments annexes et fosses (?) ; 5 – Fossés ; 6 et 7 – Talus anciens ?
Carte des sites de hauteur de Combrailles, Sud-est (Puy-de-Dôme)
Carte des sites de hauteur de Combrailles, Sud-est (Puy-de-Dôme)
Balles de fronde romaines en plomb, certaines inscrites (MAN)
Balles de fronde romaines en plomb, certaines inscrites (MAN)
Enceinte de Puy-Chabannes, Gelles (63)
Enceinte de Puy-Chabannes, Gelles (63)
Gergovie / Corent / Gondole (63)
Gergovie / Corent / Gondole (63)
Saint-Paulien, Marcillac / La Rochelambert (43)
Saint-Paulien, Marcillac / La Rochelambert (43)
Mont-Mallorum (Bas-en-Basset, 43)
Mont-Mallorum (Bas-en-Basset, 43)
Localisation du site de Labro (matérialisé par une étoile) sur un fond de carte IGN.
Localisation du site de Labro (matérialisé par une étoile) sur un fond de carte IGN.
Photographie verticale IGN drapée avec le relief – GÉOPORTAIL 2007
Vue prise de l’est
Photographie verticale IGN drapée avec le relief – GÉOPORTAIL 2007
Vue prise de l’est
Bracelets en verre et fibules, Chastel-sur-Murat (15)
Bracelets en verre et fibules, Chastel-sur-Murat (15)
Ferrières St-Mary, Labro (15)
Ferrières St-Mary, Labro (15)

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide et le tumulus 21

Anne Duny

1 – Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Le contexte géographique et géologique

Localisation de l'intervention archéologique => A – Carte de France (Admin Express 2019 – IGN) ; B – Carte de la région ARA (Admin Express 2019 – IGN) ; Carte au 1/50 000 (SCAN100 Métropole LAMB93 01-2020 – IGN ; CAO F. Muller)
Fig. 1 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Localisation de l’intervention archéologique => A – Carte de France (Admin Express 2019 – IGN) ; B – Carte de la région ARA (Admin Express 2019 – IGN) ; Carte au 1/50 000 (SCAN100 Métropole LAMB93 01-2020 – IGN ; CAO F. Muller/ARAFA)

Le plateau de La Pénide se situe sur la commune d’Espalem, dans le département de la Haute-Loire. Ce secteur de moyenne montagne, peu impacté par les politiques d’aménagements du territoire, recèle un patrimoine archéologique d’exception.

Une nécropole tumulaire et un habitat de hauteur en sont les atouts majeurs.

Les vestiges archéologiques se localisent sur la bordure occidentale du plateau qui culmine entre 685 et 687 m NGF, au lieu-dit La Pénide (Fig. 1). Ce plateau basaltique s’intègre dans la province volcanique de la Margeride, à la lisière occidentale du Cézallier. Sa formation est le résultat de coulées successives, liées à l’activité volcanique. La partie sommitale est composée d’un basalte/basanite à petits cristaux de hornblende qui présente un déficit en silice. Les formes de dissolution rencontrées sur cette coulée se caractérisent par des fentes, failles ou diaclases peu développées. La pente de la façade occidentale du plateau est marquée par des formations sédimentaires oligocènes. L’ossature hercynienne de la formation se définit enfin par un terrain cristallophyllien : paragneiss à biotite et sillimanite (Thonat, Mathonnat et Le Garrec 2006).

Carte de situation du tumulus 21, des monuments tumulaires, de l’habitat du Razé et des zones humides sur le plateau de la Pénide (Cartographie et DAO : Fabrice Muller)
Fig. 2 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Carte de situation du tumulus 21, des monuments tumulaires, de l’habitat du Razé et des zones humides sur le plateau de la Pénide (Cartographie et DAO : Fabrice Muller/ARAFA)

La particularité du plateau d’Espalem réside dans la présence de dépressions circulaires à ovoïdes (Fig. 2) dénommées : Lac Lant (ou Lac Long), Lac Citrou, Lac Bec (ou le Grand Lac), Lac Estang. L’origine de ces zones humides prête toujours à débat. Si la thèse d’une formation liée à un phénomène phréatomagmatique semble à l’heure actuelle pouvoir être écartée (Dendievel, Delrieu et Duny 2020), l’éventualité d’une formation corrélée à la fusion d’hydrolaccolites pourrait, quant à elle, être privilégiée.

Ces zones humides ont été fortement impactées par une activité principalement agricole (drainage, mise en culture…). Cette pression humaine significative dès le Moyen Âge n’a cessé de s’accroître aux époques postérieures. A l’heure actuelle, le plateau est principalement marqué par une activité agro-pastorale. Conséquences directes de l’interaction hommes/milieux, les monuments tumulaires et le rempart de l’habitat ont servi de carrières de pierres ou ont, a contrario, été rechargés de matériaux issus des champs avoisinants.

2 – Présentation de la nécropole tumulaire et des connaissances acquises

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Pénide avant intervention archéologique : butte engazonnée (Tumulus 3). Cliché : A. Duny
Fig. 3a : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Nécropole avant intervention archéologique : butte engazonnée (Tumulus 3) (A. Duny/ARAFA)

Au sein de ce contexte, les tumulus apparaissent hors-sol, sous forme de butte empierrée et/ou végétalisée (Fig. 3). Ils viennent coiffer un paléosol peu épais, une dizaine de centimètres tout au plus, ou directement le substrat sub-émergeant. Ces vestiges funéraires ont été pour la première fois reconnus durant les années 1970/1980 par Alphonse Vinatié, correspondant de la 3ème circonscription des Antiquités Préhistoriques et Historiques d’Auvergne. Il identifia une série de 35 tumulus et tombelles en spécifiant dans ses notes que certains d’entre eux ne pouvaient au final correspondre qu’à de simples pierriers (Vinatié 1983). Il mit également en évidence les témoins de l’habitat fortifié situé à l’ouest de la nécropole, à l’emplacement de l’éperon barré du Razé.

Depuis une quinzaine d’années maintenant, des travaux d’archéologie préventive et programmée viennent poursuivre la recherche initiée par Alphonse Vinatié.

Ainsi en 2018, l’équipe du PCR “Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer” a conduit une campagne ayant abouti au levé topographique de l’ensemble des tumulus et à la rédaction pour chacun d’entre eux d’une fiche d’état sanitaire (Delrieu et al. 2018). Grâce à ce travail, les données d’Alphonse Vinatié ont été largement amendées puisque la nécropole compte à ce jour 57 monuments. On soulignera néanmoins, qu’en l’absence de sondages, certains d’entre eux ne peuvent s’avérer être que des amas empierrés sans organisation particulière. Outre l’aspect quantitatif, la cartographie générée démontre également que les monuments funéraires ne s’orientent pas seulement vers les extrémités NNO et SSE du plateau (éperons) mais sont également “tournés” vers l’intérieur de la planèze au sein de laquelle la présence des lacs devait jouer un rôle symbolique prépondérant.

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Pénide avant intervention archéologique : engazonnement et couverture arbustive (Tumulus 2). Cliché : A. Duny
Fig. 3b : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Nécropole avant intervention archéologique : engazonnement et couverture arbustive (Tumulus 2) (A. Duny/ ARAFA).
Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Pénide avant intervention archéologique : empierrement hors sol et couverture arbustive (Tumulus 51). Cliché : A. Duny
Fig. 3c : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Nécropole avant intervention archéologique : empierrement hors sol et couverture arbustive (Tumulus 51) (A. Duny/ ARAFA).

C’est à l’exploitation d’une carrière que l’on doit les interventions d’archéologie préventive. On compte ainsi trois diagnostics (Hénon 1999 ; Dunkley et al. 2006 ; Gandelin 2011) dont deux ont à ce jour donné suite à une fouille. Ce sont ainsi un vaste système de combustion (Blaizot et al. 2004) et deux tumulus et deux pierriers (Duny et al. 2013a ; Duny et al. 2013b ; Duny 2016) qui ont pu être fouillés entièrement. Ces derniers travaux ont ouvert la réflexion sur les problématiques architecturales, funéraires et chronoculturelles, que les recherches en cours et à venir vont poursuivre. Il s’agit notamment de dresser une typologie des constructions tumulaires en mettant en évidence les similitudes et les disparités. La fouille de deux des monuments de la nécropole a d’ores et déjà montré que si les dimensions sont quasiment identiques : diamètre respectif de 11 m et 11,30 m, les modes de constructions diffèrent sensiblement. Dans un cas, on observe une architecture plus complexe avec la mise en œuvre de trois espaces internes distincts, chacun ceinturé par une couronne périphérique dont l’ultime en élévation. Dans l’autre cas, il s’agit d’une architecture plus classique s’articulant autour d’un pavage cerclé d’une couronne en élévation et surmonté d’une chape mixte de terre et de pierres (Fig. 4). Ces architectures s’accompagnent également d’un mobilier rare mais attribuable à deux états distincts : Bronze moyen/Bronze final I pour l’un, Bronze final IIb/IIIa pour l’autre.

Relevés planimétriques de la base des tumulus 1 et 6 (Extrait de Duny et al. 2013a et b)
Fig. 4 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Relevés planimétriques de la base des tumulus 1 et 6 (Extrait de Duny et al. 2013a et b/ARAFA)
Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Relevés planimétriques de la base des tumulus 1 et 6 (Extrait de Duny et al. 2013a et b)

3 – Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. La fouille du tumulus 21

La Nécropole de la Pénide offre donc l’opportunité rare d’étudier un corpus conséquent de tumulus en bon état de conservation. Pour initier les recherches sur ces constructions dans le cadre de l’archéologie programmée, choix a été fait de débuter les travaux par la fouille du tumulus 21 (Fig. 5). Monument le plus septentrional de la nécropole et l’un des plus grands, ce tumulus est installé en partie sommitale du plateau et domine le lac Bec (Fig. 6).

En l’état actuel de nos connaissances, le tumulus 21 apparaît “hors norme” au sein du paysage tumulaire auvergnat. Il s’agit d’un vaste empierrement orienté NNO/SSE, au contour piriforme. Il se développe sur 22 m de longueur pour 15 m de largeur. Le nettoyage et le relevé planimétrique initial du tumulus 21 réalisé en 2020 (année probatoire) a permis lors de la campagne 2021 (1ère année de triennale) d’inaugurer la fouille proprement dite du monument.

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. La nécropole de la Pénide : Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après nettoyage manuel, campagne de fouille 2020. Cliché : A. Duny
Fig. 5 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après nettoyage manuel, campagne de fouille 2020 (A. Duny/ ARAFA).
Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. La nécropole de la Pénide : Vue du Lac Bec situé immédiatement en contrebas du tumulus 21. Cliché : A. Duny
Fig. 6 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue du Lac Bec situé immédiatement en contrebas du tumulus 21 (A. Duny/ ARAFA).

La méthode de fouille par carroyage à démontages par progressions horizontales et passes successives permettant la réalisation de coupes cumulées, tout en préservant la vision planimétrique des niveaux architecturaux, a été adoptée. A ce jour, la passe 1 correspondant à l’enlèvement des blocs de petits à moyens modules constituant la partie supérieure de la masse tumulaire a été descendue sur la moitié du tumulus, soit 11 quadrants sur 22 au total (Fig. 7). Le niveau atteint correspond à des blocs de modules plus importants s’apparentant pour partie au dôme, pour partie à des aménagements de type couronne. Si la lecture architecturale est encore mal aisée à ce stade de nos travaux, on remarque néanmoins que ce niveau apparaît moins anarchique, plus en place que celui ôté lors du premier démontage. Une première session de prises de vues photogrammétriques a été réalisée afin de pouvoir procéder au dessin pierres à pierres. Les 11 sections générées révèlent également une organisation. Ainsi, en l’état actuel de nos connaissances, l’hypothèse de 2020 sur la présence d’unités architecturales distinctes mais intrinsèquement liées semble être soutenue.

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après démontage du premier niveau de pierres constituant la masse tumulaire, campagne 2021 (Cliché : A. Duny)
Fig. 7 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après démontage du premier niveau de pierres constituant la masse tumulaire, campagne 2021 (A. Duny/ ARAFA).

Plusieurs observations peuvent être formulées. La campagne de 2021 permet ainsi de révéler que la bordure de l’empierrement s’articule autour de blocs de grandes dimensions disposés à plat, en épi ou de chant entre lesquels s’intercalent des éléments de moindre gabarit. Nous pensons qu’il s’agit là de la couronne externe enserrant la totalité de la construction en pierres sèches. Les blocs plus épars, non jointifs et de gabarit peu important qui se retrouvent en périphérie externe de cette couronne peuvent être associés à des éléments remaniés ou éboulés mais également à un niveau de calage de la couronne, surtout en partie ouest où la pente est plus prononcée.

En se déplaçant vers l’intérieur de la masse tumulaire, les vues aériennes et les sections montrent à nouveau des étapes architecturales distinctes. Si certains aménagements potentiels pressentis au sortir de la fouille de 2020 ont été invalidés par les travaux de 2021, d’autres semblent perdurer à la lecture de la documentation de terrain. Il est encore cependant trop tôt pour affirmer pleinement leur existence et pour définir leur nature : aménagements autonomes, parties de couronne(s) interne(s), remaniements postérieurs… D’un point de vue stratigraphique, on soulignera que trois sondages ont été réalisés jusqu’au socle rocheux. Ces sondages permettent de démontrer que l’empierrement global a été installé sur une unité sédimentaire riche en éclats rocheux pouvant correspondre au niveau du substrat altéré. Cette couche, peu épaisse, n’excède pas 6 à 7 cm de profondeur. On constate également que par endroits les blocs ont été positionnés directement sur le socle rocheux irrégulier. Ce dernier, à l’emplacement du tumulus, opère une légère remontée vers l’est. Cette petite rupture de pente contribue à donner un aspect plus volumineux, plus massif à l’empierrement sur sa façade ouest.

Concernant la culture matérielle, la campagne de 2021 ne permet pas encore de proposer une datation pour la fondation du tumulus, sa base n’ayant pas été encore atteinte. Les premiers résultats indiquent néanmoins que la partie supérieure de la masse tumulaire livre des tessons relevant des périodes médiévale et moderne, tandis que la couche sous-jacente recèle des fragments de céramique non tournée dont deux éléments indiquent de manière certaine des fréquentations du tumulus entre le Bronze final IIIb et La Tène B2b.

Pour conclure, nous signalerons qu’à l’instant T de nos travaux, aucune sépulture n’a encore été mise au jour au sein de la nécropole de la Pénide. La découverte de restes osseux reste donc à venir lors des prochaines campagnes. L’équipe y travaille !


Bibliographie

Blaizot et al. 2004 : Blaizot F., Fabre L., Wattez J., Vital J. et Combes P. – Un système énigmatique de combustion au Bronze moyen sur le plateau d’Espalem (Canton de Blesle, Haute-Loire), Bulletin de la Société Préhistorique Française, 101, n°2, p. 325‑344.

Delrieu et al. 2018 : Delrieu F., Auxerre-Géron F.-A., Dendievel A.-M., Duny A., Jouannet C., Lacoste E., Muller F. et Roscio M. – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute-Auvergne). Départements du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme, Rapport de prospection thématique, 2018.

Dendievel, Delrieu et Duny 2020 : Dendievel A.-M., Delrieu F. et Duny A. – Entre lacs et tourbières : approche pluridisciplinaire de l’évolution des paysages sur les zones humides de la Pénide à Espalem (Haute-Loire), BIOM n° 1, Revue scientifique pour la biodiversité du Massif Central, à paraître, p. 1 à 11.

Dunkley et al. 2006 : Dunkley J., Pasty J.-F., Brizard M., Cabezuelo U., Cayrol J. et Combes P. – Espalem, Haute-Loire : Lac Lant “Les Carrières de Blanchon”, Rapport final de diagnostic archéologique, INRAP Auvergne-Rhône-Alpes, Bron, 2006, 94 p.

Duny, Ayasse, et al. 2013 : Duny A., Ayasse A., Banerjea R., Batchelor C., Gray L. et Save S. – Un tumulus du Bronze final en Haute-Auvergne : le tertre 1 du Lac Citrou à Espalem (Haute-Loire), Rapport final d’opération de fouille préventive, Mosaïques Archéologie, Cournonterral, 2013, 163 p.

Duny, Banerjea, et al. 2013 : Duny A., Banerjea R., Batchelor C., Fernandes P., Gray L. et Save S. – Une structure tumulaire du milieu de l’âge du Bronze en Haute-Auvergne : le tertre n°6 du Lac Lant à Espalem (Haute-Loire), Rapport final d’opération de fouille préventive, Mosaïques Archéologie, Cournonterral, 2013, 149 p.

Duny 2016 : Duny A. – Architecture funéraire de l’âge du Bronze en Haute-Auvergne : le cas de deux tumulus de la nécropole de la Pénide à Espalem, Haute-Loire, in Cl.-A. De Chazelles, M. Schwaller (Dir.) : Vie quotidienne, tombes et symboles des sociétés protohistoriques de Méditerranée nord-occidentale. Mélanges offerts à Bernard Dedet, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, Hors-série n°7, Tome 2, Lattes, 2016, p. 527-542.

Gandelin 2011 : Gandelin M. – Espalem et Grenier-Montgon, Haute-Loire, Auvergne. Lac Lant, Les Pignatieres, Le Blanchon, Rapport final de diagnostic archéologique, INRAP Auvergne-Rhône-Alpes, Bron, 2011, 62 p.

Hénon 1999 : Hénon P. – Espalem et Grenier-Montgon. Lac Lant et Lac Long. Nécropole tumulaire des Lacs, Bilan scientifique régional d’Auvergne, 1999, p. 58‑89.

Thonat, Mathonnat et Le Garrec 2006 : Thonat A., Mathonnat M. et Le Garrec M.-J. – Carte géologique de la France, Feuille de Massiac, n°765, 1/50000e, BRGM, 2006.

Vinatié 1983 : Vinatié H. – Haute-Loire, Espalem : “nécropole tumulaire” des Lacs, Fiches de déclaration de sites, 32 fiches, SRA Auvergne, 1983.

Chronologie du mobilier archéologique

Chronologie du mobilier archéologique du second âge du Fer en Auvergne. Volume 2 : La Tène ancienne en Basse Auvergne Synthèse des données

Christine Mennessier-Jouannet (UMR 8546) et Jean-Claude Lefèvre (UMR 5138)



En 2017 est paru le premier volume d’une vaste somme mise en forme par un collectif de chercheurs qui se sont partagés la tâche d’étudier, comparer, classer et ordonner les mobiliers archéologiques du second âge du Fer, soit une période de temps allant du début du Ve s. à la fin du Ier s. avant notre ère. Cette démarche a abouti à la mise en évidence de treize étapes chronologiques (Mennessier-Jouannet et Deberge 2017).

Dans ce deuxième volume, nous présenterons une synthèse des données acquises sur le cadre de vie, les contextes d’habitation et ceux du domaine funéraire prévalant au début de cette séquence appelée La Tène ancienne. La question de l’acquisition d’une datation précise pour ces ensembles est au cœur de notre propos : elle se rapporte aux deux premiers siècles de cette vaste séquence, à savoir les Ve et IVe s. avant notre ère, en débordant sur le IIIe s.

1 – Une préoccupation majeure : la datation des structures archéologiques par celle de leur mobilier

Dater le matériel issu des fouilles est la démarche préalable et indispensable qui permet, dans un deuxième temps, de comparer les sites entre eux, ainsi que les contextes environnementaux, économiques ou sociaux tout autant que culturels.

Mais, dater avec précision reste une démarche difficile, tributaire des différents niveaux de connaissance et des aléas des découvertes archéologiques à l’échelle des différentes régions, autant de France que, de façon plus large, de l’Europe continentale et du monde méditerranéen. L’obtention des datations en archéologie protohistorique (là où il n’existe pas de textes directs écrits par chaque culture et pour son propre usage) s’est longtemps appuyée sur les comparaisons permises par l’évolution typologique et morphologique des productions de poterie, de métallurgie ou de verrerie etc. Chaque type d’objets vivant et évoluant au rythme de ses avancées technologiques ou des effets de modes et de mimétisme. On obtenait ainsi des schémas évolutifs des productions de l’activité humaine qu’il était nécessaire de raccorder à un même déroulé du temps, autrement dit à une même chronologie. Pour cela, tout d’abord, l’Europe continentale a utilisé les datations offertes par du mobilier d’importation de Grèce ou d’Etrurie, retrouvé en position stratigraphique bien caractérisée sur ses propres sites (par exemple, la céramique attique, les amphores…). Ces productions datées par des textes ont servi de support pour fournir des cadres chronologiques fiables : ainsi, nous savons que Massalia a été fondée vers 600 avant notre ère. Les premières amphores qu’elle produit datent des alentours de 550 et ces récipients ne migrent, – par voies commerciales-, pas avant 525 et plutôt à partir du Ve s. vers le nord de la France. Par conséquent, trouver deux tessons d’amphore massaliète sur un site à Aulnat dans le Puy-de-Dôme indique que le mobilier trouvé en connexion avec eux date également du Ve s. au plus tôt.

Par ailleurs, seuls les habitats et les sépultures des plus riches sont les mieux dotées en armements, parures et divers ustensiles en métal (généralement en alliage cuivreux et en fer, mais aussi en métal précieux) et ces habitats ou sépultures détiennent aussi la majeure part des importations. Ainsi, les référentiels de datation chrono-culturels ont été bâtis à partir du mobilier métallique et fonctionnent très bien dans ce cadre. Le problème est qu’ils sont difficilement adaptables à des régions entières où les sites protohistoriques, et notamment ceux de la période laténienne que nous étudions, sont des habitats ruraux exempts de matériel métallique ou si rare et fragmenté qu’il est difficilement exploitable. Ainsi, en Basse Auvergne et notamment dans la plaine de La Limagne, les premiers ensembles archéologiques offrant une céramique diversifiée et abondante dans les mêmes contextes que du mobilier métallique (armement et parure) datent de la première moitié du IIIe s., à la toute fin de la période d’étude. Il s’agit de la fouille du chemin 8 du site de La Grande Borne, commune de Clermont-Ferrand (fouille de John Collis).

2 – Une méthode indépendante de toute connexion avec l’archéologie : la datation par le 14C

L’établissement d’une chronologie fondée sur des critères autres que la seule évolution des formes et des techniques de fabrication était indispensable. Jusqu’à une date récente, le recours aux datations par le radiocarbone était peu usité par les protohistoriens travaillant sur le second âge du Fer, tant il était admis qu’elles étaient inutiles en raison de ce qui est appelé “le plateau de l’âge du Fer” de la courbe de calibration (Fig. 1). En effet, ce plateau induit, au moment de la correction de l’âge 14C, une très importante incertitude atteignant plusieurs siècles (Fig. 2)

Après une forte rupture de la courbe de référence au IXe s. (fenêtre de réponse optimale), un premier palier s’étend du VIIIe à la fin du Ve s. Un décrochement tout aussi net s’effectue alors qui couvre le IVe s. (autre fenêtre optimale qui concerne notre étude). La courbe connaît ensuite un nouveau plat marqué par de multiples oscillations que l’on peut distinguer en deux séquences. Ainsi, du point de vue des possibilités offertes par le radiocarbone pour une étude centrée sur La Tène ancienne, seule une fenêtre nette, mais brève, peut être mise à profit pour dater en chronologie absolue les ensembles de mobilier couvrant la deuxième moitié du VIe s. (Hallstatt D2-D3) et les Ve, IVe et première moitié du IIIe s. (La Tène A1 et A2 et La Tène B1 et B2).

L’opportunité fournie par cette lucarne dans la courbe de calibration a été vue comme la possibilité d’adosser nos propositions de chronologie relative (les étapes de la périodisation proposée pour l’Auvergne) à un référentiel reconnu en chronologie absolue. Cette étape franchie, il restera encore la nécessité de faire le lien avec les sériations chrono-culturelles en vigueur pour l’Europe de l’Ouest (chronologie allemande).

Concrètement, les dates à partir d’ossements (animaux ou humains) ont été privilégiées sur les charbons de bois (sauf dans un cas, l’anille d’une meule rotative conservée dans son logement et gardant le diamètre complet d’une branche d’ormeau). Ce choix, nous permet d’éviter les imprécisions variables de vieillissement dû à l’effet “vieux bois” d’un charbon de bois. En effet la pousse du cerne est annuelle et on ne connaît pas sa position parmi les cernes du bois, donc son âge de croissance. Le renouvellement du collagène d’un ossement étant de quelques années, sa datation est proche de la date de l’évènement que l’on souhaite dater. Les graines souvent brûlées, favorisant ainsi leur conservation, sont des éléments des plus représentatifs puisque leur durée de vie encore plus restreinte, en général annuelle.

Opportunités de datation (ordonnées) offertes par la courbe de calibration (abcisses) couvrant le premier millénaire avant notre ère (indication en valeur absolue comptée avant J.-C). Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre
F ig. 1 : Opportunités de datation (ordonnées) offertes par la courbe de calibration (abcisses) couvrant le premier millénaire avant notre ère (indication en valeur absolue comptée avant J.-C). Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre
Deux simulations de résultats et de leur précision en chronologie absolue en fonction des fluctuations plus ou moins fortes de la courbe de calibration. L’exemple du haut illustre l’imprécision due au plateau du Ier âge du Fer et l’exemple du bas met en évidence la réponse resserrée due à la verticalité de la courbe de calibration. Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre
Fig. 2 : Deux simulations de résultats et de leur précision en chronologie absolue en fonction des fluctuations plus ou moins fortes de la courbe de calibration. L’exemple du haut illustre l’imprécision due au plateau du Ier âge du Fer et l’exemple du bas met en évidence la réponse resserrée due à la verticalité de la courbe de calibration. Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre

3 – Les premiers résultats et les démarches en cours

Plusieurs tests de datation par le radiocarbone ont été effectués dans les années 1990 pour valider l’expérience d’un premier test fait sur le site de Lijay dans la Loire par Michel Vaginay et Vincent Guichard, test parfaitement concluant. Trois dates furent alors lancées : La Moutade et Dallet dans le Puy-de-Dôme (2017, notices n°12 et 19) et Gannat dans l’Allier (2017, notice n°13). Au vu des réponses positives (Fig. 3), la démarche fut élargie à tous les ensembles de référence des cinq premières étapes sélectionnées pour l’Auvergne, soit un total de 23 datations. Les résultats ont été publiés individuellement avec leur notice correspondante (Mennessier-Jouannet et Deberge 2017). Ils bénéficient donc des critères qui ont prévalu pour la sélection des ensembles présentés dans l’ouvrage : ils sont issus de niveaux stratigraphiques bien individualisés à la fouille et contenant un mobilier abondant et aussi diversifié que possible pour la grande majorité d’entre eux. Le regroupement de ces résultats classés dans l’ordre chronologique met en évidence une nette diagonalisation des données laissant apparaître que la séquence longue de deux siècles et demi (de la fin du VIe au milieu du IIIe s.) pouvait être séquencée beaucoup plus finement. D’autre part, le recours au radiocarbone validait certaines données issues de la chronologie relative, notamment en ce qui concerne l’étape 2.

Lors de la mise en chantier du volume 2 sur La chronologie du mobilier archéologique du second âge du Fer en Auvergne : La Tène ancienne en Basse Auvergne. Synthèse des résultats, il est apparu d’une façon générale que le nombre total de datations pour chaque étape n’était pas suffisant pour valider l’ensemble, mais aussi que le corpus de documentation des deux premières étapes demandait à être complété par d’autres ensembles de mobilier. Ceux-ci proviennent des travaux en archéologie préventive qui, depuis 2017 ont enrichi ou complété nos données. En chronologie relative, les résultats publiés en 2017 s’en trouvent renforcés. Dans la logique de notre démarche, une nouvelle série de radiocarbone a été mise en œuvre et, avec le soutien financier de l’Etat, est en ce moment à l’étude au Centre de Datation par le Radiocarbone de Lyon (CNRS et UMR Arar). Ainsi, 29 nouvelles dates compléteront la trentaine de dates que nous possédons déjà.

Rappelons le handicap constant auquel nous sommes confrontés pour caler notre chronologie relative par rapport aux systèmes de datation élaborés sur la base du mobilier métallique, que ce soit le système de Hatt et Roualet pour l’Est de la France ou le système de Reinecke et ses développements pour l’Allemagne du Sud, la Suisse et auquel une vaste partie de la France se rattache. En effet, il n’y a pas de mobilier métallique sur les sites ruraux de Limagne pour cette période ancienne, mais en revanche les nécropoles que nous supposons de la même période regroupent des inhumations qui portent une parure ou un armement ou des objets de toilette uniquement en métal. Cette pratique est commune à un vaste domaine géographique qui couvre le domaine nord-alpin. Deux fouilles récentes, l’une sur la commune de Pont-du-Château l’autre sur celle des Martres d’Artière ont fait l’objet d’une dizaine de datations par le radiocarbone, qui ont fourni des résultats tout à fait convenables en ce sens qu’ils s’inscrivent dans la fourchette chronologique qui nous intéressent. Cependant, le choix des auteurs s’est porté sur des sépultures sans mobilier pour des raisons spécifiques à leur problématique (tombes monumentalisées). En conséquence, a été adjointe à la série de dates provenant de structures d’habitat, une série d’échantillons provenant des sépultures les mieux datées couvrant la même séquence chronologique (tout au moins, nous le supposons).

L’ensemble de ces données chronologique sera ensuite repris et complété par le recours à l’analyse bayésienne pour laquelle le laboratoire de Radiocarbone de Lyon, auteur de la grande majorité des Radiocarbones de l’étude, est partie prenante en la personne de Jean-Claude Lefêvre. L’étude a pour support le logiciel Chronomodel mis en forme par Philippe Lanos, laboratoire de Geosciences à l’Université de Rennes. Sur la base d’un essai préliminaire, l’étape 1 voit une proposition de scission en deux ensembles et l’étape 3 se dégage et s’individualise par rapport aux étapes 4 et 5.

La multiplication des données chronologiques fournies par les différentes méthodes de datation absolue et celles obtenues par les fouilles et l’analyse des mobiliers soulèvent la question de leur traitement conjoint suivant des méthodes fiables et reproductibles. C’est pour répondre à cette question que depuis les années 90 des archéologues, des archéomètres et des statisticiens ont développé des logiciels de modélisation chronologique utilisant des statistiques dites bayésiennes. Celle-ci repose sur le théorème de Thomas Bayes (1702–1761), permettant de déduire la probabilité temporelle d’un événement à partir de celles d’autres événements déjà évalués.

Les statistiques bayésiennes ont été appliquées pour la calibration des datations carbone 14 : conversion des âges C14 brut exprimés en BP en date calendaire via la courbe de calibration. Les différents programmes de calibrations Calib, Oxcal, etc. utilisent ce type de statistiques. Plusieurs logiciels de modélisations chronologiques ont été développés depuis une vingtaine d’années BCal (Buck et al, 1999), OxCal (Bronk et Ramsey, 2005,2009) et à partir des années 2000 RenDateModel puis Chronomodel de Philippe Lanos.

Classement graphique des principaux résultats des datations absolues par le radiocarbone mis en correspondance avec les étapes chronologiques issues du programme collectif de recherche publié en 2017 (Mennessier-Jouannet et Deberge 2017). Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre
Fig. 3 : Classement graphique des principaux résultats des datations absolues par le radiocarbone mis en correspondance avec les étapes chronologiques issues du programme collectif de recherche publié en 2017 (Mennessier-Jouannet et Deberge 2017). Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre

Ces logiciels permettent d’intégrer dans un même calcul des données temporelles telles que datation radiocarbone, thermoluminescence, archéomagnétisme, typochronologies, ainsi que des contraintes stratigraphiques ou des Terminus ante et post quem. Il est alors possible d’améliorer la précision et la fiabilité de chacune des datations. Ainsi, en utilisant l’ensemble varié de ces données, la modélisation peut déterminer la chronologie, sous forme d’intervalle d’âge donné à deux sigmas de confiance (95 % de probabilité) soit pour un fait événementiel soit pour un phasage culturel ou pour une occupation de site. Dans la présente étude, les amphores massaliètes du site d’Aulnat, îlot des Martyrs (2017 notice n°2), les importations méditerranéennes de Cournon, Les Pointes Hautes (notice en cours) ou Orcet, rue des Vergers (notice en cours), les fibules du site d’Artonne, La Mothe (2017 notice n°7) sont autant de descripteurs qui entreront en ligne de compte pour paramétrer des terminus post quem. La date proposée sera variable en fonction de chaque type de mobilier : par exemple, la date de -525 sera proposée pour les amphores massaliètes, en choisissant le terme le plus ancien possible d’arrivée de ce matériel en Gaule continentale.

En conclusion, de cette tentative de datation absolue des phases anciennes de la périodisation d’Auvergne, il ressort (et cela n’était pas dit d’avance) que le recours au radiocarbone pour dater des contextes depuis le Ha D2-3/ LT A1 jusqu’à La Tène B2 (horizon des fibules de Duchcov et post-Duchcov) peut être pertinent et qu’il existe un créneau utilisable à cet effet.

Mais aussi, la création, par le biais des radiocarbones, d’un référentiel commun à tous les ensembles de mobiliers métalliques ou céramiques de cette période de la fin du premier âge du Fer et de La Tène ancienne permettra de raccrocher les sites ruraux plus nombreux mais plus modestes, au même système chrono-culturel que celui déjà en vigueur pour les mobiliers métalliques accompagnant les sépultures, se rapportant aussi à des strates différentes de la société gauloise.


Bibliographie

Blaizot et al. 2002 : Blaizot F., Milcent P.-Y., De Goër de Hervé, A., Macabéo G., Moulherat Chr., Plantevin C., Oberlin Chr. et Surmely F. – L’ensemble funéraire Bronze final et La Tène ancienne de Champ-Lamet à Pont-du-Château (Puy-de-Dôme), Société Préhistorique Française, Travaux 3, 2002, 164 p., 34 fig., 47 pl.

Blaizot, Dousteyssier et Milcent 2017 : Blaizot F., Dousteyssier B. et Milcent P.-Y. – Les ensembles funéraires du Bronze final et de La Tène ancienne des Martres d’Artière (Puy-de-Dôme), Gallia, 64e supplément, CNRS éd., Paris 2017, 199 p.

Mennessier-Jouannet et Deberge 2017 : Mennessier-Jouannet C. et Deberge Y. – Chronologie du mobilier archéologique du second âge du Fer en Auvergne, 65e supplément de la R.A.C.F, 653 p. et 490 fig.

Charmensac (15) – Le Suc de Lermu

L’habitat fortifié du Suc de Lermu à Charmensac (Cantal) : campagne de fouille 2021

Fabien Delrieu (SRA Auvergne-Rhône-Alpes) ; Christine Mennessier-Jouannet (UMR 8546) ; Cécile Moulin (UMR 5138) et Fabrice Muller (Inrap Auvergne-Rhône-Alpes)

Le Suc de Lermu est une petite table basaltique, situé à 1 100 m d’altitude sur la commune de Charmensac dans le Cantal (Fig. 1). 
Il possède une surface de 0,8 hectare et domine le paysage alentour. Il est délimité par une série de falaises au nord, à l’est et à l’ouest et par une fort pendage au sud qui lui permet par ailleurs de se rattacher au plateau voisin du Bru par un modeste isthme large de quelques dizaines de mètres
Fig. 1 : localisation du site du Suc de Lermu. Document F. Delrieu

Le Suc de Lermu est une petite table basaltique, situé à 1 100 m d’altitude sur la commune de Charmensac dans le Cantal (Fig. 1).

Il possède une surface de 0,8 hectare et domine le paysage alentour. Il est délimité par une série de falaises au nord, à l’est et à l’ouest et par une fort pendage au sud qui lui permet par ailleurs de se rattacher au plateau voisin du Bru par un modeste isthme large de quelques dizaines de mètres.

Le site a été mentionné dès les années 1950 et fait, par la suite, l’objet de plusieurs campagnes de sondages entre 1960 et 1966 sous la direction de M. Soubrier. Ces investigations, couplées aux travaux conduits par Alphonse Vinatié sur le site à la fin des années 1960, permettent d’identifier plusieurs occupations se succédant du Bronze final, à l’âge du Fer et à l’Antiquité tardive.

Une campagne de sondages conduite en 2016 confirme ces différentes séquences d’occupation dont la plus précoce remonte au Néolithique moyen II. Par la suite, le site est investi de manière significative au cours du Bronze final III. C’est à cette période que semble avoir été érigé un rempart doté de noyaux vitrifiés. Après un abandon de quatre siècles, le site est finalement occupé au début de La Tène ancienne.

Une importante campagne de fouille conduite en 2021 (Fig. 2) a permis de reprendre cette abondante de documentation et de préciser la nature et la chronologie des occupations se développant sur le site au cours du second âge du Fer.

Le suc de Lermu. Une campagne de sondages conduite en 2016 confirme ces différentes séquences d’occupation dont la plus précoce remonte au Néolithique moyen II. Par la suite, le site est investi de manière significative au cours du Bronze final III. C’est à cette période que semble avoir été érigé un rempart doté de noyaux vitrifiés. Après un abandon de quatre siècles, le site est finalement occupé au début de La Tène ancienne. 
Une importante campagne de fouille conduite en 2021 (Fig. 2) a permis de reprendre cette abondante de documentation et de préciser la nature et la chronologie des occupations se développant sur le site au cours du second âge du Fer.
Fig. 2 : localisation des zones de fouille ouvertes en 2021 au Suc de Lermu. Document F. Delrieu

1 – Le Suc de Lermu. Une genèse au cours de La Tène A

Une occupation du site au cours de La Tène A pouvant perdurer au cours de La Tène B se développe dans l’emprise du site. Elle est caractérisée par la présence d’un niveau d’occupation (US 05,Fig. 3) et d’un sol archéologique déjà identifié en 2016. L’assemblage céramique issu de la fouille de ce niveau permet de l’attribuer à La Tène A au sens large eu égard à son caractère ubiquiste. Cependant la présence de céramiques tournées à pâte claire, peinte ou non, associées ponctuellement à un registre décoratif caractéristique des productions de céramiques grises monochromes méridionales permettent de proposer une datation centrée sur la fin du Ve s. av J.-C. à l’instar des productions gardoises similaires documentées dans les vallées de la Cèze ou de la Tave (Goury 1995). Il faut cependant noter qu’un faisceau d’éléments tendent à démontrer que les productions tournées du Suc de Lermu ne sont pas issues d’importations mais plus certainement d’une production locale imitant des produits méridionaux (Delrieu et al. 2018).

Leur présence, confirmée en 2021, atteste la conduite d’échanges significatifs entre le sud de l’Auvergne et le Languedoc oriental via le Massif central. Dans la même perspective, cette même campagne de fouille a permis également d’identifier le premier tesson auvergnat de céramique grise monochrome. Il a été mis au jour en position secondaire dans un niveau plus récent. Sa présence n’est pas anodine et confirme l’influence méridionale qui caractérise cette occupation. Cette dernière est attestée par les données carpologiques. La présence de pois et de lentilles, productions thermophiles et xérophiles, plaide en ce sens. Cependant, l’influence languedocienne et plus généralement méridionale de ces assemblages n’est pas exclusive. La présence de deux tessons présentant des décors graphités atteste un ancrage régional fort au niveau de la Haute-Auvergne où ce type de production est bien documenté ainsi que dans tout le centre-ouest de la France actuelle et dans les piémonts occidentaux du Massif central (Charentes, Limousin, Périgord, Lot, Cantal…).

Le suc de Lermu. Une occupation du site au cours de La Tène A pouvant perdurer au cours de La Tène B se développe dans l’emprise du site. Elle est caractérisée par la présence d’un niveau d’occupation (US 05,Fig. 3) et d’un sol archéologique déjà identifié en 2016. L’assemblage céramique issu de la fouille de ce niveau permet de l’attribuer à La Tène A au sens large eu égard à son caractère ubiquiste. Cependant la présence de céramiques tournées à pâte claire, peinte ou non, associées ponctuellement à un registre décoratif caractéristique des productions de céramiques grises monochromes méridionales permettent de proposer une datation centrée sur la fin du Ve s. av J.-C.
Fig. 3 : coupe n°2 obtenue sur la bordure occidentale de la zone de fouille. Document F. Delrieu

Régionalement cette occupation de hauteur est contemporaine de celles identifiées récemment sur les sites du Puy-Saint-Romain dans le Puy-de-Dôme ou de Chastel-Marlhac dans le Cantal (Auxerre-Géron, Couderc et Delrieu 2017). Ce sont pour l’heure les trois seuls sites régionaux occupés de manière évidente pendant cette séquence chronologique. Le Suc de Lermu prend donc place dans un corpus de sites peu étoffé mais dont la présence atteste, aussi bien régionalement qu’au niveau national, l’utilisation des sites de hauteur, fortifiés ou non, pour l’implantation d’habitats supposés permanents.

2 – Le Suc de Lermu. Une occupation à La Tène B2 et C

La principale évolution issue des résultats de fouille conduite en 2021 a été la mise au jour d’une importante et inédite occupation laténienne du site. Cette dernière avait été pressentie en 2016 avec la découverte dans le sondage n°1 d’une fibule de schéma La Tène II.

Le suc de Lermu. Cet horizon chronologique est avant tout caractérisé par la mise en place d’un système défensif (Fig. 4). Ce dernier est fondé directement sur un possible état de fortification ancien du site (US 07). Il se présente sous la forme d’une masse de blocs de basalte liés à la terre (US 08). Surmontée d’une probable palissade en bois (US 10), elle est grossièrement parementée sur sa face extérieure et couverte sur sa face interne par une série de dalles de basalte posées en écaille. Ce système de protection semble devoir permettre d’évacuer rapidement l’eau de pluie de la partie haute du rempart, dans un souci évident de conservation, en direction d’un petit canal aménagé à la base de l’ouvrage défensif, le long de sa limite interne. Son comblement est par ailleurs très hydromorphe (US 04) et a livré un abondant assemblage de mobilier correspondant à des rejets de nature domestique. L’aménagement d’un empierrement de 1 à 1,5 mètre de large longeant la limite interne de ce canal semble pouvoir être associé à une volonté de faciliter la circulation en arrière du rempart (Fig. 5).
Fig. 4 : Vue en plan (1er plan) et en coupe (2d plan) de l’ouvrage défensif laténien. Cliché F. Delrieu

Cet horizon chronologique est avant tout caractérisé par la mise en place d’un système défensif (Fig. 4). Ce dernier est fondé directement sur un possible état de fortification ancien du site (US 07). Il se présente sous la forme d’une masse de blocs de basalte liés à la terre (US 08). Surmontée d’une probable palissade en bois (US 10), elle est grossièrement parementée sur sa face extérieure et couverte sur sa face interne par une série de dalles de basalte posées en écaille. Ce système de protection semble devoir permettre d’évacuer rapidement l’eau de pluie de la partie haute du rempart, dans un souci évident de conservation, en direction d’un petit canal aménagé à la base de l’ouvrage défensif, le long de sa limite interne. Son comblement est par ailleurs très hydromorphe (US 04) et a livré un abondant assemblage de mobilier correspondant à des rejets de nature domestique. L’aménagement d’un empierrement de 1 à 1,5 mètre de large longeant la limite interne de ce canal semble pouvoir être associé à une volonté de faciliter la circulation en arrière du rempart (Fig. 5).

Le suc de Lermu. Cet horizon chronologique est avant tout caractérisé par la mise en place d’un système défensif (Fig. 4). Ce dernier est fondé directement sur un possible état de fortification ancien du site (US 07). Il se présente sous la forme d’une masse de blocs de basalte liés à la terre (US 08). Surmontée d’une probable palissade en bois (US 10), elle est grossièrement parementée sur sa face extérieure et couverte sur sa face interne par une série de dalles de basalte posées en écaille. Ce système de protection semble devoir permettre d’évacuer rapidement l’eau de pluie de la partie haute du rempart, dans un souci évident de conservation, en direction d’un petit canal aménagé à la base de l’ouvrage défensif, le long de sa limite interne. Son comblement est par ailleurs très hydromorphe (US 04) et a livré un abondant assemblage de mobilier correspondant à des rejets de nature domestique. L’aménagement d’un empierrement de 1 à 1,5 mètre de large longeant la limite interne de ce canal semble pouvoir être associé à une volonté de faciliter la circulation en arrière du rempart (Fig. 5).
Fig. 5 : relevé en plan du sol n°2 (La Tène B2-C). Document F. Delrieu

Cet empierrement est constitué de blocs de basalte posés à plat scellant directement le niveau de La Tène A (US 05). Cet ouvrage défensif et les éléments qui lui sont associés (canal et voie empierrée) sont parties intégrantes de l’US 12 attribuée à La Tène B2 et C qui correspond au niveau d’occupation. Outre l’abondant assemblage céramique, caractéristique de cette séquence mis au jour notamment dans le comblement du canal (US 04) les bornes chronologiques de cette occupation sont constituées par la découverte de deux fibules mises au jour dans le même niveau (US 04). La plus ancienne a été découverte en 2021 et peut-être attribuée à La Tène B2. La plus récente, découverte en 2016 (Delrieu et al. 2018) est datée de La Tène C. En l’état actuel de la documentation concernant cette occupation, ces deux bornes marquent les deux terminus de cette occupation, probablement longue, qui couvre à l’évidence une bonne partie du IIIe s. av. J.-C. et probablement la première moitié du IId. L’ensemble du mobilier céramique associé prend place dans l’intervalle chronologique ainsi défini. Au sein de cette occupation, les données stratigraphiques établissent que l’aménagement du rempart, et probablement de ses structures associées (canal et voie empierrée) marque la genèse de cette occupation, probablement au cours de La Tène B.

En arrière de l’ouvrage défensif précédemment décrit, un possible bâtiment à abside a été identifié (Fig. 5). Sa fondation semble associée à l’US 12. Il n’a pas été fouillé en intégralité mais les éléments de mobilier associés au niveau superficiel de son sol interne semblent permettre d’attribuer cet état récent de son fonctionnement à La Tène B2 et C. De nombreux éléments constitutifs d’une sole perforée associée à un possible four de type Sévrier ont été mis au jour de manière éparse en périphérie et à l’aplomb de ce bâtiment.

Les éléments de culture matérielle identifiés pour cette occupation confirment le développement d’une importante activité domestique sur le site au cours de cette séquence chronologique. La présence d’un catillus (Fig. 6) dans le comblement du canal bordant le rempart (US 04) est inédite en Haute-Auvergne pour cette séquence chronologique où l’usage des meules rotatives n’était pas encore attesté. L’assemblage céramique constitue dorénavant un lot de référence à l’échelle départementale. Le Suc de Lermu correspond en effet au premier site d’habitat de La Tène B et C documenté dans le département du Cantal. Cet ensemble céramique, à l’instar de celui attribuable à La Tène A, est marqué par une forte proximité avec le Languedoc oriental confirmant le tropisme méridional caractérisant cette région durant une bonne partie du second âge du Fer.

Le suc de Lermu. Les éléments de culture matérielle identifiés pour cette occupation confirment le développement d’une importante activité domestique sur le site au cours de cette séquence chronologique. La présence d’un catillus (Fig. 6) dans le comblement du canal bordant le rempart (US 04) est inédite en Haute-Auvergne pour cette séquence chronologique où l’usage des meules rotatives n’était pas encore attesté. L’assemblage céramique constitue dorénavant un lot de référence à l’échelle départementale. Le Suc de Lermu correspond en effet au premier site d’habitat de La Tène B et C documenté dans le département du Cantal. Cet ensemble céramique, à l’instar de celui attribuable à La Tène A, est marqué par une forte proximité avec le Languedoc oriental confirmant le tropisme méridional caractérisant cette région durant une bonne partie du second âge du Fer
Fig. 6 : Vue du catillus mis au jour dans le comblement du fossé associé au rempart laténien. Cliché F. Delrieu

3 – Le Suc de Lermu. Une fréquentation du site au cours de l’Antiquité tardive

Par la suite, le site semble abandonné pendant plus de 500 ans avant qu’une nouvelle occupation ne se développe sur place au cours des Ve et/ou VIe s. Elle se caractérise par la présence d’un niveau d’occupation (US 03) associé à un sol archéologique (sol n°1). Aucune structure n’a été identifiée pour cet horizon chronologique. L’occupation qui s’y développe au cours de l’Antiquité tardive semble donc relativement lâche et n’a pas réellement correspondu à un réaménagement profond et durable du site, du moins dans le secteur fouillé. Il est probable que l’habitat en lui-même se localise à proximité immédiate de la zone de fouille. Comme sur d’autres sites de hauteur contemporains fortifiés au cours de la protohistoire, le rempart ancien est délaissé. L’espace situé en arrière de cet ouvrage défensif probablement ruiné est alors dédié au rejet des reliefs de l’occupation domestique qui se développe probablement au centre du plateau. Cette hypothèse semble correspondre aux données observées au cours des fouilles conduites en 2021. Il faudrait par la suite mener des campagnes de sondages sur les secteurs internes localisés au centre de la table basaltique pour mettre au jour d’éventuels traces immobilières de cet habitat.

Cette séquence avait déjà été identifiée précédemment (Fournier 1962) grâce à la découverte de tessons de DSP et de fragments de verre lors des interventions précédentes. On notera également, que, comme pour les occupations laténiennes, le site semble bien inscrit dans les réseaux d’échanges entre le centre et le sud de la Gaule comme le prouve la présente significative de DSP.

Enfin le site est abandonné définitivement à la fin de cette occupation des Ve et VIe s. Le petit plateau de Lermu retrouve alors certainement sa vocation agricole. L’ensemble de la séquence stratigraphique est alors recouvert par un important apport de colluvions (US 02) issu de l’érosion de la partie centrale du site qui s’accumule en arrière des vestiges des aménagements défensifs protohistoriques.

Si le premier âge du Fer et le début de La Tène ancienne correspondent à des périodes particulièrement bien documentées en Haute-Auvergne, notamment grâce aux données funéraires issues de la fouille des très nombreux tumulus connus dans cette région, le second âge du Fer, à l’inverse, connaît une importante lacune documentaire. En effet, seuls quelques dizaines de sites ou d’indices de sites sont connues pour cette période dans le département du Cantal. La Tène B et C correspondent probablement aux séquences les moins bien documentées du second âge du Fer en Haute-Auvergne. En effet, seule la découverte ancienne d’un fourreau à bouterolle ajourée de type Hatvan-Boldog attribuable à La Tène B2, sur la commune de Laveissenet peut être associée à cette période. Ce manque béant tranche nettement avec l’abondance des données pour cette période qui ont été collectées plus au nord, dans le bassin clermontois. La mise au jour de cette occupation laténienne dans l’emprise du Suc de Lermu correspond donc à une réelle opportunité de documenter en détail un contexte domestique jusqu’à présent inédit en Haute-Auvergne.


Bibliographie

Auxerre-Géron, Couderc et Delrieu 2017 : Auxerre-Géron F.-A., Couderc F. et Delrieu F. – Les habitats de hauteur occupés à La Tène A en Auvergne : bilan et données nouvelles, Bulletin de l’Association Française pour l’étude de l’âge du Fer, Paris, 35, p. 17‑22.

Delrieu et al. 2018 : Delrieu F., Auxerre-Géron F.-A., Chabert S. et Moulin C. – Les occupations protohistoriques du Suc de Lermu à Charmensac : état des lieux et données nouvelles, Revue de la Haute-Auvergne, 80, p. 157‑216.

Fournier 1962 : Fournier G. – Le peuplement rural en Basse Auvergne durant le Haut Moyen Âge, Paris, 678 p.

Goury 1995 : Goury D. – Les vases pseudo-ioniens des vallées de la Cèze et de la Tave (Gard), In : Sur les pas des Grecs en Occident, Hommages à André Nickels, textes réunis et édités par P. Arcelin, M. Bats, D. Garcia, G. Marchand et M. Schwaller, ADAM-Errance, Lattes/Paris, 1995, p. 309-324. (Études massaliètes 5).

Corent (63) – Oppidum de Corent

Type de projet : fouille programmée (“Corent (63) – Oppidum de Corent”)

Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne, Puis LUERN

Responsables : V. Guichard; M. Poux

Présentation

Le Puy de Corent, vaste plateau volcanique situé à une trentaine de kilomètres au sud-est de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme, France), abrite un oppidum gaulois reconnu depuis longtemps par les prospections.

Corent (63) – Oppidum de Corent. Le Puy de Corent, vaste plateau volcanique situé à une trentaine de kilomètres au sud-est de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme, France), abrite un oppidum gaulois reconnu depuis longtemps par les prospections
Corent (63) – Oppidum de Corent (photo B. Dousteyssier)

Corent (63) – Oppidum de Corent. Sondages 1992-1993

Des sondages menés entre 1992 et 1993 par Vincent Guichard et John Collis au centre du plateau y ont mis en évidence un sanctuaire d’époque romaine, à galerie quadrangulaire périphérique de 70 m de côté, précédé de vestiges d’occupations datés du Néolithique moyen, de l’Âge du Bronze et de la Tène finale.


De cette époque date un premier lieu de culte fréquenté entre la fin du IIe et le début du Ier s. avant notre ère, matérialisé par un fossé d’enclos comblé de rejets fauniques sélectionnés (crânes de moutons) et diverses structures construites en tessons d’amphores : témoins des grandes quantités de vin et de viande vraisemblablement consommées sur le site dans le cadre de festins et de rites libatoires, associés à d’autres catégories d’offrandes – monnaies, parures, ossements humains et pièces d’armement mutilées, consacrées sur le modèle des grands sanctuaires guerriers de Gaule septentrionale.


Le décapage extensif du sanctuaire, qui a débutée en 2001, s’inscrit dans le cadre d’un projet triennal mené en collaboration avec l’ARAFA (Association pour la Recherche sur l’Âge du Fer en Auvergne), l’université de Lausanne (Suisse), l’université de Sheffield (Grande Bretagne) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

LUERN

A partir de 2009, une nouvelle association, LUERN, a pris le relai de l’ARAFA.

Matthieu poux dirige les fouilles actuelles sur le plateau de Corent. Un site dédié est consacré à ces recherches

Quand les Arvernes écrivaient le gaulois

Quand les Arvernes écrivaient le gaulois : article publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008 » qui nous a aimablement autorisé à le reproduire

En plein Vème siècle, Sidoine Apollinaire déclare que la noblesse arverne vient tout juste d’apprendre le latin et de se débarrasser de la « crasse » du gaulois (« sermonis Gallici squamam », Lettre à Ecdicius).

Quand les Arvernes écrivaient le gaulois. Couvercle de terra nigra avec inscription sur le pourtour.
La lecture de l’inscription a toujours été faite sur photos car l’objet avait disparu (RIG, 2002, L-65). Il a été retrouvé et est aujourd’hui exposé. On relève la présence probable du verbe d’offrande (i)euru.
Couvercle de terra nigra avec inscription sur le pourtour.
La lecture de l’inscription a toujours été faite sur photos car l’objet avait disparu (RIG, 2002, L-65). Il a été retrouvé et est aujourd’hui exposé. On relève la présence probable du verbe d’offrande (i)euru.

La lecture de l’inscription a toujours été faite sur photos car l’objet avait disparu (RIG, 2002, L-65). Il a été retrouvé et est aujourd’hui exposé. On relève la présence probable du verbe d’offrande (i)euru.

On sait pourtant que dès avant la conquête de César, les élites gauloises étaient formées à Rome. Les nobles gaulois avaient donc une ancienne tradition de bilinguisme latin-gaulois, dont on trouve plusieurs exemples parmi les personnages cités par César. Une pratique n’impliquant d’ailleurs pas une attitude pro-latine ou un parti pris défaitiste durant la guerre des Gaules. Néanmoins, après la conquête, et plus encore après l’écrasement des révoltes du Ier siècle (Sacrovir), on peut supposer que les élites ont adopté la langue du vainqueur, les inscriptions devenant très vite uniquement latines. L’épigraphie gallo-latine sur pierre semble être de courte durée (une ou deux générations) et très marginale, mais elle témoigne d’une phase de transition entre une affirmation de la culture gauloise et l’adoption totale de la culture latine (non seulement de son écriture, mais aussi de sa langue). Au niveau religieux, le gaulois disparaît des inscriptions de fondations officielles, et ne subsiste plus que dans des actes de magie, à caractère populaire.

Quand les Arvernes écrivaient le gaulois. Le "plat de Lezoux" (RIG, 2002, L-66), découvert en 1970
Ce long texte (environ 50 mots) a été écrit après cuisson sur un fond d’assiette. Trois essais d’analyse incitent à dire qu’il s’agit moins d’une « lettre », comme on l’a pensé, que d‘une suite de maximes morales, de préceptes,une sorte de « conseil au jeune homme ». Malgré la présence de mots d’analyse certaine, on est encore très loin d’avoir compris la signification générale du texte.
Le « plat de Lezoux » (RIG, 2002, L-66), découvert en 1970
Ce long texte (environ 50 mots) a été écrit après cuisson sur un fond d’assiette. Trois essais d’analyse incitent à dire qu’il s’agit moins d’une « lettre », comme on l’a pensé, que d‘une suite de maximes morales, de préceptes,une sorte de « conseil au jeune homme ». Malgré la présence de mots d’analyse certaine, on est encore très loin d’avoir compris la signification générale du texte.

Ce long texte (environ 50 mots) a été écrit après cuisson sur un fond d’assiette. Trois essais d’analyse incitent à dire qu’il s’agit moins d’une « lettre », comme on l’a pensé, que d’une suite de maximes morales, de préceptes, une sorte de « conseil au jeune homme ». Malgré la présence de mots d’analyse certaine, on est encore très loin d’avoir compris la signification générale du texte.

L’intérêt des inscriptions gauloises (il faut y inclure les légendes monétaires gauloises) tient au fait que ce sont des documents gaulois écrits par les Gaulois eux-mêmes. « C’est bien sûr la voie royale pour la connaissance du gaulois », écrit Pierre-Yves Lambert (La langue gauloise, Ed. Errance, 2e éd. 2003). Les progrès de l’archéologie ont permis de multiplier les trouvailles de graffites sur l’instrumentum (objets de la vie quotidienne, essentiellement des vases céramiques). Ces inscriptions de type familier (marques de propriété, etc.), le plus souvent en cursive mais parfois en capitales d’un style relâché par rapport aux inscriptions lapidaires, donnent une idée de l’emploi du gaulois dans l’écriture. On admet que le gaulois a été écrit sur l’instrumentum plus longtemps qu’il ne l’a été sur pierre.

Quand les Arvernes écrivaient le gaulois. Ce fragment d’assiette de sigillée lisse porte,semble-t-il, un message d’offrande ou de cadeau : un homme offre un canisron (pot en forme de corbeille) à une certaine Clebila (RIG,2002, L-68).
Ce fragment d’assiette de sigillée lisse porte,semble-t-il, un message d’offrande ou de cadeau : un homme offre un canisron (pot en forme de corbeille) à une certaine Clebila (RIG,2002, L-68).

Les centres d’industrie céramique (Montans, La Graufesenque, près de Millau, Banassac-La-Canourgue, Lezoux…) sont nés très tôt en Gaule romaine, pour la fabrication de sigillées destinées à concurrencer la production de la péninsule italienne. Bols, jattes, assiettes, plats, portent des inscriptions avant cuisson : messages publicitaires, sentences, formules de bienvenue, etc. Les inscriptions après cuisson sont plus personnelles : marques de propriété, signatures, dédicaces… Le Musée Départemental de la Céramique expose une vingtaine de graffites gallo-latins (la plupart sur céramique sigillée) mais en compte bien davantage. Trois des objets avec inscription conservés au musée sont présentés ici.

Les Arvernes

Les Arvernes. Auteur de la notice : John Collis, Jon Dunkley, Vincent Guichard, Christine Jouannet. Extrait d’un article publié dans les chroniques historiques du Livradois-Forez, n° 19 – 1997.

Les Arvernes apparaissent dans l’histoire à la fin du IIIème siècle av. J.-C., dans le récit de la seconde guerre punique.

Les Arvernes. Carte de la gaule.
Carte de la gaule.

Au IIème siècle av. J.-C., les Arvernes disposaient donc, si l’on en croit les auteurs classiques – notamment Strabon –, d’une grande puissance militaire et d’un pouvoir qui s’étendait à l’échelle de la Gaule. Comme cette réputation rehaussait le prestige des troupes romaines qui avaient anéanti l’armée arverne de Bituit dans la vallée du Rhône en 121, on peut soupçonner nos sources, toutes du parti des vainqueurs, d’avoir quelque peu exagéré la réalité.

La brève mais brillante apparition de Vercingétorix sur le devant de la scène militaire au cours de la dernière année de la guerre des Gaules est l’occasion pour le conquérant romain de réanimer les vieux clichés de propagande : selon César, les Arvernes jouissaient un siècle auparavant du contrôle (en latin : imperium) de la totalité de la Gaule.

Bien longtemps après, au début du XXème siècle, l’historiographie française a repris à son compte le même discours, pour servir des desseins tout différents. On parle désormais, à la suite de Camille Jullian, d’un « empire arverne », première réalisation d’une nation gauloise appelée à défier les siècles et les barbares germaniques, d’Arioviste à… Guillaume II. Même en se gardant de ces excès, explicables par le contexte politique dans lequel ils ont été forgés, il n’en demeure pas moins que les Arvernes sont parmi les populations de la Gaule chevelue les plus souvent et les plus anciennement citées par les auteurs antiques ; c’est donc une de celles qui jouissaient des rapports les plus réguliers avec le monde méditerranéen.

De là l’intérêt particulier de l’étude des vestiges archéologiques du second âge du Fer en Auvergne, intérêt rehaussé par la qualité et la densité de ces vestiges, unique à l’échelle de l’Europe moyenne. On n’insistera sur les problèmes de chronologie, pourtant cruciaux pour cette période où la France centrale entre dans l’Histoire et où l’on doit donc s’efforcer de replacer les observations archéologiques par rapports à des événements datés, comme la création de la province romaine de Gaule transalpine à la fin du IIème siècle av. J.-C., ou encore la conquête césarienne. On mesurera seulement à partir d’un exemple les progrès effectués dans ce domaine depuis quinze ans.

Au début des années 1980, il semblait en effet encore plausible de dater l’abandon du site de La Grande Borne, des années qui suivirent la conquête romaine. On pense maintenant que cela s’est produit un demi-siècle plus tôt, ce qui oblige à revoir complètement l’interprétation historique du phénomène.

Selon les sources antiques, on peut donc supposer qu’une population qui se désignait elle-même sous le nom d’Arvernes habitait dans le nord du Massif Central au moins depuis la fin du IIIème siècle avant J.-C. On ne peut pas espérer retracer les limites de son territoire à une période antérieure à la conquête. La délimitation de ce dernier est en revanche possible si on l’assimile à celui de la cité gallo-romaine qui lui fait suite. Celle-ci englobe la plus grande partie du diocèse de Clermont. A l’est, la limite avec les Ségusiaves est bien marquée par la ligne de crête élevée des monts du Forez. Au nord, elle s’enfonce en coin dans le département de l’Allier, au contact des Eduens et des Bituriges.

A l’ouest, la limite de diocèse semble prolonger fidèlement le tracé des confins avec les Lémovices, comme l’indique la désignation comme fines sur la Table de Peutinger d’une étape de la voie de Clermont à Limoges localisée à Voingt, à la limite de département.

C’est au sud que la restitution des limites est la plus incertaine, dans des zones peu peuplées au contact de régions qui subissaient la main-mise arverne (d’ouest en est : Rutènes, Gabales et Vellaves). Le petit diocèse du Puy, qui correspond assez précisément au bassin versant de la haute vallée de la Loire en amont des gorges qui marquent son entrée dans le Forez, perpétue sans doute les limites de la cité vellave.

Ainsi circonscrite, la cité arverne s’identifie à un domaine géographique centré sur la dépression des Limagnes et environnée quasiment de toutes parts de larges zones de confins bien moins hospitalières, pour lesquelles on dispose d’une documentation archéologique assez indigente sur la période. Cette indigence s’explique sans doute par une faible densité d’occupation ancienne, amplifiée par une faible activité moderne génératrice de travaux et de découvertes archéologiques.

La dépression des Limagnes bénéficie de deux avantages. C’est à la fois le point d’aboutissement de tous les itinéraires issus des massifs périphériques et une région extraordinairement propice à l’agriculture à cause de sols très fertiles et faciles à travailler, les « terres noires ». Ces qualités s’accompagnent néanmoins d’une réserve : le caractère naturellement palustre de cet environnement, qui ne peut être maîtrisé qu’au prix d’importants travaux de drainage. Le développement de l’emprise humaine sur les Limagnes exige et reflète à la fois l’émergence d’une population nombreuse et d’une organisation sociale capable de coordonner ces travaux.

On a longtemps cru que la documentation disponible sur l’occupation protohistorique des plaines de la Limagne présentait, sous son apparente richesse, des lacunes qui correspondaient à des périodes d’abandon total, en particulier pour la période moyenne de l’âge du Fer.

C’est en particulier le modèle défendu par Daugas et Tixier, qui corrèlent ces supposées lacunes du peuplement avec des périodes de péjoration climatique. En réalité, l’affinement de la connaissance des mobiliers et la multiplication des prospections et des fouilles de sauvetage conduisent à une tout autre vision, du moins pour l’âge du fer.

On sait désormais que la période des VIIème-IVème siècle – qui correspond pourtant au maximum de la péjoration climatique de l’âge du Fer – est bien représentée, mais surtout par des sites modestes, très difficiles à repérer. Un certain nombre de ces sites a été identifié grâce au suivi systématique de travaux de drainage et de remembrement, dans le nord de la Limagne, ou encore à l’occasion de fouilles de sauvetage. Les fouilles récentes liées à la construction de la bretelle autoroutière A 71, au nord-est de l’agglomération clermontoise, ont ainsi conduit au repérage de deux sites du VIème siècle (dont un associé à un cimetière) et de deux sites du IVème siècle.

L’avancée la plus spectaculaire des connaissances concerne toutefois la période suivante, les IIIème et IIème siècle av. J.-C. Des prospections systématiques développés depuis une trentaine d’années et de la multiplication des fouilles de sauvetage, il résulte en effet une liste pléthorique de sites de tailles très diverses se rapportant à cette époque.

Pour bien mesurer à quel point notre perception du peuplement régional à la fin de l’âge du Fer a été bouleversée au cours de la dernière décennie, il faut se rappeler que, jusqu’à la fin des années 1970, on ne connaissait qu’un seul site clairement identifié de cette période, celui de La Grande Borne. La densité de peuplement la plus forte est enregistrée dans la région de Clermont-Ferrand, qui est aussi la plus intensément prospectée.

Les Arvernes. Peuple celtique d’Auvergne

Les Arvernes. Peuple celtique d’Auvergne : article publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008″ qui nous a aimablement autorisé à le reproduire.

Parce que les Romains eurent à pâtir à plusieurs reprises de leur puissance militaire, une première fois en 121 avant J.-C., une seconde en 52 avant J.-C., les Arvernes tiennent une place particulière parmi les peuples de la Gaule. Quelques décennies après la bataille de Gergovie, le géographe grec Strabon n’hésite pas à affirmer que leur pouvoir s’étendait autrefois « sur toute la Gaule, jusqu’à Narbonne et aux confins du territoire de Marseille, des monts Pyrénées jusqu’à l’Océan et au Rhin ». C’est une formule à l’évidence excessive pour indiquer que les Arvernes furent un peuple influent à l’échelle du territoire récemment conquis par César. Elle eut pourtant une belle postérité, puisqu’elle permit aux historiens modernes, Camille Jullian en tête, de forger le concept d’un « empire arverne » qui avait défié l’envahisseur romain… comme la France de la 3e République préparait la revanche contre l’ennemi allemand. La notion d’empire arverne a fait long feu, même si le concept a longtemps été invoqué par les numismates à l’appui de la thèse selon laquelle les Arvernes auraient longtemps eu le monopole de l’émission de la monnaie d’or en Gaule, aux IIIe et IIe siècles avant J.-C., thèse qu’il est en fait bien difficile d’étayer par les données archéologiques.

Néanmoins, la prééminence des Arvernes dans la Gaule de la fin de l’âge du Fer ne peut être niée. Au contraire, l’intense activité de recherche archéologique menée en Auvergne ces dernières années dont ce dossier se veut le reflet dévoile une population singulièrement nombreuse, au moins dans les bassins très fertiles des Limagnes, fondée sur une agriculture prospère, douée d’un sens artistique armé avec une étonnante production de céramique peinte, sans comparaison dans le monde celtique et précocement ouverte aux contacts avec le monde méditerranéen.

Ce dossier ne prétend pas couvrir systématiquement les acquis récents de la recherche que l’on trouvera plus précisément exposés dans les actes d’un colloque récemment tenu à Clermont-Ferrand. Il propose plutôt des coups de projecteur sur quelques facettes de ces acquis. La part belle est faite aux sites majeurs que sont les trois oppida du bassin de Clermont (Corent, Gondole et Gergovie), qui font en ce moment l’objet d’importantes fouilles animées par l’Association pour la recherche sur l’âge du Fer en Auvergne, puisque c’est une originalité de l’Auvergne que de connaître encore une activité de fouilles programmées suffisamment soutenue pour structurer la recherche archéologique régionale. L’archéologie de sauvetage est également très active, notamment dans la région clermontoise.

Le territoire que l’on peut restituer aux Arvernes est entièrement intégré dans les limites de la région Auvergne. Le département de l’Allier, au nord, est situé pour partie sur le territoire des Eduens et pour partie sur celui des Bituriges. La situation est plus confuse dans le sud de la région. Le département de Haute-Loire se superpose grosso modo au territoire des Vellaves, peuple client des Arvernes selon César. Leur principal oppidum semble être le plateau de Marcilhac, à quelques kilomètres de leur chef-lieu gallo-romain, Ruessio (Saint-Paulien). L’influence arverne se déployait au-delà des limites de l’Auvergne administrative, vers le sud, chez les Cadurques et les Gabales, également rangés par César parmi leurs clients.

Les marges du territoire arverne sont peu évoquées dans ces pages, parce que l’activité de recherche y est moins intense aujourd’hui, notamment en Haute-Auvergne et dans le Velay. Le nord de la région est mieux servi, avec des résultats importants en Bourbonnais, aux confins des territoires arverne, éduen et biturige (découverte d’un nouvel oppidum à Cusset, fouille du rempart de l’oppidum de Châteloy à Hérisson…) et les nombreuses fouilles de sauvetage qui se succèdent de façon régulière dans le département de l’Allier. On attend beaucoup dans ce domaine du programme collectif de recherche sur l’habitat protohistorique fortifié en Auvergne.

Les Arvernes. Peuple celtique d'Auvergne - Les Arvernes et leurs voisins (sur fond de carte administrative de l’Auvergne ; d’après Trément 2007)
Les Arvernes et leurs voisins (sur fond de carte administrative de l’Auvergne ; d’après Trément 2007)

Les périodes antérieures à l’entrée des Arvernes sur la scène historique, aux IIIe-IIe siècles avant J.-C., sont également difficiles à aborder, surtout par manque de sites qui focalisent l’attention tels que les oppida et grandes agglomérations de la période finale de l’âge du Fer. On constate néanmoins que les oppida ont été précédés par des phases de perchement de l’habitat qui s’accompagnent de concentrations importantes de population dès la fin de l’âge du Bronze. Dans un autre domaine, les traces souvent ténues mais nombreuses des installations agricoles qui ont précédé l’essor démographique du IIe siècle avant J.-C. comblent progressivement un vide archéologique correspondant aux premiers siècles du second âge du Fer. Les nécropoles tumulaires du haut-plateau cantalien forment un autre beau dossier à peine valorisé aujourd’hui.

Au total, la très grande majorité de la documentation nous ramène à la période finale de l’âge du Fer et au bassin de Clermont-Ferrand. Il faut y voir le résultat de deux phénomènes superposés. Le plus évident est la forte concentration actuelle de la population et de l’activité économique dans ce secteur, ce qui engendre de très nombreuses opportunités d’explorer le sous-sol. Le second est bien le constat que cette polarisation du territoire arverne sur le bassin de Clermont-Ferrand est une affaire qui dure depuis le IIIe siècle avant J.-C., époque à laquelle commence à se constituer l’agglomération d’Aulnat-Gandaillat-La Grande Borne.

Ce territoire restreint du bassin de Clermont, qui mesure au plus 20 x 10 km, pose des interrogations qui transparaissent bien dans les pages qui suivent. A un premier regroupe-ment d’activité en plaine sur le site d’Aulnat-Gandaillat, probablement étendu de quelque 200 ha, succède au Ier siècle avant notre ère une triade de grands oppida regroupés dans un mouchoir de poche : Corent, Gondole et Gergovie forment un triangle équilatéral de 6 km de côté, tandis que le territoire environnant ces sites semble largement déserté à la même époque. La grande question du moment est bien sûr de comprendre les raisons d’être d’un scénario aussi inhabituel dans le monde celtique. On constate que les périodes d’occupation des trois oppida ne coïncident que partiellement, avec une antériorité de Corent sur les deux autres, Gergovie étant le site qui livre les vestiges les plus récents. Les contributions qui suivent proposent différentes hypothèses : considérer pour le milieu du Ier siècle avant J.-C. ces différents pôles d’activité proches comme les éléments d’une seule métropole au tissu très lâche, qui pourrait être la Nemossos de Strabon ; réduire Gergovie au statut de première capitale romaine du peuple arverne, dans les décennies qui suivent la guerre des Gaules… Reste que les dégagements sont encore très limités sur chacun des gisements en termes de surface explorée et portent sur des vestiges de nature différente le cœur de l’oppidum à Corent, les fortifications à Gergovie, une périphérie de l’oppidum à Gondole. Il est donc prématuré de conclure et il faut se réjouir de la possibilité qui nous est donnée de pour-suivre l’enquête par des chantiers ouverts simultanément sur chacun des sites clés du problème.

En dernier lieu, soulignons ce qui motive l’édition de ce dossier : rendre compte des résultats de recherches qui restent jusqu’à pré-sent peu divulguées en dehors d’un cercle ré-duit de spécialistes, parce que les moyens ne sont pas disponibles régionalement pour restituer les travaux des archéologues au grand public. En l’absence de musée disposant de la mission de valoriser l’archéologie et pourvu des moyens ad hoc à Clermont-Ferrand, les résultats évoqués ici dorment dans des car-tons. En l’absence de perspectives d’exposition, les objets sont très rarement restaurés et il est paradoxalement difficile de regrouper au pied levé suffisamment d’images de qualité pour illustrer un tel dossier. Concluons donc par un vœu : que les pouvoirs publics réunissent leurs moyens pour construire une vitrine de l’archéologie auvergnate digne d’un patrimoine que nous envie l’ensemble de la communauté scientifique européenne.

Le deuxième âge du Fer

Le deuxième âge du Fer. Auteur de la notice : anonyme.

Le deuxième âge du Fer. Tombe féminine du Pâtural (J. Dunkley, ARAFA)
Le deuxième âge du Fer. Tombe féminine du Pâtural (J. Dunkley, ARAFA)

La société gauloise est essentiellement agricole. Le lin comme le chanvre sont cultivés et servent à la fabrication des tissus. Les myrtilles, le pastel ou l’airelle sont employés pour la teinture car les Gaulois aiment les couleurs vives. Pour l’alimentation, les cultivateurs produisent du blé amidonnier (riche en amidons), de l’orge, des lentilles et des pois. Ces céréales sont consommées en bouillies et galettes, parfois agrémentées de raisins secs, de dattes ou de noix.


A sa tête, se trouve une aristocratie terrienne. Celle-ci est en relation constante avec l’ensemble du monde celtique qui possède une certaine homogénéité même s’il est composé d’une multitude de tribus indépendantes les unes des autres. Mais au début du Ier siècle avant notre ère, l’intensification des relations commerciales avec le Monde Méditerranéen va favoriser l’émergence d’une nouvelle catégorie sociale. Il va s’ensuivre une relative décadence de cette aristocratie terrienne, au moins sur le plan politique.


Les druides sont des personnages importants de la société celte et paraissent avoir été au cœur de la religion. Chefs religieux, recrutés dans la noblesse, ils règlent les pratiquent cultuelles et président aux sacrifices… En outre, ils occupent des fonctions juridiques et sont chargés de l’éducation des jeunes nobles et de la transmission des épopées. Les druides forment un  » clan  » avec, au sommet, un chef élu.

Le deuxième âge du Fer. Nécropole de Sarliève
Cliché A. Mailler. Centre archéologique européen du Mont Beuvray, Bibracte
Le deuxième âge du Fer. Nécropole de Sarliève
Cliché A. Mailler. Centre archéologique européen du Mont Beuvray, Bibracte

Vercingétorix, le plus célèbre des Arvernes

Vercingétorix, le plus célèbre des Arvernes : article publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008 » qui nous a aimablement autorisé à le reproduire

Auteur de la notice : Françoise Melmoth

  • I – Que savons-nous de Vercingétorix ?
  • II – Quelles relations Vercingétorix entretint-il avec César avant l’année 52 av. J.-C. ?

I – Que savons-nous de Vercingétorix ?

Vercingétorix, c’est d’abord un nom propre, mentionné chez huit auteurs anciens : César, Tite-Live, Strabon, Plutarque, Florus, Polyen, Dion Cassius et Orose. A part Plutarque (qui l’estropie) et certains manuscrits de Strabon (qui offrent une variante en – rigos), toutes les sources, monnaies comprises, donnent Uercingetorix, « Roi suprême des guerriers », composé du préfixe uer(o), ‘sur-, super-’, de cinget(o)-, ‘guerrier, héros’ et de rix (= riks), ‘roi’, élément le plus fréquent des noms de personnes composés gaulois.

Vercingétorix, place de Jaude à Clermont-Ferrand. Une beaucoup plus grande devait être installée sur le plateau de Gergovie mais le projet a été jugé trop cher.
Vercingétorix, place de Jaude à Clermont-Ferrand. Une beaucoup plus grande devait être installée sur le plateau de Gergovie mais le projet a été jugé trop cher.

Tous les textes évoquent l’ascendance aristocratique de Vercingétorix, issu d’une très grande famille arverne. Son père, Celtill, avait, selon César, exercé un « principat » sur la Gaule et avait été tué par ses compatriotes parce qu’il aspirait à la royauté. Strabon indique que Vercingétorix « provenait » de Gergovie (sa ville natale, la ville dont il était citoyen ?). On ignore sa date de naissance, mais César écrit en 52 av. J.-C. que Vercingétorix est adulescens. Beaucoup ont compris « adolescent » (le mythe en a souvent fait un jeune homme de 17-18 ans), alors que pour les Romains, l’adulescentia est l’âge antérieur à l’exercice des magistratures, lequel est fixé à trente ans. Vingt-sept pièces de monnaie à la légende Vercingétorix nous sont parvenues. Vingt-cinq sont des statères d’or, deux sont en bronze.

On distingue deux « types », d’après la tête qui orne le droit : l’une (série majoritaire) est représentée nue, la seconde porte un casque. Tous les visages sont différents. Si l’on avait voulu représenter un personnage connu, identifiable, correspondant au nom que porte la légende (Vercingetorixs ou Vercingetorixis), un modèle uniforme aurait été imposé. Il ne s’agit donc pas du « portrait » de Vercingétorix, mais probablement du dieu Apollon, issu de l’imitation des statères macédoniens. Le casque est ajouté à la tête d’Apollon, non à celle du chef arverne.
A quoi ressemblait physiquement Vercingétorix ? La représentation « traditionnelle » du héros moustachu, aux cheveux longs flottant sur les épaules, est née sous Napoléon III.

Elle s’appuie sur des textes tels que ceux de Diodore, Strabon et César, qui continuent à véhiculer une image stéréotypée des Gaulois remontant à l’époque des migrations celtiques en Italie. Nous disposons aujourd’hui de sources, totalement inconnues au XIXème siècle, qui montrent une évolution de l’iconographie sur près de cinq siècles. Vers 475-450 av. J.-C., un prince ou un roi celte porte barbe et moustache (statue de Glauberg, près de Stuttgart). Il les conservera pendant environ deux siècles. Puis, il ne portera plus que la moustache (le Gaulois mourant de Pergame, un Galate ou Celte d’Asie Mineure de la seconde moitié du IIIème siècle av. J.-C.).

A partir de la fin du IIème siècle av. J.-C., les deniers gaulois (monnayage d’argent frappé en Gaule) présentent pour la première fois une iconographie réaliste, des personnages soit en pied soit en buste, parfois accompagnés de leur nom (ou du nom du magistrat monétaire, à supposer que ce ne soit pas le même).

Vercingétorix après plusieurs années de captivité, hirsute et maigre...d'après un denier romain avec un profil attribué à Vercingétorix (image texture 2D du visage reconstruit avec l'intelligence artificielle de StyleGAN2 
paramétrée par David ROMEUF.)
Vercingétorix après plusieurs années de captivité, hirsute et maigre…d’après un denier romain avec un profil attribué à Vercingétorix (image texture 2D du visage reconstruit avec l’intelligence artificielle de StyleGAN2
paramétrée par David ROMEUF.)

Sur un denier d’argent éduen, par exemple, on observe qu’il n’y a plus de moustache. En outre, la chevelure est particulièrement soignée. A cela s’ajoute le texte de César, lors de sa première expédition en Bretagne (l’Angleterre) : il écrit que les habitants de l’île « portent les cheveux pendants et se rasent complètement, sauf la tête et la lèvre supérieure ». Autrement dit, ils ne se coiffent pas les cheveux et ils portent la moustache, ce que ne font plus les Gaulois. Vercingétorix était donc probablement glabre et devait porter une chevelure élaborée, avec des boucles et des mèches savamment coiffées. La panoplie militaire de Vercingétorix, telle que la montrent les tableaux et gravures du XIXème siècle, mêle des pièces qui s’échelonnent chronologiquement de l’âge du Bronze au Moyen Age.

On sait aujourd’hui que Romains et Gaulois devaient être armés à peu près de la même manière. Comme tous les aristocrates de son temps, Vercingétorix combattait à cheval (la taille moyenne des chevaux au garrot dépassait rarement 130 à 135 cm), avec une selle (sans étriers) et des éperons. Le harnais des chevaux était très perfectionné et orné. Vercingétorix portait un casque en fer, couvrant la tête, les joues (protège-joues) et la nuque. Notons que ce sont les artisans celtiques qui ont lancé, au Vème siècle av. J.-C., la fabrication de ces casques en fer, qui furent adoptés par nombre de peuples. Il n’était pas torse nu (il s’agit d’un mythe ancien) mais portait la cotte de mailles, elle aussi inventée par les artisans celtiques vers la fin du IVe siècle av. J.-C.

Son bouclier était ovale et plat (environ 1,10 m de haut et 50 à 60 cm de large), avec un umbo, protubérance souvent coiffée d’une coque métallique, prolongée par une arête verticale (spina). La lance et l’épée constituaient l’équipement offensif de base de toutes les armées de l’Antiquité. Contrairement aux Romains, équipés d’un glaive (gladius) de forme acérée, les Celtes avaient inventé une longue épée à tranchants parallèles, qui se logeait dans un fourreau en métal.

II – Quelles relations entretint-il avec César avant l’année 52 av. J.-C. ?

Vercingétorix appelant les Gaulois à la défense d’Alaise, François Ehrmann, 1869, Musée d'Art Roger Quillot, Clermont-Ferrand.
Vercingétorix appelant les Gaulois à la défense d’Alaise, François Ehrmann, 1869, Musée d’Art Roger Quillot, Clermont-Ferrand.

Ici, deux témoignages se rejoignent, celui de Dion Cassius et celui d’Orose, qui s’inspiraient d’autres sources que la Guerre des Gaules de César. Pour eux, Vercingétorix est un traître. Christian Goudineau analyse le refus du pardon de César, tel qu’il est soigneusement expliqué chez Dion Cassius, de la façon suivante : « Vercingétorix avait été non pas dans l’amitié de César, mais en amitié avec César : ils avaient accompli tous les gestes, prononcé les serments, s’étaient mutuellement engagés.

Or, Vercingétorix a fait une « antitaxis », un mot qui relève du langage militaire : on oppose une armée rangée en ordre de bataille. La traduction « rébellion » ne rend pas toute la force de l’expression. De même, le mot « trahison » rend imparfaitement « adikia » : c’est la rupture de la parole donnée, le déni de ce qui est juste et consacré, le plus grave des crimes. » Christian Goudineau écrit par ailleurs : « Orose place dans la bouche de Vercingétorix des paroles épouvantables : il a pris en personne la responsabilité de rompre le traité (celui qui unissait Rome aux Arvernes) et il se reconnaît responsable d’un immense forfait, d’un crime considérable : auctorem magnis sceleris. » Pourquoi Vercingétorix a-t-il causé tant de difficultés à César en 52 ? Parce qu’il a appliqué les principes qu’il avait appris auprès de lui. Donc, selon Christian Goudineau, « Vercingétorix fut aux côtés de César pendant une bonne partie de la guerre des Gaules, peut-être dès le début. A quel titre ? Sans doute en tant que chef du contingent arverne, un corps de cavaliers, que le proconsul avait dû réquisitionner aux termes du traité de 122 ou 121.

On peut même supposer qu’il fit partie des conturbernales, les « compagnons de tente », issus de la noblesse romaine ou gauloise, qui entourent César, discutent avec lui, l’écoutent avec respect. La question évidente : pourquoi César n’en a-t-il pas dit un mot ? Parce que, s’il l’avait fait, il aurait fallu expliquer au Sénat de Rome que ses collaborateurs gaulois les plus proches le trahissaient, l’abandonnaient. »Le nom de Vercingétorix ne reparaît (chez Plutarque et Dion Cassius) qu’à l’occasion du triomphe que l’ancien proconsul, devenu dictateur de Rome, célébra sur la Gaule six ans plus tard, en septembre 46. Le chef arverne y figura. Après quoi, il est exécuté.

Pour en savoir plus : Christian Goudineau, Le dossier Vercingétorix, Actes Sud / Errance, 2001, 346 p., 18 x 24 cm, br., illustré

Les IIIe et IIe s. av. J.-C.en Basse-Auvergne

Les IIIe et IIe s. av. J.-C.en Basse-Auvergne : article publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008 » qui nous a aimablement autorisé à le reproduire.

Auteur de la notice : Y. Deberge, V. Guichard

  • I – Les IIIème et IIème siècles av. J.-C., une phase d’expansion de la ferme indigène en Limagne Clermontoise
  • II – Un resserrement de l’habitat rural au Ier siècle av. J.-C

« Tout le reste de la Gaule produit du blé et en grande quantité, ainsi que du millet, du gland et du bétail de toute espèce, le sol n’y demeurant nulle part inactif, si ce n’est dans les parties où les marécages et les bois ont absolument interdit toute culture »

Strabon, Géographie, livre IV, I2
Les IIIe et IIe s. av. J.-C.en Basse-Auvergne. Carte d’occupation des sols à la période laténienne dans le bassin de Clermont-Ferrand (document : Y. Deberge)
Carte d’occupation des sols à la période laténienne dans le bassin de Clermont-Ferrand (document : Y. Deberge)

Depuis plusieurs décennies, la Limagne clermontoise fait l’objet d’une intense activité de prospection archéologique.

L’objectif est de connaître l’évolution de l’occupation de cet espace naturellement très fertile.

Cumulés aux nombreuses observations de l’archéologie préventive, ces travaux révèlent une extraordinaire concentration de population dans cette plaine humide à la période laténienne.

Les IIIe et IIe s. av. J.-C.en Basse-Auvergne. Entre Varennes et les Monts Dômes, la Limagne clermontoise
Entre Varennes et les Monts Dômes, la Limagne clermontoise

I – Les IIIe et IIe s. av. J.-C.en Basse-Auvergne : une phase d’expansion de la ferme indigène en Limagne Clermontoise

Les IIIe et IIe s. av. J.-C.en Basse-Auvergne.  L’opération d’archéologie préventive A 710, conduite sur un transect de 7 km de long, a été l’occasion d’observer l’évolution des paysages de Limagne au cours de l’Holocène (cliché V. Guichard)
L’opération d’archéologie préventive A 710, conduite sur un transect de 7 km de long, a été l’occasion d’observer l’évolution des paysages de Limagne au cours de l’Holocène (cliché V. Guichard)

Avant cette période, la Limagne connaît une occupation fluctuante avec une première phase de colonisation, au début du premier âge du Fer, suivie d’un net repli de l’habitat sur les zones de piémonts et de hauteurs. Il faut attendre le début du IIIème siècle av. J.-C. Pour que l’habitat se fixe de façon durable en Limagne. Cette implantation se fait d’abord selon un maillage relativement lâche, comme aux époques antérieures. Certaines occupations anciennes sont même « réactivées ». Au siècle suivant, la plaine est alors couverte d’un réseau dense de fermes qui se répartissent, approximativement, tous les kilomètres.

Comme ailleurs en Gaule, ces sites ruraux sont caractérisés par la présence d’un ou plusieurs enclos fossoyés dans lesquels sont les structures domestiques, des bâtiments d’habitation, et celles nécessaires à l’activité agricole, des greniers, des granges, des espaces de parcage… Ces espaces enclos paraissent, à l’image de nos fermes actuelles, correspondre au cœur des exploitations agricoles. Derrière une apparente uniformité, on perçoit en réalité une certaine variabilité dans l’organisation interne de ces établissements.

Les éléments mobiliers découverts peuvent être également très divers, en quantité et qualité, d’un site à l’autre. Ces différences traduisent l’existence d’une hiérarchisation que l’on peine encore à mettre en évidence en l’absence de fouilles systématiques et de grande ampleur. La grande majorité des sites peut être identifiée à des fermes dont la principale, sinon la seule activité est l’agriculture. La taille à associer à chacun de ces domaines est, selon un calcul théorique, comprise entre 100 et 200 hectares. La mise en évidence de nombreuses limites parcellaires, principalement des fossés, montre un découpage poussé de l’espace agricole.

Les IIIe et IIe s. av. J.-C.en Basse-Auvergne. Poteau en bois, daté de la seconde moitié du IIe s. av. J.-C., ayant appartenu à une construction à ossature de bois 
Fouilles A 710. Cliché : V. Guichard
Poteau en bois, daté de la seconde moitié du IIe s. av. J.-C., ayant appartenu à une construction à ossature de bois
Fouilles A 710. Cliché : V. Guichard

L’hypothèse d’une vaste entreprise de drainage de la plaine est envisageable compte tenu du nombre et de l’orientation cohérente de ces structures, principalement des fossés, avec l’axe de drainage naturel de la plaine, globalement ouest-est. Aux IIIème et IIème siècles av. J.-C., la plaine de Limagne est le domaine de la céréaliculture et de l’élevage. C’est un milieu ouvert où la forêt occupe une place très faible.

Les champs se présentent sous la forme d’une mosaïque de parcelles en culture ou en prairie. On y cultive principalement les blés nus et vêtus, l’orge, le millet et les légumineuses (pois, lentille). Le porc est élevé sur le secteur d’habitat, entre autres pour ses qualités d’éboueur, le mouton pour sa viande et ses sous-produits, le bœuf pour sa force de travail.

Signe d’une mobilisation importante de la plaine, les structures parcellaires sont particulièrement nombreuses 
Fouilles A 710. Cliché : V. Guichard
Signe d’une mobilisation importante de la plaine, les structures parcellaires sont particulièrement nombreuses
Fouilles A 710. Cliché : V. Guichard

II – Un resserrement de l’habitat rural au Ier siècle av. J.-C

Restitution de la campagne de la Limagne clermontoise
Restitution de la campagne de la Limagne clermontoise

On observe au Ier siècle av. J.-C., comme ailleurs en Gaule, un déficit documentaire quasi généralisé pour l’ensemble de la plaine de Limagne et ses abords. L’hypothèse de biais méthodologiques conduisant à un tel phénomène peut être écartée. Les travaux d’archéologie conduits ces dernières années sur ce territoire montrent que ce déficit documentaire observé pour le Ier siècle av. J.-C. Renvoie, sans doute possible, à une réalité archéologique et historique. La plaine, si densément occupée au siècle précédent, paraît se vider de plus des deux tiers de ses occupants. Le phénomène, à la fois massif et rapide, est contemporain avec l’abandon de l’agglomération ouverte d’Aulnat. Quelques sites restent occupés au Ier siècle, mais ils relèvent plus de l’exception que de la règle. Les études géomorphologiques conduites dans la Limagne permettent d’écarter l’hypothèse d’une augmentation de la contrainte liée au caractère naturellement humide de la plaine au Ier siècle. Le nombre d’implantations humaines va d’ailleurs sans cesse croissant sur la longue durée, depuis La Tène moyenne jusqu’au Haut-Empire, avant de reculer seulement à partir du Bas-Empire.

La désaffection de la plaine observée pour le Ier siècle av. J.-C. apparaît donc comme un« accident », dans une phase de densification de l’habitat rural qui commence au IIIème siècle av. J.-C. pour ne s’achever qu’au début du Bas-Empire. Ce recul de l’habitat en plaine ne prend pas la forme d’une désertion totale et définitive. Quelques sites demeurent occupés et le seront toujours bien après le changement d’ère.

Traces parcellaires et occupation du sol en Limagne clermontoise
Traces parcellaires et occupation du sol en Limagne clermontoise

Le réseau de fossés installé au IIème siècle est également ponctuellement marqué par une certaine forme de pérennisation qui se traduira par une reprise, à la période gallo-romaine, des orientations définies à La Tène lors de l’implantation de nouvelles structures de délimitation et de drainage. Loin de constituer une période d’abandon total, cette phase de recul de la ferme en Limagne a probablement été l’occasion d’une restructuration de la propriété par un phénomène de concentration foncière qui n’a, selon toute vraisemblance, profité qu’aux plus riches. Les dépôts mobiliers découverts dans les tombes du site de Chaniat à Malintrat révèlent ainsi un enrichissement considérable de la classe dirigeante, qui se fait enterrer sur ses terres, à une période pourtant marquée par un resserrement de l’habitat en Limagne.

Ensemble funéraire aristocratique du Ier s. découvert sur le site de Chaniat à Malintrat . Fouilles A 710. Cliché : V. Guichard
Ensemble funéraire aristocratique du Ier s. découvert sur le site de Chaniat à Malintrat . Fouilles A 710. Cliché : V. Guichard

Grâce aux nombreux travaux qui y sont conduits depuis plus de 20 ans, le mode d’occupation de la Limagne clermontoise est aujourd’hui bien perçu. Cet espace agricole, intensément exploité aux IIIème et IIème siècles av. J.-C., paraît être le « grenier à blé » des Arvernes. Reste que la campagne arverne ne se limitait pas, à la période gauloise, à ce seul espace. Notre connaissance des zones de buttes et de montagne, qui représentent pourtant plus de 90 % du territoire arverne, est très largement déficitaire. Ces espaces, aujourd’hui à l’écart des principales zones d’activité économique, font rarement l’objet d’investigations archéologiques. Les travaux préventifs conduits dernièrement dans ces secteurs, dans la zone des Combrailles notamment (opération autoroutière A89), semblent toutefois indiquer que l’occupation y est nettement moins dense qu’en Limagne. Le gros de la population se concentrait, il y a 2 200 ans comme aujourd’hui, dans la zone de plaine, aux abords de l’agglomération d’Aulnat.

Évocation de la Limagne clermontoise à la période gauloise. Illustration : M. Gontier
Évocation de la Limagne clermontoise à la période gauloise. Illustration : M. Gontier
Occupation du IIe s. av. J.-C. (premier plan à gauche) et gallo-romaine (second plan à droite) du site de Chaniat à Malintrat
Fouilles A 710. Cliché : V. Guichard
Occupation du IIe s. av. J.-C. (premier plan à gauche) et gallo-romaine (second plan à droite) du site de Chaniat à Malintrat
Fouilles A 710. Cliché : V. Guichard

Salettes (43) – Le Camp d’Antoune

Type de projet : fouille programmée (« Salettes (43) – Le Camp d’Antoune »)

Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne

Date : 2008

Responsable de l’opération : Marie-Caroline Kurzaj

Notice et documents : Marie-Caroline Kurzaj

I – Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Présentation

Le camp d’Antoune se situe sur la commune de Salettes, dans le sud-est du département de la Haute-Loire.

Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. C’est un site de hauteur d’une quinzaine d’hectares, implanté à plus de 1000 m d’altitude et surplombant la vallée de la Loire
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Le Camp d’Antoune, vue du sud (M.-C. Kurzaj / ARAFA).
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Occupé dès la fin du IIe et au cours du  Ier s. av. J.-C., il est l’un des habitats principaux des Vellaves, peuple client des Arvernes et frontalier de la province romaine de Transalpine à partir de 118 av. J.-C
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Localisation générale du Camp d’Antoune (M.-C. Kurzaj / ARAFA).

C’est un site de hauteur d’une quinzaine d’hectares, implanté à plus de 1000 m d’altitude et surplombant la vallée de la Loire.

Occupé dès la fin du IIe et au cours du Ier s. av. J.-C., il est l’un des habitats principaux des Vellaves, peuple client des Arvernes et frontalier de la province romaine de Transalpine à partir de 118 av. J.-C.

Connu depuis la fin du XIXe s., ce site a fait l’objet de plusieurs investigations au cours du XXe s. Elles ont permis de mettre en évidence une occupation de la fin du second âge du Fer. Toutefois ces données étant trop lacunaires, de nouvelles observations ont été réalisées depuis 2007, afin de préciser l’organisation et la chronologie de ce site de hauteur. Le camp d’Antoune est un des rares sites de Haute-Loire à avoir conservé en élévation son système défensif en pierres sèches (blocs de basaltes). Il s’agit d’un rempart discontinu, qui s’interrompt là où les falaises abruptes ne nécessitent pas sa présence.

Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Connu depuis la fin du XIXe s., ce site a fait l’objet de plusieurs investigations au cours du  XXe s. Elles ont permis de mettre en évidence une occupation de la fin du second âge du Fer. Toutefois ces données étant trop lacunaires, de nouvelles observations ont été réalisées depuis 2007, afin de préciser l’organisation et la chronologie de ce site de hauteur. Le camp d’Antoune est un des rares sites de Haute-Loire à avoir conservé en élévation son système défensif en pierres sèches (blocs de basaltes). Il s’agit d’un rempart discontinu, qui s’interrompt là où les falaises abruptes ne nécessitent pas sa présence
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Les principaux sites de la fin du second âge du Fer du Velay (M.-C. Kurzaj / ARAFA).

I – Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Le rempart

C’est dans le secteur nord que celui-ci est le mieux conservé et son organisation la plus connue. Un petit rempart d’un mètre de haut précède un profond fossé, à partir duquel se développe le rempart monumental présentant encore aujourd’hui, plus de 12 m d’élévation. Ce dernier est organisé en deux tronçons. Le premier est observable sur environ 120 m de long, d’ouest en est. Puis il marque brusquement une courbe en direction du sud-est et s’interrompt.

A environ 8 m au nord-est de celui-ci, un nouveau tronçon débute selon un tracé rectiligne nord/ouest-sud/est, et que l’on peut suivre sur une longueur d’environ 240 m. A l’emplacement de l’interruption du tronçon nord se trouvait une excavation attribuable aux investigations d’A. Boudon-Lashermes dans les années 1950. L’opération de 2008 s’est en partie concentrée à cet endroit.

La rectification de la coupe de cet ancien sondage a permis l’identification du parement de la porte d’accès au site. Il est composé d’un appareillage de prismes basaltiques.

La datation de cette construction monumentale a pu être entrevue grâce à la présence de quelques fragments de céramique datés entre la fin du IIeme et le début du Ier s. av. J.-C. La forme de cette porte, « en chicane », se retrouve sur plusieurs oppida de Gaule indépendante.

C’est dans le secteur nord que celui-ci est le mieux conservé et son organisation la plus connue. Un petit rempart d’un mètre de haut précède un profond fossé, à partir duquel se développe le rempart monumental présentant encore aujourd’hui, plus de 12 m d’élévation. Ce dernier est organisé en deux tronçons. Le premier est observable sur environ 120 m de long, d’ouest en est. Puis il marque brusquement une courbe en direction du sud-est et s’interrompt
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Secteur nord, organisation du système défensif (M.-C. Kurzaj / ARAFA).
A environ 8 m au nord-est de celui-ci, un nouveau tronçon débute selon un tracé rectiligne nord/ouest-sud/est, et que l’on peut suivre sur une longueur d’environ 240 m. A l’emplacement de l’interruption du tronçon nord se trouvait une excavation attribuable aux investigations d’A. Boudon-Lashermes dans les années 1950. L’opération de 2008 s’est en partie concentrée à cet endroit.
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Organisation de la fortification du Camp d’Antoune (M.-C. Kurzaj / ARAFA).

I – Occupation à l’intérieur de la fortification

Concernant l’organisation de l’occupation à l’intérieur de la fortification, les données sont encore trop lacunaires pour en dresser les caractéristiques. Aucun autre vestige en élévation n’a encore pu être identifié en raison de la densité de la végétation. Par contre, les éléments découverts dans les autres sondages réalisés en 2008 sur le plateau, ont permis, d’après le mobilier récolté, de confirmer la présence d’une occupation de la fin du second âge du Fer.

Malgré la réalisation de nouvelles investigations, l’occupation du camp d’Antoune reste encore méconnue.

Pourtant sa connaissance tient une place importante dans les problématiques concernant les relations entre le monde méditerranéen et les Arvernes. Sa position géographique lui confère un rôle particulier puisqu’il est implanté à l’interface d’influences du monde méditerranéen et de Gaule indépendante. Ceci est renforcé par le fait qu’il se situe, à partir de la fin du IIeme s. av. J.-C, à la frontière de la province romaine de Transalpine. Implanté à proximité d’un axe de circulation entre les peuples Helvien et Arverne, il a sans doute été un lieu de rupture de charge au sein des réseaux commerciaux de cette période.

La poursuite des investigations de terrain apportera sans doute des éléments de réponse à ces différents questionnements.

La rectification de la coupe de cet ancien sondage a permis l’identification du parement de la porte d’accès au site. Il est composé d’un appareillage de prismes basaltiques
Salettes (43) – Le Camp d’Antoune. Parement de prismes basaltiques de la porte du Camp d’Antoune (M.-C. Kurzaj / ARAFA).

Les Gaulois

Les Gaulois : auteur de la notice : Y. Deberge, 2008

I – Les Gaulois. La société

Elle est essentiellement agricole. Le lin comme le chanvre sont cultivés et servent à la fabrication des tissus. Les myrtilles, le pastel ou l’airelle sont employés pour la teinture, car les Gaulois aiment les couleurs vives. Pour l’alimentation, les cultivateurs produisent du blé amidonnier (riche en amidons), de l’orge, des lentilles et des pois. Ces céréales sont consommées en bouillies et galettes, parfois agrémentées de raisins secs, de dattes ou de noix.


A sa tête, se trouve une aristocratie terrienne. Celle-ci est en relation constante avec l’ensemble du monde celtique qui possède une certaine homogénéité même s’il est composé d’une multitude de tribus indépendantes les unes des autres. Mais au début du Ier siècle avant J.-C., l’intensification des relations commerciales avec le Monde Méditerranéen va favoriser l’émergence d’une nouvelle catégorie sociale. Il va s’ensuivre une relative décadence de cette aristocratie terrienne, au moins sur le plan politique.


Les druides sont des personnages importants de la société celte et paraissent avoir été au cœur de la religion. Chefs religieux, recrutés dans la noblesse, ils règlent les pratiques cultuelles et président aux sacrifices… En outre, ils occupent des fonctions juridiques et sont chargés de l’éducation des jeunes nobles et de la transmission des épopées. Les druides forment un « clan » avec, au sommet, un chef élu.


II – Les Gaulois. La maison

Dans toute l’Europe Continentale, la maison gauloise est de plan rectangulaire ou carré, en torchis, bois et chaume. Autour de l’habitation, des bâtiments spécialisés accueillent les activités agricoles et artisanales qui s’organisent généralement autour d’un puits, d’un grenier et d’un silo.

Les Gaulois. Gandaillat (Document : L. Andrieu)
Gandaillat (Document : L. Andrieu)

A la fin de la période, une structure défensive, constituée d’une levée de terre, est mise en place. On appelle ces sites des oppida : ils peuvent être « de hauteur », protégés par des remparts ; ou « de plaine » comme à Gondole, Etrun ou à Avesnelles (Nord). Les techniques de construction sont identiques à celles des périodes précédentes : des poteaux de bois sont érigés verticalement et calés dans des trous creusés dans le sol. Ils sont reliés entre eux par des poutres et des chevrons.


Cependant, la métallurgie du fer amène une innovation : il s’agit des clous qui donnent une plus grande solidité aux bâtiments. Les parois sont constituées d’un clayonnage de baguettes souples que vient recouvrir le torchis. Les toitures, à 2 ou 4 pans, sont couvertes de paille de roseau. C’est leur forte pente et l’épaisseur du chaume qui garantissent une bonne étanchéité. Les Gaulois utilisent l’herminette, le burin, la lime, le ciseau à bois, la gouge et la hache. Cet outillage en fer permet de multiples assemblages : assemblages en feuillure, à mi-bois et en queue d’aronde.

III – Occupation du sol au IIIe et IIe s. avant J.-C. en Basse-Auvergne

Jusqu’à récemment, nous ne disposions en Basse-Auvergne que de peu de données pour caractériser la trame d’occupation laténienne. Les quelques opérations de fouille entreprises dans la périphérie clermontoise conduisaient à proposer un modèle faisant intervenir des communautés humaines de petite taille de type hameau, régulièrement réparties et qui se seraient partagé la mise en valeur agricole de cette zone très fertile qu’est la plaine de Grande Limagne.

Les Gaulois. La ferme du Patûral (Document : L. Andrieu)
La ferme du Patûral (Document : L. Andrieu)

L’existence d’un peuplement rural dense mais éclaté expliquait, selon ce modèle, l’absence d’établissements ruraux plus modestes de type « ferme » (mode de mise en valeur agricole très largement répandu en Gaule (voir le n° XX de la revue l’archéologue) et à l’opposé celle d’une agglomération importante.

La multiplication des opérations de fouilles préventives dans ce secteur et sur ses marges permet de nuancer considérablement les connaissances sur le sujet et entraîne une remise en cause partielle du modèle proposé précédemment. En Auvergne, comme ailleurs en Gaule, l’établissement rural de “base” correspond à un site dont la caractéristique principale est d’être ceint d’un enclos fossoyé de petite dimension (souvent moins de 5 000 m²) au sein duquel sont regroupés les vestiges relevant de la sphère domestique ou agricole (fosses, puits, greniers, bâtiments d’habitation). Les objets découverts sur ces sites sont souvent peu nombreux (de 100 à 300 récipients céramiques, une dizaine d’éléments de parure, quelques fusaïoles et meules à grain) et témoignent de la présence sur les lieux d’une communauté humaine de type familial.


Les activités sont principalement la production agricole (culture maraîchère, céréaliculture et élevage) et la transformation de ses produits (mouture des céréales, filage et plus rarement tissage des fibres textiles…). Les différences de statut entre ces établissements agricoles se signalent par la qualité et surtout la quantité de mobilier de provenance indigène (vaisselle céramique, accessoires de cuisson, armement) et surtout par le nombre d’éléments de prestige tels que les objets de parure, la vaisselle d’importation méditerranéenne et les amphores vinaires italiques.


Certains sites livrent des quantités de mobiliers (plusieurs milliers de récipients céramiques, plusieurs centaines d’objets de parure…) qui sont peu compatibles avec l’identification à une simple ferme (voir l’encart sur le site du « Pâtural »). Même s’ils semblent toujours largement tournés vers l’agriculture, ils témoignent de l’existence en leur sein d’activités artisanales développées (manufacture d’objets en fer ou en verre, tabletterie…) et d’une implication forte dans les échanges à plus ou moins longue distance (monnaies, vaisselle d’importation, matière brute – fer et verre – importée).


Une estimation de population faite pour le « Pâtural » nous conduit à restituer une population d’environ 150 personnes (une quinzaine de familles ?) ce qui fait de ce site, à la fin du IIème siècle av. J.-C., un véritable hameau villageois.


Le complexe « d’Aulnat / La Grande Borne » en périphérie est de Clermont-Ferrand, témoigne d’un mode d’occupation du sol que l’on ne retrouve nulle part ailleurs en Limagne. Sur une bande de terrain large de 500 m sur 2 km de longueur sont concentrés, de façon plus ou moins dense selon les secteurs, des vestiges mobiliers et immobiliers renvoyant aux domaines domestique, artisanal, funéraire et religieux. Il ne semble pas, en l’état actuel des connaissances, exister de spécialisation des espaces et l’on retrouve intimement mêlés des vestiges appartenant aux sphères profanes et religieuses.


Seul le site du “Brézet” situé à l’extrémité est de ce vaste complexe paraît témoigner d’une utilisation plus spécifiquement religieuse. Cette description d’une vaste agglomération où sont regroupés les vestiges d’activités qui généralement s’excluent (notamment les zones funéraires et domestiques) correspond assez bien au terme de Némessos (littéralement le « bois sacré ») utilisé par les Arvernes pour désigner leur capitale (Strabon, Géographie, livre IV).

Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi

Type de projet : fouille programmée (« Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi »)

Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne

Date : 2003-2009

Responsable : David Lallemand

Notices et documents : David Lallemand

I – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Présentation

Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi . L’oppidum est situé à près de 1,5 km au nord-ouest du bourg de Hérisson. (Nord-ouest du département de l’Allier).
À la fin de la période gauloise, la forteresse appartient aux Bituriges Cubi
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Vue générale de l’oppidum (D. Lallemand / ARAFA).

L’oppidum de Cordes-Chateloi est situé à près de 1,5 km au nord-ouest du bourg de Hérisson. (Nord-ouest du département de l’Allier).

À la fin de la période gauloise, la forteresse appartient aux Bituriges Cubi dont la capitale, Avaricum (Bourges), est distante de 67 km. Cette place centrale est implantée sur une importante voie reliant la capitale des Arvernes à celles des Bituriges.

Le site de la ville gauloise fait l’objet d’un important programme de recherche archéologique depuis 2001, projet soutenu par l’État (DRAC/SRA), le Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, le Conseil Départemental de l’Allier, la Communauté de communes du Pays de Tronçais et la Municipalité de Hérisson.

La forteresse gauloise, d’une superficie de 75 ha, occupe un promontoire qui surplombe la pittoresque vallée de l’Aumance, à 25 km au nord-est de Montluçon. Ses puissantes fortifications sont encore visibles sous la forme d’une imposante levée de terre longue de 800 m.

Le programme de recherche en cours constitue la première étude méthodique de cet important site du Ier s. av. J.-C. implanté sur la bordure sud-est du territoire des Bituriges Cubi.

II – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Le plateau de « Babylone »

Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Après un nettoyage soigné de la surface décapée, l’intervention a consisté au dégagement de vestiges archéologiques enfouis sous un amoncellement de grosses pierres. Sous ce puissant éboulis  ont été mis au jour les restes d’un mur construit avec des blocs taillés et un dallage monumental.
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Le mur monumental (D. Lallemand / ARAFA).

La fouille conduite à partir de 2003 est localisée sur le revers d’un petit promontoire naturel qui, depuis sa position, domine tout l’intérieur du site fortifié. Le talus massif gaulois, dans lequel est implantée la fouille, vient s’appuyer sur la partie orientale de ce plateau. Cette fouille a porté en priorité sur les vestiges monumentaux découverts dans le revers du plateau.

Après un nettoyage soigné de la surface décapée, l’intervention a consisté au dégagement de vestiges archéologiques enfouis sous un amoncellement de grosses pierres. Sous ce puissant éboulis (à gauche sur la photo), ont été mis au jour les restes d’un mur construit avec des blocs taillés et un dallage monumental.

L’étape suivante a consisté à dégager l’ensemble des pierres taillées qui semblaient correspondre au parement effondré du mur monumental. Ce travail achevé, nous avons pu confirmer que ceux reposant sur la voirie sous-jacente, étaient tous taillés et appartenaient bien au parement monumental effondré.

Les blocs du mur sont empilés sans ciment comme nous pouvons le voir sur le cliché. La règle du couvre-joint n’est pas non plus appliquée pour ce mur. À l’issue de cette étape de la fouille, sont apparus l’intégralité des vestiges : mur monumental et voie dallée.

III – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Le mur monumental

Très original dans sa conception, cet ouvrage épouse une pente très accentuée : la déclivité s’étalonne à près de 14,8 % ! Ce mur n’est pas seulement formé d’un parement, Il compte également, dans sa structure, un agglomérat de pierres informes situé en arrière des blocs taillés. Nous avons dégagé le sommet de cet empierrement sur environ 8 m pour connaître ses dimensions et pour comprendre sa structure.

Il mesure près de 2 m de large et se prolonge le long des alignements de blocs monumentaux. Son rôle semble donc lié à la stabilité de l’ouvrage final : épauler et amortir les poussées du parement La quantité de pierres utilisée pour cet empierrement est énorme, ce qui souligne encore l’intérêt apporté à cette construction. Nous estimons à plus de 15 m³ le volume de pierres rapportées pour le transect étudié !

Là encore, la fouille a montré l’utilisation de blocs dépassant le quintal !

Depuis les pavés situés dans la partie centrale de la fouille et jusqu’à ceux en limite de la fouille, le dénivelé ouest-est relevé atteint presque 0,50 m sur les 5,60 m de voirie, soit une pente de 8 %.

Il existe également une déclivité nord-sud pour ce dallage, dont le dénivelé oscille entre 0,05 et 0,12 m (soit une pente moyenne d’environ 2 %).

Remarques sur la technique de construction

Concernant le mur, la pente sévère observée et la technique de construction employée expliquent très naturellement son basculement vers le sud-est, en fait, vers l’intérieur de l’ouvrage monumental. Les blocs de la seconde assise ont glissé et ont basculé vers l’intérieur du site sous le poids des matériaux accumulés en arrière des vestiges, le tout dans le respect des lois de l’apesanteur.

À vrai dire, il semble que l’on doive la sauvegarde en élévation de ce mur au poids des blocs monumentaux, à l’orientation transversale des vestiges par rapport au talus massif, enfin à la faible accumulation des matériaux recouvrant ces vestiges. Signalons d’ailleurs que seules deux assises sont conservées en élévation. Il faut avouer que les plans de cet ouvrage sont en complète contradiction avec les règles de principe de la construction gallo-romaine : construction dans la pente, asymétrie des assises, absence de couvre-joints, telles sont quelques-unes des anomalies relevées’ Cependant, il faut admettre que cette construction a été planifiée, calculée et réfléchie. Nul doute que des plans ont été suivis pour son édification. L’existence du glacis taillé dans le substrat suggère aussi que la construction de l’ouvrage monumental a nécessité des aménagements préliminaires : terrassement, nivellement. En outre, La voirie dallée a été installée dans une tranchée de fondation, laquelle est nettement visible à la hauteur du glacis taillé dans le substratum.

IV – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. La voie dallée

La bordure sud du dallage a été découverte dès la phase de décapage, provoquant de grandes émotions. Ne subsiste que la partie nord de cette voirie (notamment les pierres bordières jouxtant un glacis taillé dans le substrat).

La partie méridionale de la voie a disparu, arrachée sans doute pour la réutilisation des dalles à d’autres fins.

Nous estimons que cette voie devait dépasser 5 m de largeur d’après nos premiers travaux !

Les dalles du summum dorsum reposent apparemment sur un cailloutis, qui pourrait être le rudus ou ruderatio des voies romaines. Cette construction sophistiquée et réfléchie complète l’ouvrage monumental. Toutes ces remarques démontrent donc que les techniques de construction employées, si elles ne sont pas parfaites, s’inspirent indubitablement de modèles exotiques, vraisemblablement méridionaux.

La bordure sud du dallage a été découverte dès la phase de décapage. Ne subsiste que la partie nord de cette voirie (notamment les pierres bordières jouxtant un glacis taillé dans le substrat).
La partie méridionale de la voie a disparu, arrachée sans doute pour la réutilisation des dalles à d’autres fins.
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Mur et voie dallée (D. Lallemand / ARAFA).

V – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Un murus gallicus sous les vestiges monumentaux

Nous avons observé que le mur monumental avait tronqué les vestiges d’un état antérieur. Une partie même de l’éboulis intra-muros masquait une partie de ces vestiges. Une limite transversale stricte est alors apparue, formant l’assise d’un petit parement de blocs calibrés. Le nettoyage attentif nous a cependant apporté des données pour interpréter ces vestiges.

Nous pouvons envisager que ces vestiges ont été délaissés, abandonnés, puis très vite recouverts et oubliés, au point qu’ils nous sont parvenus dans un état de conservation exceptionnel. L’éboulement de la porte et l’édification du talus massif en sont peut-être éventuellement des causes. Ajoutons qu’il est probable que la porte n’ait pas fonctionné après sa phase monumentale.

Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Angle du bastion construit avec la technique gauloise du murus gallicus (à l’image de la description donnée par J. César en 52av. J.-C.) Il n’existe pas en Europe de mur gaulois conservé de cette manière (ici, 2 m de hauteur)
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Angle du bastion construit avec la technique gauloise du murus gallicus (à l’image de la description donnée par J. César en 52av. J.-C.) Il n’existe pas en Europe de mur gaulois conservé de cette manière (ici, 2 m de hauteur) ; L’éventualité d’un classement au titre des Monuments Historiques est envisagée, d’autant que ce monument semble bien être contemporain de la Guerre des Gaules (58 / 52 av. J.-C.) (D. Lallemand / ARAFA).

D’emblée, il faut écarter l’idée d’une construction de type murus gallicus pour cet ouvrage. Nous n’avons observé ni poutrage interne ni alvéoles ménagées dans le parement, aucune fiche en fer et de fait, rien n’indiquant que ce mur soit un murus gallicus.

La technique de construction employée reste très originale, et l’on ne peut s’empêcher de la comparer avec celle décrite par César. Si les bois longitudinaux et transversaux sont inexistants en apparence – tout comme les fiches en fer d’ailleurs –, il convient de signaler que le parement de pierres sèches et l’agrégat sont quant à eux bel et bien présents.
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Détail de la construction, les trous correspondent aux emplacements des poutres de bois aujourd’hui disparues (D. Lallemand / ARAFA).

La technique de construction employée reste très originale, et l’on ne peut s’empêcher de la comparer avec celle décrite par César. Si les bois longitudinaux et transversaux sont inexistants en apparence – tout comme les fiches en fer d’ailleurs –, il convient de signaler que le parement de pierres sèches et l’agrégat sont quant à eux bel et bien présents. Cette dualité (agrégat-parement) est effectivement l’une des composantes du murus gallicus.

Les vestiges d’Hérisson restent toutefois hors normes : la largeur de l’agrégat atteint 2 m, alors qu’elle mesure moins d’un mètre dans le classique murus gallicus ; quant-au parement constitué de blocs taillés monumentaux, les références en Europe tempérée celtique sont quasiment inexistantes. En effet, les parements des murus gallicus sont le plus souvent construits avec de petits moellons informes (Bibracte, etc.).

La découverte de fragments de fiches en fer, la mise en évidence de vides entre certains blocs, des traces de poutrages et de traces ligneuses nous ont conduit à soupçonner l’existence d’un mur gaulois de type « murus gallicus ». Ce type d’ouvrage est décrit par César lors du siège de l’oppidum d’Avaricum par les légions romaines en 52 av. J.-C.

Après un nettoyage soigné de la surface décapée, l’intervention a consisté au dégagement de vestiges archéologiques enfouis sous un amoncellement de grosses pierres. Sous ce puissant éboulis (à gauche), ont été mis au jour les restes d’un mur construit avec des blocs taillés et un dallage monumental.

VI – Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Synthèse par campagne

Campagne 2005

Campagne 2006

Campagne 2007

Campagne 2008

Campagne 2009

La campagne 2009 « Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi.  » a permis de préciser la topographie du site et des fortifications grâce à la mise en œuvre d’une technique de prospection innovante par balayage laser aéroporté (technique Lidar), tandis que la prospection géophysique extensive a permis de mettre en évidence les traces de constructions très denses sur plus de 3 ha (réseau de voies dallées, îlots d’habitations, sanctuaire). Le volet le plus important de la recherche a néanmoins consisté à entreprendre la fouille intégrale de la principale porte de cette vaste fortification.

Soixante étudiants de différentes universités ont été accueillis sur les fouilles cet été. Après trois campagnes de travail méticuleux qui ont mobilisé chaque année plusieurs dizaines d’étudiants, et le déplacement de centaines de m³ de matériaux, la porte d’entrée de la ville révèle enfin sa physionomie, mais aussi toute son histoire.

Ces résultats parachèvent un programme d’étude débuté en 2001, avec des sondages (2002) et des fouilles de grande ampleur poursuivies ces dernières années (2003, 2005, 2007-2009), ceci grâce au soutien financier de l’État, du Conseil régional d’Auvergne, du Conseil général de l’Allier et de la commune d’Hérisson. Les découvertes sont à la hauteur des dimensions de la forteresse et de sa réputation grandissante chez les spécialistes. Cette porte donnant accès à la ville – passage obligé des chariots, marchands, cavaliers et autres troupes militaires – dispose d’une architecture très originale, à mille lieues de celle que les Romains ont apportée d’Italie il y a 2 000 ans et dont nous suivons encore les règles.

Les remparts gaulois mis au jour à Hérisson associent en effet plusieurs matériaux différents. L’ossature de ces remparts consiste en un assemblage de grandes pièces de bois horizontales entrecroisées (aujourd’hui disparues) assemblées par de grands clous en fer.

La façade des murs est habillée de grands blocs de grès soigneusement taillés, au sein desquels des vides signalent l’extrémité des « tirants » de bois. Cette architecture typique des oppida gaulois avait surpris César lui-même, qui s’était attardé à la décrire sous le nom de murus gallicus, en ajoutant même une appréciation d’ordre esthétique : ce genre de rempart, « n’est pas désagréable à l’œil ».
Les découvertes de Hérisson nous révèlent cette architecture qui avait impressionné le général romain. À l’échelle européenne, les vestiges de cette qualité sur des oppida, avec l’emploi de pierres soigneusement taillées, se comptent sur les doigts d’une main ; mais tous sont d’une conservation bien en deçà de Hérisson.

En 2009 a plus précisément été mis au jour un bastion de 4,5 m de largeur de façade pour 8 m de longueur, entièrement construit avec cette technique purement gauloise. Cet ouvrage limite au sud le large couloir d’accès à la porte. Préservé jusqu’à 2 m de hauteur ce qui constitue un fait unique en Europe, son intérêt réside dans son degré de préservation et la qualité de son bâti. Il associe plusieurs techniques de construction et des dispositifs qui n’ont encore jamais été observés sur d’autres fortifications celtiques. L’utilisation de blocs taillés dans le grès rouge local rehausse le caractère ostentatoire du monument.

Il y a de fortes chances que l’incendie qui a ravagé cette porte monumentale soit lié à l’un des épisodes célèbres contés dans les Commentaires sur la Guerre des Gaules de Jules César.
Hérisson (03) – Oppidum de Cordes-Chateloi. Traces d’incendie (D. Lallemand / ARAFA).

Le couloir d’entrée, large de 7 m, a encore conservé la surface de roulement d’origine, marquée des profondes ornières laissées par le passage répété des chariots. En outre, l’entrée porte les stigmates d’un incendie, sous forme de vestiges de bois carbonisés et de traces de feu sur le sol et les pierres. Les dizaines de clous et diverses traces retrouvées au cours des fouilles appartiennent sans doute aux ventaux de la porte massive qui fermait le couloir. Les empreintes de grands poteaux de bois conservées dans le sol suggèrent également l’existence d’une construction surélevée – un grand porche – qui permettait le contrôle de la circulation.

Il y a de fortes chances que l’incendie qui a ravagé cette porte monumentale soit lié à l’un des épisodes célèbres contés dans les Commentaires sur la Guerre des Gaules de Jules César. Le général romain écrit que vingt villes du peuple gaulois des Bituriges sont incendiées au printemps 52 sur les ordres de Vercingétorix, afin de priver les légions de ravitaillement, alors qu’elles se dirigent vers Avaricum (Bourges). Parmi les vingt villes bituriges à témoigner de ce sacrifice, l’oppidum de Hérisson serait le premier à être reconnu par l’archéologie.

Rares sont les sites qui ont livré des vestiges en rapport direct avec les événements militaires de la guerre des Gaules. On peut seulement citer Gergovia à La Roche Blanche près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Alésia à Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or) et Uxellodunum au Puy-d’Issolud (Lot). Hérisson pourrait bien rejoindre cette liste remarquable de sites historiques reconnus d’intérêt national (deux sont classés Monuments Historiques).

Les Paysages

Les Paysages au second âge du Fer : article publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008″ qui nous a aimablement autorisé à le reproduire

Auteurs : Christelle Ballut et Manon Cabanis

  • I – L’attractivité de la Limagne
  • II – Le paysage agricole au second âge du Fer
  • III – Une région sensible aux modifications environnementales

La Limagne clermontoise est le cœur du territoire arverne. La fertilité des sols, la clémence du climat, la voie de circulation naturelle qu’est la vallée de l’Allier et le contact avec les hauts plateaux du Massif central expliquent en grande partie son attractivité. Déjà à l’âge du Fer, sa prospérité repose en partie sur sa richesse agricole.

Les Paysages. Au premier plan la plaine humide, puis Clermont et en arrière plan le plateau des Dômes
Au premier plan la plaine humide, puis Clermont et en arrière plan le plateau des Dômes

Cependant, dès le milieu du second âge du Fer (IIIe-IIe siècles av. J.-C.), l’intensité de l’exploitation des sols a des conséquences sur l’environnement dans cette région sensible aux actions humaines sur les paysages et aux oscillations climatiques.

I – Les Paysages. L’attractivité de la Limagne

C’est dans ce bassin marno-calcaire bordé de hauts plateaux cristallins et volcaniques que les Arvernes ont établi leurs capitales. Il constitue un secteur très attractif à plusieurs égards. La Limagne est couverte de sols bruns à noirs, argilo-limoneux à limono-argileux, riches en éléments minéraux, de meilleure qualité que ceux développés sur les plateaux bordiers. Abrité des influences océaniques par l’orientation méridienne des reliefs occidentaux, ce secteur possède aussi un climat à tendance semi-continentale relativement clément, moins humide et plus doux que celui des massifs environnants. Enfin, la Limagne est parcourue par la vallée de l’Allier qui pénètre le Massif central selon une direction globalement méridienne et qui constitue un axe de communication majeur en assurant un passage entre la France méridionale et la France centrale. Les vallées des affluents de la rivière assurent également à l’échelle régionale le lien entre les hauts plateaux et le bassin intra montagnard.

Les Paysages.

En son sein, la Limagne clermontoise associe deux types de terroirs : la Limagne des Buttes et celle des marais.

  • Le “Pays des Buttes” est formé de reliefs isolés de taille variable, dont les altitudes dépassent fréquemment 500 mètres. Les plus hauts de ces reliefs correspondent à des buttes volcaniques à l’allure tabulaire et aux pentes raides (pouvant atteindre plus de 20 %). Ils ont souvent été choisis pour l’établissement des oppida arvernes (Corent, Gergovie).

  • A l’inverse, la Limagne des marais se caractérise par l’absence de reliefs marqués et par des pentes très faibles, souvent inférieures à 0,1 %. La fertilité des sols, appelés« terres noires », est ici encore plus grande. A noter que les terres de Limagne sont déjà louées pour leur richesse dans les écrits de la fin de l’Antiquité (Sidoine Apollinaire, Grégoire de Tours).

II – Les Paysages. Le paysage agricole au second âge du Fer

D’après les études polliniques (Gachon 1963 ; Prat 2006), les bois en Limagne sont déjà très minoritaires au second âge du Fer. Les surfaces en herbe sont plus étendues dans les fonds de vallée et dans les marais. Les surfaces cultivées s’étendent sur les pentes des collines et buttes de la région et progressent dans la plaine humide grâce à la mise en place de systèmes de drainage.

Les Paysages. Millet des oiseaux (Setaria italica)
Millet des oiseaux (Setaria italica)

Les études de restes de graines et de fruits (études carpologiques), qui se systématisent dans le cadre de l’archéologie préventive INRAP depuis quelques années, autorisent aujourd’hui une ébauche de ces agro-systèmes. Les 12 études carpologiques réalisées à ce jour (Cabanis, thèse en cours de rédaction) sur les opérations INRAP nous dévoilent des champs d’orge vêtue (Hordeum vulgare), de blés vêtus type amidonnier (Triticum dicoccum) et d’engrain (Triticum monococcum). Ces espèces dominent le paysage gaulois de plaine comme dans le reste de la Gaule (Matterne et al. comm. orale AFEAF 2007). Les cultures de froment ou blé nu (Triticum aestivum durum), d’épeautre (Triticum spelta) et d’avoine (Avena sp.) sont également visibles. Mais la Limagne présente aussi des particularités, comme l’abondance et la diversité des millets cultivés dans le secteur de l’ancien lac de Sarliève. Les légumineuses, cultivées le plus souvent en alternance avec les céréales, sont majoritairement la lentille (Lens culinaris) et la vesce (Vicia sativa). Le pois (Pisum sativum), la fève (Vicia faba) et l’ers (Vicia ervilia) ne sont présents qu’en faible quantité. Sur le site de Cournon-Les plaines, nous remarquons l’abondance significative de restes de gaude (Reseda luteola), plante de la famille des Résédacées (Resedaceae), riche en lutéoline, dont on obtient une teinture jaune. Parmi les plantes potentiellement cultivées, cueillies ou récoltées dans un but artisanal ou médicinal, citons l’existence de graines de verveine officinale (Verbena officinalis), de noisettes (Corylus avellana), de pépins de pomme/poire(Malus/Pyrus), de sureau hièble (Sambucus ebulus) et de noyaux de prunellier (Prunus sp.).

Les Paysages. Blé nu ou froment (Triticum aestivum spp.)
Blé nu ou froment (Triticum aestivum spp.)
Orge vêtue (Hordeum vulgare)
Orge vêtue (Hordeum vulgare)
Observation des sédiments sous microscope (sables, bois et fibres végétales)
Observation des sédiments sous microscope (sables, bois et fibres végétales)

Cet ensemble de sites gaulois comporte à des pourcentages divers des plantes rudérales, de friches et décombres et nitrophiles, favorables à l’enrichissement azoté du sol, probablement par des fumures. Les sites de Gandaillat II et de Sarliève-La Grande Halle sont les plus riches en nombre d’espèces et en abondance.

III – Une région sensible aux modifications environnementales

Reconstitution 3D du paysage du bassin versant de Montchâtre sur le plateau des Dômes à la fin de l’âge du Fer
Reconstitution 3D du paysage du bassin versant de Montchâtre sur le plateau des Dômes à la fin de l’âge du Fer

Reconstitution 3D du paysage du bassin versant de Montchâtre sur le plateau des Dômes à la fin de l’âge du Fer

Depuis le Néolithique, la mise en valeur agricole de la plaine a déjà causé localement, à proximité des sites archéologiques, des accélérations de l’érosion des sols. Les volumes mobilisés et les processus sont cependant discrets et n’influent que très peu sur l’évolution environnementale. L’occupation des zones humides est restée marginale, peut-être momentanée ou saisonnière. Seules les bordures de marais ont été prisées et intégrées aux territoires, car les milieux humides attirent pour leurs ressources (coupe de végétaux, chasse, pêche).

Depuis le milieu du second âge du Fer (IIIe-IIe s. av. J.-C.), la pression anthropique sur les sols s’accroît en lien avec des densités de population plus importantes, l’extension des défrichements et peut-être une progression de la céréaliculture aux dépens des herbages. L’érosion des sols concerne alors presque tous les versants et se réalise sous l’effet de processus plus agressifs (ruissellement concentré). Depuis la même époque, sous la pression d’un peuplement croissant, les Gaulois intègrent aussi les marais aux territoires agricoles grâce à la mise en place de systèmes de drainage. Ainsi, les Arvernes se libèrent des contraintes associées à ce milieu pour y installer l’habitat et y étendre le système agropastoral. Cette occupation des marais dure au moins jusqu’à la fin de l’époque romaine, à la faveur également d’une oscillation sèche du climat et du colmatage par colluvionnement des bordures des bassins humides.

Mais, à la fin de l’Antiquité, les systèmes hydrologiques commencent à souffrir de l’accélération de l’érosion remarquée depuis la fin de l’âge du Fer. Lors de périodes de précipitations prolongées ou lors d’orages importants, les quantités de matière qui arrivent dans le lit des cours d’eau modifient leur comportement : les crues deviennent de plus en plus fréquentes et dévastatrices, en noyant les vallées de Limagne et en particulier les terres de marais. Les nombreuses tentatives de drainage historiques n’arriveront pas à évincer durablement l’excès d’eau jusqu’aux années 1960.

Les recherches paléoenvironnementales visant à restituer les paysages gaulois associent des géomorphologues et des paléobotanistes qui décryptent les archives sédimentaires. Les études botaniques ont montré la richesse agricole et la diversité des productions limagnaises. Les études géomorphologiques ont montré que la mise en valeur qui s’intensifie après les IIIe-IIe s. av. J.-C. se corrèle avec une érosion accrue des sols de la Limagne des Buttes, la mise en place des premiers systèmes de drainage en plaine humide et l’impulsion de changements environnementaux qui ont caractérisé toute la période historique.

Le territoire arverne : laboratoire de recherche pour la restitution des paysages anciens
Depuis quelques années, les chercheurs du laboratoire GEOLAB (UMR 6042 du CNRS) travaillent sur la reconstruction des paysages passés. Des méthodes exploratoires sont testées pour spatialiser les données paléoenvironnementales tirées des archives sédimentaires. La matérialisation des résultats par le biais d’images virtuelles en 3D constitue l’aboutissement de ces démarches.

Le site d’Aulnat

Le site d’Aulnat : article publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008″ qui nous a aimablement autorisé à le reproduire

Auteurs : Yann Deberge, Christine Vermeulen, John Collis

  • I – Introduction
  • II – Histoire des Recherches
  • III – Une agglomération idéalement située
  • IV – Une forme originale d’organisation
  • V – Artistes et artisans
  • VI – Des contacts étroits avec le monde méditerranéen
  • VII – Pratiques funéraires et religieuses

I – Introduction

Aulnat : Photographie panoramique avec points de découvertes (Y. Deberge, ARAFA)
Photographie panoramique avec points de découvertes (Y. Deberge, ARAFA)
Aulnat : Le site d’Aulnat en bordure de la Grande Limagne d’Auvergne (carto Y. Deberge, ARAFA)
Le site d’Aulnat en bordure de la Grande Limagne d’Auvergne (carto Y. Deberge, ARAFA)

Aulnat, La Grande Borne, Gandaillat, Le Brezet, Pontcharaud, Base Aérienne, L’Agriculture, Pierre Boulanger… autant de dénominations pour un seul et même site. Cet inventaire à la Prévert, établi à partir des toponymes et noms de rue associés à chacune des découvertes faites en périphérie est de l’agglomération clermontoise témoigne, à lui seul, de l’étendue de cette implantation humaine du second âge du Fer. Ce vaste site, qui se développe sur 150 hectares à quelques kilomètres de l’actuelle ville de Clermont-Ferrand, est surtout connu sous les noms d’Aulnat ou de La Grande Borne. Il correspond à la plus ancienne grande agglomération connue sur le territoire arverne.

II – Aulnat : histoire des Recherches

Le site d’Aulnat a été pour la première fois repéré lors des travaux d’aménagement de la base aérienne entre 1939 et 1941. Réalisées dans des conditions extrêmement difficiles, souvent après l’intervention des engins de terrassement, les observations conduites par J.-J. Hatt et G. Fournier révèlent la présence d’une occupation datée de La Tène moyenne et finale sur une étendue d’approximativement 35 ha. Les conditions d’intervention (observations aléatoires soumises à la localisation des terrassements, peu de mobilier étudié, documentation de qualité médiocre, etc.) limitent largement la compréhension des vestiges découverts alors.

Aulnat : Cartographie des différentes zones d’investigation (Y. Deberge, ARAFA)
Cartographie des différentes zones d’investigation (Y. Deberge, ARAFA)

On doit à R. Périchon et J. Collis la première exploration méthodique d’un secteur de ce vaste ensemble. Au lieu-dit de La Grande Borne, les deux chercheurs vont mener, pendant seize années consécutives, une fouille stratigraphique, probablement la première réalisée en Auvergne. La surface explorée est faible, un peu moins de 900 m². Les informations collectées sont toutefois de grande qualité et le mobilier est présent en masse. Plus de 100 000 fragments d’objets (faune, céramique, amphore…)seront extraits des 93 structures fouillées. 34 monnaies et environ 400 petits éléments mobiliers (armement, parure et divers outillages) complètent ce corpus, dont la richesse surprend encore. Les données collectées, pour certaines encore inédites, permettent de préciser la chronologie de l’occupation du site et d’apporter des réponses sur sa fonction.

Les vestiges immobiliers (fosses, puits, fossés, chemin, sépultures) et mobiliers renvoient à des domaines très divers. Ce secteur apparaît comme étant une zone d’occupation domestique (rejets détritiques et structures domestiques), où la pratique artisanale est développée (métallurgie du fer, des métaux précieux et alliages cuivreux, tabletterie…), mais qui livre également des vestiges funéraires nombreux (14 sépultures). Quant à la datation du site, elle couvre les IIIe et IIe s. av. J.-C. dans leur intégralité, proposition qui reste toujours valide aujourd’hui. Bien que très riche d’informations, cette fouille de dimension réduite n’apporte que peu d’indications sur la forme et l’organisation de cet habitat.

Aulnat : Mobilier découvert lors des travaux conduits sur la base aérienne (tiré de Hatt 1942)
Mobilier découvert lors des travaux conduits sur la base aérienne (tiré de Hatt 1942)

Ce n’est qu’avec le développement de l’archéologie préventive que l’étendue du site a pu être réellement perçue. Depuis la fin des années 1980, la multiplication des observations faites dans ce secteur particulièrement dynamique de la périphérie clermontoise révèle un patrimoine archéologique exceptionnel. Aujourd’hui, plus de trente points de découvertes ont recensés sur cet espace de 750 m sur 2 000 m. Plusieurs fouilles en aire ouverte, dont deux interventions d’environ un hectare (fouilles du Brezet et de Gandaillat, dirigées respectivement par G. Vernet et C. Vermeulen), permettent de percevoir l’organisation des vestiges.

Aulnat : Premières années de fouille sur le site de La Grande Borne (fouille Périchon 1968 ; cliché G. Fournier)
Premières années de fouille sur le site de La Grande Borne (fouille Périchon 1968 ; cliché G. Fournier)
Aulnat : Photographie de la fouille de La Grande Borne en 1974
Photographie de la fouille de La Grande Borne en 1974

III – Aulnat: une agglomération idéalement située

Aulnat : Le menhir de La Grande Borne à proximité de la fouille de La Grande Borne (J. Dunkley)
Le menhir de La Grande Borne à proximité de la fouille de La Grande Borne (J. Dunkley)

Le site d’Aulnat se développe sur environ 150 ha, à la jonction de deux zones topographiquement déprimées : Le Grand Marais, au nord, et le bassin de Sarliève, au sud. Ces deux espaces correspondent, à La Tène moyenne et finale, à deux zones agricoles particulièrement actives. L’Allier, probablement largement utilisé dans le cadre des échanges commerciaux, n’est situé qu’à quelques kilomètres à l’ouest. Le site apparaît dès lors comme le principal lieu de concentration de la production agricole issue de ces deux secteurs et en retour un centre de redistribution de produits manufacturés locaux ou importés. La zone investie est traversée par plusieurs ruisseaux, la Tiretaine et l’Artière, qui serpentent ensuite dans la plaine en direction de l’Allier. Les coteaux qui bordent le site au sud ont été évités et aucune trace de fortification n’a, à ce jour, été repérée. C’est donc sur un espace de plaine non fortifié, à peine dégagé de l’humidité ambiante par une position topographique très légèrement dominante, que se développe cette agglomération. Des vestiges plus anciens sont connus sur le secteur. Ils paraissent, tels le menhir de La Grande Borne ou la nécropole néolithique de Pontcharaud, avoir influé sur l’implantation de l’occupation laténienne. Qu’ils aient été encore visibles dans le paysage ou présents dans la mémoire collective, ces espaces ont été respectés et sont dépourvus de vestiges laténiens. La fouille conduite dans le secteur du Brezet (dir. G. Vernet, INRAP) en fournit un exemple marquant. Les structures laténiennes, pourtant nombreuses, disparaissent à l’emplacement d’un espace à vocation funéraire chalcolithique. Le même phénomène a été perçu sur le secteur de Pontcharaud où vestiges néolithiques et laténiens s’excluent. Enfin, le menhir de La Grande Borne, bien que situé à moins de 50 m d’une zone à occupation dense, n’a pas été affecté à la période laténienne.

IV – Aulnat : une forme originale d’organisation

Ce site ne constitue donc pas un ensemble homogène en termes de densité d’occupation. Des zones sont libres de tout vestige alors que d’autres paraissent très densément occupées. La documentation actuelle ne permet pas de localiser précisément ces zones à plus ou moins forte densité de vestiges. Le passage d’un secteur « vierge » à un espace fortement mobilisé peut se faire en quelques mètres. Certains secteurs, comme la zone du Brezet, La Grande Borne, Gandaillat et le site de La Rue Reclus livrent les densités les plus élevées (mais ce sont aussi les seules zones où des fouilles importantes ont été menées).

L’image qui peut être restituée est donc celle d’une occupation relativement lâche, avec des secteurs quasiment vides et au contraire d’autres densément investis, répartie de façon continue sur un vaste espace. Sur chacun des secteurs fouillés on retrouve les mêmes associations de vestiges immobiliers (des fosses, des puits, des caves, des bâtiments, des sépultures) et mobiliers (céramique, faune, importation, outillage divers et parure). Elles témoignent d’un mode d’occupation unique d’un point à l’autre du site qui s’apparente à celui connu sur les habitats groupés. La comparaison avec les fermes connues dans la plaine voisine (voir l’exemple du Pâtural) témoigne de différences notables. Ici, peu ou pas de fossés, pas d’enclos, mais des structures de délimitation d’un tout autre genre : des voies (dont certaines sont empierrées), des palissades de poteaux plantés et des limites révélées « en négatif » par des alignements de structures domestiques ou funéraires (fosses, caves, sépultures, puits…). Les vestiges sont de six à dix fois plus nombreux, à surface égale, que sur les établissements ruraux, témoignant ainsi d’une mobilisation plus forte de l’espace. L’occupation d’Aulnat se rapproche de celle mise en évidence pour d’autres agglomérations ouvertes de Gaule centrale telles que Feurs, Roanne ou Levroux. La densité moyenne en vestiges y est cependant deux fois plus élevée que sur le site arverne, mais pour une superficie de 5 à 6 fois moindre. Sur le secteur de Gandaillat, le seul à avoir été dégagé sur une superficie importante, on perçoit les signes d’une structuration forte de l’espace.

Aulnat : Voie empierrée avec traces d’ornières, secteur de Gandaillat (C. Vermeulen, INRAP)
Voie empierrée avec traces d’ornières, secteur de Gandaillat (C. Vermeulen, INRAP)

L’espace est divisé en îlots de forme géométrique bordés, à l’ouest et au sud, par des zones à destination plus spécifiquement funéraire (où inhumations et incinérations se côtoient) et des espaces publics (voie et places empierrées). Les structures présentes renvoient principalement aux domaines domestique et artisanal : bâtiments d’habitation et constructions annexes, caves et celliers, puits, forge ou four… Comme sur le secteur de La Grande Borne, des sépultures sont présentes au sein de ces espaces habités. Plusieurs d’entre elles sont localisées à la limite entre deux îlots, peut-être le long d’un axe de circulation secondaire non perceptible à la fouille. D’autres sont groupées par deux ou trois en un point précis, témoignant de l’existence d’une signalisation au sol des sépultures et surtout d’une volonté de regroupement des défunts.

Les constructions, faites d’une ossature en bois, sont modestes et adoptent un plan classique à une nef que l’on retrouve dans toute la Gaule. L’une d’elles est toutefois caractérisée par la présence d’un solin en pierres, mode de construction qui évoque plutôt des pratiques méridionales. Ce matériau est également abondamment utilisé pour bâtir le cuvelage (rond ou carré)de la partie sommitale des puits, très nombreux sur le site.

Aulnat : Plans comparés des secteurs de La Grande Borne, Gandaillat et Rue Reclus (C. Vermeulen, Y. Deberge ; INRAP/ARAFA)

Plans comparés des secteurs de La Grande Borne, Gandaillat et Rue Reclus (C. Vermeulen, Y. Deberge ; INRAP/ARAFA)
Aulnat : Fonctionnalisation des espaces sur le secteur de Gandaillat (C. Vermeulen, Y. Deberge ; INRAP/ARAFA)
Fonctionnalisation des espaces sur le secteur de Gandaillat (C. Vermeulen, Y. Deberge ; INRAP/ARAFA)

V – Aulnat : artistes et artisans

L’une des principales fonctions des grandes agglomérations de la fin de l’âge du Fer est la production artisanale. Il est, par conséquent, normal d’y trouver des vestiges artisanaux nombreux et diversifiés.

Le site d’Aulnat ne fait pas exception. Les activités métallurgiques (fer et métaux non ferreux), le travail sur os (confection d’anneaux et de dés) et des matières organiques fossilisées (lignite/sapropélite)sont attestés par un nombre élevé d’éléments mobiliers (des déchets, des ratés de fabrication, des outils) et quelques vestiges immobiliers (deux forges). Ces derniers permettent de localiser de façon certaine deux ateliers de forge, l’un sur le secteur de Gandaillat et l’autre, 200 m au sud-ouest, à La Grande Borne. Ce dernier secteur a également accueilli un atelier de bronzier et de tabletterie. Il ne semble pas qu’il existe, comme c’est le cas par exemple à Bibracte, des quartiers spécifiquement destinés aux activités artisanales. Certaines productions, telles les céramiques peintes décorées, témoignent d’un grand savoir faire. Le site d’Aulnat est connu pour avoir livré un corpus de vases à décoration peinte unique en Gaule. Un nouvel ensemble de vases peints a été découvert lors de la fouille du site de Gandaillat. Le thème privilégié reste la figuration stylisée d’animaux, cerfs ou chevaux. L’analyse stylistique de ce nouveau mobilier permet d’identifier des productions retrouvées en différents points du site comme appartenant à un même atelier. Certaines d’entre elle sont indubitablement été réalisées par un seul et même artisan.

Un secteur d’habitat du site de Gandaillat : bâtiment à solin de pierres, four à double alandier et structures domestiques
(C. Vermeulen, INRAP)
Un secteur d’habitat du site de Gandaillat : bâtiment à solin de pierres, four à double alandier et structures domestiques
(C. Vermeulen, INRAP)
Puits à cuvelage en pierre, secteur de Gandaillat (C. Vermeulen, INRAP)
Puits à cuvelage en pierre, secteur de Gandaillat (C. Vermeulen, INRAP)

VI – Des contacts étroits avec le monde méditerranéen

Céramiques importées habituellement rares en Gaule interne (attestés à Gandaillat)
Céramiques importées habituellement rares en Gaule interne (attestés à Gandaillat)

Comme les autres peuples de Gaule centrale, les Arvernes commercent très tôt avec le monde méditerranéen. Sur le secteur de La Grande Borne, les témoignages de ce négoce à longue distance sont précoces (dès le début du IIIe s. av. J.-C.). Il s’agit de céramiques à vernis noir italique (cratère) et de récipients à pâte claire en provenance de Marseille (coupe ansée). Ils montrent une ouverture précoce sur le monde méditerranéen que peut expliquer la géographie du territoire arverne, largement tourné vers le sud. Au IIe s., le répertoire des céramiques importées se diversifie. A côté des campaniennes A importées d’Italie et des pâtes claires du Midi (essentiellement des cruches), on trouve quelques récipients en provenance de la côte catalane (pichets). Ces importations comptent fréquemment pour 1 à 2 % du vaisselier domestique sur le site d’Aulnat. Outre les classiques assiettes (formes Lamb.27 et 36), les coupes ansées (Lamb.42 et 68) et les bols.(Lamb. 27, 28, 31 et 33) en campanienne, on trouve sur le site des éléments nettement moins fréquents en Gaule interne : des lampes à huile, des plats à poisson Lamb. 23 ou encore un cratère originaire de Calès (forme Morel 4753). Ce faciès des importations montre une ouverture marquée sur le monde méditerranéen avec, notamment, l’adoption d’usages allogènes, ce qui constitue un fait relativement rare en Gaule centrale à date aussi haute.

Ce mobilier, en particulier les lampes à huile et plats à poisson, peuvent également témoigner d’une présence allochtone, de marchands grecs par exemple, sur le site. Les influences méditerranéennes pèsent également sur le vaisselier indigène. Progressivement, les potiers arvernes se mettent à reproduire la forme des récipients italiques. A la fin du IIe s. av. J.-C., un tiers de la vaisselle de table utilisée à Aulnat n’est pas d’inspiration indigène. Cent ans avant la conquête romaine, une certaine forme d’acculturation se développe en territoire arverne. A partir du milieu du IIe s. av. J.-C., les échanges avec l’Italie prennent des allures de commerce de masse. On estime, à partir des données collectées sur les différents secteurs de fouille, à environ 40 000 le nombre d’amphores vinaires consommées sur le site d’Aulnat, en l’espace d’une quarantaine d’années. Le site d’Aulnat joue alors le rôle de plaque tournante régionale dans les circuits de redistribution de ces produits.

VII – Pratiques funéraires et religieuses

Comme nous l’avons déjà évoqué, les vestiges funéraires sont nombreux sur le site. L’examen du mobilier montre qu’ils sont strictement contemporains des autres vestiges.

A la différence de ce qu’on observe sur les autres agglomérations protohistoriques de Gaule interne, il ne semble pas exister de grande nécropole constituée pour ce site. Les zones à destination funéraire se superposent à la trame d’occupation domestique et artisanale.

Comme sur les sites ruraux voisins, la séparation entre espace dédié aux vivants et espace réservé aux morts n’est pas nette et il est fréquent qu’une sépulture soit implantée à proximité immédiate d’une structure domestique. On observe néanmoins quelques regroupements ponctuels. C’est notamment vrai pour les dépôts de crémation de Gandaillat, qui paraissent strictement limités dans l’espace.

D’autres vestiges présents sur le site confinent aux domaines domestique et funéraire, voire religieux. Des fragments de corps, parfois en connexion, peuvent ainsi être retrouvés dans le comblement de structures domestiques. Restes de sépultures bouleversées par des recreusements plus récents ou dernières étapes de processus complexes de traitement des défunts, il est difficile de trancher.

Tombe du guerrier de Gandaillat
Tombe du guerrier de Gandaillat
Tombe du guerrier de Gandaillat, milieu du IIe s. av. J.-C. 
(C. Vermeulen, Y. Deberge ; INRAP/ARAFA)
Tombe du guerrier de Gandaillat, milieu du IIe s. av. J.-C.
(C. Vermeulen, Y. Deberge ; INRAP/ARAFA)
Tombe du guerrier de Gandaillat, milieu du IIe s. av. J.-C. (C. Vermeulen, INRAP)
Tombe du guerrier de Gandaillat, milieu du IIe s. av. J.-C. (C. Vermeulen, INRAP)

C’est également le cas pour ce qui est de la découverte, relativement fréquente, de crânes isolés dans le comblement de structures domestiques.

Dépôt céramique au fond d’un puits, secteur de Gandaillat (C. Vermeulen, INRAP)
Dépôt céramique au fond d’un puits, secteur de Gandaillat (C. Vermeulen, INRAP)

Même si la preuve n’est pas apportée, on ne peut exclure l’hypothèse de pratiques en relation avec ce « culte » des têtes coupées mentionné par les auteurs antiques et ponctuellement attesté par l’archéologie. « Aux ennemis tombés, ils coupent la tête et l’attachent au cou de leurs chevaux… ils les embaument avec de l’huile de cèdre et les conservent soigneusement dans une caisse. » (Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V29). Enfin, les fouilles du Brezet et de Gandaillat fournissent plusieurs exemples de dépôts qui ne peuvent être interprétés sous un angle purement fonctionnel. Certains rejets en puits comptent parfois des objets complets, faiblement usés, dont on explique mal la présence en contexte détritique. A l’inverse, d’autres peuvent porter les stigmates de mutilations volontaires (traces de coups, perforations, bris in situ…) avant dépôt.

Ensemble de céramiques provenant d’un puits, secteur de Gandaillat (Y. Deberge, ARAFA/INRAP)
Ensemble de céramiques provenant d’un puits, secteur de Gandaillat (Y. Deberge, ARAFA/INRAP)

Ces traitements particuliers témoignent de l’exercice de pratiques religieuses au sein même de zones d’habitat que l’on perçoit encore très mal. A la fois habitat, zone artisanale, espace funéraire et lieu de pratiques religieuses, le site d’Aulnat ne se conforme pas au modèle de l’habitat groupé protohistorique attesté ailleurs. Il n’en constitue pas moins la première agglomération des Arvernes. Sa position centrale, dans une zone agricole à très forte densité d’occupation, permet, sans trop de doutes, de l’identifier au chef-lieu de ce peuple au cours des IIIe et IIe s. av. J.-C.

La localisation des oppida de Corent, Gondole et Gergovie montre que le centre d’exercice du pouvoir ne se déplacera finalement que très peu au siècle suivant. La fondation d’Augustonemetum, cent ans plus tard et quelques kilomètres plus à l’ouest, ramène la capitale de cité dans la plaine.

Bègues (03) – Oppidum de Bègues

Type de projet : fouille programmée (« Bègues (03) – Oppidum de Bègues »)

Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne

Date : 2010-2011

Responsable : Patrick Pion

Notice et documents : Patrick Pion

I – Présentation

Le site des Charmes (commune de Bègues, arrondissement de Gannat, Allier) est un éperon barré implanté à l’extrémité d’un promontoire rocheux constitué par un affleurement cristallophyllien de gneiss à mica du socle antécambrien
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Localisation de l’Oppidum de Bègues (P. Pion / ARAFA).

Le site des Charmes (commune de Bègues, arrondissement de Gannat, Allier) est un éperon barré implanté à l’extrémité d’un promontoire rocheux constitué par un affleurement cristallophyllien de gneiss à mica du socle antécambrien.

Ce promontoire, qui culmine à 426 m NGF, présente un sommet tabulaire formant une plate-forme rectangulaire légèrement inclinée vers le nord, d’une superficie d’environ 6 ha.

Il est ceint sur ses côtés nord-est et nord-ouest par un méandre de la Sioule qu’il surplombe par des pentes raides d’environ 130 m, sur son côté sud-ouest par la vallée encaissée d’un petit affluent. Un large ensellement relie son côté sud-est au plateau calcaire oligocène en bordure duquel est établi le village actuel (456 m NGF), qui se superpose à un oppidum laténien et à une agglomération secondaire gallo-romain.

II – Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Résultats préliminaires

Relevé micro-topographique

La campagne 2010 « Bègues (03) – Oppidum de Bègues » a été consacrée intégralement au relevé micro-topographique de la plate-forme supérieure de l’éperon.

Micro-topographie de la plate-forme et localisation des fouilles et sondages
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Micro-topographie de la plate-forme et localisation des fouilles et sondages (P. Pion / ARAFA).

Ce travail poursuivait deux objectifs :

  • disposer d’un document planimétrique fiable qui permette de localiser précisément les découvertes anciennes et les travaux plus récents (document réclamé par la CIRA, et dont l’absence à ce jour était provisoirement palliée par la carte IGN 1/25 000 et le cadastre, totalement insuffisants à cet égard)
  • obtenir une vision cohérente de l’organisation générale du site en analysant le modelé détaillé de la plate-forme.

Le travail de relevé, que l’on ne pouvait réaliser par la technique Lidar en raison du couvert végétal, a été effectué manuellement au sol. Il a consisté à prendre les coordonnées de plusieurs milliers points répartis sur l’ensemble des 4,8 ha de la plate-forme. Ces mesures, pour lesquelles nous avons recourus aux services de la société Véodis (université de Clermont-Ferrand), ont été réalisées en 4 campagnes dont la dernière en décembre 2010.

Résultat

L’analyse préliminaire du rendu – un modèle numérique de terrain ou MNT – révèle l’existence de nombreux reliefs artificiels géométriquement organisés qui quadrillent la plate-forme. Leur étude détaillée est en cours, mais on peut d’ores et déjà assurer qu’ils sont antérieurs au cadastre napoléonien, car la mémoire n’en est que partiellement conservée dans la structure parcellaire de ce dernier.

Ces reliefs témoignent de l’aménagement ancien de l’ensemble de la surface de l’éperon en deux grands ensembles :

  • une partie haute (« acropole ») à l’ouest, constituée de 2 éminences accolées de plan rectangulaire (« plate-formes ») installées sur le point culminant (426 m), entourées de terrasses nivelées
  • une partie basse, de pente faible orientée à l’est, sur un replat de laquelle est installé l’enclos hallstattien sondé en 2008-2009 ; cette partie basse comporte notamment un vaste espace trapézoïdal ouvert à l’est, faisant figure d’ « avant-cour », bordé au sud par les puissants pierriers dans lesquels Guillon a détecté le rempart.
En brun, les plates-formes et terrasses de la partie haute du site ; en jaune et vert, l’ « avant-cour » et le replat de l’enclos ; en bleu, l’amorce des pentes
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. En brun, les plates-formes et terrasses de la partie haute du site ; en jaune et vert, l’ « avant-cour » et le replat de l’enclos ; en bleu, l’amorce des pentes (P. Pion / ARAFA).

Le tracé supposé du rempart n’est détectable qu’au sud de la plate-forme, où le barrage de l’éperon est matérialisé sur environ 200 m par une rupture de pente abrupte, semble-t-il artificiellement retaillée dans le substrat (fig. 3). À l’est, cette arête vient mourir quelques mètres au-dessus du chemin ancien conduisant au gué de la Sioule, suggérant un retour de la fortification vers le nord où elle pourrait prendre appui sur l’affleurement naturel apparaissant en contrebas de l’enclos, ainsi qu’il a été pressenti lors de l’examen des clichés aériens anciens de l’IGN. Elle contrôlerait ainsi le passage obligé de ce chemin longeant le ravin ouest, au point où la bande disponible est la plus étroite.

À l’ouest, l’arête marquant l’emplacement du rempart est adoucie et moins nettement marquée, le secteur ayant eu probablement à souffrir de l’élargissement du chemin d’accès aux parcelles cultivées. Au centre, seul endroit où les vestiges du rempart semblent conservés, les deux puissants éboulis où furent implantées les fouilles Guillon et le segment de parement A étudié en 2009 forment une puissante masse trapézoïdale en retrait, qui suggère l’existence de bastions encadrant une entrée aménagée, voire précédant une seconde ligne intérieure de fortification. Cette hypothèse devra évidemment être vérifiée en fouille, mais il est clair que le segment de rempart observé en coupe par Guillon n’est pas dans l’alignement général de la rupture de pente artificielle marquant l’emplacement du rempart de barrage.

Le rempart de barrage et le contrôle du chemin ancien menant du plateau au gué de la Sioule (« voie romaine »)
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Le rempart de barrage et le contrôle du chemin ancien menant du plateau au gué de la Sioule (« voie romaine ») (P. Pion / ARAFA).

Ces relevés n’ont en revanche pas permis de détecter clairement le tracé du rempart de contour qui devait enclore le site, côté Sioule notamment où, dominant la plaine, il est impensable qu’il n’ait pas existé et donné toute sa visibilité au site. Quelques reliefs dans l’angle Nord-Ouest de la plate-forme, en deçà du chemin et dans un secteur qui livre en prospection du mobilier hallstattien, pourraient en constituer un témoin. Il est vraisemblable qu’il a été oblitéré par le chemin de contour, ses matériaux ayant été basculés anciennement dans la pente, comme il est fréquent sur des sites de même nature. Ou qu’il fût implanté en léger contrebas de la plate-forme. Seul un relevé micro-topographique des pentes couplé à une prospection électromagnétique et à des sondages est susceptible d’en révéler la trace, comme celle – pressentie – d’aménagements annexes.

III – Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Perspectives

Le programme prévu pour « Oppidum de Bègues » 2011 est la poursuite et si possible (selon moyens financiers) l’achèvement du relevé pour avoir une idée claire des aménagements dans l’environnement de la plate-forme (pentes et ensellement joignant l’éperon à l’oppidum laténien sous le village), ainsi que des tests de prospection géophysique en divers points du site. Ces études achevées, on devrait être à même de lancer en 2012 le programme de fouilles proprement dit.

L’alimentation carnée

L’alimentation carnée : article publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008 » qui nous a aimablement autorisé à le reproduire

Auteur : Sylvain Foucras, avec les études de : J. Richardson, ARAFA (Le Pâtural) ; V. Forest, (Gandaillat) ; P. Caillat, (Gandaillat et Pulvérière) ; I. Rodet Belarbi, (Gerzat)

  • I – Les espèces animales consommées
  • II – Traces de consommations

« Leur nourriture consiste en un peu de pain et beaucoup de viande bouillie ou rôtie sur des charbons de bois ou des broches. Ils mangent proprement mais avec un appétit de lion, soulevant de leurs deux mains des membres entiers dans lesquels ils mordent […] »

Posidonios d’Apamée, Athénée IV, 36

Au regard du nombre considérable d’ossements animaux prélevés au sein des habitats arvernes, on peut effectivement donner raison au témoignage de Posidonios d’Apamée : la viande parait bien constituer le plat central de l’alimentation des gaulois.

Ce sont les structures détritiques où ont été amassées les poubelles de repas qui nous livrent la majorité de ces vestiges alimentaires. Ossements souvent mal préservés, fragmentés, ce mobilier constitue pourtant une source de données indispensable à la compréhension des habitudes alimentaires de l’âge du Fer.

I – Les espèces animales consommées

Le choix des espèces consommées varie selon les modes de vies : ferme isolée, habitats groupés ou oppidum, dans la plaine ou sur les reliefs, la part des animaux change.

La maîtrise des techniques agricoles et particulièrement de l’élevage abolit les activités de chasse à des fins alimentaires et les espèces sauvages n’apparaissent plus dans les assiettes qu’à titre exceptionnel. Le gibier n’est généralement présent qu’à travers quelques vestiges sur les habitats et rien n’indique le plus souvent qu’il s’agit de viandes consommées.

Les activités de chasse devenant l’apanage des élites guerrières, la faune sauvage apparaît plus fréquemment sur les habitats au statut plus élevé. Ainsi, les quelques restes d’animaux sauvages que livre l’établissement agricole du Pâtural voient les cervidés dominer le l’échantillon. Sur les exploitations voisines, au statut plus modeste, la faune sauvage est anecdotique. Exit donc l’image du gaulois chasseur et avec elle le sanglier rôti, animal par ailleurs absent des habitats arvernes.

Ce sont donc les espèces domestiques qui prévalent à la table des Gaulois en général, et des Arvernes en particulier, et principalement les trois espèces domestiques que sont le porc, le mouton et le bœuf.

L'alimentation carnée. Crane de porc (S. Foucras)
Crane de porc (S. Foucras)
L'alimentation carnée. Concentration d’ossements issus de la consommation dans le sanctuaire de Corent (S. Foucras)
Concentration d’ossements issus de la consommation dans le sanctuaire de Corent (S. Foucras)
L'alimentation carnée. Scapula (omoplate) de bœuf perforée par un croc de boucher lors de sa suspension (S. Foucras)
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Porcins, ovins et bovins sont présents dans la totalité des dépotoirs arvernes mais en quantités variables. L’habitat groupé d’Aulnat, qui pourrait s’apparenter à une agglomération, voit le porc favorisé alors que plus loin en Limagne les fermes privilégient davantage le bœuf, peut-être plus facile à élever sur une zone à tendance marécageuse peu favorable à l’élevage ovin. C’est le cas au Pâtural comme sur la ferme voisine au lieu-dit Rochefort. En y regardant de plus près, il ne s’agirait que d’une partie du cheptel, abattu jeune pour une viande plus tendre, alors qu’une autre partie atteignait un âge plus avancé, caractéristique des bêtes de sommes. Bien que rarement l’espèce la mieux représentée sur les habitats, les moutons apparaissent comme étant la seconde espèce consommée. L’âge de mise à mort souvent avancé nous indique que cet animal était davantage élevé pour ses apports en laine ou en lait par exemple, donc de son vivant, plutôt que pour sa chaire, qui ne constitue plus qu’un complément alimentaire. D’autres animaux comme le cheval et le chien sont à mentionner comme faisant partie du menu mais de manière plus anecdotique. C’est aussi le cas de la volaille dont la fragilité des restes explique sans doute la faible représentation de la basse coure sur les habitats, de même aussi que les poissons, très rares parmi les vestiges animaux et dont la consommation ne semble pas avoir été particulièrement développée chez les Arvernes jusqu’à l’époque romaine.

L'alimentation carnée. Scapula (omoplate) de bœuf perforée par un croc de boucher lors de sa suspension (S. Foucras)
Scapula (omoplate) de bœuf perforée par un croc de boucher lors de sa suspension (S. Foucras)
L'alimentation carnée. Sépulture 5889 de Chaniat-Malintrat (S. Foucras)
Sépulture 5889 de Chaniat-Malintrat (S. Foucras)

Dans la sphère funéraire, la coexistence de pratiques mettant en jeu l’inhumation ou l’incinération ne semble pas avoir d’effet sur le choix des dépôts alimentaires carnés, et c’est le porc qui est favorisé. Les exemples, bien qu’assez peu nombreux en Auvergne, semblent conformes aux pratiques constatées chez les peuples voisins : un jambon dans une sépulture de Gandaillat a été déposé sur les genoux du défunt ; des quartiers de viandes dans le cénotaphe de Chaniat-Malintrat, disposés de sorte à « reconstituer » l’animal, ou encore des vestiges carbonisés, mêlés à ceux des individus incinérés de Pulvériere. La richesse du mobilier découvert dans ces sépultures témoigne généralement d’un statut élevé des défunts : pièces d’armement, parures, les dépôts alimentaires semblent le plus souvent faire partie d’un ensemble d’éléments réservés à une certaine frange de la population dont les attributs guerriers sont manifestes dans la plupart des cas.

L'alimentation carnée. Sépulture 5889 de Chaniat-Malintrat (S. Foucras)
Sépulture 5889 de Chaniat-Malintrat (S. Foucras)

Les autres espèces animales généralement présentes sont les mêmes que dans la cellule domestique. Parfois, des dépôts témoignent de rituels pratiqués, comme cette chèvre complète à Gandaillat qui semble avoir été égorgée et possiblement éventrée (étude V. Forest), mais cela reste très exceptionnel.

L'alimentation carnée. Ossements d’ animaux découverts dans le fond d’un pot à cuire (S. Foucras)
Ossements d’ animaux découverts dans le fond d’un pot à cuire (S. Foucras)

Les activités religieuses font également l’objet de pratiques de consommations. On le voit sur le sanctuaire de Corent, où elles font l’objet de grands banquets qui mettent en jeu des quantités considérables de nourritures, si l’on s’en réfère aux dizaines de milliers de vestiges animaux présents. Mis à part des pratiques précises qui semblent relever directement du rituel proprement dit, les espèces animales consommées sont les mêmes que celles des repas profanes. Le porc est là encore majoritaire, suivi des caprinés et du bœuf. Aux abords directs de ce sanctuaire, la zone d’habitat de l’oppidum livre très majoritairement des ossements bovins, rejetés pour l’essentiel des activités de boucheries ; le bœuf qui prédomine sur l’ensemble des oppida du bassin Clermontois mais aussi dans l’Allier, à Cusset ou Hérisson, semble alors l’animal privilégié sur les oppida.

II – L’alimentation carnée. Traces de consommations

L'alimentation carnée. Ossements dispersés sur un niveau de sol oppidum de Corent (S. Foucras)
Ossements dispersés sur un niveau de sol oppidum de Corent (S. Foucras)

Il n’est pas évident de mettre en lumière des activités de consommation. C’est souvent la présence d’ossements issus des parties du squelette les mieux pourvues en viande, comme les membres, l’échine ou la poitrine, qui suggèrent la présence de pièces bouchères. L’étude des traces laissées sur les ossements nous montrent les coups portés par les couteaux ou hachoirs des bouchers : os désarticulés, fendus ou découpés, les impacts laissent entrevoir des techniques précises mises en œuvre tout au long de l’âge du Fer qui n’évolueront qu’à la période romaine. Du consommateur on ne décèle que de fines traces parfois incisées sur la surface de l’os qui laissent entrevoir l’utilisation de petits couteaux.

Demeurent les traces de la cuisson des viandes. Les stigmates d’un passage à la flamme se généralisent mais la part des viandes bouillies voire mangées crues reste difficile à déterminer et c’est le mode de préparation culinaire ou encore de conservation des aliments qui reste posé…