L’occupation du sol dans le massif du Cézallier à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer

L’occupation du sol dans le massif du Cézallier à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Fabien Delrieu

Le versant oriental du massif du Cézallier possède plusieurs nécropoles tumulaires ayant bénéficié de fouilles récentes et donc d’une documentation de qualité (Lair, La Pénide ou encore La Croix de Baptiste). De plus une demi-douzaine de sites de hauteur protohistoriques, généralement fortifiés, sont également localisés dans la même fenêtre. La majorité d’entre eux a bénéficié de relevés topographiques récents, et pour certains, de sondages et de fouilles qui ont révélé de manière récurrente la présence d’occupations attribuables au IXème S. av. J.-C. Enfin quelques sites d’habitats non fortifiés et ouverts complètent le panel des sites protohistoriques dans cet espace. Un programme de recherche, en cours, permet de recenser, de cartographier l’ensemble de ces structures attribuables le plus souvent à l’âge du Bronze et dont certaines font par la suite l’objet de sondages puis de fouille. Enfin, ce secteur présente aussi de nombreuses zones humides (lacs, tourbières) à proximité immédiate des sites protohistoriques. L’étude (en cours) des séquences de sédiments enregistrées dans ces milieux humides permet d’élargir les données sur l’anthropisation locale et l’évolution des paysages.

Le plateau volcanique qui s’étend de la vallée de l’Alagnon, à l’est, aux plus hautes terres du massif du Cézallier, à l’ouest, prend la forme d’un vaste plan incliné de 15 kilomètres de long environ permettant, sans pendage marqué, de passer de 700 mètres d’altitude à plus de 1300 mètres à l’entrée des hautes terres constituant le centre du massif.

Ce plateau à la faible déclivité est jalonné, sur toute sa longueur, par des groupes de tumulus constituant des alignements continus (fig. 1). Les données collectées lors des fouilles des nécropoles de Lair puis de la Croix de Baptiste attestent un fonctionnement de ces ensembles funéraires se développant entre le XVIIIème et le Vème S. av. J.-C.

L’implantation de ces groupes de tumulus correspond de manière intime aux voies de circulation naturelles permettant l’accès aux hautes terres depuis les vallées adjacentes. La présence d’un milieu ouvert, avec une forte présence des graminées, dans ces zones dès le début de l’âge du Bronze et durant toute la séquence de fonctionnement des nécropoles tumulaires permet d’envisager la mise en place d’une importante activité de transhumance se développant pendant toute ou partie de l’âge du Bronze et du 1er âge du Fer.

Figure 1 : Cartographie des tumulus protohistoriques relevés sur le plateau de Molèdes/Laurie (DAO F. Muller)
Figure 1 : Cartographie des tumulus protohistoriques relevés sur le plateau de Molèdes/Laurie (DAO F. Muller)

Les données concernant l’âge du Bronze et le début du 1er âge du Fer sur le versant oriental du massif du Cézallier sont toujours en cours d’acquisition. Elles vont venir encore affiner la compréhension des modes d’occupation de cette moyenne montagne volcanique pour ces séquences chronologiques. Cependant, un certain nombre de constats peuvent déjà être posés et plusieurs pistes de réflexion se sont faites jour, elles devront être poursuivies :

  • Une importante activité de transhumance a pu se développer dès le XVIIIème S. av. J.-C. sur ce versant et perdurer jusqu’à la fin du Vème S. av. J.-C.
  • Les troupeaux pouvaient être acheminés dans les estives du centre du massif en utilisant des voies de plateaux jalonnées de nécropoles tumulaires. Ces dernières fonctionnent sur le temps long (au moins 13 siècles).
  • De manière générale, la circulation des hommes et des troupeaux à l’âge du Bronze dans ce secteur semble privilégier les cheminements sur les plateaux de faible déclivité plutôt que dans les fonds de vallées, étroits et très encaissés.
  • Les périodes représentées de manière systématique sur les sites de hauteur comme le IXème S. av. J.-C. ou plus tard le Hallstatt final sont, pour l’heure, absentes ou très peu représentées au sein des nécropoles tumulaires.
  • L’inverse se vérifie également et semble indiquer que les hautes terres ont été occupées en continu mais selon des schémas différents suivant les périodes. Semblent alterner d’importantes séquences d’habitats saisonnier liés à la transhumance et la mise en place d’habitats fortifiés permanents comme au IXème S. av. J.-C.
  • À la fin du IXème S. av. J.-C. on note un abandon généralisé des sites d’habitats fortifiés couplé à une érosion marquée des sols. Il est probable que ces éléments, liés à la grande péjoration climatique qui touche l’ouest de l’Europe, marque la reprise potentielle de cette importante activité de transhumance. Cet état de fait semble attesté par la présence d’inhumations à épées au sein de ces nécropoles tumulaires au début du VIIème S. av. J.-C. Cette évolution semble marquer la réactivation de ces axes desservant les hautes terres du centre du massif.
Figure 2 : Cliché d’un des tumulus les plus volumineux du versant oriental du massif du Cézallier localisé sur le sommet du Charouliac à Laurie (Cliché : F. Delrieu)
Figure 2 : Cliché d’un des tumulus les plus volumineux du versant oriental du massif du Cézallier localisé sur le sommet du Charouliac à Laurie (Cliché : F. Delrieu)

La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal : tour d’horizon du potentiel en minerais et des données archéologiques disponibles

La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal : tour d’horizon du potentiel en minerais et des données archéologiques disponibles : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Florie-Anne Auxerre-Géron

I – Introduction

Le Massif central possède de nombreux gisements de minerais métallifères, notamment les principaux métaux exploités dès la Protohistoire comme l’or, l’argent, le cuivre, l’étain, mais également le plomb et le fer. Les gisements peuvent prendre plusieurs formes : il peut s’agir de gîte dit primaire, c’est-à-dire que le minerai se trouve dans des filons en place dans la roche, ou bien il peut s’agir de dépôt secondaire en alluvions, colluvions ou placers (Cauuet 2013, p. 74 ; Hubert et Abraham 2018, p. 32). Pour le département du Cantal en particulier, le potentiel minéralogique est bien réel, mais rares sont les indices qui permettent aujourd’hui de dater les travaux miniers anciens recensés aujourd’hui sur le territoire (fig. 1). Les données disponibles indiquent qu’une extraction de l’or mais aussi de l’argent a existé dans certains districts à la fin de la période gauloise, mais il reste encore un important travail de recherche à mener.

Figure 1 : Les principaux districts métallifères du Cantal et les sites mentionnés dans le texte. CAO F.-A. Auxerre-Géron, d’après les données issues de Cauuet 2013, Cauuet 2018, Hubert et Cauuet 2015
Figure 1 : Les principaux districts métallifères du Cantal et les sites mentionnés dans le texte. CAO F.-A. Auxerre-Géron, d’après les données issues de Cauuet 2013, Cauuet 2018, Hubert et Cauuet 2015

I – En rive gauche de la Dordogne, entre Cantal et Puy-de-Dôme : le district de Labessette et Beaulieu

Dans cette commune puydomoise, limitrophe de la Corrèze et du Cantal, un vaste complexe minier a été repéré dès 1900 par un ingénieur des mines, Joseph Demarty. Plusieurs fosses et tranchées ont alors été relevées, sur un site appelé localement « Camp Romain » ou « Camp de César » (Demarty 1907). Rapidement, ces vestiges ont été identifiés comme étant des traces d’exploitations anciennes, et des aménagements liés à des opérations de lavage ont également été repérés. Joseph Demarty supposait alors que le minerai extrait devait être l’or ou l’étain (ibid., p. 165). Ayant eu l’autorisation de la mairie de procéder à des fouilles, Joseph Demarty a pu ouvrir 3 m², tamisant les sédiments, et récoltant beaucoup de mobilier attestant d’une implantation gallo-romaine. À ce mobilier s’ajoute également des tessons de céramiques noires attribuées à l’« Époque Marnienne » (ce qui correspondrait au début du Second âge du Fer), ainsi que des morceaux de fer et de grandes quantités de charbons de bois (ibid., p. 165-166). Ajoutons qu’il mentionne également la découverte non loin du site d’« une épée à lame de fer et à poignée en cuivre sans garde », qu’il attribue, d’après une description orale, au Premier âge du Fer. Après examen des descriptions des aménagements de bois mis au jour (fig. 2), Élodie Hubert propose d’interpréter ces vestiges comme un boisage complexe avec cadres en chantier vertical (Hubert 2011, p. 46), semblable à ce que Béatrice Cauuet a pu observer à la mine de La Fagassière (Cauuet 2004, p. 57-59), et qui a pu être daté de La Tène moyenne et finale. Toutefois, à partir des dessins disponibles, qui présentent des pièces de bois bien droites et écorcées, le doute subsiste sur cette attribution chronologique. En 1997, Béatrice Cauuet a pu prospecter les environs de Labessette (ainsi que les communes environnantes) et inventorier douze sites, le « Camp de César » inclus, pour un total de 26 aurières.

Figure 2 : Relevés des boisages mis au jour par J. Demarty lors de l’exploration des travaux miniers anciens de Labessette (Puy-de-Dôme ; issu de Demarty 1907, p. 84)

Figure 2 : Relevés des boisages mis au jour par J. Demarty lors de l’exploration des travaux miniers anciens de Labessette (Puy-de-Dôme ; issu de Demarty 1907, p. 84)

Signalons au passage que d’autres opérations de prospections, côté corrézien, menées par Matthieu Boussicault, ont d’ailleurs permis d’esquisser un district plus large, s’étendant de l’autre côté de la Dordogne. À Labessette, Béatrice Cauuet a également récolté de la céramique datée de La Tène finale (écuelle à bord rentrant, gobelet à bord droit, pot globulaire ; Cauuet 1997, p. 90 ; Cauuet 2013, p. 88). Ces travaux miniers ne sont donc pas pour l’instant datés d’une manière certaine par la fouille, mais le mobilier récolté en prospections, mentionné par les sources anciennes, ainsi que les différentes observations et comparaisons effectuées laissent entrevoir des aurières exploitées au moins à la fin de la période gauloise.

II – Le nord-est du Cantal : un potentiel qui reste à mesurer et une exploitation à la fin de la Protohistoire.

Dans le nord-est du département, une intense activité minière au XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle (exploitation de l’antimoine), a été possible grâce aux nombreux gisements de mispickels, de galène (Molèdes) et de plomb argentifère (Massiac). Certains gisements de mispickels sont aurifères, comme à Bonnac, dans lequel Jean Pagès-Allary estime un potentiel de 6 à 10 g d’or par tonne (Audollent 1911). Ce secteur couvre donc essentiellement les basses vallées de la Sianne et de l’Alagnon : en effet, entre Cantal et Haute-Loire s’étendent des collines cristallines où de nombreux filons métallifères affleurent, notamment grâce aux nombreuses vallées encaissées qui découpent le relief. Parmi ces vallées, la vallée de la Fontaine-Salée, où affleure le filon d’antimoine et d’argent dit « des Anglais » ou « des Mineyres », a livré des éléments concrets puisque des fouilles ont pu y être effectuées au milieu des années 1970. En effet, à la suite de sondages positifs établis par le BRGM et dans la perspective d’une exploitation, des engins de terrassement mirent au jour une ancienne construction, en rive gauche de la rivière (Tixier 1986, p. 9). Une fouille de sauvetage sommaire fut lancée, et ces vestiges furent interprétés comme une sorte d’hypocauste, aménagé pour le traitement des minerais (du minerai grillé fut d’ailleurs découvert dans le remplissage de l’hypocauste ; ibid., p. 11). Une aire de lavage a également été identifiée en surface. Les explorations souterraines du BRGM ont aussi permis de mettre au jour d’anciennes galeries ainsi que des puits conservant encore leurs boisages, que Luc Tixier put observer et relever en 1976 et 1977. Une datation 14C effectuée sur un des bois donne la fourchette de 1850 BP ± 100, c’est-à-dire entre – 30 et 50 de notre ère (ibid., p. 13 ; Cauuet 2018, p. 198), plaçant donc cette principale phase d’exploitation au début de la période gallo-romaine. Le mobilier recueilli aux abords du four et en amont du site confirme cette attribution, mais des céramiques de la fin du 2nd âge du Fer ont également été découvertes (Vinatié 1986, p. 17).

À la frontière entre la Haute-Loire et le Cantal, sur la commune d’Ally, la mine d’argent de La Rodde (plomb argentifère) a été exploitée notamment au cours des périodes antique et médiévale, et reprise au XIXe et XXe siècle (Cauuet 2018, p. 198). Au cours de fouilles menées entre 1993 et 1998, Christian Vialaron a pu prélever des boisages et des charbons qui ont été datés par 14C, ce qui a permis de mettre en évidence des périodes d’exploitation plus anciennes (Vialaron 2016). Une datation réalisée sur des charbons de bois, localisés en bas d’une stratigraphie importante, a notamment révélé que des travaux ont été réalisés au cours du Premier âge du Fer (fourchette chronologique comprise entre 769 et 416 avant notre ère). L’exploitation avait alors été effectuée grâce à des chantiers à ciel ouvert, qui ont formé une tranchée large et profonde (jusqu’à 8 m de profondeur). Une autre phase d’exploitation, prenant alors la forme de travaux souterrains, est attribuée à la période comprise entre le IIIe siècle avant notre ère et le Ier siècle de notre ère, sur la base de datations radiocarbones réalisées également sur des boisages de puits et des charbons. En outre, du mobilier céramique a permis d’attester que ces travaux ont pu perdurer au début de la période antique.

En plus des informations fournies par les sites miniers eux-mêmes, il faut noter la présence dans le secteur d’un exceptionnel dépôt de monnaies et de bracelets d’argent, découvert au « Suc de la Pèze » à La Chapelle-Laurent, non loin de Massiac. En effet, sa similarité avec certains dépôts du territoire rutène localisés dans des zones de contacts en Rutènes et Cadurques (Gruat et Izac-Imbert 2002, p. 77), et surtout, dans des districts miniers, laisse envisager que nous avons affaire à une pratique comparable, étroitement liée à un contexte minier. Pour terminer, un autre élément matériel est à noter : il s’agit d’un maillet à gorge en roche volcanique, découvert sur le plateau de « Chalet » à Massiac, outil notamment utilisé pour des activités d’extraction (Tissidre et Baillargeat-Delbos 2015). Un exemplaire similaire a été découvert dans une aurière de Dordogne, sur le site des Fouilloux (Jumilhac), exploité à la fin de la période gauloise (Cauuet 2004, p. 29).

III – Le sud-ouest du Cantal : le district minier de Prunet et les apports récents de la recherche

Des travaux récents ont permis de mettre en lumière un autre secteur clé du département pour l’étude des exploitations minières protohistoriques. Ces deux dernières décennies, en Chataigneraie cantalienne, des prospections menées par Philippe Abraham puis par Elodie Hubert (Université de Toulous Jean Jaurès) ont permis de mettre en évidence des mines anciennes, sans doute des aurières étant donnée la géologie du secteur (Cauuet 2013, p. 88 ; Hubert et Cauuet 2015, fig. 12 ; Hubert et Abraham, 2018 p. 35-36). Le district minier qui a été identifié, a été baptisé district de Prunet : il couvre cette commune, mais aussi Lafeuillade-en-Vézie et Lacapelle-del-Fraisse. L’inventaire réalisé par ces deux chercheurs, qui a pu aussi être alimenté par l’étude de relevés Lidar, montre un secteur très dense en vestiges, attestant principalement d’exploitations en roche à ciel ouvert, mais aussi de la présence de chantiers miniers sur gisements secondaires, c’est-à-dire ouverts dans des dépôts détritiques. Ces vestiges sont des fosses, le plus souvent alignées, de tailles variables, mais globalement de plus petite taille que celles connues en pays Lémovice. Cette différence notoire pourrait avoir deux explications : les filons exploités dans le district de Prunet sont en effet moins importants que ceux disponibles en Limousin, notamment moins puissants. Autre possibilité également, il a été mis en évidence en Limousin qu’il y avait un rapport entre la taille des fosses et les périodes d’exploitation, les plus petites étant datées du début du 2nd âge du Fer (Hubert et Abraham 2018 p. 42). Si la typologie de ces vestiges permet sans trop de risque de les dater de la fin de la Protohistoire, notamment par comparaison avec les exploitations connues en Limousin voisin et documentées par des fouilles, les éléments qui permettent de dater précisément ces sites miniers sont encore très peu nombreux : en effet, même si deux sondages ont pu être menés ces dernières années, ce type de site ne livre pas de mobilier datant, et rares sont les charbons qui permettent une datation. Cependant, à Lacapelle-del-Fraisse, des jalons chronologiques ont pu être posés pour le site du Camp du Puech, sondé en 2018 : une datation sur un charbon mis au jour dans une couche de déblais atteste d’une fréquentation au cours de l’Antiquité, tandis que des charbons découverts en fond de minière et sous le niveau de haldes ciblent les IIe et Ier siècle avant notre ère, attestant d’une activité d’extraction au cours de la période gauloise (informations orales Élodie Hubert).

IV – Les parallèles avec les sites miniers du Limousin et de l’Aveyron

La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal doit être abordée aussi à la lumière des données obtenues dans les départements voisins ou limitrophes, mieux documentés comme l’Aveyron, la Corrèze et la Haute-Vienne. En territoire Lémovice notamment, les mines protohistoriques sont étudiées depuis le début des années 1980 (travaux de Béatrice Cauuet). C’est d’abord par le biais d’inventaire de vestiges et d’anomalies d’origines anthropiques souvent détectés par des géologues qu’ont commencé les recherches sur ces travaux, mais aussi par une étude minutieuse des toponymes : ainsi si certains évoquent clairement la présence d’or (Aurière, Laurière etc.), d’autres peuvent indiquer la présence d’anomalie de terrain (Cros, Crose, Croze, etc., dérivés du mot « creux » en occitan, Suquet ou Tuquet, dérivés du mot « tertre ») ou les animaux fouisseurs particulièrement attirés par les déblais (Trou du Loup, Trou du renard, Renardière, Tessonière et ses dérivés, « tesson » signifiant blaireau). Les premières fouilles archéologiques permirent rapidement de déterminer que ces mines, notamment celles du district de Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), ont été exploitées tout au long du Second âge du Fer. À l’heure actuelle, il est établi que l’activité minière se développe dès la fin du Premier âge du Fer (les exploitations sont alors à ciel ouvert, limitées à 10 m de profondeur ; Cauuet 2013, p. 94), avant de s’intensifier à la période gauloise. Certains sites ont également livré des vestiges de l’âge du Bronze, notamment de la phase moyenne ou de la toute fin du Bronze final, ce qui suggère des épisodes d’exploitations plus anciens. Les fouilles ont également permis de documenter des aménagements annexes : ateliers de traitement mécanique (concassage, broyage à l’aide de tables en pierre, de mortiers), ateliers de lavage (différents chenaux, bassins et citernes creusés). La phase finale de la chaîne opératoire a également pu être documentée grâce à la découverte de petits creusets aux parois vitrifiées (ibid., p. 94-95). Notons enfin que des espaces d’habitats liés à ces mines ont aussi été fouillés, attestant qu’une communauté entière se consacrait à cette activité, et ce sur plusieurs générations et d’une manière permanente.

Outre l’exploitation de l’or, l’existence de mines d’argent dans les départements voisins du Cantal est aussi documentée pour la période protohistorique : dans le nord-ouest du département de l’Aveyron, de nombreuses mines de plomb argentifères ont été repérées le long de la faille de Villefranche-de-Rouergue, ainsi que des gisements d’étain à l’Ouest de Laguiole (ibid., p. 89 et 92). En ce qui concerne les stannières, Philippe Abraham a documenté des dépôts sablonneux minéralisés exploités par des petits chantiers de lavage d’alluvion (fosses ou tranchées) et le mode opératoire a pu être mis en lumière, notamment grâce à des analyses géochimiques qui ont permis de localiser les aires de préparations mécaniques aux mines de « La Boule » et de « Grandval » (Abraham 2000). Des datations 14C ont permis d’apporter les premiers jalons chronologiques de ces exploitations. Une datation calibrée atteste ainsi d’une phase d’activité dès le Bronze final (1390-1025 avant notre ère), et plusieurs dates pointent l’ensemble de l’âge du Fer (Cauuet 2013, p. 89).

V – Conclusion

L’objectif de cet article était de présenter un tour d’horizon du potentiel en minerais dans le Cantal. Ce dernier est réel, et nous avons pu voir que le département est riche de gisements aurifères et argentifères, à l’image de bon nombre de département du Massif central. Quant aux données archéologiques aujourd’hui disponibles, il faut souligner qu’elles étaient encore bien maigres il y a encore 10 ans, mais qu’une nouvelle dynamique de recherche a été enclenchée, livrant déjà son lot de données inédites permettant de revoir la question des exploitations protohistoriques. S’il n’est plus exclu que de l’or mais aussi de l’argent ont pu être extraits du sous-sol cantalien à la fin du Second âge du Fer au moins, il reste encore à déterminer les modalités de ces exploitations, mais aussi l’histoire de ces mines. En effet, dans certains cas, leur genèse est antérieure à l’âge du Fer ; ailleurs elle est attestée au cours du Premier âge du Fer, mais ces travaux anciens sont encore mal connus. Enfin, il reste à définir quelle place ont pu avoir ces productions dans l’économie protohistorique, en particulier dans l’économie arverne.

VI – Bibliographie

Abraham 2000

Abraham (P.). – Les mines d’argent antiques et médiévales du district minier de Kaymar (nord-ouest de l’Aveyron), Gallia, 57, p. 123-127

Audollent 1911

Audollent (A.). – Mines d’or en Auvergne, Revue des Études Anciennes, 13, 2, p. 202

Cauuet 1997

Cauuet (B.). – Prospection-inventaire, les mines d’or des Arvernes, Communes de Bagnols, La Bessette, Cros, Larodde, Tauves et Trémouille Saint Loup, BSR Auvergne 1997, p. 90

Cauuet 2004

Cauuet (B.). – L’or des Celtes du Limousin, Ed. Culture et Patrimoine en Limousin, Limoges, 124 p.

Cauuet 2013

Cauuet (B.). – Les ressources métallifères du Massif central à l’âge du Fer, in Verger (S.), Pernet (L.) dir., Une Odyssée gauloise. Parures féminines à l’origine des premiers échanges entre la Grèce et la Gaule, Arles, Errance, p. 86-95

Cauuet 2018

Cauuet (B.). – Sources et productions d’argent en Gaule aux âges du Fer, in Hiriart (E.),Genechesi (J.), Cicolani (V.), Martin (S.), Nieto-Pelletier (S.), Olmer (F.) dir., Monnaies et archéologie en Europe celtique. Mélanges en l’honneur de Katherine Gruel. Glux-en-Glenne, Bibracte 29, p. 195-204

Demarty 1907

Demarty (J.). – Les mines de Labessette (Puy-de-Dôme), exploitations gauloises et gallo-romaines, Revue d’Auvergne, 1, Janvier-Février 1907, Clermont-Ferrand, p. 161-170

Gruat et Izac-Imbert 2002

Gruat (P.), Izac-Imbert (L.). – Le territoire des Rutènes : fonctionnement et dynamiques territoriales aux deux derniers siècles avant notre ère, in Garcia (D.),Verdin (F.) dir., Territoires celtiques. Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale, Paris, Errance, p. 66-87.

Hubert 2011

Hubert (E.). – Les mines d’or des Arvernes. État de la question, mémoire de Master 1 d’Archéologie, Université Toulouse Le Mirail, 83 p.

Hubert 2013

Hubert (E.). – L’or et la puissance des Arvernes. Définition de districts miniers aurifères à l’Ouest du Puy-de-Dôme, mémoire de Master 2 d’Archéologie, Université Toulouse Le Mirail, 164 p.

Hubert et Abraham 2018

Hubert (E.), Abraham (P.). – Les aurières du district de Prunet (sud d’Aurillac, Cantal), Revue de la Haute-Auvergne, t. 80, vol.1, p. 31-48.

Hubert et Cauuet 2015

Hubert (E.), Cauuet (B.). – Productions d’or chez les Arvernes. État de la question, poster présenté à l’occasion du colloque « l’or de l’âge du Fer en Europe celtique – société, technologie et archéométrie », 11-14 mars 2015, Université Toulouse Jean Jaurès.

Tissidre et Baillargeat-Delbos 2015

Tissidre (M.), Baillargeat-Delbos (C.). – Découverte d’un maillet à gorge du Néolithique, à Chalet (commune de Massiac), R.H.A., t. 77 avril-juin, p. 231-234

Tixier 1986

Tixier (L.). – L’exemple de la Mine des Anglais. L’exploitation minière, in Bril (H.), Watelet (P)., Les richesses du sous-sol en Auvergne et Limousin, ville d’Aurillac, p. 9-14

Vialaron 2016

Vialaron (Ch.). – La mine gauloise de la Rodde d’Ally. Concession pour plomb, argent et antimoine de Freycenet-La Rodde (Haute-Loire), Le Puy-en-Velay, 2016, 152 p.

Vinatié 1986

Vinatié (A.). – Le mobilier archéologique, in Bril (H.), Watelet (P)., Les richesses du sous-sol en Auvergne et Limousin, ville d’Aurillac, p. 15-17

Recherche d’archives paléoenvironnementales à proximité de sites protohistoriques (Nord du Cantal) – Carnet de terrain

Recherche d’archives paléoenvironnementales à proximité de sites protohistoriques (Nord du Cantal) : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Dendievel André-Marie1,2, Delrieu Fabien3,4, Antoine Ludovic2, Duny Anne5, Mennessier-Jouannet Christine6, Simon Catherine2, Surmely Frédéric3,7, Richard Hervé8

I – Introduction

Dans le cadre du Programme Collectif de Recherche (PCR) coordonné par F. Delrieu, des recherches pluridisciplinaires en archéologie et paléoenvironnements sont menées depuis 2018 dans le Nord du Cantal (Delrieu et alii 2019 ; Delrieu et alii 2020 ; Delrieu et alii 2021). Dans le cadre de l’axe « Paléoenvironnements & Paysages Protohistoriques » du PCR, la recherche porte sur l’identification, la caractérisation – notamment à l’aide de datations par le radiocarbone – et l’étude de zones humides ayant accumulé des sédiments remontant à la Protohistoire (âge du Bronze et âge du Fer). Le but de cette recherche est ainsi d’obtenir des « archives naturelles » à proximité immédiate des sites archéologiques pour reconstituer les modalités d’évolution de ces écosystèmes au cours du temps et obtenir des informations précises et locales sur les activités humaines passées et les paysages protohistoriques.

I – Zone d’étude : Nord du Cantal

Pour ce « carnet de terrain », nous proposons une synthèse des résultats obtenus suite aux carottages au niveau de deux fenêtres d’étude (fig. 1) : la « fenêtre Sianne » qui s’étend des sources de la Sianne (rivière) au plateau d’Espalem, et la « fenêtre Sumène » qui encadre la vallée de la Sumène depuis le plateau de Trizac jusqu’au Mont-de-Bélier à Saint-Étienne-de-Chomeil.

Figure 1 : Tourbières et sites archéologiques associés. A) Localisation des fenêtres d’étude sur une carte du relief de l’Auvergne ; B) Profil altitudinal de la « fenêtre Sianne » ; C) Profil altitudinal de la « fenêtre Sumène ». Abréviations : NCP = nécropole, CFL = confluence. Crédit : A.-M. Dendievel, 2020-2023.
Figure 1 : Tourbières et sites archéologiques associés. A) Localisation des fenêtres d’étude sur une carte du relief de l’Auvergne ; B) Profil altitudinal de la « fenêtre Sianne » ; C) Profil altitudinal de la « fenêtre Sumène ». Abréviations : NCP = nécropole, CFL = confluence. Crédit : A.-M. Dendievel, 2020-2023.

Ces deux fenêtres présentent de nombreuses tourbières, c’est-à-dire des zones humides dont le sol saturé en eau (conditions anoxiques) permet l’accumulation de tourbe contenant du pollen et des macro-restes botaniques par exemple. En s’accumulant au cours du temps, ces restes forment de véritables « archives naturelles » idéales pour reconstituer l’évolution des environnements du passé au présent (Cubizolle 2019).

Les fenêtres d’étude ont été choisies car elles présentent des tourbières à proximité immédiate, voir au sein même, de sites de la Protohistoire répartis le long de gradients altitudinaux (cf. fig. 1) :

  • Pour la « fenêtre Sianne », ce gradient s’étage de 1 455 m au niveau de la tourbière des sources de la Sianne, jusqu’à 680 m d’altitude pour la tourbière du Lac Long (aussi connu sous le nom de Lac Lant) sur le plateau de la Pénide, à Espalem.

Au plus haut, les sites archéologiques sont représentés par des « tras » (ensemble d’habitats semi-excavés, souvent alignés en peigne). Il y a aussi de nombreuses nécropoles tumulaires et sites d’habitat aux altitudes intermédiaires (1200 – 900 m) : nécropole de la Croix-de-Baptiste près de la tourbière de Sagne-Gousseau, tumulus de Laurie et sites du Bru ou de la Coharde près du Vern. Plus bas en altitude, le plateau de la Pénide présente un site fortifié occupé durant trois phases (Néolithique moyen, âge du Bronze ancien et final IIIb), ainsi qu’une nécropole tumulaire – actuellement en cours de fouille – dont les éléments de datations renvoient à différentes occupations du Néolithique moyen, de la fin de l’âge du Bronze moyen d’après les datations par le radiocarbone, et du Bronze final IIb-IIIa sur la base du rare mobilier recueilli (Dendievel et alii 2020).

  • Pour la « fenêtre Sumène », ce gradient s’étage de 1 100 m (tourbière de Tronque, Plateau de Trizac) à 719 m d’altitude (tourbière de Chastel-Marlhac). Ici aussi, les sites archéologiques sont omniprésents avec des tras en altitude, des nécropoles tumulaires (plateaux de Trizac et de Saint-Étienne-de-Chomeil) et des sites de hauteur (Chastel-Marlhac, Rochemur).

II – Méthodologie suivie

Pour étudier les archives sédimentaires, nous avons utilisé une méthodologie s’appuyant à la fois sur une approche géohistorique, sur un travail de terrain précis et des analyses en laboratoire (voir la démarche en détail dans Dendievelet alii 2020).

En bref, l’approche géohistorique est la 1ʳᵉ étape qui consiste à dépouiller différents documents afin d’identifier des zones humides ayant accumulé des sédiments sur le long terme. Elle s’appuie sur l’étude des cartes et plans anciens, notamment le « Cadastre Napoléonien » et les cartes topographiques de l’IGN depuis le début du XXe siècle. Ces documents sont accessibles aux archives départementales (par exemple, celles du Cantal : https://archives.cantal.fr/rechercher/cadastre-et-archives-foncieres/cadastre-napoleonien) et sur le Géoportail (http://www.geoportail.gouv.fr).

Figure 2 : A) Sondage à la barre dans la tourbière de Mérigot (Crédit : L. Antoine, 2020) ; B) Carottier russe utilisé dans la « fenêtre Sumène » (Crédit : A.-M. Dendievel, 2019).

Une fois l’intérêt de la zone humide confirmée, l’étape 2 a lieu sur le terrain. Le sondage à la barre permet d’estimer l’épaisseur des sédiments en enfonçant une tige filetée graduée (fig. 2a). Cette technique donne une information qualitative sur l’épaisseur et le type de sédiment (argile, tourbe, sables).

Les informations sont géoréférencées à l’aide d’un GPS différentiel afin d’implanter le point de carottage dans la zone la plus profonde (étape 3). Le carottage est alors réalisé en utilisant un carottier manuel (fig. 2b).

Les sédiments sont décrits sur le terrain en fonction du degré de décomposition de la matière organique, de leur texture et de leur couleur. Les carottes de sédiments sont ensuite conservées en chambre froide en vue de leur étude.

Figure 2 : A) Sondage à la barre dans la tourbière de Mérigot (Crédit : L. Antoine, 2020) ; B) Carottier russe utilisé dans la « fenêtre Sumène » (Crédit : A.-M. Dendievel, 2019).

Enfin, l’étape 4 se déroule en laboratoire avec les datations par le radiocarbone (14C) et l’analyse du taux d’aimantation des sédiments (susceptibilité magnétique). Les datations ont été effectuées par accélérateur de spectrométrie de masse (AMS) sur des macro-restes botaniques identifiés, ou sur sédiments bruts lorsque cela n’était pas possible. Nous avons ciblé certains niveaux remarquables comme la transition entre les sédiments lacustres et la tourbe, ainsi que les niveaux de charbons. Les résultats ont été calibrés avec la courbe de calibration « IntCal20 » (Stuiver et Reimer 1993 ; Reimer et alii 2020). Quant à la susceptibilité magnétique volumique (SM), elle a été mesurée avec une sonde Bartington MS2E à une résolution de 1 cm. Cette analyse est utilisée pour analyser l’accumulation de sédiments aimantés due à l’érosion par exemple.

III – Résultats et discussion

Dans ce carnet de terrain, les résultats présentés sont préliminaires et susceptibles d’être complétés dans les prochaines années. Nous présentons d’abord les séquences stratigraphiques extraites des zones humides, ainsi que les premières datations données en âges calibrés, qui reflètent les modalités d’évolution des écosystèmes. L’ensemble des datations est disponible mis en ligne en accès libre sur le site PANGAEA (https://doi.pangaea.de/10.1594/PANGAEA.957252). Nous discutons par la suite des informations que ces premiers résultats offrent sur la mise en place des tourbières et la conservation des archives environnementales remontant à la Protohistoire sur les deux secteurs étudiés.

1 – Fenêtre Sianne

Le long de la fenêtre Sianne, quatre principaux sites ont été carottés et sont en cours d’étude (fig. 3) :

  • Concernant la tourbière des sources de la Sianne, située à 1 455 m près du Signal du Luguet, le carottage montre une accumulation de plus de 350 cm de tourbe, mais le substrat géologique n’a pas été atteint lors du carottage (fig. 3-A). Plusieurs niveaux de charbons témoignent d’incendies locaux. Le plus ancien a été daté du Néolithique final à 230 cm de profondeur. Les niveaux de charbons repérés pourraient indiquer des défrichements à haute altitude (1 500 m). Nous pouvons situer approximativement la Protohistoire entre 200 et 100 cm de profondeur.
  • Entre 1250 et 1 100 m d’altitude, deux sites ont été carottés : la tourbière de Sagne Gousseau, dominant le plateau d’Allanche, et les poches tourbeuses du Vern sur le plateau de la Coharde.
  • D’après nos premiers résultats, la tourbière de Sagne Gousseau se serait formée par paludification au cours du Mésolithique (fig. 3-B). À ce stade des recherches, on peut supposer que les niveaux de tourbe de la Protohistoire se situent entre 45 et 95 cm de profondeur environ. L’analyse de ce site, installé au pied de la nécropole tumulaire de la Croix de Baptiste, est cruciale pour reconstituer l’évolution d’un paysage de moyenne montagne en contexte funéraire. Par ailleurs, l’étage altitudinal auquel se trouve cette tourbière correspond à une zone de transhumance majeure et devrait permettre d’étudier l’impact des pratiques de pâturage sur le long terme.
  • Au Vern, un carottage a permis de prélever 1,7 m de tourbe argileuse, avant de se heurter à un niveau sablo-graveleux (fig. 3-C). La base de la poche tourbeuse a été datée de l’Antiquité tardive (545-645 après J.-C.), et pourrait faire suite à une déstabilisation du versant, voire un glissement de terrain.
  • Enfin, à 700 m d’altitude, plusieurs zones humides sont présentes entre les tumulus de la nécropole protohistorique de la Pénide, à Espalem (43). Nous avons réalisé plusieurs carottages au Lac Long. La séquence débute par un dépôt lacustre organo-minéral (gyttja) daté du Mésolithique (fig. 3-D). Au Néolithique ancien, le lac s’est comblé et a évolué en tourbière. Un retour vers un système lacustre-palustre semble probable au Bronze final (1209-1016 avant J.-C.), au moment où sont construits certains tumulus. De plus l’analyse de la susceptibilité magnétique démontre une forte érosion des sols de la Protohistoire à l’Antiquité Tardive, en lien avec les activités anthropiques très certainement (Delrieu, Martinez et Dendievel 2023). Les études paléoécologiques en cours (palynologie, macro-restes) permettront de préciser les différentes évolutions du paysage ainsi que les activités agro-pastorales locales.
Figure 3  : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sianne ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.

Figure 3  : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sianne ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.

1 – Fenêtre Sumène

Le long de la fenêtre Sumène, plusieurs autres sites ont été carottés et sont en cours d’étude (fig. 4) :

  • La tourbière de Tronque est située à 1 100 m d’altitude sur le plateau de Trizac, entre les vallées de la Sumène et du Mars. Le carottage montre une accumulation de plus de 250 cm de tourbe (substrat géologique non-atteint ; fig. 4-A). Au moins un niveau de charbons témoigne d’incendies locaux et remonterait au Néolithique final (fig. 4-A). On estime que les niveaux de sédiments de la Protohistoire se situerait entre 95 et 50 cm de profondeur.
  • Au nord, en rive droite de la Sumène et du Soulou, quatre tourbières ont été carottées sur la commune de Saint-Étienne-de-Chomeil : deux tourbières aux Brougues, une tourbière située sous le pointement de Mérigot, et une tourbière à Muratet au pied du site de hauteur de Rochemur. Les données chronostratigraphiques sont assez semblables : ces sites correspondent à d’anciens petits lacs remontant au Tardiglaciaire (fig. 4-C ; fig 4-D). Certains ont même conservé des niveaux de cendres volcaniques (appelés téphras). Ces lacs se sont comblés progressivement, à différentes vitesses, entre la fin du Paléolithique et le Mésolithique final d’après les datations obtenues. Il s’agit aujourd’hui surtout de tourbières planes, voire bombées comme à Mérigot. Des informations sur les paysages protohistoriques sont probablement conservées dans la partie supérieure de ces séquences entre 30 et 70 cm de profondeur majoritairement.
  • Enfin, une dernière séquence a été extraite d’une petite zone humide située sur le plateau de Chastel-Marlhac. Ce site situé à 780 m d’altitude domine la plaine de la Sumène. La séquence présente plus de 5 m de sédiments lacustres (substrat géologique non-atteint ; fig. 4-B). Dans ce contexte, les datations réalisées sur du sédiment brut (faute de mieux) doivent être considérées avec une extrême prudence en raison de l’« effet réservoir » lié à la présence de carbone ancien recyclé par les plantes aquatiques et/ou les crustacés présents dans les sédiments. Dans la partie supérieure, un niveau organique riche en charbons a été daté de l’âge du Bronze moyen. L’étude de la susceptibilité magnétique suggère une érosion croissante peut-être jusqu’à l’Antiquité tardive, moment où le plateau de Chastel-Marlhac est citéh dans les écrits de Grégoire de Tours (Delrieu, Martinez et Dendievel 2023). Par ailleurs, l’analyse préliminaire des macro-restes a mis en évidence la persistance de taxons aquatiques tout au long de la séquence (daphnies, cristatelle, potamot) sur ce site (Delrieu et alii 2021).
Figure 4 : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sumène ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.
Figure 4 : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sumène ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.

IV – Éléments de synthèse et perspectives

À travers ce carnet de terrain, nous avons présenté les résultats liminaires de caractérisation (stratigraphie, premières datations, susceptibilité magnétique) des séquences sédimentaires issues des tourbières des vallées de la Sianne et de la Sumène. Cette recherche minutieuse et longue souligne l’intérêt et le potentiel d’étude des tourbières situées à proximité immédiate des sites archéologiques pour reconstituer l’évolution des paysages locaux sous l’effet des activités humaines. Si la plupart des zones humides étudiées résultent du comblement d’anciens lacs, nous avons pu confirmer que des archives sédimentaires de grand intérêt pour la reconstitution des paysages protohistoriques sont bien conservés sur ces sites, ce qui n’était pas un pari gagné d’avance ! Ce travail de longue haleine poursuit actuellement son cours à travers l’étude paléoécologique du lac long à Espalem et celle de la séquence des sources de la Sianne. À suivre…

V – Bibliographie

Cubizolle 2019

Cubizolle (H.). – Les tourbières et la tourbe. Géographie, hydro-écologie, usages et gestion conservatoire, Paris, Lavoisier, 419 p.

Delrieu et alii 2020

Delrieu (F.), Auxerre-Géron (F.), Dendievel (A.-M.), Duny (A.), Mennessier-Jouannet (C.), Lacoste (E.), Muller (F.), Roscio (M.), Surmely (F.). – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute-Auvergne). Départements du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme. Rapport de prospection thématique avec sondages – année 2019, Clermont-Ferrand, DRAC – SRA AuRA.

Delrieu et alii 2021

Delrieu (F.), Auxerre-Géron (F.-A.), Dendievel (A.-M.), (Duny A.), Mennessier-Jouannet (C.), Lacoste (E.), Muller (F.), Richard (H.), Surmély (F.). – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute Auvergne). Troisième année – 2020, Clermont-Ferrand, SRA Auvergne-Rhône-Alpes, 110 p.

Delrieu et alii 2019

Delrieu (F.), Auxerre-Géron (F.-A.), Dendievel (A.-M.), Duny (A.), Muller (F.), Mennessier-Jouannet (C)., Roscio (M.). – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute-Auvergne), Rapport 2018 de prospection thématique avec sondages, Clermont-Ferrand, SRA Auvergne-Rhône-Alpes.

Delrieu, Martinez et Dendievel 2023

Delrieu (F.), Dendievel (A.-M.), Martinez (D.). – Approche comparative de l’occupation des sites de hauteur en Auvergne (Bronze final III/premier âge du Fer et Antiquité tardive/haut Moyen Âge) : chronologie, formes, dynamiques spatiales et paysagères à l’échelle d’un territoire. In Martinez (D.), Quiquerez (A.), Approche diachronique des sites de hauteur des âges des Métaux, de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, Editions ArteHis, Dijon. URL : http://books.openedition.org/artehis/30933

Dendievel,Delrieu et Duny 2020

Dendievel (A.-M.), Delrieu (F.), Duny (A.). – « Entre Lacs et Tourbières : approche pluridisciplinaire de l’évolution des paysages et des zones humides de la Pénide à Espalem (Haute-Loire) », BIOM – Revue scientifique pour la biodiversité du Massif central, 1, p. 1‑11.

Reimer et alii 2020

Reimer (P.-J.), Austin (W.E.N.), Bard (E.). – « The IntCal20 Northern Hemisphere Radiocarbon Age Calibration Curve (0–55 cal kBP) », Radiocarbon, 62, 4, p. 725‑757.

Stuiver et Reimer 1993

Stuiver (M.), Reimer (P.-J.). – « Extended 14C data base and revised CALIB 3.0 14C Age calibration program », Radiocarbon, 35, 1, p. 215‑230.

Affiliations : 1) Univ Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, ENTPE, UMR 5023 LEHNA, F-69518, Vaulx-en-Velin ; 2) GRAV – Groupe de Recherche Archéologique Vellave, 43 600 Sainte-Sigolène ; 3) DRAC ARA, Service Régional de l’Archéologie, 63 000 Clermont-Ferrand ; 4) UMR CNRS 5138 ArAr, 69 007 Lyon ; 5) Paléotime, 38 250 Villard-de-Lans ; 6) UMR 8546 AOrOc CNRS – ENS, 75 230 Paris Cedex 05 ; 7) UMR 6042 Geolab CNRS – UCA, 63 000 Clermont-Ferrand ; 8) UMR 6249 Chrono-Environnement CNRS – UBFC, 25 000 Besançon.

Sites fortifiés et occupations de hauteur en Auvergne

Type de projet : Projet collectif de recherche (PCR) Sites fortifiés et occupations de hauteur en Auvergne de l’âge du Bronze final à la fin des âges du Fer

Date : 2007

Responsable : Patrick Pion

Notice et documents : Patrick Pion, R. Lauranson, M.-C Kurzaj

Rapport : Rapport d’activité 2007

  • I – Résumé du rapport d’activité 2007 (2e année)
  • II – Sommaire du rapport PCR 2007
  • III – Résultats principaux
  • IV – Prospectives 2008

I – Résumé du rapport d’activité 2007 (2e année)

Les objectifs généraux et problématiques de ce Projet Collectif de Recherche étant détaillés dans le rapport d’activité 2006, le lecteur voudra bien s’y reporter. On ne développera ici qu’une brève synthèse des travaux réalisés en 2007.

II – Sommaire du rapport PCR 2007

Documentation : dépouillements systématiques

  • Résultats du dépouillement systématique des albums photographiques du MAN par départements (J.P. Guillaumet ; P. Pion)

État des enquêtes par départements

Allier

  • Principaux résultats de la fouille de Hérisson (D. Lallemand)
  • Bilan documentaire et évaluation des recherches anciennes sur l’éperon barré de Bègues / Les Charmes (P. Pion)
  • Inventaire exhaustif des sites de hauteur et installations fortifiée du département de l’Allier (D. Lallemand)

Puy de Dôme

  • Découverte et Prospection de sites de hauteur inédits en Combrailles (G. Massounie)
  • Occupation protohistorique du château du Broc (R. Liabeuf)
  • Toponymie historique du plateau de Gergovie (A. Rousset ; M. Rousset ; Y. Deberge)
  • Résultats de l’application d’un SIG à l’analyse des covisibiltés entre oppida et plaine de la grande Limagne (S. Mesnart)
  • Résultats principaux des fouilles 2007 : Gondole
  • Résultats principaux des fouilles 2007 : Corent (P.-Y.Milcent ; M. Poux)
  • Résultats principaux des fouilles 2007 : Gergovie (M. Garcia ; Y. Deberge)

Haute-Loire

  • Prospections et interventions sur l’oppidum de La Rochelambert/Marcillac à St-Paulien (M.C. Kurzaj ; E. Nectoux)
  • Examen des collections anciennes de l’oppidum du Mont Mallorum à Bas-en-Basset (R. Lauranson)
  • Étude du matériel protohistorique des sondages récents du chateau de Polignac (M.C. Kurzaj)
  • Contrôles au sol de l’éperon barré de Genier-Mongon, le Razat (B. Dousteyssier ; F. Delrieu)

Cantal

  • Occupations et fréquentations protohistoriques sur la planèze de Pierrefort (prospections F. Surmely ; P. Pion)
  • Chastel-sur-Murat : étude des collections anciennes et ré-interprétation du site (P. Pion ; L. Izac-Imbert)
  • Repérages et documentation de sites à partir de collections associatives ou privée : musées d’Antignac, de Massiac (P. Pion ; R. Liabeuf)
  • Contrôles au sol de l’éperon barré du Martinet à Molèdes (B. Dousteyssier ; F. Delrieu)
  • Contrôles de sites connus : Camp de César à La Bessette, Escoalier à Mauriac et Bort-les-Orgues
  • Nouveaux signalements : éperon barré du Gour Noir (H. Pigeire)
  • Nouveaux signalements : Labro à Ferrières-St-Mary (F. Delrieu ; B. Dousteyssier)

III – Résultats principaux

Hors fouilles programmées, les acquis principaux de 2007 concernent d’une part la datation des occupations de plusieurs sites de hauteur, d’autre part leurs fonction et complémentarités éventuelles.

Sur le premier point, l’un des traits les plus remarquables est la fréquence des occupations Bronze/Ier Fer sur beaucoup des sites « datés » (par ailleurs encore bien peu nombreux), tandis que contre toute attente on note souvent l’absence ou la fugacité des vestiges attribuables au Second âge du Fer et notamment à sa fin, pour des sites dont certains pourtant furent qualifiés d’oppida (Polignac, Le Bru, Carlat – en cours-). On ne peut en effet évoquer des problèmes de conservation ou de taphonomie, car ce matériel tardif est généralement mieux conservé, et volumineux au point d’occulter souvent les occupations plus anciennes.

La problématique des fonctions et complémentarités éventuelles est renouvelée quant à elle par deux études approfondies.

Chastel-sur-Murat (P. Pion ; L. Izac-Imbert) a fait l’objet d’un conséquent travail de recollement des planches originales de Pagès avec les copies d’originaux, planches publiées et le matériel conservé au musée d’Aurillac, ce qui a permis de relocaliser au moins approximativement un certain nombre de découvertes. Il ressort du faciès mobilier une fréquentation à la LTC2 et LTD1 (II s – début du Ier s. BC) avec un vraisemblable hiatus à LT D2 avant les occupations plus tardives romaines et médiévales. La surprise réside dans les catégories de mobilier représentées, trop sélectives pour correspondre à un habitat, et encore moins à un oppidum, en dépit du qualificatif de « petite Bibracte » qui lui fut donné. Il s’agit d’un site à fonctions rituelles lato sensu, d’un type toutefois radicalement différent des sanctuaires connus au cœur du territoire arverne aussi bien qu’en Bourgogne ou Gaule Belgique (absence totale des armes et des amphores notamment). Il conviendra donc d’approfondir l’enquête pour mieux identifier les pratiques dont il fut le siège.

Le bassin de Clermont-Ferrand, le plus intensivement exploré archéologiquement, a fait l’objet d’une étude expérimentale à grande échelle en mobilisant les potentialités d’un SIG, pour aborder les sites dans le paysage, en termes de visibilités et covisibilités (S. Mesnart, mémoire de master 2 de Paris X). Il en ressort notamment que les champs visuels couverts par Corent et Gergovie sont largement complémentaires, le premier contrôlant spécifiquement le secteur d’Aulnat et la partie aval du cours de l’Allier, tandis que Corent maîtrise seul le cours en amont du verrou. Gondole quant à lui est visible des deux sites mais son champ visuel est inexistant et son implantation répond manifestement à d’autres critères que le contrôle territorial.

IV – Prospectives 2008

Pour le Puy de Dôme, plusieurs opérations du programme initial pour 2007 n’ont pu être réalisées, du fait de la surcharge de travail des archéologues de l’INRAP qui participent au PCR sans avoir pu bénéficier de jours PASS à lui consacrer. C’est notamment le cas pour l’inventaire du département Puy-de-Dôme, qui demande un investissement en temps assez lourd et doit impérativement être terminée en 2008.

Concernant les prospections, il est clair que la carte actuelle des sites présente des vides étonnants qui doivent être testés systématiquement. Le cas de la Combraille, comme celui de la planèze de Pierrefort, est à cet égard exemplaire puisqu’aucun site n’y était signalé à ce jour sur la carte archéologique. On envisage donc d’ouvrir une autre fenêtre dans des zones vierges (Mauriac ou la Chataigneraie pour le Cantal, Haut-Allier pour la Haute-Loire, en fonction des disponibilités des chercheurs. Mais le problème crucial demeure évidemment la datation de ces sites, pour lesquels la seule typologie des aménagements, quand ils existent, est insuffisante. Il est certain que pour cela on ne pourra faire l’économie de sondages sur un échantillon de sites qu’il conviendra de cibler précisément.

Détails des structures observées lors de missions de prospections aériennes. 1 – Rempart supposé du site des Charmes ; 2 – Rempart de l’ oppidum du second âge du Fer ; 3 – Enclos ; 4 – Fanum , bâtiments annexes et fosses (?) ; 5 – Fossés ; 6 et 7 – Talus anciens ?
Détails des structures observées lors de missions de prospections aériennes. 1 – Rempart supposé du site des Charmes ; 2 – Rempart de l’ oppidum du second âge du Fer ; 3 – Enclos ; 4 – Fanum , bâtiments annexes et fosses (?) ; 5 – Fossés ; 6 et 7 – Talus anciens ?
Carte des sites de hauteur de Combrailles, Sud-est (Puy-de-Dôme)
Carte des sites de hauteur de Combrailles, Sud-est (Puy-de-Dôme)
Balles de fronde romaines en plomb, certaines inscrites (MAN)
Balles de fronde romaines en plomb, certaines inscrites (MAN)
Enceinte de Puy-Chabannes, Gelles (63)
Enceinte de Puy-Chabannes, Gelles (63)
Gergovie / Corent / Gondole (63)
Gergovie / Corent / Gondole (63)
Saint-Paulien, Marcillac / La Rochelambert (43)
Saint-Paulien, Marcillac / La Rochelambert (43)
Mont-Mallorum (Bas-en-Basset, 43)
Mont-Mallorum (Bas-en-Basset, 43)
Localisation du site de Labro (matérialisé par une étoile) sur un fond de carte IGN.
Localisation du site de Labro (matérialisé par une étoile) sur un fond de carte IGN.
Photographie verticale IGN drapée avec le relief – GÉOPORTAIL 2007
Vue prise de l’est
Photographie verticale IGN drapée avec le relief – GÉOPORTAIL 2007
Vue prise de l’est
Bracelets en verre et fibules, Chastel-sur-Murat (15)
Bracelets en verre et fibules, Chastel-sur-Murat (15)
Ferrières St-Mary, Labro (15)
Ferrières St-Mary, Labro (15)

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide et le tumulus 21

Anne Duny

1 – Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Le contexte géographique et géologique

Localisation de l'intervention archéologique => A – Carte de France (Admin Express 2019 – IGN) ; B – Carte de la région ARA (Admin Express 2019 – IGN) ; Carte au 1/50 000 (SCAN100 Métropole LAMB93 01-2020 – IGN ; CAO F. Muller)
Fig. 1 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Localisation de l’intervention archéologique => A – Carte de France (Admin Express 2019 – IGN) ; B – Carte de la région ARA (Admin Express 2019 – IGN) ; Carte au 1/50 000 (SCAN100 Métropole LAMB93 01-2020 – IGN ; CAO F. Muller/ARAFA)

Le plateau de La Pénide se situe sur la commune d’Espalem, dans le département de la Haute-Loire. Ce secteur de moyenne montagne, peu impacté par les politiques d’aménagements du territoire, recèle un patrimoine archéologique d’exception.

Une nécropole tumulaire et un habitat de hauteur en sont les atouts majeurs.

Les vestiges archéologiques se localisent sur la bordure occidentale du plateau qui culmine entre 685 et 687 m NGF, au lieu-dit La Pénide (Fig. 1). Ce plateau basaltique s’intègre dans la province volcanique de la Margeride, à la lisière occidentale du Cézallier. Sa formation est le résultat de coulées successives, liées à l’activité volcanique. La partie sommitale est composée d’un basalte/basanite à petits cristaux de hornblende qui présente un déficit en silice. Les formes de dissolution rencontrées sur cette coulée se caractérisent par des fentes, failles ou diaclases peu développées. La pente de la façade occidentale du plateau est marquée par des formations sédimentaires oligocènes. L’ossature hercynienne de la formation se définit enfin par un terrain cristallophyllien : paragneiss à biotite et sillimanite (Thonat, Mathonnat et Le Garrec 2006).

Carte de situation du tumulus 21, des monuments tumulaires, de l’habitat du Razé et des zones humides sur le plateau de la Pénide (Cartographie et DAO : Fabrice Muller)
Fig. 2 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Carte de situation du tumulus 21, des monuments tumulaires, de l’habitat du Razé et des zones humides sur le plateau de la Pénide (Cartographie et DAO : Fabrice Muller/ARAFA)

La particularité du plateau d’Espalem réside dans la présence de dépressions circulaires à ovoïdes (Fig. 2) dénommées : Lac Lant (ou Lac Long), Lac Citrou, Lac Bec (ou le Grand Lac), Lac Estang. L’origine de ces zones humides prête toujours à débat. Si la thèse d’une formation liée à un phénomène phréatomagmatique semble à l’heure actuelle pouvoir être écartée (Dendievel, Delrieu et Duny 2020), l’éventualité d’une formation corrélée à la fusion d’hydrolaccolites pourrait, quant à elle, être privilégiée.

Ces zones humides ont été fortement impactées par une activité principalement agricole (drainage, mise en culture…). Cette pression humaine significative dès le Moyen Âge n’a cessé de s’accroître aux époques postérieures. A l’heure actuelle, le plateau est principalement marqué par une activité agro-pastorale. Conséquences directes de l’interaction hommes/milieux, les monuments tumulaires et le rempart de l’habitat ont servi de carrières de pierres ou ont, a contrario, été rechargés de matériaux issus des champs avoisinants.

2 – Présentation de la nécropole tumulaire et des connaissances acquises

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Pénide avant intervention archéologique : butte engazonnée (Tumulus 3). Cliché : A. Duny
Fig. 3a : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Nécropole avant intervention archéologique : butte engazonnée (Tumulus 3) (A. Duny/ARAFA)

Au sein de ce contexte, les tumulus apparaissent hors-sol, sous forme de butte empierrée et/ou végétalisée (Fig. 3). Ils viennent coiffer un paléosol peu épais, une dizaine de centimètres tout au plus, ou directement le substrat sub-émergeant. Ces vestiges funéraires ont été pour la première fois reconnus durant les années 1970/1980 par Alphonse Vinatié, correspondant de la 3ème circonscription des Antiquités Préhistoriques et Historiques d’Auvergne. Il identifia une série de 35 tumulus et tombelles en spécifiant dans ses notes que certains d’entre eux ne pouvaient au final correspondre qu’à de simples pierriers (Vinatié 1983). Il mit également en évidence les témoins de l’habitat fortifié situé à l’ouest de la nécropole, à l’emplacement de l’éperon barré du Razé.

Depuis une quinzaine d’années maintenant, des travaux d’archéologie préventive et programmée viennent poursuivre la recherche initiée par Alphonse Vinatié.

Ainsi en 2018, l’équipe du PCR “Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer” a conduit une campagne ayant abouti au levé topographique de l’ensemble des tumulus et à la rédaction pour chacun d’entre eux d’une fiche d’état sanitaire (Delrieu et al. 2018). Grâce à ce travail, les données d’Alphonse Vinatié ont été largement amendées puisque la nécropole compte à ce jour 57 monuments. On soulignera néanmoins, qu’en l’absence de sondages, certains d’entre eux ne peuvent s’avérer être que des amas empierrés sans organisation particulière. Outre l’aspect quantitatif, la cartographie générée démontre également que les monuments funéraires ne s’orientent pas seulement vers les extrémités NNO et SSE du plateau (éperons) mais sont également “tournés” vers l’intérieur de la planèze au sein de laquelle la présence des lacs devait jouer un rôle symbolique prépondérant.

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Pénide avant intervention archéologique : engazonnement et couverture arbustive (Tumulus 2). Cliché : A. Duny
Fig. 3b : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Nécropole avant intervention archéologique : engazonnement et couverture arbustive (Tumulus 2) (A. Duny/ ARAFA).
Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Pénide avant intervention archéologique : empierrement hors sol et couverture arbustive (Tumulus 51). Cliché : A. Duny
Fig. 3c : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Morphotypologie des tumulus de la Nécropole avant intervention archéologique : empierrement hors sol et couverture arbustive (Tumulus 51) (A. Duny/ ARAFA).

C’est à l’exploitation d’une carrière que l’on doit les interventions d’archéologie préventive. On compte ainsi trois diagnostics (Hénon 1999 ; Dunkley et al. 2006 ; Gandelin 2011) dont deux ont à ce jour donné suite à une fouille. Ce sont ainsi un vaste système de combustion (Blaizot et al. 2004) et deux tumulus et deux pierriers (Duny et al. 2013a ; Duny et al. 2013b ; Duny 2016) qui ont pu être fouillés entièrement. Ces derniers travaux ont ouvert la réflexion sur les problématiques architecturales, funéraires et chronoculturelles, que les recherches en cours et à venir vont poursuivre. Il s’agit notamment de dresser une typologie des constructions tumulaires en mettant en évidence les similitudes et les disparités. La fouille de deux des monuments de la nécropole a d’ores et déjà montré que si les dimensions sont quasiment identiques : diamètre respectif de 11 m et 11,30 m, les modes de constructions diffèrent sensiblement. Dans un cas, on observe une architecture plus complexe avec la mise en œuvre de trois espaces internes distincts, chacun ceinturé par une couronne périphérique dont l’ultime en élévation. Dans l’autre cas, il s’agit d’une architecture plus classique s’articulant autour d’un pavage cerclé d’une couronne en élévation et surmonté d’une chape mixte de terre et de pierres (Fig. 4). Ces architectures s’accompagnent également d’un mobilier rare mais attribuable à deux états distincts : Bronze moyen/Bronze final I pour l’un, Bronze final IIb/IIIa pour l’autre.

Relevés planimétriques de la base des tumulus 1 et 6 (Extrait de Duny et al. 2013a et b)
Fig. 4 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Relevés planimétriques de la base des tumulus 1 et 6 (Extrait de Duny et al. 2013a et b/ARAFA)
Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Relevés planimétriques de la base des tumulus 1 et 6 (Extrait de Duny et al. 2013a et b)

3 – Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. La fouille du tumulus 21

La Nécropole de la Pénide offre donc l’opportunité rare d’étudier un corpus conséquent de tumulus en bon état de conservation. Pour initier les recherches sur ces constructions dans le cadre de l’archéologie programmée, choix a été fait de débuter les travaux par la fouille du tumulus 21 (Fig. 5). Monument le plus septentrional de la nécropole et l’un des plus grands, ce tumulus est installé en partie sommitale du plateau et domine le lac Bec (Fig. 6).

En l’état actuel de nos connaissances, le tumulus 21 apparaît “hors norme” au sein du paysage tumulaire auvergnat. Il s’agit d’un vaste empierrement orienté NNO/SSE, au contour piriforme. Il se développe sur 22 m de longueur pour 15 m de largeur. Le nettoyage et le relevé planimétrique initial du tumulus 21 réalisé en 2020 (année probatoire) a permis lors de la campagne 2021 (1ère année de triennale) d’inaugurer la fouille proprement dite du monument.

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. La nécropole de la Pénide : Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après nettoyage manuel, campagne de fouille 2020. Cliché : A. Duny
Fig. 5 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après nettoyage manuel, campagne de fouille 2020 (A. Duny/ ARAFA).
Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. La nécropole de la Pénide : Vue du Lac Bec situé immédiatement en contrebas du tumulus 21. Cliché : A. Duny
Fig. 6 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue du Lac Bec situé immédiatement en contrebas du tumulus 21 (A. Duny/ ARAFA).

La méthode de fouille par carroyage à démontages par progressions horizontales et passes successives permettant la réalisation de coupes cumulées, tout en préservant la vision planimétrique des niveaux architecturaux, a été adoptée. A ce jour, la passe 1 correspondant à l’enlèvement des blocs de petits à moyens modules constituant la partie supérieure de la masse tumulaire a été descendue sur la moitié du tumulus, soit 11 quadrants sur 22 au total (Fig. 7). Le niveau atteint correspond à des blocs de modules plus importants s’apparentant pour partie au dôme, pour partie à des aménagements de type couronne. Si la lecture architecturale est encore mal aisée à ce stade de nos travaux, on remarque néanmoins que ce niveau apparaît moins anarchique, plus en place que celui ôté lors du premier démontage. Une première session de prises de vues photogrammétriques a été réalisée afin de pouvoir procéder au dessin pierres à pierres. Les 11 sections générées révèlent également une organisation. Ainsi, en l’état actuel de nos connaissances, l’hypothèse de 2020 sur la présence d’unités architecturales distinctes mais intrinsèquement liées semble être soutenue.

Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après démontage du premier niveau de pierres constituant la masse tumulaire, campagne 2021 (Cliché : A. Duny)
Fig. 7 : Espalem (43) – La nécropole de la Pénide. Vue aérienne zénithale du tumulus 21 après démontage du premier niveau de pierres constituant la masse tumulaire, campagne 2021 (A. Duny/ ARAFA).

Plusieurs observations peuvent être formulées. La campagne de 2021 permet ainsi de révéler que la bordure de l’empierrement s’articule autour de blocs de grandes dimensions disposés à plat, en épi ou de chant entre lesquels s’intercalent des éléments de moindre gabarit. Nous pensons qu’il s’agit là de la couronne externe enserrant la totalité de la construction en pierres sèches. Les blocs plus épars, non jointifs et de gabarit peu important qui se retrouvent en périphérie externe de cette couronne peuvent être associés à des éléments remaniés ou éboulés mais également à un niveau de calage de la couronne, surtout en partie ouest où la pente est plus prononcée.

En se déplaçant vers l’intérieur de la masse tumulaire, les vues aériennes et les sections montrent à nouveau des étapes architecturales distinctes. Si certains aménagements potentiels pressentis au sortir de la fouille de 2020 ont été invalidés par les travaux de 2021, d’autres semblent perdurer à la lecture de la documentation de terrain. Il est encore cependant trop tôt pour affirmer pleinement leur existence et pour définir leur nature : aménagements autonomes, parties de couronne(s) interne(s), remaniements postérieurs… D’un point de vue stratigraphique, on soulignera que trois sondages ont été réalisés jusqu’au socle rocheux. Ces sondages permettent de démontrer que l’empierrement global a été installé sur une unité sédimentaire riche en éclats rocheux pouvant correspondre au niveau du substrat altéré. Cette couche, peu épaisse, n’excède pas 6 à 7 cm de profondeur. On constate également que par endroits les blocs ont été positionnés directement sur le socle rocheux irrégulier. Ce dernier, à l’emplacement du tumulus, opère une légère remontée vers l’est. Cette petite rupture de pente contribue à donner un aspect plus volumineux, plus massif à l’empierrement sur sa façade ouest.

Concernant la culture matérielle, la campagne de 2021 ne permet pas encore de proposer une datation pour la fondation du tumulus, sa base n’ayant pas été encore atteinte. Les premiers résultats indiquent néanmoins que la partie supérieure de la masse tumulaire livre des tessons relevant des périodes médiévale et moderne, tandis que la couche sous-jacente recèle des fragments de céramique non tournée dont deux éléments indiquent de manière certaine des fréquentations du tumulus entre le Bronze final IIIb et La Tène B2b.

Pour conclure, nous signalerons qu’à l’instant T de nos travaux, aucune sépulture n’a encore été mise au jour au sein de la nécropole de la Pénide. La découverte de restes osseux reste donc à venir lors des prochaines campagnes. L’équipe y travaille !


Bibliographie

Blaizot et al. 2004 : Blaizot F., Fabre L., Wattez J., Vital J. et Combes P. – Un système énigmatique de combustion au Bronze moyen sur le plateau d’Espalem (Canton de Blesle, Haute-Loire), Bulletin de la Société Préhistorique Française, 101, n°2, p. 325‑344.

Delrieu et al. 2018 : Delrieu F., Auxerre-Géron F.-A., Dendievel A.-M., Duny A., Jouannet C., Lacoste E., Muller F. et Roscio M. – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute-Auvergne). Départements du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme, Rapport de prospection thématique, 2018.

Dendievel, Delrieu et Duny 2020 : Dendievel A.-M., Delrieu F. et Duny A. – Entre lacs et tourbières : approche pluridisciplinaire de l’évolution des paysages sur les zones humides de la Pénide à Espalem (Haute-Loire), BIOM n° 1, Revue scientifique pour la biodiversité du Massif Central, à paraître, p. 1 à 11.

Dunkley et al. 2006 : Dunkley J., Pasty J.-F., Brizard M., Cabezuelo U., Cayrol J. et Combes P. – Espalem, Haute-Loire : Lac Lant “Les Carrières de Blanchon”, Rapport final de diagnostic archéologique, INRAP Auvergne-Rhône-Alpes, Bron, 2006, 94 p.

Duny, Ayasse, et al. 2013 : Duny A., Ayasse A., Banerjea R., Batchelor C., Gray L. et Save S. – Un tumulus du Bronze final en Haute-Auvergne : le tertre 1 du Lac Citrou à Espalem (Haute-Loire), Rapport final d’opération de fouille préventive, Mosaïques Archéologie, Cournonterral, 2013, 163 p.

Duny, Banerjea, et al. 2013 : Duny A., Banerjea R., Batchelor C., Fernandes P., Gray L. et Save S. – Une structure tumulaire du milieu de l’âge du Bronze en Haute-Auvergne : le tertre n°6 du Lac Lant à Espalem (Haute-Loire), Rapport final d’opération de fouille préventive, Mosaïques Archéologie, Cournonterral, 2013, 149 p.

Duny 2016 : Duny A. – Architecture funéraire de l’âge du Bronze en Haute-Auvergne : le cas de deux tumulus de la nécropole de la Pénide à Espalem, Haute-Loire, in Cl.-A. De Chazelles, M. Schwaller (Dir.) : Vie quotidienne, tombes et symboles des sociétés protohistoriques de Méditerranée nord-occidentale. Mélanges offerts à Bernard Dedet, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, Hors-série n°7, Tome 2, Lattes, 2016, p. 527-542.

Gandelin 2011 : Gandelin M. – Espalem et Grenier-Montgon, Haute-Loire, Auvergne. Lac Lant, Les Pignatieres, Le Blanchon, Rapport final de diagnostic archéologique, INRAP Auvergne-Rhône-Alpes, Bron, 2011, 62 p.

Hénon 1999 : Hénon P. – Espalem et Grenier-Montgon. Lac Lant et Lac Long. Nécropole tumulaire des Lacs, Bilan scientifique régional d’Auvergne, 1999, p. 58‑89.

Thonat, Mathonnat et Le Garrec 2006 : Thonat A., Mathonnat M. et Le Garrec M.-J. – Carte géologique de la France, Feuille de Massiac, n°765, 1/50000e, BRGM, 2006.

Vinatié 1983 : Vinatié H. – Haute-Loire, Espalem : “nécropole tumulaire” des Lacs, Fiches de déclaration de sites, 32 fiches, SRA Auvergne, 1983.

Chronologie du mobilier archéologique

Chronologie du mobilier archéologique du second âge du Fer en Auvergne. Volume 2 : La Tène ancienne en Basse Auvergne Synthèse des données

Christine Mennessier-Jouannet (UMR 8546) et Jean-Claude Lefèvre (UMR 5138)



En 2017 est paru le premier volume d’une vaste somme mise en forme par un collectif de chercheurs qui se sont partagés la tâche d’étudier, comparer, classer et ordonner les mobiliers archéologiques du second âge du Fer, soit une période de temps allant du début du Ve s. à la fin du Ier s. avant notre ère. Cette démarche a abouti à la mise en évidence de treize étapes chronologiques (Mennessier-Jouannet et Deberge 2017).

Dans ce deuxième volume, nous présenterons une synthèse des données acquises sur le cadre de vie, les contextes d’habitation et ceux du domaine funéraire prévalant au début de cette séquence appelée La Tène ancienne. La question de l’acquisition d’une datation précise pour ces ensembles est au cœur de notre propos : elle se rapporte aux deux premiers siècles de cette vaste séquence, à savoir les Ve et IVe s. avant notre ère, en débordant sur le IIIe s.

1 – Une préoccupation majeure : la datation des structures archéologiques par celle de leur mobilier

Dater le matériel issu des fouilles est la démarche préalable et indispensable qui permet, dans un deuxième temps, de comparer les sites entre eux, ainsi que les contextes environnementaux, économiques ou sociaux tout autant que culturels.

Mais, dater avec précision reste une démarche difficile, tributaire des différents niveaux de connaissance et des aléas des découvertes archéologiques à l’échelle des différentes régions, autant de France que, de façon plus large, de l’Europe continentale et du monde méditerranéen. L’obtention des datations en archéologie protohistorique (là où il n’existe pas de textes directs écrits par chaque culture et pour son propre usage) s’est longtemps appuyée sur les comparaisons permises par l’évolution typologique et morphologique des productions de poterie, de métallurgie ou de verrerie etc. Chaque type d’objets vivant et évoluant au rythme de ses avancées technologiques ou des effets de modes et de mimétisme. On obtenait ainsi des schémas évolutifs des productions de l’activité humaine qu’il était nécessaire de raccorder à un même déroulé du temps, autrement dit à une même chronologie. Pour cela, tout d’abord, l’Europe continentale a utilisé les datations offertes par du mobilier d’importation de Grèce ou d’Etrurie, retrouvé en position stratigraphique bien caractérisée sur ses propres sites (par exemple, la céramique attique, les amphores…). Ces productions datées par des textes ont servi de support pour fournir des cadres chronologiques fiables : ainsi, nous savons que Massalia a été fondée vers 600 avant notre ère. Les premières amphores qu’elle produit datent des alentours de 550 et ces récipients ne migrent, – par voies commerciales-, pas avant 525 et plutôt à partir du Ve s. vers le nord de la France. Par conséquent, trouver deux tessons d’amphore massaliète sur un site à Aulnat dans le Puy-de-Dôme indique que le mobilier trouvé en connexion avec eux date également du Ve s. au plus tôt.

Par ailleurs, seuls les habitats et les sépultures des plus riches sont les mieux dotées en armements, parures et divers ustensiles en métal (généralement en alliage cuivreux et en fer, mais aussi en métal précieux) et ces habitats ou sépultures détiennent aussi la majeure part des importations. Ainsi, les référentiels de datation chrono-culturels ont été bâtis à partir du mobilier métallique et fonctionnent très bien dans ce cadre. Le problème est qu’ils sont difficilement adaptables à des régions entières où les sites protohistoriques, et notamment ceux de la période laténienne que nous étudions, sont des habitats ruraux exempts de matériel métallique ou si rare et fragmenté qu’il est difficilement exploitable. Ainsi, en Basse Auvergne et notamment dans la plaine de La Limagne, les premiers ensembles archéologiques offrant une céramique diversifiée et abondante dans les mêmes contextes que du mobilier métallique (armement et parure) datent de la première moitié du IIIe s., à la toute fin de la période d’étude. Il s’agit de la fouille du chemin 8 du site de La Grande Borne, commune de Clermont-Ferrand (fouille de John Collis).

2 – Une méthode indépendante de toute connexion avec l’archéologie : la datation par le 14C

L’établissement d’une chronologie fondée sur des critères autres que la seule évolution des formes et des techniques de fabrication était indispensable. Jusqu’à une date récente, le recours aux datations par le radiocarbone était peu usité par les protohistoriens travaillant sur le second âge du Fer, tant il était admis qu’elles étaient inutiles en raison de ce qui est appelé “le plateau de l’âge du Fer” de la courbe de calibration (Fig. 1). En effet, ce plateau induit, au moment de la correction de l’âge 14C, une très importante incertitude atteignant plusieurs siècles (Fig. 2)

Après une forte rupture de la courbe de référence au IXe s. (fenêtre de réponse optimale), un premier palier s’étend du VIIIe à la fin du Ve s. Un décrochement tout aussi net s’effectue alors qui couvre le IVe s. (autre fenêtre optimale qui concerne notre étude). La courbe connaît ensuite un nouveau plat marqué par de multiples oscillations que l’on peut distinguer en deux séquences. Ainsi, du point de vue des possibilités offertes par le radiocarbone pour une étude centrée sur La Tène ancienne, seule une fenêtre nette, mais brève, peut être mise à profit pour dater en chronologie absolue les ensembles de mobilier couvrant la deuxième moitié du VIe s. (Hallstatt D2-D3) et les Ve, IVe et première moitié du IIIe s. (La Tène A1 et A2 et La Tène B1 et B2).

L’opportunité fournie par cette lucarne dans la courbe de calibration a été vue comme la possibilité d’adosser nos propositions de chronologie relative (les étapes de la périodisation proposée pour l’Auvergne) à un référentiel reconnu en chronologie absolue. Cette étape franchie, il restera encore la nécessité de faire le lien avec les sériations chrono-culturelles en vigueur pour l’Europe de l’Ouest (chronologie allemande).

Concrètement, les dates à partir d’ossements (animaux ou humains) ont été privilégiées sur les charbons de bois (sauf dans un cas, l’anille d’une meule rotative conservée dans son logement et gardant le diamètre complet d’une branche d’ormeau). Ce choix, nous permet d’éviter les imprécisions variables de vieillissement dû à l’effet “vieux bois” d’un charbon de bois. En effet la pousse du cerne est annuelle et on ne connaît pas sa position parmi les cernes du bois, donc son âge de croissance. Le renouvellement du collagène d’un ossement étant de quelques années, sa datation est proche de la date de l’évènement que l’on souhaite dater. Les graines souvent brûlées, favorisant ainsi leur conservation, sont des éléments des plus représentatifs puisque leur durée de vie encore plus restreinte, en général annuelle.

Opportunités de datation (ordonnées) offertes par la courbe de calibration (abcisses) couvrant le premier millénaire avant notre ère (indication en valeur absolue comptée avant J.-C). Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre
F ig. 1 : Opportunités de datation (ordonnées) offertes par la courbe de calibration (abcisses) couvrant le premier millénaire avant notre ère (indication en valeur absolue comptée avant J.-C). Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre
Deux simulations de résultats et de leur précision en chronologie absolue en fonction des fluctuations plus ou moins fortes de la courbe de calibration. L’exemple du haut illustre l’imprécision due au plateau du Ier âge du Fer et l’exemple du bas met en évidence la réponse resserrée due à la verticalité de la courbe de calibration. Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre
Fig. 2 : Deux simulations de résultats et de leur précision en chronologie absolue en fonction des fluctuations plus ou moins fortes de la courbe de calibration. L’exemple du haut illustre l’imprécision due au plateau du Ier âge du Fer et l’exemple du bas met en évidence la réponse resserrée due à la verticalité de la courbe de calibration. Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre

3 – Les premiers résultats et les démarches en cours

Plusieurs tests de datation par le radiocarbone ont été effectués dans les années 1990 pour valider l’expérience d’un premier test fait sur le site de Lijay dans la Loire par Michel Vaginay et Vincent Guichard, test parfaitement concluant. Trois dates furent alors lancées : La Moutade et Dallet dans le Puy-de-Dôme (2017, notices n°12 et 19) et Gannat dans l’Allier (2017, notice n°13). Au vu des réponses positives (Fig. 3), la démarche fut élargie à tous les ensembles de référence des cinq premières étapes sélectionnées pour l’Auvergne, soit un total de 23 datations. Les résultats ont été publiés individuellement avec leur notice correspondante (Mennessier-Jouannet et Deberge 2017). Ils bénéficient donc des critères qui ont prévalu pour la sélection des ensembles présentés dans l’ouvrage : ils sont issus de niveaux stratigraphiques bien individualisés à la fouille et contenant un mobilier abondant et aussi diversifié que possible pour la grande majorité d’entre eux. Le regroupement de ces résultats classés dans l’ordre chronologique met en évidence une nette diagonalisation des données laissant apparaître que la séquence longue de deux siècles et demi (de la fin du VIe au milieu du IIIe s.) pouvait être séquencée beaucoup plus finement. D’autre part, le recours au radiocarbone validait certaines données issues de la chronologie relative, notamment en ce qui concerne l’étape 2.

Lors de la mise en chantier du volume 2 sur La chronologie du mobilier archéologique du second âge du Fer en Auvergne : La Tène ancienne en Basse Auvergne. Synthèse des résultats, il est apparu d’une façon générale que le nombre total de datations pour chaque étape n’était pas suffisant pour valider l’ensemble, mais aussi que le corpus de documentation des deux premières étapes demandait à être complété par d’autres ensembles de mobilier. Ceux-ci proviennent des travaux en archéologie préventive qui, depuis 2017 ont enrichi ou complété nos données. En chronologie relative, les résultats publiés en 2017 s’en trouvent renforcés. Dans la logique de notre démarche, une nouvelle série de radiocarbone a été mise en œuvre et, avec le soutien financier de l’Etat, est en ce moment à l’étude au Centre de Datation par le Radiocarbone de Lyon (CNRS et UMR Arar). Ainsi, 29 nouvelles dates compléteront la trentaine de dates que nous possédons déjà.

Rappelons le handicap constant auquel nous sommes confrontés pour caler notre chronologie relative par rapport aux systèmes de datation élaborés sur la base du mobilier métallique, que ce soit le système de Hatt et Roualet pour l’Est de la France ou le système de Reinecke et ses développements pour l’Allemagne du Sud, la Suisse et auquel une vaste partie de la France se rattache. En effet, il n’y a pas de mobilier métallique sur les sites ruraux de Limagne pour cette période ancienne, mais en revanche les nécropoles que nous supposons de la même période regroupent des inhumations qui portent une parure ou un armement ou des objets de toilette uniquement en métal. Cette pratique est commune à un vaste domaine géographique qui couvre le domaine nord-alpin. Deux fouilles récentes, l’une sur la commune de Pont-du-Château l’autre sur celle des Martres d’Artière ont fait l’objet d’une dizaine de datations par le radiocarbone, qui ont fourni des résultats tout à fait convenables en ce sens qu’ils s’inscrivent dans la fourchette chronologique qui nous intéressent. Cependant, le choix des auteurs s’est porté sur des sépultures sans mobilier pour des raisons spécifiques à leur problématique (tombes monumentalisées). En conséquence, a été adjointe à la série de dates provenant de structures d’habitat, une série d’échantillons provenant des sépultures les mieux datées couvrant la même séquence chronologique (tout au moins, nous le supposons).

L’ensemble de ces données chronologique sera ensuite repris et complété par le recours à l’analyse bayésienne pour laquelle le laboratoire de Radiocarbone de Lyon, auteur de la grande majorité des Radiocarbones de l’étude, est partie prenante en la personne de Jean-Claude Lefêvre. L’étude a pour support le logiciel Chronomodel mis en forme par Philippe Lanos, laboratoire de Geosciences à l’Université de Rennes. Sur la base d’un essai préliminaire, l’étape 1 voit une proposition de scission en deux ensembles et l’étape 3 se dégage et s’individualise par rapport aux étapes 4 et 5.

La multiplication des données chronologiques fournies par les différentes méthodes de datation absolue et celles obtenues par les fouilles et l’analyse des mobiliers soulèvent la question de leur traitement conjoint suivant des méthodes fiables et reproductibles. C’est pour répondre à cette question que depuis les années 90 des archéologues, des archéomètres et des statisticiens ont développé des logiciels de modélisation chronologique utilisant des statistiques dites bayésiennes. Celle-ci repose sur le théorème de Thomas Bayes (1702–1761), permettant de déduire la probabilité temporelle d’un événement à partir de celles d’autres événements déjà évalués.

Les statistiques bayésiennes ont été appliquées pour la calibration des datations carbone 14 : conversion des âges C14 brut exprimés en BP en date calendaire via la courbe de calibration. Les différents programmes de calibrations Calib, Oxcal, etc. utilisent ce type de statistiques. Plusieurs logiciels de modélisations chronologiques ont été développés depuis une vingtaine d’années BCal (Buck et al, 1999), OxCal (Bronk et Ramsey, 2005,2009) et à partir des années 2000 RenDateModel puis Chronomodel de Philippe Lanos.

Classement graphique des principaux résultats des datations absolues par le radiocarbone mis en correspondance avec les étapes chronologiques issues du programme collectif de recherche publié en 2017 (Mennessier-Jouannet et Deberge 2017). Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre
Fig. 3 : Classement graphique des principaux résultats des datations absolues par le radiocarbone mis en correspondance avec les étapes chronologiques issues du programme collectif de recherche publié en 2017 (Mennessier-Jouannet et Deberge 2017). Document : C. Mennessier-Jouannet et J.-C. Lefèvre

Ces logiciels permettent d’intégrer dans un même calcul des données temporelles telles que datation radiocarbone, thermoluminescence, archéomagnétisme, typochronologies, ainsi que des contraintes stratigraphiques ou des Terminus ante et post quem. Il est alors possible d’améliorer la précision et la fiabilité de chacune des datations. Ainsi, en utilisant l’ensemble varié de ces données, la modélisation peut déterminer la chronologie, sous forme d’intervalle d’âge donné à deux sigmas de confiance (95 % de probabilité) soit pour un fait événementiel soit pour un phasage culturel ou pour une occupation de site. Dans la présente étude, les amphores massaliètes du site d’Aulnat, îlot des Martyrs (2017 notice n°2), les importations méditerranéennes de Cournon, Les Pointes Hautes (notice en cours) ou Orcet, rue des Vergers (notice en cours), les fibules du site d’Artonne, La Mothe (2017 notice n°7) sont autant de descripteurs qui entreront en ligne de compte pour paramétrer des terminus post quem. La date proposée sera variable en fonction de chaque type de mobilier : par exemple, la date de -525 sera proposée pour les amphores massaliètes, en choisissant le terme le plus ancien possible d’arrivée de ce matériel en Gaule continentale.

En conclusion, de cette tentative de datation absolue des phases anciennes de la périodisation d’Auvergne, il ressort (et cela n’était pas dit d’avance) que le recours au radiocarbone pour dater des contextes depuis le Ha D2-3/ LT A1 jusqu’à La Tène B2 (horizon des fibules de Duchcov et post-Duchcov) peut être pertinent et qu’il existe un créneau utilisable à cet effet.

Mais aussi, la création, par le biais des radiocarbones, d’un référentiel commun à tous les ensembles de mobiliers métalliques ou céramiques de cette période de la fin du premier âge du Fer et de La Tène ancienne permettra de raccrocher les sites ruraux plus nombreux mais plus modestes, au même système chrono-culturel que celui déjà en vigueur pour les mobiliers métalliques accompagnant les sépultures, se rapportant aussi à des strates différentes de la société gauloise.


Bibliographie

Blaizot et al. 2002 : Blaizot F., Milcent P.-Y., De Goër de Hervé, A., Macabéo G., Moulherat Chr., Plantevin C., Oberlin Chr. et Surmely F. – L’ensemble funéraire Bronze final et La Tène ancienne de Champ-Lamet à Pont-du-Château (Puy-de-Dôme), Société Préhistorique Française, Travaux 3, 2002, 164 p., 34 fig., 47 pl.

Blaizot, Dousteyssier et Milcent 2017 : Blaizot F., Dousteyssier B. et Milcent P.-Y. – Les ensembles funéraires du Bronze final et de La Tène ancienne des Martres d’Artière (Puy-de-Dôme), Gallia, 64e supplément, CNRS éd., Paris 2017, 199 p.

Mennessier-Jouannet et Deberge 2017 : Mennessier-Jouannet C. et Deberge Y. – Chronologie du mobilier archéologique du second âge du Fer en Auvergne, 65e supplément de la R.A.C.F, 653 p. et 490 fig.

De l’âge du Bronze au premier âge du Fer

Article initial : De l’âge du Bronze au premier âge du Fer, publié dans « L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril – mai 2008″ qui nous a aimablement autorisé à le reproduire

Auteur : Pierre-Yves Milcent

  • I – L’occupation du sol et les dépôts du Bronze final
  • II – La genèse de l’Age du fer : la fin d’un mythe
  • III – Des hommes et des femmes
  • IV – L’émergence de nouveaux systèmes

Au deuxième millénaire av. J.-C., la pleine maîtrise de la métallurgie des alliages cuivreux est acquise. Le bronze apparaît au début de cette période puis est substitué très progressivement au cuivre, au silex ou à l’os pour la fabrication d’objets. L’obtention de cet alliage nécessite l’intensification des réseaux d’échanges à longue distance dans la mesure où les sources d’approvisionnement des deux métaux constitutifs du bronze ne sont pas localisées, sauf exception, dans les mêmes régions : le cuivre est surtout réparti depuis les Alpes jusqu’à la mer Noire, tandis que les ressources en étain se trouvent principalement concentrées sur la façade atlantique de l’Europe. Le contrôle de l’exploitation et de la circulation de ces métaux a eu pour effet de favoriser la circulation des hommes et des idées, mais il a contribué aussi au renforcement de la hiérarchisation sociale.

Les gisements d’étain du Massif central, dont ceux que l’on connaît dans les Combrailles, ne sont certainement pas étrangers au développement d’une métallurgie bien attestée dès l’âge du Bronze moyen en Auvergne, et qui remonte probablement au Bronze ancien. Toutefois, ils ne doivent pas faire oublier que la région disposait de bien d’autres ressources minérales susceptibles d’être exploitées durant la Protohistoire : l’or, l’argent, le lignite ou encore le sel. Jusque vers 1400 av. J.-C., le bronze est un alliage d’abord réservé à l’élite : il sert surtout à fabriquer des armes (poignards puis épées, pointes de lance), des parures luxueuses et de nombreuses haches dont l’usage n’était pas strictement agricole puisqu’elles pouvaient tout aussi bien servir d’arme ou d’objet à valeur d’échange ; n’oublions pas non plus que le bronze, une fois lustré, présente un éclat proche de celui que possède l’or, métal du pouvoir par excellence. La métallurgie reste donc essentiellement confinée à la sphère de l’économie du prestige social et, en ce sens, le Bronze ancien et le Bronze moyen apparaissent dans la continuité de l’âge du Cuivre. Au Bronze moyen, on assiste pourtant à une cristallisation lente de groupes culturels dont les assises géographiques persisteront à l’âge du Fer. L’Auvergne se fond dans une vaste entité culturelle qui couvre tout le centre de la France, depuis la Charente jusqu’au cours supérieur de la Loire. Ce domaine de la France centrale est largement ouvert aux contacts, aux influences, sans doute grâce au réseau hydrographique ligérien qui relie l’ouest de la France à l’est, le Midi au Bassin parisien. L’affluent qu’est l’Allier permet à l’Auvergne de détenir une position clef dans les réseaux de contacts nord-sud qui s’articulent sur le bassin de la Loire.

De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Occupations identifiées en Basse Auvergne au Bronze final 3 (950-800 av. J.-C.).
De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Occupations identifiées en Basse Auvergne au Bronze final 3 (950-800 av. J.-C.).
1 : Bègues, 2 : Gergovie, 3 : Corent

I – De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. L’occupation du sol et les dépôts du Bronze final

De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Site fortifié du Bronze final (Prospection B. Dousteyssier)
De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Site fortifié du Bronze final (Prospection B. Dousteyssier)

La documentation que l’on peut mobiliser pour le Bronze final (1350-800 av. J.-C.) montre une forte densité de découvertes pour les plaines des Limagnes d’Auvergne et leurs abords. Ce constat tient bien sûr à l’activité de la recherche archéologique, plus intensive ici qu’ailleurs, notamment dans la région clermontoise. Il faut reconnaître toutefois que certains traits de ces micros régions – fort potentiel agricole, proximité avec des zones de plateau propices à l’élevage et au refuge, possibilités d’accès à des biotopes diversifiés, situation privilégiée du point de vue des axes de communication – ont certainement favorisé les concentrations humaines. Au sud de la Grande Limagne d’Auvergne, les principaux reliefs qui barrent la dépression de l’Allier sont occupés et parfois fortifiés lorsque les défenses naturelles ne suffisent pas comme au Puy de Mur à Dallet.

De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Allanche (Cantal) : Tumulus en cours de dégagement (fouille et cliché P.-Y. Milcent)
De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Allanche (Cantal) : Tumulus en cours de dégagement (fouille et cliché P.-Y. Milcent)

L’importance des établissements de hauteur varie au cours du Bronze final et traduit peut-être une forme de compétition d’un territoire à un autre, ou du moins une certaine instabilité dans les formes d’organisation de l’habitat. Au Xe s. av. J.-C. par exemple, le plateau basaltique du Puy de Corent présente les traces d’un établissement humain dense et très étendu (5 ha au minimum), tandis qu’au IXe s. av. J.-C., c’est au contraire la butte de Gergovie et le sommet du Puy Saint-André à Busséol qui paraissent les plus densément investis. Hormis le Puy de Corent, les fouilles réalisées sont encore trop restreintes pour que l’on puisse cerner précisément le statut et les fonctions de ces établissements. L’étendue des rejets domestiques du Bronze final à Corent, leur richesse en mobilier métallique parfois exotique (épingles, couteaux, faucilles, bracelets…), donnent à penser que certains établissements correspondaient à des villages contrôlant un espace agricole étendu ainsi que des activités liées à la production artisanale, métallurgique notamment, et aux trafics à moyenne et longue distances. Autour de Corent, et plus largement dans la région clermontoise, la densité d’établissements de hauteur est exceptionnelle. Dans le reste de l’Auvergne, les sites de même nature, essentiellement des éperons barrés, sont nettement plus dispersés, mais ils commandent eux aussi des itinéraires ou l’accès à des ressources enviées. On constate par ailleurs une concentration remarquable de dépôts d’objets en bronze autour de ces centres aux derniers siècles du Bronze final, ce qui ne peut être fortuit. A l’image des fortifications qui mobilisent une abondante main-d’œuvre, ces stocks métalliques constituent un investissement important (en métal et en objets manufacturés), de même qu’une forme d’ostentation qui semble passer par l’abandon ou la destruction volontaire et ritualisée de richesses. L’Auvergne détient un record en la matière dans le secteur de Bègues : neuf dépôts de bronzes, datés pour la plupart des Xe et IXe s. av. J.-C., sont connus dans un rayon de 5 km autour d’un éperon barré du Bronze final installé à l’aplomb de la vallée de la Sioule et au débouché d’une voie reliant la Limagne au Berry ; l’un d’entre eux, à Jenzat, recelait deux exceptionnelles roues de char coulées en bronze. La constitution de dépôts d’objets hors sépulture, une pratique qui remonte au moins au Néolithique, trouve un point d’orgue au IXe s. av. J.-C. Elle participe alors d’un marquage des principaux centres territoriaux et atteste l’existence de milieux aristocratiques puissants.

II – De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. La genèse de l’âge du Fer : la fin d’un mythe

A compter du VIIIe s. av. J.-C., l’Auvergne, comme les autres régions de la France centrale et orientale, voit l’extension rapide de nécropoles à inhumations sous tumulus. Cette pratique funéraire n’est pas spécifique au premier âge du Fer, mais c’est à cette époque qu’elle devient la plus répandue.

Allanche (Cantal) : Tumulus en cours de dégagement.
Ce site a été sans doute construit au Bronze ancien puis 
réutilisé au Hallstatt moyen pour l’inhumation d’une 
sépulture féminine (fouille et cliché P.-Y. Milcent)
Allanche (Cantal) : Tumulus en cours de dégagement.
Ce site a été sans doute construit au Bronze ancien puis
réutilisé au Hallstatt moyen pour l’inhumation d’une
sépulture féminine (fouille et cliché P.-Y. Milcent)

Entre 800 et 650 av. J.-C. environ, il n’est pas rare que des défunts de sexe masculin soient ensevelis avec une épée en bronze ou en fer. Les protohistoriens, surtout après la Seconde Guerre mondiale, ont longtemps considéré qu’il s’agissait là de tombes de cavaliers originaires d’Europe centrale et parvenus à l’ouest du Rhin à la faveur d’une vague d’invasion. L’hypothèse d’une intrusion militaire permettait de trouver une explication simple au passage de l’âge du Bronze à l’âge du Fer et au problème de l’origine des Celtes : outre leur domination militaire, les guerriers « hallstattiens » auraient imposé leur culture matérielle, leurs techniques plus évoluées (la sidérurgie notamment), leurs coutumes, leur langue, et auraient ainsi préparé le terrain à d’autres vagues de peuplement celtique, celles de l’époque de La Tène.

Tesson à décor incisé ornithomorphe du IX ème siècle av. J.-C.
Puy de Corent (Puy-de-Dôme).
De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Tesson à décor incisé ornithomorphe du IX ème siècle av. J.-C.
Puy de Corent (Puy-de-Dôme)

En Auvergne, les peuples hallstattiens se seraient installés sur les hauteurs pour y demeurer jusqu’au second âge du Fer, laissant pour trace la « céramique des plateaux ». La question du passage de l’âge du Bronze à l’âge du Fer se pose aujourd’hui en des termes bien différents. La céramique du début de l’âge du Fer, que l’on trouve en réalité sur des habitats en bas de versant et en plaine plutôt que sur des points hauts, ne montre pas de rupture avec les productions du Bronze final, malgré l’apparition d’une nouvelle technique décorative, la peinture au graphite, d’aspect argenté, qui remplace les décors du Bronze final constitués de lamelles d’étain collées. Les pratiques funéraires qui se développent au VIIIe s. av. J.-C. ne sont ni exogènes, ni nouvelles, puisque l’inhumation sous tumulus existait déjà, de manière exceptionnelle toutefois, au Bronze final. Le fer, quant à lui, apparaît timidement dès l’âge du Bronze et demeure, de toute façon, un métal d’importance anecdotique jusqu’à une époque assez avancée de l’âge du Fer (fin du VIIe s. av. J.-C.).

Terrine carénée à décor peint au graphite.
Hallstatt moyen, Corent (dessin C. Pouget)
De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Terrine carénée à décor peint au graphite.
Hallstatt moyen, Corent (dessin C. Pouget)

Enfin, la thèse de l’origine orientale de l’équipement des premiers guerriers « hallstattiens » doit être abandonnée, dans la mesure où nous avons pu récemment démontrer que les épées, rasoirs et autres objets dits « hallstattiens » d’Europe ont d’abord été développés dans le domaine atlantique, autour de la Manche orientale, avant d’être diffusés vers la France centrale et l’Est par l’intermédiaire de réseaux d’échanges aristocratiques. L’abandon des anciennes théories « invasionnistes » ne signifie pas pour autant que la transition Bronze-Fer se résumerait à un passage graduel et presque insaisissable d’une période à l’autre. L’étude sur la longue durée de l’occupation des sols en Auvergne montre ainsi que le VIIIe s. av. J.-C. correspond à une période où les sites de hauteur sont largement délaissés, tandis que de nouvelles terres semblent colonisées en fond de vallée, en dépit d’une péjoration climatique.

Dans le sud de la Limagne, les fouilles récentes, celles qui furent conduites sur le tracé de l’autoroute A 710 en particulier, confirment l’occupation dense au premier âge du Fer de bordures de cuvettes palustres, un milieu où les établissements de la fin de l’âge du Bronze font figure de rareté. Si l’on considère désormais les pratiques de déposition ritualisée, les changements sont plus tranchés encore avec la disparition brutale des dépôts d’offrandes métalliques vers 800 av. J.-C. et la multiplication concomitante des épées en contexte sépulcral. Ce mouvement de balancier au bénéfice des dépôts funéraires trahit, comme l’introduction de l’armement « hallstattien », une profonde transformation de l’idéologie symbolique des élites sociales, sans qu’il faille supposer pour autant un renouvellement de population.

III – Des hommes et des femmes

Si les cimetières tumulaires attestent le caractère privilégié des hommes au début du premier âge du Fer, en particulier des porteurs d’épée, les femmes laissent peu de traces au même moment. Ce n’est qu’à partir de l’étape moyenne du premier âge du Fer, entre 650 et 510 av. J.-C., qu’un basculement s’opère. Les armes n’étant plus déposées en contexte funéraire, les sépultures masculines deviennent à leur tour extrêmement sobres tandis qu’à l’inverse, les contextes féminins font l’objet d’un enrichissement parfois exceptionnel. Des parures à l’aspect baroque et varié, ornées de symboles astraux, nécessitant un lourd investissement en termes de technique et de matériaux, peuvent accompagner dans leur tombeau des personnages féminins qui bénéficient par ailleurs de l’édification d’un tertre tumulaire.

Un des tumulus de Mons (Cantal). Vue sur le rebord du plateau.
De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Un des tumulus de Mons (Cantal). Vue sur le rebord du plateau.

Dans le Cantal, le cimetière aristocratique de Mons illustre cette forme de substitution des femmes aux hommes dans le monde des morts. C’est à la même époque que l’on voit réapparaître, en Haute-Auvergne et en Velay, la pratique des dépôts volontaires d’objets métalliques. Ces dépôts non funéraires, dont le plus spectaculaire est celui de la Mouleyre à Saint-Pierre-Eynac (Haute-Loire), réunissent presque exclusivement des bijoux intacts qui forment des équipements cohérents ayant appartenu à des sujets féminins. Comme dans les tumulus, ces parures sont les vestiges imputrescibles de costumes cérémoniels féminins qui, de toute la Protohistoire, n’ont jamais été aussi fastueux. L’importance que prennent certaines femmes dans les contextes archéologiques dépasse largement le cadre auvergnat et pose des difficultés d’interprétation. Il est probable qu’elle corresponde à une nouvelle définition du rôle respectif des hommes et des femmes au sein de la famille, du moins dans les milieux privilégiés. Peut-on considérer qu’un nouveau système de parenté, matrilinéaire, fut promu à cette époque ? Dans un tout autre domaine, celui des modes d’habitat, l’étape moyenne du 1er âge du Fer correspond également à une évolution importante avec la réapparition des occupations de hauteur. Le site le mieux documenté aujourd’hui est en cours de fouille au centre du plateau de Corent : il s’agit d’une agglomération dont l’extension paraît importante (plus d’un hectare) et pour laquelle plusieurs unités domestiques livrent un niveau d’occupation bien conservé par un incendie violent. Ce niveau est riche de céramiques écrasées en place qui illustrent toutes les catégories fonctionnelles (vases en pâte fine à décor graphité notamment), mais, à la différence des occupations de l’âge du Bronze final, il est assez pauvre en mobilier métallique (les objets en fer demeurent exceptionnels) ; il recueille cependant quelques fibules qui attestent aussi bien des contacts avec l’est de la France qu’avec le domaine ibéro-languedocien. En l’absence de traces d’activité artisanale, la partie fouillée de cet établissement paraît consacrée uniquement à une économie de subsistance.

IV – L’émergence de nouveaux systèmes

La fin du VIe et le Ve s. av. J.-C. inaugurent une troisième et dernière étape du premier âge du Fer, mais celle-ci demeure peu documentée en Auvergne, essentiellement pour des raisons liées aux hasards des recherches, semble-t-il. Les documents disponibles suggèrent une réoccupation plus intensive des sites de hauteur qu’à l’étape précédente, une large ouverture aux influences et aux échanges, en particulier en direction de l’est et du sud. L’Auvergne, bien qu’elle participe encore de la zone de production de la céramique graphitée centrée sur le Limousin, constitue alors la région la plus occidentale du domaine hallstattien avec le Berry. Quelques importations d’origine méditerranéenne (œnochoé et bassin étrusques en bronze, céramiques attiques, amphores vinaires d’Étrurie et de Marseille) suggèrent, comme en Berry, Orléanais et Bourgogne, l’existence de centres de contacts à longue distance orientés principalement en direction du Languedoc, de la Provence et de l’Italie septentrionale. L’un d’entre eux est identifié sur l’éperon barré de Bègues (Allier), qui a livré des fragments de plusieurs vases grecs et étrusques. Du point de vue des systèmes d’organisation et d’occupation du territoire, cette situation n’est pas sans rappeler celle qui prévalait au Bronze final et suggère que d’autres relais des grands réseaux d’échanges du Ve s. sont à rechercher dans les environs de Clermont-Ferrand, un secteur qui commande l’accès au Languedoc par les Causses.

Fibule en bronze à arc foliacé et orné d’une spirale, d’origine 
ibéro-languedocienne. Puy de Corent, fin du VIIe s. av. J.-C.
De l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Fibule en bronze à arc foliacé et orné d’une spirale, d’origine
ibéro-languedocienne. Puy de Corent, fin du VIIe s. av. J.-C.

L’extension des réseaux d’échanges et l’interaction des idées a aussi pour effet de donner naissance à la fin du premier âge du Fer à une nouvelle culture matérielle, réservée pour l’essentiel et dans un premier temps aux élites sociales de l’Europe tempérée : la « civilisation » de La Tène. L’intégration à la sphère culturelle et matérielle laténienne s’effectue en Auvergne, comme dans le reste du centre-est de la France, de façon variable et complexe au Ve s. av. J.-C. Pour ne fournir que quelques exemples, dans le domaine de la culture matérielle, l’adoption des standards laténiens peut être aussi bien précoce que tardive : à une apparition locale de céramiques fines tournées à profil sinueux, dès le 2e quart du Ve s. av. J.-C., répond l’usage prolongé de la fibule à pied en timbale de tradition hallstattienne jusqu’à la fin de ce siècle ; de nouvelles pratiques funéraires (inhumations en fosse) aboutissent certes à l’abandon des ensevelissements en tumulus, mais on observe que les premières tombes de « type » laténien sont intégrées à des espaces funéraires généralement plus anciens et, surtout, qu’elles ne rompent pas avec les usages du premier âge du Fer concernant l’absence de vase et de dépôt alimentaire, ou encore l’habillement et la disposition des corps. Peut-être est-ce dans ce contexte historique nouveau que les populations façonnèrent plus nettement leur conscience d’appartenir à une même entité ethnique, celle des Arvernes.

750 à 20 avant J.- C. La révolution du Fer

750 à 20 avant J.- C. La révolution du Fer. Auteur de la notice : Y. Deberge, 2008

I – La maîtrise de la métallurgie du fer

Vers 700 av. J.-C., les civilisations de l’âge du bronze vont s’effacer devant de nouvelles ethnies maîtrisant la métallurgie du fer, connue depuis le IIème millénaire avant notre ère par les Hittites d’Asie Mineure. Il s’agissait peut-être déjà des Celtes qui seront bientôt à l’apogée de leur puissance. Le berceau de la civilisation celtique se situe en Europe Centrale.


Du Vème au IIIème siècle av. J.-C., leur aire d’occupation s’étend vers les Îles Britanniques, l’Espagne, la France du Sud, l’Autriche, la Mer Noire et l’Italie centrale. Sur ces terres, les Celtes fusionnent avec les peuplades indigènes. C’est le cas des Gaulois, qui forment un élément important de cette civilisation. Seule la langue unit ces tribus qui ne forment ni une race, ni une nation, ni une ethnie, ni un état. Quoi qu’il en soit, la possession du fer assure à ces populations leur supériorité sur les terres qu’ils occupent.


Le fer est un métal facile à exploiter, bien plus répandu dans la nature que le cuivre et l’étain, et épargnant par conséquent des échanges commerciaux complexes. En outre, il est plus résistant que le bronze. C’est surtout dans la fabrication des armes que se révèle la maîtrise du minerai de fer : l’épée et les pointes de flèche par exemple ; mais aussi dans l’agriculture : les socs des araires, les houes, les pioches améliorent grandement les techniques agricoles. En effet, ces outils, plus solides et plus tranchants, permettent de travailler des sols humides ou lourds.

II – Deux périodes

Cette La révolution du Fer donne naissance à ce qu’on appelle l’âge du Fer, divisé en deux périodes :

  • le premier âge du Fer (de 750 à 450 av. J.-C.), que les archéologues appellent Hallstatt du nom d’un village de la haute Autriche, près de Salzbourg, où des fouilles effectuées au siècle dernier ont révélé l’existence d’une très riche nécropole – près de deux mille tombes contenant des objets en fer – liée à une mine de sel.
  • le second âge du Fer (de 450 à 20 av. J.-C) dit civilisation de La Tène (dite laténienne), du nom d’un site en bordure du lac de Neuchâtel, en Suisse, qui a livré des tombes d’une grande richesse, remplies d’armes, de fibules et de bijoux, et qui sert de base de référence pour les datations chronologiques.

Bègues (03) – Oppidum de Bègues

Type de projet : fouille programmée (« Bègues (03) – Oppidum de Bègues »)

Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne

Date : 2010-2011

Responsable : Patrick Pion

Notice et documents : Patrick Pion

I – Présentation

Le site des Charmes (commune de Bègues, arrondissement de Gannat, Allier) est un éperon barré implanté à l’extrémité d’un promontoire rocheux constitué par un affleurement cristallophyllien de gneiss à mica du socle antécambrien
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Localisation de l’Oppidum de Bègues (P. Pion / ARAFA).

Le site des Charmes (commune de Bègues, arrondissement de Gannat, Allier) est un éperon barré implanté à l’extrémité d’un promontoire rocheux constitué par un affleurement cristallophyllien de gneiss à mica du socle antécambrien.

Ce promontoire, qui culmine à 426 m NGF, présente un sommet tabulaire formant une plate-forme rectangulaire légèrement inclinée vers le nord, d’une superficie d’environ 6 ha.

Il est ceint sur ses côtés nord-est et nord-ouest par un méandre de la Sioule qu’il surplombe par des pentes raides d’environ 130 m, sur son côté sud-ouest par la vallée encaissée d’un petit affluent. Un large ensellement relie son côté sud-est au plateau calcaire oligocène en bordure duquel est établi le village actuel (456 m NGF), qui se superpose à un oppidum laténien et à une agglomération secondaire gallo-romain.

II – Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Résultats préliminaires

Relevé micro-topographique

La campagne 2010 « Bègues (03) – Oppidum de Bègues » a été consacrée intégralement au relevé micro-topographique de la plate-forme supérieure de l’éperon.

Micro-topographie de la plate-forme et localisation des fouilles et sondages
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Micro-topographie de la plate-forme et localisation des fouilles et sondages (P. Pion / ARAFA).

Ce travail poursuivait deux objectifs :

  • disposer d’un document planimétrique fiable qui permette de localiser précisément les découvertes anciennes et les travaux plus récents (document réclamé par la CIRA, et dont l’absence à ce jour était provisoirement palliée par la carte IGN 1/25 000 et le cadastre, totalement insuffisants à cet égard)
  • obtenir une vision cohérente de l’organisation générale du site en analysant le modelé détaillé de la plate-forme.

Le travail de relevé, que l’on ne pouvait réaliser par la technique Lidar en raison du couvert végétal, a été effectué manuellement au sol. Il a consisté à prendre les coordonnées de plusieurs milliers points répartis sur l’ensemble des 4,8 ha de la plate-forme. Ces mesures, pour lesquelles nous avons recourus aux services de la société Véodis (université de Clermont-Ferrand), ont été réalisées en 4 campagnes dont la dernière en décembre 2010.

Résultat

L’analyse préliminaire du rendu – un modèle numérique de terrain ou MNT – révèle l’existence de nombreux reliefs artificiels géométriquement organisés qui quadrillent la plate-forme. Leur étude détaillée est en cours, mais on peut d’ores et déjà assurer qu’ils sont antérieurs au cadastre napoléonien, car la mémoire n’en est que partiellement conservée dans la structure parcellaire de ce dernier.

Ces reliefs témoignent de l’aménagement ancien de l’ensemble de la surface de l’éperon en deux grands ensembles :

  • une partie haute (« acropole ») à l’ouest, constituée de 2 éminences accolées de plan rectangulaire (« plate-formes ») installées sur le point culminant (426 m), entourées de terrasses nivelées
  • une partie basse, de pente faible orientée à l’est, sur un replat de laquelle est installé l’enclos hallstattien sondé en 2008-2009 ; cette partie basse comporte notamment un vaste espace trapézoïdal ouvert à l’est, faisant figure d’ « avant-cour », bordé au sud par les puissants pierriers dans lesquels Guillon a détecté le rempart.
En brun, les plates-formes et terrasses de la partie haute du site ; en jaune et vert, l’ « avant-cour » et le replat de l’enclos ; en bleu, l’amorce des pentes
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. En brun, les plates-formes et terrasses de la partie haute du site ; en jaune et vert, l’ « avant-cour » et le replat de l’enclos ; en bleu, l’amorce des pentes (P. Pion / ARAFA).

Le tracé supposé du rempart n’est détectable qu’au sud de la plate-forme, où le barrage de l’éperon est matérialisé sur environ 200 m par une rupture de pente abrupte, semble-t-il artificiellement retaillée dans le substrat (fig. 3). À l’est, cette arête vient mourir quelques mètres au-dessus du chemin ancien conduisant au gué de la Sioule, suggérant un retour de la fortification vers le nord où elle pourrait prendre appui sur l’affleurement naturel apparaissant en contrebas de l’enclos, ainsi qu’il a été pressenti lors de l’examen des clichés aériens anciens de l’IGN. Elle contrôlerait ainsi le passage obligé de ce chemin longeant le ravin ouest, au point où la bande disponible est la plus étroite.

À l’ouest, l’arête marquant l’emplacement du rempart est adoucie et moins nettement marquée, le secteur ayant eu probablement à souffrir de l’élargissement du chemin d’accès aux parcelles cultivées. Au centre, seul endroit où les vestiges du rempart semblent conservés, les deux puissants éboulis où furent implantées les fouilles Guillon et le segment de parement A étudié en 2009 forment une puissante masse trapézoïdale en retrait, qui suggère l’existence de bastions encadrant une entrée aménagée, voire précédant une seconde ligne intérieure de fortification. Cette hypothèse devra évidemment être vérifiée en fouille, mais il est clair que le segment de rempart observé en coupe par Guillon n’est pas dans l’alignement général de la rupture de pente artificielle marquant l’emplacement du rempart de barrage.

Le rempart de barrage et le contrôle du chemin ancien menant du plateau au gué de la Sioule (« voie romaine »)
Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Le rempart de barrage et le contrôle du chemin ancien menant du plateau au gué de la Sioule (« voie romaine ») (P. Pion / ARAFA).

Ces relevés n’ont en revanche pas permis de détecter clairement le tracé du rempart de contour qui devait enclore le site, côté Sioule notamment où, dominant la plaine, il est impensable qu’il n’ait pas existé et donné toute sa visibilité au site. Quelques reliefs dans l’angle Nord-Ouest de la plate-forme, en deçà du chemin et dans un secteur qui livre en prospection du mobilier hallstattien, pourraient en constituer un témoin. Il est vraisemblable qu’il a été oblitéré par le chemin de contour, ses matériaux ayant été basculés anciennement dans la pente, comme il est fréquent sur des sites de même nature. Ou qu’il fût implanté en léger contrebas de la plate-forme. Seul un relevé micro-topographique des pentes couplé à une prospection électromagnétique et à des sondages est susceptible d’en révéler la trace, comme celle – pressentie – d’aménagements annexes.

III – Bègues (03) – Oppidum de Bègues. Perspectives

Le programme prévu pour « Oppidum de Bègues » 2011 est la poursuite et si possible (selon moyens financiers) l’achèvement du relevé pour avoir une idée claire des aménagements dans l’environnement de la plate-forme (pentes et ensellement joignant l’éperon à l’oppidum laténien sous le village), ainsi que des tests de prospection géophysique en divers points du site. Ces études achevées, on devrait être à même de lancer en 2012 le programme de fouilles proprement dit.

Gergovie – 2002 – Fouille du rempart

Type de projet : fouille programmée (« Gergovie – 2002 – Fouille du rempart »)

Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne

Responsable de l’opération : Thomas Pertelwieser, assisté de Iris Ott et Lionel Orengo

Notice et documents : Lucien Andrieu et Thomas Pertelwieser

Rapport : La Roche-Blanche (63) – Oppidum de Gergovie 2002

C’est la première (« Gergovie – 2002 – Fouille du rempart ») d’une série de trois opérations de fouille programmée sur les fortifications de l’oppidum. L’objectif cette année était de fouiller une partie de rempart qui ne l’avait jamais été jusqu’ici.

Fouille du rempart - 2002. Reprise et fin de la coupe Est dégagée en 2001
Reprise et fin de la coupe Est dégagée en 2001 (T.Pertelwieser / ARAFA)
Fouille du rempart - 2002. Après enlèvement de la couche végétale et des basaltes dispersés au dessus du mur
Après enlèvement de la couche végétale et des basaltes dispersés au dessus du mur (T.Pertelwieser / ARAFA)
Fouille du rempart - 2002. Découverte du parement externe, conservé sur une seule assise
Découverte du parement externe, conservé sur une seule assise (T.Pertelwieser / ARAFA)

Après l’évacuation des couches de remplissage, le rempart apparaît maintenant très nettement. Sa largeur à la base est d’environ 2 m.

L’intérieur est fait d’un blocage compact de pierres de taille variable (5 – 20 cm) mélangées avec très peu de terre.

La couche noire organique (à gauche) est un sol de circulation il contient du mobilier daté du Ier siècle avant J.- C. et s’appuie contre la base du mur longitudinal.

L’ultime phase de construction datée, au plus tard, autour du Ier siècle avant J.- C.

Cette fortification semble avoir été en fonctionnement jusqu’au début de l’époque augustéenne puis abandonnée autour du changement d’ère.

Fouille du rempart - 2002. Évacuation des couches de remplissage
Évacuation des couches de remplissage (T.Pertelwieser / ARAFA)
Ouverture sur le rempart
Ouverture sur le rempart (T.Pertelwieser / ARAFA)

On peut remarquer la parfaite conservation du parement interne sur 75 cm de hauteur dans l’alvéole de droite

La couche constituant le talus sur lequel repose le mur a été fouillée, elle renfermait du mobilier (180 fragments de céramique et de nombreux clous) de la fin de l’âge du Fer (milieu du Ier siècle avant J.- C. au 3e quart de ce siècle).

Cette couche paraît être liée à la construction des murs, elle peut avoir constitué une sorte de remblai sur lequel ils auraient été édifiés.

Au fond de l’alvéole gauche on distingue une “ouverture”. Celle-ci a été pratiquée au moment de la construction du mur. Elle mesure 2 m de large vers l’intérieur et 1,70 m vers l’extérieur. Après une durée d’utilisation qu’il est impossible de déterminer, le passage a été condamné et l’ouverture comblée par un “bouchon” de pierres soigneusement parementé sur ses deux faces.

Ouverture sur le rempart
Ouverture sur le rempart (T.Pertelwieser / ARAFA)

La fonction de cette ouverture est limitée du fait de sa topographie (située au-dessus de l’aplomb rocheux taillé) et de sa petitesse. Elle pouvait faciliter d’éventuels travaux d’entretien le long de la muraille et/ou l’accès à la terrasse à l’aide d’une échelle.

Murs transversaux
Murs transversaux (T.Pertelwieser / ARAFA)

Les murs transversaux reposent sur la même couche archéologique que le mur longitudinal sur lequel ils s’appuient.

Leur base suit le pendage ancien du talus. Ceci permet de repousser l’hypothèse que ces murs aient été construits pour constituer des caissons internes ou celle de servir de contrefort au mur longitudinal.

Il pourrait s’agir, comme l’a suggéré Brogan en 1936, de rampes d’accès pour circuler sur le sommet du mur.

Au premier plan le niveau géologique est atteint. On distingue une rangée de pierres qui délimitait la première phase de construction visible en face de l’ouverture dans le mur. Cette dernière couche contenait du mobilier de l’âge du bronze final et de la fin du premier âge du fer. Elle a livré une fibule (Hallstatt D3)

Un des objectifs était aussi de savoir ce qu’il en était exactement du deuxième “mur” au bord de la terrasse. Il a été intégralement dégagé.

Deuxième “mur” au bord de la terrasse
Deuxième “mur” au bord de la terrasse (T.Pertelwieser / ARAFA)

Son épaisseur est de 0,90 m. Sa construction ressemble à celle du rempart mais aucun matériel archéologique ne permet de le dater. Le parement interne du mur situé en bas de la terrasse.
Il est conservé sur 3 assises. Le parement externe qui manquait en 2001 a été découvert. Il ne subsiste plus qu’une seule assise.

Deuxième “mur” au bord de la terrasse
Deuxième “mur” au bord de la terrasse (T.Pertelwieser / ARAFA)

Pour en savoir plus

Sur le site de l’ARAFA :

Liens externes :

  • Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
  • Site web du musée de Gergovie

Gergovie – 2003 – Fouille du rempart

Type de projet : fouille programmée (« Gergovie – 2003 – Fouille du rempart »)

Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne

Responsable de l’opération : Thomas Pertelwieser, assisté de Iris Ott et Damien Séris

Notice et documents : Lucien Andrieu et Thomas Pertelwieser

Rapport : La Roche-Blanche (63) – Oppidum de Gergovie 2003

I – Gergovie – 2003 – Fouille du rempart. Mur du fond de la terrasse

L’objectif principal de la fouille de 2003 est de comprendre les modes de construction et la datation des anciennes phases.

Aucune indication stratigraphique sur la datation de ce mur n’est présente.
Bien que plus étroit que le mur longitudinal du rempart, il est construit de la même façon. Il s’agit vraisemblablement de constructions contemporaines donneront des informations capitales sur la datation des phases anciennes.

Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. Extrémité de la terrasse après enlèvement de la couche végétale
Extrémité de la terrasse après enlèvement de la couche végétale (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. Une semaine plus tard au même endroit. Le mur était bien caché dessous
Une semaine plus tard au même endroit. Le mur était bien caché dessous (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. Le mur de la terrasse est dégagé
Le mur de la terrasse est dégagé (T. Pertelwieser / ARAFA)

II – La terrasse

Une incinération romaine est dégagée sur la terrasse, dans la dernière couche d’éboulis du rempart.

Elle est datée entre 30 et 80 après J.-C. À ce moment-là, le dernier état du rempart est éboulé, son caractère défensif n’existe plus.

Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. Éboulis au pied du rempart
Éboulis au pied du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Une incinération romaine est dégagée sur la terrasse dans la dernière couche d’éboulis du rempart
Une incinération romaine est dégagée sur la terrasse dans la dernière couche d’éboulis du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)
Urne funéraire datée entre 30 et 80 après J.-C.
Urne funéraire datée entre 30 et 80 après J.-C. (T. Pertelwieser / ARAFA)

Le parement interne du rempart est bien conservé, la couche archéologique a livré des clous de chaussures et des tessons identiques à ceux découverts en 2002 dans l’autre partie.
Les fragments les plus récents datent de la période 25 avant /15 après J.-C. Une bonne longueur du rempart est maintenant découverte

Les pierres sont numérotées et après un relevé très précis le démontage d’ une partie du rempart commence.

Le mobilier des murs transversaux permet de dater leur construction qui ne peut être antérieure au dernier quart du Ier siècle av. J.-C.

Une interprétation claire ne peut être faite de la fonction de ces murs, ils ne se justifient pas comme contrefort, car on n’a constaté aucune menace d’écroulement côté plateau. On a plutôt l’impression d’une construction en forme de rampe pour monter sur le rempart.

Le niveau de leur base et leur mode de construction permettent de penser qu’ils peuvent appartenir au même état stratigraphique que le mur longitudinal. Seul le dégagement complet de la couche passant sous ce mur permettra d’éclaircir la datation de la construction de cette dernière phase du rempart.

Les pierres ont été stockées pour une reconstruction future.

Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. EPAD au cavalier Epasnactus
découvert en 2003 sur le terrasse
EPAD au cavalier Epasnactus
découvert en 2003 sur le terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. Fibule du Hallstatt D3 (-600 avant J.-C.) découverte 2002 côté Nord du talus du rempart sur une couche d’occupation ancienne qui repose immédiatement sur le sol géologique
Fibule du Hallstatt D3 (-600 avant J.-C.) découverte 2002 côté Nord du talus du rempart sur une couche d’occupation ancienne qui repose immédiatement sur le sol géologique (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. Orle de bouclier, découvert sur la terrasse
Orle de bouclier, découvert sur la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. De nombreux clous de chaussures sont découverts en 2002 et 2003
De nombreux clous de chaussures sont découverts en 2002 et 2003 (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. Fourreau d’épée découverte 2001, dans les éboulis de la terrasse
Fourreau d’épée découverte 2001, dans les éboulis de la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)


Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. Le “contrefort” ou la « rampe d’accès » est complètement enlevée. À l’arrière le mur est parfaitement construit
Le “contrefort” ou la « rampe d’accès » est complètement enlevée. À l’arrière le mur est parfaitement construit (T. Pertelwieser / ARAFA)
Gergovie - 2003 - Fouille du rempart. Vue panoramique à la fin des fouilles
Vue panoramique à la fin des fouilles (T. Pertelwieser / ARAFA)

Pour en savoir plus

Sur le site de l’ARAFA :

Liens externes :

  • Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
  • Site web du musée de Gergovie

Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart

Type de projet : fouille programmée (« Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart »)

Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne

Responsable de l’opération : Thomas Pertelwieser, assisté de Iris Ott

Notice et documents : Lucien Andrieu et Thomas Pertelwieser

  • Phase I. (~3000 / 750 av. J.-C. Fin du Néolithique – fin de l’Âge du Bronze)
  • Phase II. Première étape de construction : 650/580 av. J.-C. (HA D1)
  • Phase II. Deuxième étape de construction : fortification 1 ; 650/580 av. J.-C. (HA D1)
  • Phase II. Troisième étape de construction : fortification 1 ; 650/510 av. J.-C. (HA D1)
  • Fonctionnement : fortification 1 ; 510/480 av. J.-C. (HA D3)
  • Destruction : fortification 1 : 500/375 av. J.-C. (HA D/LT A)
  • Phase III. Occupation et utilisation de la terrasse : 75/25 av. J.-C.
  • Phase IV. Construction du long mur de rempart et de celui de la terrasse : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.
    • Construction des murets transversaux : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
    • Utilisation et fonctionnement : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
    • Réfection et fermeture de la poterne : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.
    • Utilisation et fonctionnement : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.
    • Destruction et abandon : fortification 2 ; 25 av. / 15 ap. J.-C.
  • Phase V. Incinération : 20/60 ap. J.-C.

Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase I. (~3000 / 750 av. J.-C. Fin du Néolithique – fin de l’Âge du Bronze)

Le remblai du rempart a permis la conservation d’une couche d’humus contenant du mobilier daté de la fin du Néolithique jusqu’à la fin de l’âge du Bronze.

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Couche d'occupation avant le construction du premier rempart
Couche d’occupation avant le construction du premier rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)

Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase II. Première étape de construction : 650/580 av. J.-C. (HA D1)

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Falaise  taillé et construction de la terrasse
Falaise taillé et construction de la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)

L’édification de la grande terrasse a sûrement marqué le début des travaux sur la première fortification.

La terrasse fut creusée profondément dans la pente naturelle de manière à former un replat horizontal d’une largeur maximale de 15 m et un escarpement rocheux qui est encore préservé sur 2,50 m de hauteur. La partie haute de ce front de taille est fortement érodée. La hauteur originale jusqu’au niveau du replat du plateau et de la base du rempart pouvait être élevée jusqu’à 4,40 m. Les déblais constituent la base de matériaux de construction du rempart.

À l’extrémité du bord du plateau des aménagements initiaux à la construction du rempart sont observables.

La couche d’occupation ancienne fut nivelée.

À environ 3 m de l’escarpement deux trous de poteau ont été observés. Ils sont parallèles à l’axe du rempart et distants de 1,10 m. Leurs creusements sont fortement érodés, leurs diamètres (40 et 35 cm) et leur profondeur (15 cm) ne sont donc que des indices. Surtout leur position proche à l’arête d’érosion du rempart ne permettait pas d’observer des régularités, car de possibles autres vestiges ont tout simplement été pulvérisés par l’érosion. Ces trous de poteau sont les seuls indices de l’emplacement du parement externe du rempart 1.

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart
(T. Pertelwieser / ARAFA)

Sur le même niveau, à 1,5 m de l’emplacement du parement supposé, un dépôt de deux vases céramiques aux 2/3 conservés fut pratiqué. Cette trouvaille peut être interprétée comme sacrifice ou dépôt lié à la construction du rempart 1.

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Grand vase écrasé sous le rempart
Grand vase écrasé sous le rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)

Des faits similaires sont assez fréquents pour des fortifications, comme la découverte de 4(!) dépôts d’outils en fer à Linz-Gründberg (Autriche, fouille de O.H. Urban), deux dépôts (os d’animaux, meules) ont été dégagés cette année sur le Mont Lassois en Bourgogne (fouille T. Pertlwieser).

Directement au sud de ce dépôt se trouve un alignement de blocs de basalte sur 3,10 m de longueur dans l’axe du rempart. D’autres blocs sont aménagés sur le bord ouest du dépôt. Il pourra s’agir soit d’une sorte d’encadrement de la déposition soit – et c’est plus vraisemblable – d’un reste d’un renforcement interne du parement externe.

Deuxième étape de construction : fortification 1 ; 650/580 av. J.-C. (HA D1)

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Reste du rempart 1
Reste du rempart 1 (T. Pertelwieser / ARAFA)

La deuxième étape est marquée par une première couche de déblai, qui se compose de la terre organique, similaire à la couche d’occupation. En effet il est vraisemblable qu’il s’agit de la même terre, qui était aplanie en dessous de la base du rempart et déversée dans la rampe. Au-dessus se trouve une deuxième couche de déblai.

La deuxième plate-forme de pierres est la mieux conservée de ces états. Son extrémité nord est délimitée par une face interne, qui est partiellement préservée sur deux assises de blocs
basaltiques. La distance entre cette face interne et la position supposée du parement externe est 7 m environ.

Deux possibles trous de poteau ont été observés. Ils sont parallèles à l’axe de la face interne. Il est remarquable que les positions des trous de poteau observés au niveau de la 1ere étape de construction et le poteau IF 10148 se trouvent dans un angle droit et que la distance entre ceux de la 2 ème étape (2,30 m) correspond quasiment au double de ceux de la 1ere étape (1,10 à 1,15 m).

Un socle de pierres situé sur la plate-forme à son extrémité nord délimite la 2ème étape et établit un contact direct avec la 3 ème.

Gergovie - 2004 - L’histoire d’une portion du rempart. Trou de poteau
Trou de poteau (T. Pertelwieser / ARAFA)

Troisième étape de construction : fortification 1 ; 650/510 av. J.-C. (HA D1)

Éboulis provenant de la destruction du rempart
Éboulis provenant de la destruction du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)

Au-dessus de la couche de remblai se trouve la troisième plate-forme en pierres. A sa base elle est en contact direct avec le socle basaltique. Les traces de trois possibles trous de poteau ont été observées. Leurs emplacements ne se trouvent pas en relation régulière avec ceux des étapes précédentes. Il est à noter qu’il s’agit dans ce cas plutôt d’espaces vides entre les blocs de basalte de la plate-forme, qui ne peuvent pas être attribués aux vestiges de construction avec certitude.

Au-dessus de ce niveau se trouvent les restes d’une autre couche de remblai d’une consistance plus organique par comparaison avec les autres. Il pourra s’agir dans ce cas-là d’un reste peu épais de la surface originale du rempart 1. L’inclinaison de cette couche peut servir à calculer la hauteur originale de la construction. Sa projection prolongée vers l’emplacement du parement externe démontre une hauteur minimale du rempart 1 de 2,30 m.

Fonctionnement : fortification 1 ; 510/480 av. J.-C. (HA D3)

La phase de fonctionnement du rempart 1 se présente à l’emplacement du talus par une couche d’occupation de consistance organique et située contre la face interne du rempart. En 2002 cette couche a livré une fibule du HA D3. La couche peut être interprétée comme sol de circulation contemporain au fonctionnement du rempart 1.

Sur la terrasse, une couche d’altération du substrat s’est formée postérieurement à son édification.
Sur ce niveau, préservé par les éboulis, se trouvent les restes d’une couche d’ancien humus. Sa surface correspond à un sol de circulation.

Destruction : fortification 1 : 500/375 av. J.-C. (HA D/LT A)


À l’emplacement du talus, la phase d’abandon ou respectivement de destruction du rempart 1 est uniquement observable par des structures qui sont liées à la construction du rempart 2.

Sur la terrasse, la couche d’éboulis est composée de blocs de basalte d’une taille identique à ceux des plates-formes du talus. Il est remarquable que la quantité de matériaux éboulés, qui se trouve sur la terrasse, correspond parfaitement au volume manquant sur le talus, entre la position supposée du parement externe et les structures conservées.


Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase III. Occupation et utilisation de la terrasse : 75/25 av. J.-C.

Sol d'occupation sur la terrasse
Sol d’occupation sur la terrasse (T. Pertelwieser / ARAFA)

Situés entre les éboulis du rempart 1 et de la deuxième fortification les seuls vestiges des interventions humaines datables autour de la Guerre des Gaules ont été observés sur la terrasse. Il s’agit d’un horizon de terre organique, contenant les restes d’une fosse avec un diamètre de 1 m environ. L’aspect du matériel, aux cassures par comparaisons fraîches, laisse supposer un horizon d’utilisation de la terrasse.

Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase IV. Construction du long mur de rempart et de celui de la terrasse : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.

À l’emplacement du talus, la construction du rempart 2 est marquée par l’interface de construction, qui recoupe les couches de remblai du rempart 1. Une perturbation du blocage de pierres est liée à cette intervention. Deux couches de remblai reposent sur ce niveau et servent comme aplanissement pour la construction des structures par-dessus.

La construction des vestiges structurels du rempart 2 semble avoir été effectuée en deux étapes. La première, correspondante à la phase IVa1, est l’édification du mur longitudinal. Il est maçonné en technique de pierre sèche, les parements sont construits avec des blocs de basalte non taillés, d’un diamètre variable de 15 à 50 cm au plus.

La grande majorité des pierres a un diamètre de 20 à 30 cm. Le fourrage consiste en un remplissage avec des pierres plutôt petites de 10 à 20 cm. L’état de conservation du mur longitudinal montre une dégradation de l’ouest à l’est.

Rempart 2
Rempart 2 (T. Pertelwieser / ARAFA)

A l’extrémité ouest, son parement interne est préservé sur 0,95 m de hauteur (8 – 10 assises de pierres), à l’Est sur seulement 0,30 à 0,40 m (2 – 3 assises). Dans la coupe Est du sondage 1 il ne reste aucune trace du mur longitudinal, ce que peut être une conséquence de la construction de la route ou respectivement du petit parking, qui se trouve dans l’angle sud-est du plateau. Le parement externe n’est que préservé sur une assise de pierres, et il se trouve en position d’écroulement. Le mur a une largeur de 2,10 à 2,20 m. Dans les carrés F à H, le mur est interrompu par une petite ouverture ou poterne. Elle mesure 2 m au nord et 1,7 m au sud et donc est légèrement tronconique. Comme sa position ne laisse aucun accès au contrebas du rempart sur la terrasse, il est à supposer qu’il s’agissait d’un accès au côté externe du mur longitudinal, afin de permettre de travaux de construction ou réparation.

Sur l’arrêt de la terrasse, un petit muret parallèle à l’axe du rempart a été édifié. Sa maçonnerie correspond à celle du mur longitudinal. Sa largeur est relativement irrégulière et varie de 0,90 à 1,40 m. Il est préservé sur 0,60 m de hauteur maximale (3 à 4 assises de pierres), le parement externe n’est préservé que sur une assise.

Construction des murets transversaux : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.

Muret transversal appuyé contre le mur du rempart
Muret transversal appuyé contre le mur du rempart (T. Pertelwieser / ARAFA)

La deuxième étape de construction du rempart 2 correspond à l’édification de murets transversaux contre la face interne du mur longitudinal. Les vestiges de trois de ces murets furent dégagés pendent les fouilles. Ils sont distants les uns des autres de 4,10 m (muret K à L) et 4,90 m (muret L à M). Leur mode de construction correspond à celui du mur longitudinal et leurs bases reposent sur le même niveau de construction.

Le muret K est préservé sur 3,70 m de longueur et sur 0,95 m de hauteur, sa largeur maximale est 1,70 m.

Le muret L a des dimensions comparables : 3,00 m de longueur, 0,50 m de hauteur et 1,70 m de largeur.

Le muret M n’est qu’un reliquat de son parement ouest, il fut presque complètement détruit suite aux fouilles des années 30.

L’état de conservation commun de murets K et L montre une dégradation forte vers l’intérieur du plateau.

À l’extrémité sud les murs ne sont que préservés sur une seule assise de pierres.
C’est peut-être une conséquence de la destruction partielle du talus pendant la construction de la route du plateau.

Les bases des murets ainsi que les assises des pierres des parements présentent une légère inclinaison vers le nord, en suivant le pendage de la rampe du rempart 1 en dessus.

Utilisation et fonctionnement : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.

Une fine couche de terre organique, située à la base de la poterne et contre les parements de ses angles peut correspondre à un sol de circulation de la phase IVb.
Elle peut présenter un fonctionnement relativement court de cet état.

Réfection et fermeture de la poterne : fortification 2 : 60/15 av. J.-C.

La poterne
La poterne (T. Pertelwieser / ARAFA)

La poterne fut refermée peut-être directement après l’achèvement de travaux de construction.

Le parement externe de cette fermeture est préservé sur une assise de pierres. Le parement interne est constitué en de grandes pierres plates, trouvées en position d’éboulement.

L’espace entre ces parements fut rempli avec un fourrage de pierres de plus grand volume comparé au mur longitudinal.

Utilisation et fonctionnement : fortification 2 ; 60/15 av. J.-C.

Situées dans les alvéoles des murets transversaux, des couches de terre organique sont posées contre leurs parements et contre celui du mur longitudinal. L’une se trouve à l’ouest du muret K, une autre entre les murets K et L et une troisième entre L et M. Ils correspondent à un niveau de circulation de la phase IVd. Cette interprétation est renforcée par la trouvaille de plusieurs clous de chaussures romaines, dont plusieurs exemplaires dites à la croix, et un nombre de clous de maçonnerie.

Destruction et abandon : fortification 2 ; 25 av. / 15ap. J.-C.

L’abandon du rempart 2 est marqué sur le talus par une interface de destruction, qui correspond au bord de démolition du mur longitudinal et des murets transversaux. Au côté externe du rempart se trouve une couche d’éboulis, constituée des pierres écroulées du mur longitudinal. Au côté interne le seul éboulis identifiable est une couche qui correspond au comblement écroulé de la fermeture de la poterne. Les alvéoles entre les murets transversaux sont remplies avec des couches mélangées de terre et des pierres. Ce niveau ensuite fut recouvert avec un dense blocage de grands blocs basaltiques, qui remplit complètement les alvéoles et se disperse aussi au-dessus des bords supérieurs des murs.

Sur la terrasse les couches d’éboulis correspondent à l’éboulement du rempart 2. La couche d’éboulis du mur sur l’arrêt de la terrasse est positionnée de façon équivalente.
Le mobilier de ces niveaux est relativement homogène, l’abandon du rempart 2 semble avoir été un processus intentionnel effectué rapidement.

Gergovie – 2004 – L’histoire d’une portion du rempart. Phase V. Incinération : 20/60 ap. J.-C.

Incinération
Incinération (T. Pertelwieser / ARAFA)

La trouvaille d’un reste d’au moins une incinération démontre une utilisation de la terrasse postérieure au fonctionnement des fortifications.

La tombe fut creusée dans la dernière couche d’éboulis du rempart. Elle est fortement érodée et bouleversée. Le fond d’un vase se trouve in situ. Il contient des fragments d’os humains brûlés et un petit objet en fer non identifiable. Dans les environs proches, il y avait de très nombreux fragments de céramiques appartenant à plusieurs vases ainsi que des os brûlés. Sa position stratigraphique prouve qu’à une date située entre 30 et 60 ap. J.-C., le rempart 2 était déjà éboulé. A ce moment, le caractère défensif de l’angle sud-est du plateau n’existe plus.

Pour en savoir plus

Sur le site de l’ARAFA :

Liens externes :

  • Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)
  • Site web du musée de Gergovie