Chroniques ARAFA n°1. 2022

Sommaire

Introduction. Christine Mennessier-Jouannet

Campagne de prospection thématique 2021 : les dolmens de la Planèze de Saint-Flour (bilan de l’opération et perspectives). Florent Chateauneuf

La nécropole de la Pénide à Espalem (43) et le tumulus 21. Anne Duny

L’habitat fortifié du Suc de Lermu à Charmensac (Cantal) : campagne de fouille 2021. Fabien Delrieu, Christine Mennessier-Jouannet, Cécile Moulin, Fabrice Muller

Chronologie du mobilier archéologique du second âge du Fer en Auvergne. Volume 2 : La Tène ancienne en Basse Auvergne. Christine Mennessier-Jouannet, Jean-Claude Lefèvre

Télécharger les Chroniques ARAFA n° 1 – 2022

Chroniques ARAFA n°2. 2023

Sommaire

1- Recherche d’archives paléoenvironnementales à proximité de sites protohistoriques (Nord du Cantal). André-Marie Dendievel

2 – La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal : tour d’horizon du potentiel en minerais et des données archéologiques disponibles. Florie-Anne Auxerre-Géron

3 – L’occupation du sol dans le massif du Cézallier à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer. Fabien Delrieu

4 – Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Monument funéraire ou plate-forme de crémation ? Lionel Izac-Imbert

5 – Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson. Christine Mennessier-Jouannet

Télécharger les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Les Chroniques n°2 poursuivent leur objectif : vous apporter un condensé des résultats acquis dans divers domaines des recherches effectuées par les membres de l’association. A ce titre, elles sont révélatrices des centres d’intérêt actuels concentrés pour la plupart vers la Haute Auvergne. En effet, après une longue période où la problématique des sites agglomérés, puis des oppida et de leur environnement territorial a enrichi nos connaissances sur l’organisation politique, administrative et économique du territoire arverne centré sur la Basse Auvergne, nous voilà portés vers la Haute Auvergne.

Cantal et Haute-Loire ont longtemps été les méconnus de la recherche protohistorique. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce changement de tendance qui apporte déjà des résultats insoupçonnés sur la question des identités culturelles et de leurs différentes modalités entre Haute et Basse Auvergne. Il vous en sera fait écho prochainement.

Vous trouverez, dans ces Chroniques n°2, un aspect primordial de nos recherches : André-Marie Dendievel nous propose la restitution des paysages et de l’environnement dans lequel les sites se sont implantés, et qu’ils ont transformés par le fait même. Dans une optique peu différente, Florie-Anne Auxerre-Géron fournit un aperçu à double focale : les potentiels minéralogiques du Cantal et de l’Est du Limousin tels qu’ils nous sont connus actuellement et les traces ou indices même ténus de leur exploitation durant l’âge du Fer. Fabien Delrieu, cette année, ses pieds dans les pas d’Alphonse Vinatié, restitue la longue trace des monuments funéraires protohistoriques encore visibles dans le paysage du nord du Cantal, le long de la vallée de la Sianne. Lionel Izac se joint à nous pour rappeler une fouille menée il y a plus de dix ans sur le site nommé « tumulus » de Celles. Nous verrons comment l’identification de sa fonction reste encore problématique.

Pour garder un contact avec la Basse Auvergne, Christine Mennessier-Jouannet a extrait parmi le mobilier archéologique présent sur tous les sites actuellement connus du second âge du Fer, un accessoire de cuisine jusqu’ici peu documenté : les plaques de cuisson. Derrière un aspect modeste, elles restent l’objet de discussion sur le détail de leur morphologie et sur leur mode d’utilisation. Une chose est certaine, elles sont un guide précieux d’un point de vue chronologique.

Christine Mennessier-Jouannet

Présidente de l’ARAFA

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Christine Mennessier-Jouannet

Depuis les premières fouilles exécutées en Limagne d’Auvergne sur des sites gaulois, notamment par Robert Périchon et John Collis, des fragments nombreux mais difficilement identifiables à une quelconque activité ont été trouvés mélangés avec les tessons, la faune, et toute sorte d’objets brisés et au rebut. Bref, dès le début, ils ont été compris comme appartenant à la sphère domestique, à la maison. Des traces de feu remarquables sur la surface supérieure les ont identifiées à des accessoires de foyer domestiques : de là, leur premier appellatif de « plaque de foyer ». Le terme a été ensuite repris par l’ensemble des acteurs de l’archéologie. Il prête pourtant à confusion, car une « plaque de foyer » se rapporte à un objet plat posé verticalement contre un mur ou une paroi de fond de cheminée et ayant pour fonction de réfléchir la chaleur fournie par un foyer lui-même au sol. Nous lui préférons donc l’expression de « plaque de cuisson » en raison des stigmates de feu présents la partie supérieure.

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson. Figure 1 : plaque de foyer quadrangulaire. Document R. Périchon (Périchon et Vichy 1967, planche 1, p. 312)

En 1967, sur le site de La Grande Borne, terroir appartenant au « site d’Aulnat » ainsi nommé par Jean-Jacques Hatt et Pierre-François Fournier dans la publication annonçant sa découverte (Hatt 1942), Robert Périchon a fouillé deux de ces plaques dans leur position d’origine, presque intactes et pour l’une d’elles posée sur le sol d’une structure bâtie et environnée de charbons de bois et de mobilier.

Nous savons que l’espace construit était d’une faible superficie d’environ 8 m² et cloisonné en matériaux légers : « elle [la plaque] était au centre de l’un des côtés les plus étroits d’une aire de forme rectangulaire encombrée de déchets de nourriture et de fragments de céramique… ». Pour l’autre, nous apprenons qu’elle était environnée de petits trous de piquets disposés en triangle, indices d’une installation pour suspendre un récipient (Périchon et Vichy 1967). Un croquis est fourni dans l’article (fig. 1).

Ultérieurement, l’étude reprise par Zoé Poucher en 1995 semble avoir été menée sur la base de l’article de 1967

Figure 1 : plaque de foyer quadrangulaire. Document R. Périchon (Périchon et Vichy 1967, planche 1, p. 312)

Depuis cette date, aucune découverte semblable n’a été faite en Auvergne. De plus, ces deux plaques ont été probablement séparées du reste du mobilier et sont actuellement perdues. Il nous faut travailler sans ces précieux témoins.

Nous ne disposons que de trois autres plaques suffisamment conservées pour apprécier leur morphologie : deux portions de plaque provenant également de La Grande Borne (fouille Périchon) et une autre provenant de la ZAC des Trois Fées à Cébazat (fouille 2013, par Anne Duny, Paléotime).

Pour le reste, des milliers de fragments de plaque proviennent de rejets domestiques. On les retrouve en position secondaire dans les puits, les fossés des habitats enclos ou les silos réutilisés en dépotoirs et leur petite dimension ne permet pas de restituer leur forme complète.

En Limagne d’Auvergne, leur fabrication et leur utilisation est attestée de la fin du VIe siècle avant notre ère jusqu’aux débuts de l’époque romaine.

Notre propos sera d’envisager comment mettre en évidence une description la plus poussée possible de ces plaques pour lesquelles les zones vides sont plus importantes que les zones renseignées. Il s’agira ensuite de comprendre leur évolution dans le temps et enfin de rendre plus précis leur contexte d’utilisation.

I. Description

Celle de La Grande Borne dont il reste un dessin, mesure 58 × 55 cm pour une épaisseur donnée de 2 cm. En général, l’épaisseur de chaque plaque est très stable au millimètre près avec seulement un creusement léger et plus ou moins accentué le long du rebord. Cette plaque est munie d’un système de rebords dissymétrique : sur l’un des plus longs côtés, le rebord mesure 7 cm de haut et les trois autres semblent identiques avec une hauteur de 3,8 cm. Le poids total n’est pas donné. Au moins deux côtés sont décorés de digitations, thème décoratif fréquent pendant La Tène ancienne et moyenne (Périchon et Vichy 1967 ; Poucher 1995).

Celle du site des Trois Fées à Cébazat est composée de 28 fragments pesant 6,580 kg dont 23 recollent et forment partiellement un angle de cette plaque (fig. 2). Les deux côtés de cet angle sont rectilignes, confirmant une forme générale quadrangulaire, carrée ou rectangulaire. L’un des rebords est marqué par une légère inflexion d’environ 1 cm, tandis que l’autre côté est plus marqué avec une hauteur depuis la base de plus de 5 cm. Son épaisseur varie entre 2,5 cm et 2,9 cm vers le centre. Cette zone présente un renflement de quelques millimètres, peut-être dû à un rechapage qui permet de restituer un profil complet, ce qui induit une largeur d’environ 48 cm. L’autre axe, incomplet, a été reconnu sur 52 cm. La surface de la plaque avoisinerait le quart de mètre carré. Si la partie remontée pèse 6,5 kg et qu’elle représente environ le tiers de la plaque, celle-ci ferait un poids de 20 kg au minimum, ce qui est déjà considérable.

Les deux autres fragments de plaques provenant de la fouille de Robert Périchon à La Grande Borne sont également quadrangulaires. Dans les deux cas, un seul angle est conservé avec des rebords bas et décorés pour un exemplaire par de longues entailles obliques. Le poids conservé est de 5 kg pour l’un avec une représentation probable du tiers de la plaque, soit 15 kg et de 2 kg pour l’autre plus faiblement documentéau 1/5e de sa surface, ce qui fournit un poids plus faible de 10 kg environ.

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson. Figure 2 : plaques de cuisson parmi les mieux conservées. A : Cébazat (63), Les Trois Fées. Puits 1490, us 1298 (fouille A. Duny) ; B : Clermont-Ferrand (63), La Grande Borne (fouille R. Périchon), carré B24AT ; C : Clermont-Ferrand (63), La Grande Borne (fouille R. Périchon), carré B24AV

Figure 2 : plaques de cuisson parmi les mieux conservées. A : Cébazat (63), Les Trois Fées. Puits 1490, us 1298 (fouille A. Duny) ; B : Clermont-Ferrand (63), La Grande Borne (fouille R. Périchon), carré B24AT ; C : Clermont-Ferrand (63), La Grande Borne (fouille R. Périchon), carré B24AV

La masse des fragments épars fournit de multiples éléments qui valident une forme sûrement quadrangulaire et l’asymétrie au moins fréquente des hauteurs des rebords. Le recours à des argiles identiques à celles qui servent à la production des vases et récipients indique que nous avons affaire à des objets qui font partie du quotidien. Leur mise en forme assez uniforme d’un fragment à l’autre, de même que les traitements de surface donnent l’impression d’une production relativement standardisée.

Les modes de fabrication vont dans le même sens : les plaques sont pour certaines moulées sur des supports en bois, mais pour d’autres mises en forme sur des surfaces planes, graveleuses ou sableuses comme le montrent les traces laissées sur la surface inférieure. Elles sont ensuite mises à sécher, puis cuites comme les céramiques, ce que confirme l’uniformité des traitements des surfaces inférieures. Dans de nombreux cas, les finitions, soit raclées, soit égalisées ou même lissées des surfaces inférieures rendent difficile, sinon impossible, l’observation du mode de production. Dans tous les cas, il s’agit d’un travail bien fait, notamment pour la surface supérieure.

II. L’évolution dans le temps

Parmi de nombreux éléments descriptifs de ces plaques, un seul est apparu au fil de l’étude comme nettement discriminant du point de vue chronologique : l’épaisseur des plaques.

Dès les premiers moments du second âge du Fer, la forme quadrangulaire est acquise, l’asymétrie des rebords est aussi présente, la composition des pâtes plutôt grossières à mi-fines est la norme, le traitement soigné de la base est identique sur l’ensemble de la période laténienne. Les décors peuvent ouvrir la brèche à un peu plus de variété : il n’y en a pas sur les plaques les plus anciennes (Ha D3 – LT A1 : Auvergne-étape 1), ils apparaissent ensuite sous forme de longues entailles obliques ou de torsades disposées le long du sommet d’un ou plusieurs rebords durant le IVe siècle avant notre ère (LT B1 : Auvergne-étape 2) mais ne deviennent fréquent qu’à partir du IIIe siècle (LT B2 et C1 : Auvergne-étapes 3 à 5). Leur longévité jusqu’à la fin du IIe siècle av. rend difficile leur utilisation pour dissocier chronologiquement des étapes particulières. Une autre distinction morphologique existe, mais trop discrète pour être prise en compte sur le long terme : l’absence de rebord sur les plaques les plus anciennes (Auvergne-1) au moins sur un côté. En fait, seule l’épaisseur du plateau lui-même, par chance uniforme sur chacun des fragments mesurés, a mis en évidence une évolution dans leur fabrication.

Ce constat a été rendu possible grâce à l’inventaire fait sur des ensembles de référence sélectionnés pour leur représentativité chronologique. Un des enjeux de la publication collective de 2017 était de classer la céramique commune sur la période du Ve au Ier siècle avant notre ère et d’ancrer ce classement sur celui de mobiliers mieux datés (métal, verre, monnaies…). C’est dans ce cadre que le classement des plaques de cuisson s’est inséré sur la base des épaisseurs des plateaux (Fig. 3c).

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson. Figure 3  : étude de cas documentant l’importance de l’épaisseur des plaques pour leur datation.
A  : La période de bascule entre plaques fines et épaisses intervient dans la 2ᵉ moitié du IIIe siècle av. notre ère ;
B  : Sur la longue durée, des plaques fines peuvent être présentes dans les étapes récentes, mais aucune plaque épaisse de plus de 2 cm n’existe avant le début du III e siècle av. ;
C : Tableau récapitulatif de l’ensemble des sites exploités dans le cadre de la publication de 2017 ( Mennessier- Jouannet et Deberge 2017)
Figure 3  : étude de cas documentant l’importance de l’épaisseur des plaques pour leur datation.
: La période de bascule entre plaques fines et épaisses intervient dans la 2ᵉ moitié du IIIe siècle av. notre ère ;
: Sur la longue durée, des plaques fines peuvent être présentes dans les étapes récentes, mais aucune plaque épaisse de plus de 2 cm n’existe avant le début du III e siècle av. ;
: Tableau récapitulatif de l’ensemble des sites exploités dans le cadre de la publication de 2017 ( Mennessier- Jouannet et Deberge 2017)

Deux exemples illustrent cette démarche. Le site des Trois Fées a connu une occupation sur la longue durée et la période gauloise y est représentée à partir du IVe siècle avant jusqu’à la conquête romaine. Les plaques ont été décrites en même temps que la céramique des différentes structures où elles se trouvaient : ainsi la plaque présentée ci-dessus côtoyait de la céramique attribuable à LT B2b ou C1, ce qui la date du IIIe siècle avant notre ère. Sur le graphique (Fig. 3b) on observe que :

  • Les plaques d’épaisseur comprise entre 1,4 et 2 cm proviennent des niveaux rattachés au premier grand enclos d’habitat mis en place à LT B, soit au IVe siècle.
  • Lors de la restructuration de l’habitat avec le creusement d’un grand fossé (LT B2b/C1 au IIIe siècle), les mesures se décalent avec trois plaques entre 1,7 et 1,9 cm, mais surtout 5 plaques entre 2 et 2,5 cm et plus rien au-delà de 2,9 cm pour certains exemplaires.
  • Ce n’est qu’à partir de LT C2 et jusqu’à LT D1a, au IIe siècle, que les épaisseurs dépassent les 2,9 cm.

Des blocs se dessinent ainsi qui ont valeur chronologique. Ce classement obtenu sur la base de 55 fragments est consolidé par des données quantitativement plus importantes. Ainsi, le graphique (Fig. 3a) met une focale sur la répartition durant le IIIe siècle en dissociant les deux périodes de LT B2b et LT C1 avec respectivement un total de 185 et 98 restes. Le même phénomène de glissement des épaisseurs s’observe d’une phase à l’autre : plus on avance dans le temps, plus les plaques ont de l’épaisseur.

Le tableau (Fig. 3c) effectué à partir du total (263) des plaques attestées par un rebord (NMI), montre le même décalage des épaisseurs au fil du temps et confirme que :

  • 25 des 26 plaques étudiées pour les étapes 1 et 2 ne dépassent pas 1,9 cm d’épaisseur, sauf un qui mesure 2 cm.
  • L’étape 3, quoique peu représentée, amorce l’épaissement des parois au-delà de 2 cm pour le tiers des exemplaires.
  • L’étape 4 avec 97 exemplaires connaît une explosion quantitative de ces ustensiles. 67 % de ce total ont une épaisseur inférieure à 2 cm pour 23 % compris entre 2 et 2,6 cm. Aucune plaque n’est plus épaisse. Cette période voit l’amorce du changement par le renforcement de l’épaisseur et par là même une mise à disposition nettement plus importante de matière première.
  • L’étape Auvergne 5 voit le basculement vers des formes nettement plus épaisses. 41 % des plaques mesurent moins de 2 cm, mais 50 % sont comprises entre 2 et 2,6 cm, et 9 % mesurent jusqu’à 3,2 cm. Les deux tiers des plaques dépassent le seuil critique de 2 cm.

Ces données peuvent se synthétiser en un tableau morpho-chronologique qui met en évidence une évolution lente, mais nette sur les cinq premières étapes de la chronologie du second âge du Fer en Auvergne, tout au moins en Basse Auvergne (fig. 4).

Un accessoire de cuisine en céramique : les plaques de cuisson. Figure 4  : Tableau de synthèse de l’évolution des formes et décors des plaques de cuisson durant la période laténienne (V e – fin du II e siècle avant notre ère). Document C. Mennessier-Jouannet
Figure 4  : Tableau de synthèse de l’évolution des formes et décors des plaques de cuisson durant la période laténienne (V e – fin du II e siècle avant notre ère). Document C. Mennessier-Jouannet

Conclusion. Qui utilise cet accessoire de cuisine et comment ?

Que ces plaques aient été utilisées posées sur le sol comme le suggèrent les observations de Robert Périchon ou amovibles comme l’ont défendu Vincent Guichard et Yann Deberge, il est aujourd’hui difficile de trancher car, comme il a été montré les caractéristiques morphologiques précises de ces accessoires de cuisine sont mal connues. Leur poids est malgré tout élevé, même s’il n’empêche pas un transport éventuel. Cependant, les mensurations somme toute proches du carré rendent leur prise en main délicate, d’autant que les stigmates des feux qu’elles supportent en fragilisent la structure. Pour La Tène ancienne, un autre aspect est à prendre en compte : les fragments sont retrouvés dans des contextes de bâtiments très exigus, ceux-ci faisant au maximum 14 m² pour une moyenne autour de 10 m² de superficie. Pour ces raisons, je préfère suggérer que ces accessoires de cuisson avaient un emplacement dédié dans l’organisation spatiale de la maison. Si l’on s’en tient aux plaques qui portent des traces de feu, on peut leur restituer une fonction complémentaire aux foyers ouverts, reconnus le plus souvent à l’extérieur des bâtiments. Elles apparaissent ainsi comme des substituts des foyers ouverts adaptés à l’intérieur des maisons et fonctionnent vraisemblablement avec des braises. De ce fait, elles présentent une équivalence de fonction avec les soles foyères retrouvées dans les maisons de même époque du Midi de la France.

Par déduction logique, il apparaît que ces plaques signalent la présence de foyer domestiques et deviennent un jalon très intéressant pour apprécier le nombre de « feux » existants sur un site, selon l’expression médiévale consacrée. Leur répartition sur les sites ruraux connus pour les Ve et IVe siècles avant notre ère en Limagne d’Auvergne est compatible avec cette hypothèse.

Dans la même foulée, leur évolution quantitative presque exponentielle observée dès la première moitié du IIIe siècle confirme bien les données amassées par ailleurs concernant la fondation de ce que l’Antiquité elle-même appelait une ville : un site où la population s’agglomère. Les multiples fragments rejetés sur le chemin 8 du site d’Aulnat (fouille de John Collis) et la concentration de ces plaques sur l’empierrement fouillé par Robert Périchon prouvent un nombre de foyers domestiques sans commune mesure par rapport à ce qui était connu antérieurement dans les campagnes.

Bibliographie

Duny et alii 2015

Duny (A.). – De l’âge du Bronze à La Tène finale en Limagne : une occupation protohistorique pérenne sur le site de la ZAC des Trois Fées (Cébazat, Puy-de-Dôme), rapport final d’opération de fouille archéologique, Ophis Puy-de-Dôme, Mosaïques Archéologie/SRA Auvergne, 2015, 3 volumes.

Hatt 1942

Hatt (J.-J). – Découverte d’un village gaulois de La Tène III au terroir de Fontvieille, sur l’emplacement de la base aérienne d’Aulnat-Sud (Puy-de-Dôme), Bulletin Historique et Scientifique de l’Auvergne, LXII, 1942, p. 36-48.

MennessierJouannet et Deberge 2017

Mennessier-Jouannet (Ch.), Deberge (Y.). – Chronologie du mobilier archéologique du second âge du Fer en Auvergne, 65esupplément de la R.A.C.F, 655 p., 490 fig.

Périchon, Vichy 1967

Périchon (R.), Vichy (M.). – Note de céramologie : les plaques de foyer, dans Revue Archéologique du Centre de la France, 6, 1967, p. 311-316.

Poucher 1995

Poucher (Z.). – A study of plaque de foyer from Aulnat-Gandaillat and Le Patural, two Iron Age sites located in the Auvergne region of France, Sheffield, Université de Sheffield, 1995, 74 p. Document inédit: archives de l’Arafa.

Annexes

Figure 5 : exemples de plaques de cuisson. Fiche technique.
A1 : face inférieure régulièrement égalisée et fragment de la face supérieure avec lissage ;
A2 : face inférieure avec traitement plus irrégulier et empreintes d’éléments sableux ;
B1, B2 et B3 : coupe, angle avec rebord et face inférieure régulièrement égalisée d’une même plaque ; C : fragment de plaque de cuisson décorée avec traces de feu et présence de cendres agglomérées. Document C. Mennessier-Jouannet
Figure 5 : exemples de plaques de cuisson. Fiche technique.
A1 : face inférieure régulièrement égalisée et fragment de la face supérieure avec lissage ;
A2 : face inférieure avec traitement plus irrégulier et empreintes d’éléments sableux ;
B1, B2 et B3 : coupe, angle avec rebord et face inférieure régulièrement égalisée d’une même plaque ; C : fragment de plaque de cuisson décorée avec traces de feu et présence de cendres agglomérées. Document C. Mennessier-Jouannet

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Monument funéraire ou plate-forme de crémation ?

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Monument funéraire ou plate-forme de crémation ? : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Lionel Izac-Imbert

Le tumulus de Celles découvert en 1902 à Neussargues (Cantal) par Jean Pagès-Allary, pose – depuis sa découverte – un certain nombre de questionnements quant à sa fonction exacte.

La fouille a été menée de manière assez méthodique, les publications ou les archives1 permettent de disposer d’une documentation de qualité. Les données disponibles ont été re-questionnées dans la cadre d’une opération de reprise des travaux de terrain en 2000.

Les problématiques principales touchaient principalement à la question chronologique, à l’identification du processus de crémation ou à des données architecturales.

I – Les données de la fouille ancienne : une tombe à incinération sous tumulus d’un « notable arverne » ?

Joseph Déchelette imagine le processus de crémation1 dès la publication dans l’Anthropologie2. On dispose de sa description : à la base blocs de basalte arrondis, recouverts de pierres plates (phonolithe) sur lesquelles repose une couche de cendre mélangée de charbons. Au-dessus de ce lit se trouve une couche d’argile non cuite qui supporte des pierres plates (phonolithe) formant toiture. Le tout est caché par de l’éboulis et de la terre arable sur laquelle s’est développée la végétation actuelle (chêne). […] La voûte du tumulus s’est effondrée sous l’action des agents extérieurs : racines des arbres et eaux d’infiltration. […] De forme ovoïde, les dimensions du tumulus sont : grand axe 25 mètres, petit axe 20 mètres, hauteur au centre 1m,80.3

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Figure 1 : vue des fouilles anciennes avec Jean Pagès-Allary, vers 1902. Archives musée d’art et d’archéologie d’Aurillac
Figure 1 : vue des fouilles anciennes avec Jean Pagès-Allary, vers 1902. Archives musée d’art et d’archéologie d’Aurillac

De l’examen de cette coupe, il ressort clairement que le cadavre a été incinéré sur le tumulus même, ainsi que cela a été constaté ailleurs, à diverses reprises. La combustion a dû être ici extrêmement intense, car des blocs de basalte sont entrés en fusion, ce qui nécessitait une température de 800 degrés environ. On doit donc admettre que l’incinération n’a pas été opérée à l’aide d’un simple bûcher établi en plein air, mais que le foyer crématoire avait été installé dans une sorte de four muni d’un dispositif quelconque de tirage artificiel. (ibid.).

Un premier inventaire des découvertes1 est établi :

  • fer : lance, bouclier, couteaux, serpette, scies, lime, plane, compas, ciseaux, tranchet, emporte-pièce, gouge, perçoirs à douille, marteaux, poinçons, faucille, boucle rivetée ;
  • bronze : anneaux ;
  • céramique : terrines, vases à liquide, vases ovoïdes peints, fusaïoles et pesons de métier à tisser ;
  • lithique : moulin à bras en basalte, fragments de gneiss poli, silex et pierres à affûter.

Déchelette donne des comparaisons avec La Tène, Bibracte ou Stradonice et conclut : travail du bois et peut être aussi celui du cuir. Il propose une datation à La Tène III, à une époque peu antérieure à la conquête romaine. Pagès-Allary attribue la panoplie d’outils à un sellier bourrelier de l’époque gauloise2. Jean-Paul Guillaumet (CNRS)3 privilégie l’hypothèse du travail des matières dures animales.

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Figure 2 : exemple d’outillage en fer découvert en 1902. DAO : J. Jouannet, d’après une illustration de J.-P. Guillaumet 

Figure 2 : exemple d’outillage en fer découvert en 1902. DAO : J. Jouannet, d’après une illustration de J.-P. Guillaumet 

II – Une architecture funéraire ?

La reprise de travaux de terrain, à partir de 20011, lève le voile sur certaines incertitudes.

L’analyse de la topographie confirme la présence d’un dôme naturel en pied de falaise, dans l’axe menant de la vallée de l’Alagnon en direction du plateau du Cézallier, dont les concepteurs ont tiré profit pour mettre en relief le monument.

L’édification, entre la fin du Ve s. et le début du IVe s. av. J.-C., se caractérise par l’architecture de pierres sèches soignée de la plate-forme centrale qui adopte une forme rectangulaire (11,20 m. x 12,55 m. x 0,95 m. conservés). Les fondations sont ajustées à l’aide de blocs de grand gabarit. Au Nord, une carrière de ballastière l’a détruit.

Elle est dotée d’une chape horizontale de blocs qui a subi l’action du feu avec de nombreux fragments d’argile brûlée. Elle a fourni la majorité des objets (vases, éléments d’armement, panoplie d’outils en fer, une meule rotative). Cette phase est datée par la céramique et la panoplie guerrière du IIIe s. av. J.-C.

On note une plateforme de taille plus réduite (6 m. x 2,15 m. x 0,98 m.) conservée au sud, au pied de laquelle deux objets en fer ont été découverts : un poinçon à cuir et une broche à rôtir2 dont le bon état de conservation trahit un passage au feu.

Enfin, une plateforme inférieure prend la forme d’un arc de cercle (16,40 m. x 1,95 m. x 1,15 m.) en guise de structure périphérique de circulation.

Pagés-Allary mentionne des fragments d’ivoire brûlé3 mais ces éléments n’ont pas été conservés. Toutefois, l’interprétation comme lieu de cérémonie funèbre s’accorde avec la mise en place d’un bûcher qui se surimpose à un monument plus ancien.

Le statut du défunt incinéré, inscrit entre sphère guerrière et artisanale, évoque le domaine de la vénerie qui s’accorde bien avec l’assemblage de mobilier mis au jour au sein du tumulus de Celles.

Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Figure 3 : plan général du monument. Relevé : Magali Cabarrou 

Figure 3 : plan général du monument. Relevé : Magali Cabarrou 
Le « Tumulus » de Celles (Cantal). Figure 4 : schéma interprétatif. Document: L. Izac

Figure 4 : schéma interprétatif. Document: L. Izac

III – Une plateforme de crémation ?

Lors des fouilles anciennes la mention de blocs de « torchis brûlés » avait été notée en grande quantité notamment à la base et dans l’environnement immédiat des dépôts d’objets mis au jour en 1902.

Une analyse des nombreux éléments mis au jour lors de la reprise de la fouille a été confiée à Claire-Anne de Chazelles (CNRS).

Tous les fragments recueillis appartiennent à un matériau préparé à base de terre et d’eau, avec un possible ajout de fibres végétales. La présence récurrente d’une surface grossièrement modelée confirme que ce matériau a été utilisé à l’état plastique, étendu puis régularisé manuellement.

En corrélant les informations relatives à ce matériau et celles qui témoignent de son support, et en écartant diverses possibilités habituellement envisagées à l’issue d’une étude de ce type de vestiges, une seule proposition peut être avancée.

D’une part, le matériau très dense, lourd en raison de la faible proportion de fibres végétales et au contraire de la forte présence de grains et petits graviers minéraux, n’est pas du tout adapté à la réalisation de structures verticales sur armature de clayonnage et encore moins au revêtement de panneaux pleins en bois.

D’autre part, la rareté des négatifs de petites branches et particulièrement d’éléments croisés confirme cette impression. Quant aux empreintes de grosses branches écorcées, elles sont le plus souvent isolées bien qu’il existe quelques exemples montrant leur association avec des branches plus fines ou refendues. Enfin, les négatifs anguleux, de même que les formes plutôt prismatiques des fragments, correspondent bien à l’hypothèse d’empreintes de pierres et de cailloux.

Le fait que les surfaces lissées manuellement soient fréquemment en relation avec une face perpendiculaire, soit plane mais irrégulière soit conservant le négatif d’une grosse branche, indique que le matériau a par endroits été appliqué contre une « bordure » qui a permis de le contenir tout en respectant un niveau.

L’hypothèse la plus vraisemblable consiste à interpréter ces fragments comme les vestiges d’une chape horizontale, d’une épaisseur moyenne de 6 à 10 cm, recouvrant un radier de moellons et de cailloux assez serrés. Selon cette interprétation, le matériau plastique se serait insinué entre les blocs avant de pouvoir former une couche superficielle assez épaisse. Les traces de branches pourraient correspondre à la bordure évoquée et les empreintes de branches plus fines à d’éventuels éléments servant d’entretoises pour maintenir un cadre, par exemple, dans lequel le matériau serait contenu. Les faces planes irrégulières pourraient pour leur part attester aussi la présence de blocs participant à la contention du matériau humide ou simplement témoigner de son infiltration entre les pierres du radier.

La cuisson très poussée du matériau est une question cruciale qui conditionne l’interprétation non seulement de la chape mais de la structure entière. Les données semblent montrer que ce revêtement complétait l’aménagement de la partie sommitale du monument en pierres et rien n’indique, objectivement, qu’il ait été recouvert par des structures en bois. Cela dit, on ne peut pas faire l’économie de cette possibilité dans la mesure où le sommet de la construction n’a pas été retrouvé en place, privant ainsi les archéologues de précieuses indications. Il est probable que l’incendie de superstructures en bois d’une certaine importance aurait pu favoriser la cuisson de la chape à l’égal d’une sole de four. Pour expliquer ce degré de cuisson et, bizarrement, l’absence de gradient depuis la surface vers le bas de la chape, il convient d’envisager deux solutions : soit des feux nombreux et répétés, se répartissant sur toute l’aire sommitale, soit un feu gigantesque et maintenu en activité pendant un certain temps.

Conclusion

L’ensemble de ces résultats invite donc à envisager une voie d’explication du monument en tant que plateforme architecturée ayant accueilli un processus de crémation puis de dépôts funéraires. Objet d’étude singulier ce dispositif particulier s’intègre donc dans une série de monuments funéraires et para-funéraires protohistoriques encore mal documentés et dont l’originalité tient notamment au soin apporté à son architecture monumentale.

Bibliographie

Guillaumet 1983

Guillaumet (J.-P.). – Le matériel du tumulus de Celles (Cantal), in Collis J., Duval A., Périchon R. (éd.). Le deuxième âge du Fer en Auvergne et en Forez et ses relations avec les régions voisines. 4e colloque régional annuel consacré à l’âge du Fer en France non-méditerranéenne, Clermont-Ferrand, 1980, Université de Sheffield ; Centre d’études foréziennes, p. 189-211, 17 fig., 1 pl. h.t. (IV b), 1983

PagèsAllary 1905

Pagès-Allary (J.). – Nouvelles observations sur le tumulus de Celles (Cantal), L’Anthropologie, t. XVI, 1905. Paris: Masson, 1905, p. 117-118.

PagèsAllary, Déchelette, Lauby 1903

Pagès-Allary (J.), Déchelette (J.), Lauby (A.). – Le Tumulus arverne de Celles, près Neussargues (Cantal), L’Anthropologie, 14, 1903, p. 35‑416

1 Opérations de relevés, sondages, fouille programmée autorisées par la Direction régionale des affaires culturelles d’Auvergne, service régional de l’archéologie, avec le soutien de la Fédération des associations archéologiques du Cantal et de l’Association pour la Recherche sur l’Age du Fer en Auvergne.

2 Cet objet peut être également identifié comme manche de simpulum ou tisonnier.

3 Les premiers croquis font apparaître des os longs (fémur ?). (ibid.)

1 Le mobilier a fait l’objet d’un don au musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) en juillet 1905 suite à une exposition au musée du Petit Palais à Paris.

2 Pagès-Allary 1905.

3 Guillaumet 1983.

2 Pagés-Allary, Déchelette, Lauby 1903.

3 Original, archives musée d’art et d’archéologie d’Aurillac.

1 Archives du Musée de d’Art et d’Archéologie d’Aurillac, du Musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, du musée de la Haute-Auvergne de Saint-Flour.

L’occupation du sol dans le massif du Cézallier à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer

L’occupation du sol dans le massif du Cézallier à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Fabien Delrieu

Le versant oriental du massif du Cézallier possède plusieurs nécropoles tumulaires ayant bénéficié de fouilles récentes et donc d’une documentation de qualité (Lair, La Pénide ou encore La Croix de Baptiste). De plus une demi-douzaine de sites de hauteur protohistoriques, généralement fortifiés, sont également localisés dans la même fenêtre. La majorité d’entre eux a bénéficié de relevés topographiques récents, et pour certains, de sondages et de fouilles qui ont révélé de manière récurrente la présence d’occupations attribuables au IXème S. av. J.-C. Enfin quelques sites d’habitats non fortifiés et ouverts complètent le panel des sites protohistoriques dans cet espace. Un programme de recherche, en cours, permet de recenser, de cartographier l’ensemble de ces structures attribuables le plus souvent à l’âge du Bronze et dont certaines font par la suite l’objet de sondages puis de fouille. Enfin, ce secteur présente aussi de nombreuses zones humides (lacs, tourbières) à proximité immédiate des sites protohistoriques. L’étude (en cours) des séquences de sédiments enregistrées dans ces milieux humides permet d’élargir les données sur l’anthropisation locale et l’évolution des paysages.

Le plateau volcanique qui s’étend de la vallée de l’Alagnon, à l’est, aux plus hautes terres du massif du Cézallier, à l’ouest, prend la forme d’un vaste plan incliné de 15 kilomètres de long environ permettant, sans pendage marqué, de passer de 700 mètres d’altitude à plus de 1300 mètres à l’entrée des hautes terres constituant le centre du massif.

Ce plateau à la faible déclivité est jalonné, sur toute sa longueur, par des groupes de tumulus constituant des alignements continus (fig. 1). Les données collectées lors des fouilles des nécropoles de Lair puis de la Croix de Baptiste attestent un fonctionnement de ces ensembles funéraires se développant entre le XVIIIème et le Vème S. av. J.-C.

L’implantation de ces groupes de tumulus correspond de manière intime aux voies de circulation naturelles permettant l’accès aux hautes terres depuis les vallées adjacentes. La présence d’un milieu ouvert, avec une forte présence des graminées, dans ces zones dès le début de l’âge du Bronze et durant toute la séquence de fonctionnement des nécropoles tumulaires permet d’envisager la mise en place d’une importante activité de transhumance se développant pendant toute ou partie de l’âge du Bronze et du 1er âge du Fer.

Figure 1 : Cartographie des tumulus protohistoriques relevés sur le plateau de Molèdes/Laurie (DAO F. Muller)
Figure 1 : Cartographie des tumulus protohistoriques relevés sur le plateau de Molèdes/Laurie (DAO F. Muller)

Les données concernant l’âge du Bronze et le début du 1er âge du Fer sur le versant oriental du massif du Cézallier sont toujours en cours d’acquisition. Elles vont venir encore affiner la compréhension des modes d’occupation de cette moyenne montagne volcanique pour ces séquences chronologiques. Cependant, un certain nombre de constats peuvent déjà être posés et plusieurs pistes de réflexion se sont faites jour, elles devront être poursuivies :

  • Une importante activité de transhumance a pu se développer dès le XVIIIème S. av. J.-C. sur ce versant et perdurer jusqu’à la fin du Vème S. av. J.-C.
  • Les troupeaux pouvaient être acheminés dans les estives du centre du massif en utilisant des voies de plateaux jalonnées de nécropoles tumulaires. Ces dernières fonctionnent sur le temps long (au moins 13 siècles).
  • De manière générale, la circulation des hommes et des troupeaux à l’âge du Bronze dans ce secteur semble privilégier les cheminements sur les plateaux de faible déclivité plutôt que dans les fonds de vallées, étroits et très encaissés.
  • Les périodes représentées de manière systématique sur les sites de hauteur comme le IXème S. av. J.-C. ou plus tard le Hallstatt final sont, pour l’heure, absentes ou très peu représentées au sein des nécropoles tumulaires.
  • L’inverse se vérifie également et semble indiquer que les hautes terres ont été occupées en continu mais selon des schémas différents suivant les périodes. Semblent alterner d’importantes séquences d’habitats saisonnier liés à la transhumance et la mise en place d’habitats fortifiés permanents comme au IXème S. av. J.-C.
  • À la fin du IXème S. av. J.-C. on note un abandon généralisé des sites d’habitats fortifiés couplé à une érosion marquée des sols. Il est probable que ces éléments, liés à la grande péjoration climatique qui touche l’ouest de l’Europe, marque la reprise potentielle de cette importante activité de transhumance. Cet état de fait semble attesté par la présence d’inhumations à épées au sein de ces nécropoles tumulaires au début du VIIème S. av. J.-C. Cette évolution semble marquer la réactivation de ces axes desservant les hautes terres du centre du massif.
Figure 2 : Cliché d’un des tumulus les plus volumineux du versant oriental du massif du Cézallier localisé sur le sommet du Charouliac à Laurie (Cliché : F. Delrieu)
Figure 2 : Cliché d’un des tumulus les plus volumineux du versant oriental du massif du Cézallier localisé sur le sommet du Charouliac à Laurie (Cliché : F. Delrieu)

La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal : tour d’horizon du potentiel en minerais et des données archéologiques disponibles

La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal : tour d’horizon du potentiel en minerais et des données archéologiques disponibles : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Florie-Anne Auxerre-Géron

I – Introduction

Le Massif central possède de nombreux gisements de minerais métallifères, notamment les principaux métaux exploités dès la Protohistoire comme l’or, l’argent, le cuivre, l’étain, mais également le plomb et le fer. Les gisements peuvent prendre plusieurs formes : il peut s’agir de gîte dit primaire, c’est-à-dire que le minerai se trouve dans des filons en place dans la roche, ou bien il peut s’agir de dépôt secondaire en alluvions, colluvions ou placers (Cauuet 2013, p. 74 ; Hubert et Abraham 2018, p. 32). Pour le département du Cantal en particulier, le potentiel minéralogique est bien réel, mais rares sont les indices qui permettent aujourd’hui de dater les travaux miniers anciens recensés aujourd’hui sur le territoire (fig. 1). Les données disponibles indiquent qu’une extraction de l’or mais aussi de l’argent a existé dans certains districts à la fin de la période gauloise, mais il reste encore un important travail de recherche à mener.

Figure 1 : Les principaux districts métallifères du Cantal et les sites mentionnés dans le texte. CAO F.-A. Auxerre-Géron, d’après les données issues de Cauuet 2013, Cauuet 2018, Hubert et Cauuet 2015
Figure 1 : Les principaux districts métallifères du Cantal et les sites mentionnés dans le texte. CAO F.-A. Auxerre-Géron, d’après les données issues de Cauuet 2013, Cauuet 2018, Hubert et Cauuet 2015

I – En rive gauche de la Dordogne, entre Cantal et Puy-de-Dôme : le district de Labessette et Beaulieu

Dans cette commune puydomoise, limitrophe de la Corrèze et du Cantal, un vaste complexe minier a été repéré dès 1900 par un ingénieur des mines, Joseph Demarty. Plusieurs fosses et tranchées ont alors été relevées, sur un site appelé localement « Camp Romain » ou « Camp de César » (Demarty 1907). Rapidement, ces vestiges ont été identifiés comme étant des traces d’exploitations anciennes, et des aménagements liés à des opérations de lavage ont également été repérés. Joseph Demarty supposait alors que le minerai extrait devait être l’or ou l’étain (ibid., p. 165). Ayant eu l’autorisation de la mairie de procéder à des fouilles, Joseph Demarty a pu ouvrir 3 m², tamisant les sédiments, et récoltant beaucoup de mobilier attestant d’une implantation gallo-romaine. À ce mobilier s’ajoute également des tessons de céramiques noires attribuées à l’« Époque Marnienne » (ce qui correspondrait au début du Second âge du Fer), ainsi que des morceaux de fer et de grandes quantités de charbons de bois (ibid., p. 165-166). Ajoutons qu’il mentionne également la découverte non loin du site d’« une épée à lame de fer et à poignée en cuivre sans garde », qu’il attribue, d’après une description orale, au Premier âge du Fer. Après examen des descriptions des aménagements de bois mis au jour (fig. 2), Élodie Hubert propose d’interpréter ces vestiges comme un boisage complexe avec cadres en chantier vertical (Hubert 2011, p. 46), semblable à ce que Béatrice Cauuet a pu observer à la mine de La Fagassière (Cauuet 2004, p. 57-59), et qui a pu être daté de La Tène moyenne et finale. Toutefois, à partir des dessins disponibles, qui présentent des pièces de bois bien droites et écorcées, le doute subsiste sur cette attribution chronologique. En 1997, Béatrice Cauuet a pu prospecter les environs de Labessette (ainsi que les communes environnantes) et inventorier douze sites, le « Camp de César » inclus, pour un total de 26 aurières.

Figure 2 : Relevés des boisages mis au jour par J. Demarty lors de l’exploration des travaux miniers anciens de Labessette (Puy-de-Dôme ; issu de Demarty 1907, p. 84)

Figure 2 : Relevés des boisages mis au jour par J. Demarty lors de l’exploration des travaux miniers anciens de Labessette (Puy-de-Dôme ; issu de Demarty 1907, p. 84)

Signalons au passage que d’autres opérations de prospections, côté corrézien, menées par Matthieu Boussicault, ont d’ailleurs permis d’esquisser un district plus large, s’étendant de l’autre côté de la Dordogne. À Labessette, Béatrice Cauuet a également récolté de la céramique datée de La Tène finale (écuelle à bord rentrant, gobelet à bord droit, pot globulaire ; Cauuet 1997, p. 90 ; Cauuet 2013, p. 88). Ces travaux miniers ne sont donc pas pour l’instant datés d’une manière certaine par la fouille, mais le mobilier récolté en prospections, mentionné par les sources anciennes, ainsi que les différentes observations et comparaisons effectuées laissent entrevoir des aurières exploitées au moins à la fin de la période gauloise.

II – Le nord-est du Cantal : un potentiel qui reste à mesurer et une exploitation à la fin de la Protohistoire.

Dans le nord-est du département, une intense activité minière au XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle (exploitation de l’antimoine), a été possible grâce aux nombreux gisements de mispickels, de galène (Molèdes) et de plomb argentifère (Massiac). Certains gisements de mispickels sont aurifères, comme à Bonnac, dans lequel Jean Pagès-Allary estime un potentiel de 6 à 10 g d’or par tonne (Audollent 1911). Ce secteur couvre donc essentiellement les basses vallées de la Sianne et de l’Alagnon : en effet, entre Cantal et Haute-Loire s’étendent des collines cristallines où de nombreux filons métallifères affleurent, notamment grâce aux nombreuses vallées encaissées qui découpent le relief. Parmi ces vallées, la vallée de la Fontaine-Salée, où affleure le filon d’antimoine et d’argent dit « des Anglais » ou « des Mineyres », a livré des éléments concrets puisque des fouilles ont pu y être effectuées au milieu des années 1970. En effet, à la suite de sondages positifs établis par le BRGM et dans la perspective d’une exploitation, des engins de terrassement mirent au jour une ancienne construction, en rive gauche de la rivière (Tixier 1986, p. 9). Une fouille de sauvetage sommaire fut lancée, et ces vestiges furent interprétés comme une sorte d’hypocauste, aménagé pour le traitement des minerais (du minerai grillé fut d’ailleurs découvert dans le remplissage de l’hypocauste ; ibid., p. 11). Une aire de lavage a également été identifiée en surface. Les explorations souterraines du BRGM ont aussi permis de mettre au jour d’anciennes galeries ainsi que des puits conservant encore leurs boisages, que Luc Tixier put observer et relever en 1976 et 1977. Une datation 14C effectuée sur un des bois donne la fourchette de 1850 BP ± 100, c’est-à-dire entre – 30 et 50 de notre ère (ibid., p. 13 ; Cauuet 2018, p. 198), plaçant donc cette principale phase d’exploitation au début de la période gallo-romaine. Le mobilier recueilli aux abords du four et en amont du site confirme cette attribution, mais des céramiques de la fin du 2nd âge du Fer ont également été découvertes (Vinatié 1986, p. 17).

À la frontière entre la Haute-Loire et le Cantal, sur la commune d’Ally, la mine d’argent de La Rodde (plomb argentifère) a été exploitée notamment au cours des périodes antique et médiévale, et reprise au XIXe et XXe siècle (Cauuet 2018, p. 198). Au cours de fouilles menées entre 1993 et 1998, Christian Vialaron a pu prélever des boisages et des charbons qui ont été datés par 14C, ce qui a permis de mettre en évidence des périodes d’exploitation plus anciennes (Vialaron 2016). Une datation réalisée sur des charbons de bois, localisés en bas d’une stratigraphie importante, a notamment révélé que des travaux ont été réalisés au cours du Premier âge du Fer (fourchette chronologique comprise entre 769 et 416 avant notre ère). L’exploitation avait alors été effectuée grâce à des chantiers à ciel ouvert, qui ont formé une tranchée large et profonde (jusqu’à 8 m de profondeur). Une autre phase d’exploitation, prenant alors la forme de travaux souterrains, est attribuée à la période comprise entre le IIIe siècle avant notre ère et le Ier siècle de notre ère, sur la base de datations radiocarbones réalisées également sur des boisages de puits et des charbons. En outre, du mobilier céramique a permis d’attester que ces travaux ont pu perdurer au début de la période antique.

En plus des informations fournies par les sites miniers eux-mêmes, il faut noter la présence dans le secteur d’un exceptionnel dépôt de monnaies et de bracelets d’argent, découvert au « Suc de la Pèze » à La Chapelle-Laurent, non loin de Massiac. En effet, sa similarité avec certains dépôts du territoire rutène localisés dans des zones de contacts en Rutènes et Cadurques (Gruat et Izac-Imbert 2002, p. 77), et surtout, dans des districts miniers, laisse envisager que nous avons affaire à une pratique comparable, étroitement liée à un contexte minier. Pour terminer, un autre élément matériel est à noter : il s’agit d’un maillet à gorge en roche volcanique, découvert sur le plateau de « Chalet » à Massiac, outil notamment utilisé pour des activités d’extraction (Tissidre et Baillargeat-Delbos 2015). Un exemplaire similaire a été découvert dans une aurière de Dordogne, sur le site des Fouilloux (Jumilhac), exploité à la fin de la période gauloise (Cauuet 2004, p. 29).

III – Le sud-ouest du Cantal : le district minier de Prunet et les apports récents de la recherche

Des travaux récents ont permis de mettre en lumière un autre secteur clé du département pour l’étude des exploitations minières protohistoriques. Ces deux dernières décennies, en Chataigneraie cantalienne, des prospections menées par Philippe Abraham puis par Elodie Hubert (Université de Toulous Jean Jaurès) ont permis de mettre en évidence des mines anciennes, sans doute des aurières étant donnée la géologie du secteur (Cauuet 2013, p. 88 ; Hubert et Cauuet 2015, fig. 12 ; Hubert et Abraham, 2018 p. 35-36). Le district minier qui a été identifié, a été baptisé district de Prunet : il couvre cette commune, mais aussi Lafeuillade-en-Vézie et Lacapelle-del-Fraisse. L’inventaire réalisé par ces deux chercheurs, qui a pu aussi être alimenté par l’étude de relevés Lidar, montre un secteur très dense en vestiges, attestant principalement d’exploitations en roche à ciel ouvert, mais aussi de la présence de chantiers miniers sur gisements secondaires, c’est-à-dire ouverts dans des dépôts détritiques. Ces vestiges sont des fosses, le plus souvent alignées, de tailles variables, mais globalement de plus petite taille que celles connues en pays Lémovice. Cette différence notoire pourrait avoir deux explications : les filons exploités dans le district de Prunet sont en effet moins importants que ceux disponibles en Limousin, notamment moins puissants. Autre possibilité également, il a été mis en évidence en Limousin qu’il y avait un rapport entre la taille des fosses et les périodes d’exploitation, les plus petites étant datées du début du 2nd âge du Fer (Hubert et Abraham 2018 p. 42). Si la typologie de ces vestiges permet sans trop de risque de les dater de la fin de la Protohistoire, notamment par comparaison avec les exploitations connues en Limousin voisin et documentées par des fouilles, les éléments qui permettent de dater précisément ces sites miniers sont encore très peu nombreux : en effet, même si deux sondages ont pu être menés ces dernières années, ce type de site ne livre pas de mobilier datant, et rares sont les charbons qui permettent une datation. Cependant, à Lacapelle-del-Fraisse, des jalons chronologiques ont pu être posés pour le site du Camp du Puech, sondé en 2018 : une datation sur un charbon mis au jour dans une couche de déblais atteste d’une fréquentation au cours de l’Antiquité, tandis que des charbons découverts en fond de minière et sous le niveau de haldes ciblent les IIe et Ier siècle avant notre ère, attestant d’une activité d’extraction au cours de la période gauloise (informations orales Élodie Hubert).

IV – Les parallèles avec les sites miniers du Limousin et de l’Aveyron

La question des exploitations minières protohistoriques dans le Cantal doit être abordée aussi à la lumière des données obtenues dans les départements voisins ou limitrophes, mieux documentés comme l’Aveyron, la Corrèze et la Haute-Vienne. En territoire Lémovice notamment, les mines protohistoriques sont étudiées depuis le début des années 1980 (travaux de Béatrice Cauuet). C’est d’abord par le biais d’inventaire de vestiges et d’anomalies d’origines anthropiques souvent détectés par des géologues qu’ont commencé les recherches sur ces travaux, mais aussi par une étude minutieuse des toponymes : ainsi si certains évoquent clairement la présence d’or (Aurière, Laurière etc.), d’autres peuvent indiquer la présence d’anomalie de terrain (Cros, Crose, Croze, etc., dérivés du mot « creux » en occitan, Suquet ou Tuquet, dérivés du mot « tertre ») ou les animaux fouisseurs particulièrement attirés par les déblais (Trou du Loup, Trou du renard, Renardière, Tessonière et ses dérivés, « tesson » signifiant blaireau). Les premières fouilles archéologiques permirent rapidement de déterminer que ces mines, notamment celles du district de Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), ont été exploitées tout au long du Second âge du Fer. À l’heure actuelle, il est établi que l’activité minière se développe dès la fin du Premier âge du Fer (les exploitations sont alors à ciel ouvert, limitées à 10 m de profondeur ; Cauuet 2013, p. 94), avant de s’intensifier à la période gauloise. Certains sites ont également livré des vestiges de l’âge du Bronze, notamment de la phase moyenne ou de la toute fin du Bronze final, ce qui suggère des épisodes d’exploitations plus anciens. Les fouilles ont également permis de documenter des aménagements annexes : ateliers de traitement mécanique (concassage, broyage à l’aide de tables en pierre, de mortiers), ateliers de lavage (différents chenaux, bassins et citernes creusés). La phase finale de la chaîne opératoire a également pu être documentée grâce à la découverte de petits creusets aux parois vitrifiées (ibid., p. 94-95). Notons enfin que des espaces d’habitats liés à ces mines ont aussi été fouillés, attestant qu’une communauté entière se consacrait à cette activité, et ce sur plusieurs générations et d’une manière permanente.

Outre l’exploitation de l’or, l’existence de mines d’argent dans les départements voisins du Cantal est aussi documentée pour la période protohistorique : dans le nord-ouest du département de l’Aveyron, de nombreuses mines de plomb argentifères ont été repérées le long de la faille de Villefranche-de-Rouergue, ainsi que des gisements d’étain à l’Ouest de Laguiole (ibid., p. 89 et 92). En ce qui concerne les stannières, Philippe Abraham a documenté des dépôts sablonneux minéralisés exploités par des petits chantiers de lavage d’alluvion (fosses ou tranchées) et le mode opératoire a pu être mis en lumière, notamment grâce à des analyses géochimiques qui ont permis de localiser les aires de préparations mécaniques aux mines de « La Boule » et de « Grandval » (Abraham 2000). Des datations 14C ont permis d’apporter les premiers jalons chronologiques de ces exploitations. Une datation calibrée atteste ainsi d’une phase d’activité dès le Bronze final (1390-1025 avant notre ère), et plusieurs dates pointent l’ensemble de l’âge du Fer (Cauuet 2013, p. 89).

V – Conclusion

L’objectif de cet article était de présenter un tour d’horizon du potentiel en minerais dans le Cantal. Ce dernier est réel, et nous avons pu voir que le département est riche de gisements aurifères et argentifères, à l’image de bon nombre de département du Massif central. Quant aux données archéologiques aujourd’hui disponibles, il faut souligner qu’elles étaient encore bien maigres il y a encore 10 ans, mais qu’une nouvelle dynamique de recherche a été enclenchée, livrant déjà son lot de données inédites permettant de revoir la question des exploitations protohistoriques. S’il n’est plus exclu que de l’or mais aussi de l’argent ont pu être extraits du sous-sol cantalien à la fin du Second âge du Fer au moins, il reste encore à déterminer les modalités de ces exploitations, mais aussi l’histoire de ces mines. En effet, dans certains cas, leur genèse est antérieure à l’âge du Fer ; ailleurs elle est attestée au cours du Premier âge du Fer, mais ces travaux anciens sont encore mal connus. Enfin, il reste à définir quelle place ont pu avoir ces productions dans l’économie protohistorique, en particulier dans l’économie arverne.

VI – Bibliographie

Abraham 2000

Abraham (P.). – Les mines d’argent antiques et médiévales du district minier de Kaymar (nord-ouest de l’Aveyron), Gallia, 57, p. 123-127

Audollent 1911

Audollent (A.). – Mines d’or en Auvergne, Revue des Études Anciennes, 13, 2, p. 202

Cauuet 1997

Cauuet (B.). – Prospection-inventaire, les mines d’or des Arvernes, Communes de Bagnols, La Bessette, Cros, Larodde, Tauves et Trémouille Saint Loup, BSR Auvergne 1997, p. 90

Cauuet 2004

Cauuet (B.). – L’or des Celtes du Limousin, Ed. Culture et Patrimoine en Limousin, Limoges, 124 p.

Cauuet 2013

Cauuet (B.). – Les ressources métallifères du Massif central à l’âge du Fer, in Verger (S.), Pernet (L.) dir., Une Odyssée gauloise. Parures féminines à l’origine des premiers échanges entre la Grèce et la Gaule, Arles, Errance, p. 86-95

Cauuet 2018

Cauuet (B.). – Sources et productions d’argent en Gaule aux âges du Fer, in Hiriart (E.),Genechesi (J.), Cicolani (V.), Martin (S.), Nieto-Pelletier (S.), Olmer (F.) dir., Monnaies et archéologie en Europe celtique. Mélanges en l’honneur de Katherine Gruel. Glux-en-Glenne, Bibracte 29, p. 195-204

Demarty 1907

Demarty (J.). – Les mines de Labessette (Puy-de-Dôme), exploitations gauloises et gallo-romaines, Revue d’Auvergne, 1, Janvier-Février 1907, Clermont-Ferrand, p. 161-170

Gruat et Izac-Imbert 2002

Gruat (P.), Izac-Imbert (L.). – Le territoire des Rutènes : fonctionnement et dynamiques territoriales aux deux derniers siècles avant notre ère, in Garcia (D.),Verdin (F.) dir., Territoires celtiques. Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale, Paris, Errance, p. 66-87.

Hubert 2011

Hubert (E.). – Les mines d’or des Arvernes. État de la question, mémoire de Master 1 d’Archéologie, Université Toulouse Le Mirail, 83 p.

Hubert 2013

Hubert (E.). – L’or et la puissance des Arvernes. Définition de districts miniers aurifères à l’Ouest du Puy-de-Dôme, mémoire de Master 2 d’Archéologie, Université Toulouse Le Mirail, 164 p.

Hubert et Abraham 2018

Hubert (E.), Abraham (P.). – Les aurières du district de Prunet (sud d’Aurillac, Cantal), Revue de la Haute-Auvergne, t. 80, vol.1, p. 31-48.

Hubert et Cauuet 2015

Hubert (E.), Cauuet (B.). – Productions d’or chez les Arvernes. État de la question, poster présenté à l’occasion du colloque « l’or de l’âge du Fer en Europe celtique – société, technologie et archéométrie », 11-14 mars 2015, Université Toulouse Jean Jaurès.

Tissidre et Baillargeat-Delbos 2015

Tissidre (M.), Baillargeat-Delbos (C.). – Découverte d’un maillet à gorge du Néolithique, à Chalet (commune de Massiac), R.H.A., t. 77 avril-juin, p. 231-234

Tixier 1986

Tixier (L.). – L’exemple de la Mine des Anglais. L’exploitation minière, in Bril (H.), Watelet (P)., Les richesses du sous-sol en Auvergne et Limousin, ville d’Aurillac, p. 9-14

Vialaron 2016

Vialaron (Ch.). – La mine gauloise de la Rodde d’Ally. Concession pour plomb, argent et antimoine de Freycenet-La Rodde (Haute-Loire), Le Puy-en-Velay, 2016, 152 p.

Vinatié 1986

Vinatié (A.). – Le mobilier archéologique, in Bril (H.), Watelet (P)., Les richesses du sous-sol en Auvergne et Limousin, ville d’Aurillac, p. 15-17

Recherche d’archives paléoenvironnementales à proximité de sites protohistoriques (Nord du Cantal) – Carnet de terrain

Recherche d’archives paléoenvironnementales à proximité de sites protohistoriques (Nord du Cantal) : publié dans les Chroniques ARAFA n° 2 – 2023

Dendievel André-Marie1,2, Delrieu Fabien3,4, Antoine Ludovic2, Duny Anne5, Mennessier-Jouannet Christine6, Simon Catherine2, Surmely Frédéric3,7, Richard Hervé8

I – Introduction

Dans le cadre du Programme Collectif de Recherche (PCR) coordonné par F. Delrieu, des recherches pluridisciplinaires en archéologie et paléoenvironnements sont menées depuis 2018 dans le Nord du Cantal (Delrieu et alii 2019 ; Delrieu et alii 2020 ; Delrieu et alii 2021). Dans le cadre de l’axe « Paléoenvironnements & Paysages Protohistoriques » du PCR, la recherche porte sur l’identification, la caractérisation – notamment à l’aide de datations par le radiocarbone – et l’étude de zones humides ayant accumulé des sédiments remontant à la Protohistoire (âge du Bronze et âge du Fer). Le but de cette recherche est ainsi d’obtenir des « archives naturelles » à proximité immédiate des sites archéologiques pour reconstituer les modalités d’évolution de ces écosystèmes au cours du temps et obtenir des informations précises et locales sur les activités humaines passées et les paysages protohistoriques.

I – Zone d’étude : Nord du Cantal

Pour ce « carnet de terrain », nous proposons une synthèse des résultats obtenus suite aux carottages au niveau de deux fenêtres d’étude (fig. 1) : la « fenêtre Sianne » qui s’étend des sources de la Sianne (rivière) au plateau d’Espalem, et la « fenêtre Sumène » qui encadre la vallée de la Sumène depuis le plateau de Trizac jusqu’au Mont-de-Bélier à Saint-Étienne-de-Chomeil.

Figure 1 : Tourbières et sites archéologiques associés. A) Localisation des fenêtres d’étude sur une carte du relief de l’Auvergne ; B) Profil altitudinal de la « fenêtre Sianne » ; C) Profil altitudinal de la « fenêtre Sumène ». Abréviations : NCP = nécropole, CFL = confluence. Crédit : A.-M. Dendievel, 2020-2023.
Figure 1 : Tourbières et sites archéologiques associés. A) Localisation des fenêtres d’étude sur une carte du relief de l’Auvergne ; B) Profil altitudinal de la « fenêtre Sianne » ; C) Profil altitudinal de la « fenêtre Sumène ». Abréviations : NCP = nécropole, CFL = confluence. Crédit : A.-M. Dendievel, 2020-2023.

Ces deux fenêtres présentent de nombreuses tourbières, c’est-à-dire des zones humides dont le sol saturé en eau (conditions anoxiques) permet l’accumulation de tourbe contenant du pollen et des macro-restes botaniques par exemple. En s’accumulant au cours du temps, ces restes forment de véritables « archives naturelles » idéales pour reconstituer l’évolution des environnements du passé au présent (Cubizolle 2019).

Les fenêtres d’étude ont été choisies car elles présentent des tourbières à proximité immédiate, voir au sein même, de sites de la Protohistoire répartis le long de gradients altitudinaux (cf. fig. 1) :

  • Pour la « fenêtre Sianne », ce gradient s’étage de 1 455 m au niveau de la tourbière des sources de la Sianne, jusqu’à 680 m d’altitude pour la tourbière du Lac Long (aussi connu sous le nom de Lac Lant) sur le plateau de la Pénide, à Espalem.

Au plus haut, les sites archéologiques sont représentés par des « tras » (ensemble d’habitats semi-excavés, souvent alignés en peigne). Il y a aussi de nombreuses nécropoles tumulaires et sites d’habitat aux altitudes intermédiaires (1200 – 900 m) : nécropole de la Croix-de-Baptiste près de la tourbière de Sagne-Gousseau, tumulus de Laurie et sites du Bru ou de la Coharde près du Vern. Plus bas en altitude, le plateau de la Pénide présente un site fortifié occupé durant trois phases (Néolithique moyen, âge du Bronze ancien et final IIIb), ainsi qu’une nécropole tumulaire – actuellement en cours de fouille – dont les éléments de datations renvoient à différentes occupations du Néolithique moyen, de la fin de l’âge du Bronze moyen d’après les datations par le radiocarbone, et du Bronze final IIb-IIIa sur la base du rare mobilier recueilli (Dendievel et alii 2020).

  • Pour la « fenêtre Sumène », ce gradient s’étage de 1 100 m (tourbière de Tronque, Plateau de Trizac) à 719 m d’altitude (tourbière de Chastel-Marlhac). Ici aussi, les sites archéologiques sont omniprésents avec des tras en altitude, des nécropoles tumulaires (plateaux de Trizac et de Saint-Étienne-de-Chomeil) et des sites de hauteur (Chastel-Marlhac, Rochemur).

II – Méthodologie suivie

Pour étudier les archives sédimentaires, nous avons utilisé une méthodologie s’appuyant à la fois sur une approche géohistorique, sur un travail de terrain précis et des analyses en laboratoire (voir la démarche en détail dans Dendievelet alii 2020).

En bref, l’approche géohistorique est la 1ʳᵉ étape qui consiste à dépouiller différents documents afin d’identifier des zones humides ayant accumulé des sédiments sur le long terme. Elle s’appuie sur l’étude des cartes et plans anciens, notamment le « Cadastre Napoléonien » et les cartes topographiques de l’IGN depuis le début du XXe siècle. Ces documents sont accessibles aux archives départementales (par exemple, celles du Cantal : https://archives.cantal.fr/rechercher/cadastre-et-archives-foncieres/cadastre-napoleonien) et sur le Géoportail (http://www.geoportail.gouv.fr).

Figure 2 : A) Sondage à la barre dans la tourbière de Mérigot (Crédit : L. Antoine, 2020) ; B) Carottier russe utilisé dans la « fenêtre Sumène » (Crédit : A.-M. Dendievel, 2019).

Une fois l’intérêt de la zone humide confirmée, l’étape 2 a lieu sur le terrain. Le sondage à la barre permet d’estimer l’épaisseur des sédiments en enfonçant une tige filetée graduée (fig. 2a). Cette technique donne une information qualitative sur l’épaisseur et le type de sédiment (argile, tourbe, sables).

Les informations sont géoréférencées à l’aide d’un GPS différentiel afin d’implanter le point de carottage dans la zone la plus profonde (étape 3). Le carottage est alors réalisé en utilisant un carottier manuel (fig. 2b).

Les sédiments sont décrits sur le terrain en fonction du degré de décomposition de la matière organique, de leur texture et de leur couleur. Les carottes de sédiments sont ensuite conservées en chambre froide en vue de leur étude.

Figure 2 : A) Sondage à la barre dans la tourbière de Mérigot (Crédit : L. Antoine, 2020) ; B) Carottier russe utilisé dans la « fenêtre Sumène » (Crédit : A.-M. Dendievel, 2019).

Enfin, l’étape 4 se déroule en laboratoire avec les datations par le radiocarbone (14C) et l’analyse du taux d’aimantation des sédiments (susceptibilité magnétique). Les datations ont été effectuées par accélérateur de spectrométrie de masse (AMS) sur des macro-restes botaniques identifiés, ou sur sédiments bruts lorsque cela n’était pas possible. Nous avons ciblé certains niveaux remarquables comme la transition entre les sédiments lacustres et la tourbe, ainsi que les niveaux de charbons. Les résultats ont été calibrés avec la courbe de calibration « IntCal20 » (Stuiver et Reimer 1993 ; Reimer et alii 2020). Quant à la susceptibilité magnétique volumique (SM), elle a été mesurée avec une sonde Bartington MS2E à une résolution de 1 cm. Cette analyse est utilisée pour analyser l’accumulation de sédiments aimantés due à l’érosion par exemple.

III – Résultats et discussion

Dans ce carnet de terrain, les résultats présentés sont préliminaires et susceptibles d’être complétés dans les prochaines années. Nous présentons d’abord les séquences stratigraphiques extraites des zones humides, ainsi que les premières datations données en âges calibrés, qui reflètent les modalités d’évolution des écosystèmes. L’ensemble des datations est disponible mis en ligne en accès libre sur le site PANGAEA (https://doi.pangaea.de/10.1594/PANGAEA.957252). Nous discutons par la suite des informations que ces premiers résultats offrent sur la mise en place des tourbières et la conservation des archives environnementales remontant à la Protohistoire sur les deux secteurs étudiés.

1 – Fenêtre Sianne

Le long de la fenêtre Sianne, quatre principaux sites ont été carottés et sont en cours d’étude (fig. 3) :

  • Concernant la tourbière des sources de la Sianne, située à 1 455 m près du Signal du Luguet, le carottage montre une accumulation de plus de 350 cm de tourbe, mais le substrat géologique n’a pas été atteint lors du carottage (fig. 3-A). Plusieurs niveaux de charbons témoignent d’incendies locaux. Le plus ancien a été daté du Néolithique final à 230 cm de profondeur. Les niveaux de charbons repérés pourraient indiquer des défrichements à haute altitude (1 500 m). Nous pouvons situer approximativement la Protohistoire entre 200 et 100 cm de profondeur.
  • Entre 1250 et 1 100 m d’altitude, deux sites ont été carottés : la tourbière de Sagne Gousseau, dominant le plateau d’Allanche, et les poches tourbeuses du Vern sur le plateau de la Coharde.
  • D’après nos premiers résultats, la tourbière de Sagne Gousseau se serait formée par paludification au cours du Mésolithique (fig. 3-B). À ce stade des recherches, on peut supposer que les niveaux de tourbe de la Protohistoire se situent entre 45 et 95 cm de profondeur environ. L’analyse de ce site, installé au pied de la nécropole tumulaire de la Croix de Baptiste, est cruciale pour reconstituer l’évolution d’un paysage de moyenne montagne en contexte funéraire. Par ailleurs, l’étage altitudinal auquel se trouve cette tourbière correspond à une zone de transhumance majeure et devrait permettre d’étudier l’impact des pratiques de pâturage sur le long terme.
  • Au Vern, un carottage a permis de prélever 1,7 m de tourbe argileuse, avant de se heurter à un niveau sablo-graveleux (fig. 3-C). La base de la poche tourbeuse a été datée de l’Antiquité tardive (545-645 après J.-C.), et pourrait faire suite à une déstabilisation du versant, voire un glissement de terrain.
  • Enfin, à 700 m d’altitude, plusieurs zones humides sont présentes entre les tumulus de la nécropole protohistorique de la Pénide, à Espalem (43). Nous avons réalisé plusieurs carottages au Lac Long. La séquence débute par un dépôt lacustre organo-minéral (gyttja) daté du Mésolithique (fig. 3-D). Au Néolithique ancien, le lac s’est comblé et a évolué en tourbière. Un retour vers un système lacustre-palustre semble probable au Bronze final (1209-1016 avant J.-C.), au moment où sont construits certains tumulus. De plus l’analyse de la susceptibilité magnétique démontre une forte érosion des sols de la Protohistoire à l’Antiquité Tardive, en lien avec les activités anthropiques très certainement (Delrieu, Martinez et Dendievel 2023). Les études paléoécologiques en cours (palynologie, macro-restes) permettront de préciser les différentes évolutions du paysage ainsi que les activités agro-pastorales locales.
Figure 3  : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sianne ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.

Figure 3  : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sianne ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.

1 – Fenêtre Sumène

Le long de la fenêtre Sumène, plusieurs autres sites ont été carottés et sont en cours d’étude (fig. 4) :

  • La tourbière de Tronque est située à 1 100 m d’altitude sur le plateau de Trizac, entre les vallées de la Sumène et du Mars. Le carottage montre une accumulation de plus de 250 cm de tourbe (substrat géologique non-atteint ; fig. 4-A). Au moins un niveau de charbons témoigne d’incendies locaux et remonterait au Néolithique final (fig. 4-A). On estime que les niveaux de sédiments de la Protohistoire se situerait entre 95 et 50 cm de profondeur.
  • Au nord, en rive droite de la Sumène et du Soulou, quatre tourbières ont été carottées sur la commune de Saint-Étienne-de-Chomeil : deux tourbières aux Brougues, une tourbière située sous le pointement de Mérigot, et une tourbière à Muratet au pied du site de hauteur de Rochemur. Les données chronostratigraphiques sont assez semblables : ces sites correspondent à d’anciens petits lacs remontant au Tardiglaciaire (fig. 4-C ; fig 4-D). Certains ont même conservé des niveaux de cendres volcaniques (appelés téphras). Ces lacs se sont comblés progressivement, à différentes vitesses, entre la fin du Paléolithique et le Mésolithique final d’après les datations obtenues. Il s’agit aujourd’hui surtout de tourbières planes, voire bombées comme à Mérigot. Des informations sur les paysages protohistoriques sont probablement conservées dans la partie supérieure de ces séquences entre 30 et 70 cm de profondeur majoritairement.
  • Enfin, une dernière séquence a été extraite d’une petite zone humide située sur le plateau de Chastel-Marlhac. Ce site situé à 780 m d’altitude domine la plaine de la Sumène. La séquence présente plus de 5 m de sédiments lacustres (substrat géologique non-atteint ; fig. 4-B). Dans ce contexte, les datations réalisées sur du sédiment brut (faute de mieux) doivent être considérées avec une extrême prudence en raison de l’« effet réservoir » lié à la présence de carbone ancien recyclé par les plantes aquatiques et/ou les crustacés présents dans les sédiments. Dans la partie supérieure, un niveau organique riche en charbons a été daté de l’âge du Bronze moyen. L’étude de la susceptibilité magnétique suggère une érosion croissante peut-être jusqu’à l’Antiquité tardive, moment où le plateau de Chastel-Marlhac est citéh dans les écrits de Grégoire de Tours (Delrieu, Martinez et Dendievel 2023). Par ailleurs, l’analyse préliminaire des macro-restes a mis en évidence la persistance de taxons aquatiques tout au long de la séquence (daphnies, cristatelle, potamot) sur ce site (Delrieu et alii 2021).
Figure 4 : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sumène ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.
Figure 4 : Résultats de carottages, datations et analyses de susceptibilité magnétique (SM) acquis entre 2018 et 2021 pour la « fenêtre Sumène ». Crédit : A-M. Dendievel, 2022.

IV – Éléments de synthèse et perspectives

À travers ce carnet de terrain, nous avons présenté les résultats liminaires de caractérisation (stratigraphie, premières datations, susceptibilité magnétique) des séquences sédimentaires issues des tourbières des vallées de la Sianne et de la Sumène. Cette recherche minutieuse et longue souligne l’intérêt et le potentiel d’étude des tourbières situées à proximité immédiate des sites archéologiques pour reconstituer l’évolution des paysages locaux sous l’effet des activités humaines. Si la plupart des zones humides étudiées résultent du comblement d’anciens lacs, nous avons pu confirmer que des archives sédimentaires de grand intérêt pour la reconstitution des paysages protohistoriques sont bien conservés sur ces sites, ce qui n’était pas un pari gagné d’avance ! Ce travail de longue haleine poursuit actuellement son cours à travers l’étude paléoécologique du lac long à Espalem et celle de la séquence des sources de la Sianne. À suivre…

V – Bibliographie

Cubizolle 2019

Cubizolle (H.). – Les tourbières et la tourbe. Géographie, hydro-écologie, usages et gestion conservatoire, Paris, Lavoisier, 419 p.

Delrieu et alii 2020

Delrieu (F.), Auxerre-Géron (F.), Dendievel (A.-M.), Duny (A.), Mennessier-Jouannet (C.), Lacoste (E.), Muller (F.), Roscio (M.), Surmely (F.). – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute-Auvergne). Départements du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme. Rapport de prospection thématique avec sondages – année 2019, Clermont-Ferrand, DRAC – SRA AuRA.

Delrieu et alii 2021

Delrieu (F.), Auxerre-Géron (F.-A.), Dendievel (A.-M.), (Duny A.), Mennessier-Jouannet (C.), Lacoste (E.), Muller (F.), Richard (H.), Surmély (F.). – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute Auvergne). Troisième année – 2020, Clermont-Ferrand, SRA Auvergne-Rhône-Alpes, 110 p.

Delrieu et alii 2019

Delrieu (F.), Auxerre-Géron (F.-A.), Dendievel (A.-M.), Duny (A.), Muller (F.), Mennessier-Jouannet (C)., Roscio (M.). – Archéologie des vallées de la Sianne et de la Sumène à l’âge du Bronze et au 1er âge du Fer (Haute-Auvergne), Rapport 2018 de prospection thématique avec sondages, Clermont-Ferrand, SRA Auvergne-Rhône-Alpes.

Delrieu, Martinez et Dendievel 2023

Delrieu (F.), Dendievel (A.-M.), Martinez (D.). – Approche comparative de l’occupation des sites de hauteur en Auvergne (Bronze final III/premier âge du Fer et Antiquité tardive/haut Moyen Âge) : chronologie, formes, dynamiques spatiales et paysagères à l’échelle d’un territoire. In Martinez (D.), Quiquerez (A.), Approche diachronique des sites de hauteur des âges des Métaux, de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, Editions ArteHis, Dijon. URL : http://books.openedition.org/artehis/30933

Dendievel,Delrieu et Duny 2020

Dendievel (A.-M.), Delrieu (F.), Duny (A.). – « Entre Lacs et Tourbières : approche pluridisciplinaire de l’évolution des paysages et des zones humides de la Pénide à Espalem (Haute-Loire) », BIOM – Revue scientifique pour la biodiversité du Massif central, 1, p. 1‑11.

Reimer et alii 2020

Reimer (P.-J.), Austin (W.E.N.), Bard (E.). – « The IntCal20 Northern Hemisphere Radiocarbon Age Calibration Curve (0–55 cal kBP) », Radiocarbon, 62, 4, p. 725‑757.

Stuiver et Reimer 1993

Stuiver (M.), Reimer (P.-J.). – « Extended 14C data base and revised CALIB 3.0 14C Age calibration program », Radiocarbon, 35, 1, p. 215‑230.

Affiliations : 1) Univ Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, ENTPE, UMR 5023 LEHNA, F-69518, Vaulx-en-Velin ; 2) GRAV – Groupe de Recherche Archéologique Vellave, 43 600 Sainte-Sigolène ; 3) DRAC ARA, Service Régional de l’Archéologie, 63 000 Clermont-Ferrand ; 4) UMR CNRS 5138 ArAr, 69 007 Lyon ; 5) Paléotime, 38 250 Villard-de-Lans ; 6) UMR 8546 AOrOc CNRS – ENS, 75 230 Paris Cedex 05 ; 7) UMR 6042 Geolab CNRS – UCA, 63 000 Clermont-Ferrand ; 8) UMR 6249 Chrono-Environnement CNRS – UBFC, 25 000 Besançon.