Type de projet : fouille programmée (« Les fouilles des camps de César »)
Conduite du projet : Association pour la Recherche sur l’âge du Fer en Auvergne
Date : 1995-1996
Responsable de l’opération : Vincent Guichard
Notice et documents : Vincent Guichard et Jean Sauvage
- I – 1862
- II – 1939
- III – Observations récentes
- IV – Le grand camp de César
- V – La fortification intermédiaire
- VI – Le petit camp
- V – Bibliographie
I – Les fouilles des camps de César. 1862
C’est à Napoléon III, qui préparait alors son Histoire de Jules César, que l’on doit les premiers travaux de grande envergure pour tenter de localiser le lieu de la bataille de Gergovie. Informé par Marcelin Boudet (érudit local s’intéressant de près à la campagne de César en pays arverne ; sur le rôle de Boudet dans la préparation des campagnes de fouille de 1861 sur le plateau de Gergovie et de 1862 à ses abords, voir Boudet 1944 et dossier d’archive coté 3F161 aux archives départementales du Puy-de-Dôme) sur la localisation possible des fortifications, l’empereur, engagea par l’intermédiaire de son aide de camp le commandant Eugène Stoffel, des fouilles destinées à retrouver les traces du passage de l’armée romaine au pied de l’oppidum gaulois. En s’appuyant sur la description faite par César de la topographie des lieux ainsi que celle des retranchements romains, le commandant Stoffel, militaire de carrière rompu aux problèmes de castramétation, fit réaliser des tranchées destinées à recouper les lignes de fortification. Le commandant Stoffel, qui avait déjà œuvré sur le camp de Mauchamp à Berry-au-Bac (Aisne) en 1861, disposait de moyens financiers et humains importants. Les fouilles débutèrent après la visite de Napoléon III sur le site, le 9 juillet 1862, et s’achevèrent, semble-t-il, au mois de septembre de la même année. Une photographie conservée au musée des Antiquités nationales montre toutefois une tranchée ouverte sur la colline de la Roche Blanche alors que les arbres sont dépouillés de leurs feuilles : s’agit-il d’une tranchée restée ouverte pendant l’hiver 1862-1863 ?
Stoffel décrit dans une lettre à Rice Holmes la méthode employée (Rice Holmes 1899) : « Je plaçais les ouvriers, avec pelles et pioches, sur plusieurs files, dans une direction perpendiculaire à un des côtés supposés du camp, les ouvriers de chaque file à 20 ou 30 mètres les uns des autres. Chacun était chargé d’enlever la couche d’humus sur deux pieds de largeur (soit 0,60 m)… lorsqu’ils arrivaient sur le fossé… après avoir enlevé la terre végétale… ils ne trouvaient plus, comme précédemment, un sol vierge ; au contraire, ils rencontraient une terre meuble qui se détachait facilement, ce qui permettait de supposer qu’elle avait été autrefois remuée. Je faisais alors élargir la tranchée en lui donnant six pieds de largeur (soit environ 1,80 m)… afin que les ouvriers pussent travailler plus commodément ; et ils approfondissaient la tranchée jusqu’à ce qu’ils rencontrassent le sol naturel… si on y était réellement (sur le fossé), on distinguait sans peine sur les deux bords de la tranchée… le profil du fossé qui se détachait par la couleur de la terre mêlée sur la couleur de terre vierge qui l’encadrait. » Lorsqu’un sondage révélait effectivement la présence d’un fossé, d’autres tranchées étaient alors effectuées à quelques dizaines de mètres de part et d’autre de celui-ci dans le but de suivre son tracé. Plusieurs de ces sondages ont été retrouvés lors de nos recherches notamment sur le tracé du « petit camp » où l’on en a dégagé sept. Cette méthode, peu différente de celle que nous avons utilisé, permit, en deux mois de retrouver l’ensemble des fortifications mentionnées par César. Les fouilleurs localisèrent le « grand camp », un vaste quadrilatère, sur le plateau de la Serre d’Orcet et le « petit camp », de taille plus modeste sur la colline de La Roche Blanche à environ trois kilomètres à l’ouest du premier camp. Le « double fossé » décrit par César fut, semble-t-il, retrouvé de façon plus ponctuelle sur la ligne de crête reliant ces deux points hauts du relief.
Il ne nous reste que peu de documents pour apprécier l’ampleur réelle de ces recherches. Aucun compte rendu de fouille, relevés ou plans ne nous sont parvenus. Excepté les deux planches publiées dans l’ouvrage de Napoléon III et une autre planche inédite (et peu informative) conservée au musée des Antiquités nationales, l’ensemble de la documentation relative aux fouilles a disparu, probablement lors de l’incendie des Tuileries. Un compte rendu relate la venue de l’empereur au mois d’août 1862 pour vérifier l’état d’avancement des investigations. Il aurait été enthousiasmé par les résultats obtenus sur le « petit camp » où, selon les dires de Stoffel, les fossés « remplis d’une terre mélangée d’humus et de craie, présentaient des profils qui tranchaient sur la terre dont ils étaient entourés » et satisfait par les travaux entrepris sur le « grand camp », qui étaient cependant déjà rebouchés. Plusieurs témoins contemporains, dont certains, comme l’érudit Mathieu, farouchement opposé à l’identification de Gergovie au plateau de Merdogne, témoignèrent à l’époque de la réalité matérielle des vestiges découverts (Mathieu 1864). Les nombreuses bornes en basalte, qui furent alors implantées à l’emplacement des ouvrages dégagés, constituent encore aujourd’hui le principal indice permettant de guider les recherches.
Le problème de l’identification des lieux de la bataille de Gergovie fut considéré comme réglé. Le plan qui fut dressé à cette occasion constitue encore aujourd’hui la référence pour ce qui est de la description de l’ensemble du système défensif.
Déjà contestés à l’époque par certains, les résultats de ces recherches furent par tous remis en cause après la chute du régime et le discrédit qui en retomba sur le fouilleur de Gergovie et d’Alésia.
II – Les fouilles des camps de César. 1939
Le Révérend Père Gorce, professeur au Séminaire de Clermont-Ferrand, entreprit entre 1936 et 1939 de vérifier les travaux effectués par les fouilleurs du second Empire. Assisté de quelques séminaristes, il procéda à l’ouverture de 48 tranchées implantées perpendiculairement au tracé présumé du fossé en s’aidant du bornage mis en place par Stoffel. Ces travaux permirent rapidement de retrouver les vestiges attendus aux emplacements prévus.
Les recherches de Gorce confirmèrent l’exactitude des observations effectuées lors des fouilles antérieures. Cependant, en deux points du « grand camp », le tracé du fossé qu’il mit au jour différait nettement de celui issu des fouilles de 1862. Au milieu du flanc occidental du camp, Gorce retrouva l’interruption figurée sur le plan de Napoléon III mais il mit en évidence un système complexe de fossés participant, selon lui, au dispositif d’entrée. Pour ce qui est du flanc nord, il proposa un tracé beaucoup plus sinueux que celui mentionné par Stoffel. Les résultats obtenus sur le « double fossé » ne sont quant à eux absolument pas probants.
En dépit de quelques interprétations discutables, ces travaux prouvent, photos à l’appui, la matérialité des vestiges mentionnés par Stoffel. Ils sont cependant difficilement utilisables, les plans et relevés publiés dans son ouvrage César devant Gergovie (Gorce 1942) étant imprécis, parfois contradictoires, et les interprétations proposées parfois abusives. De plus, aucune place n’a été faite au mobilier découvert, que ce soit pour dater l’ouvrage ou pour essayer d’en déterminer la fonction précise.
III – Les fouilles des camps de César. Observations récentes
Des découvertes fortuites ont permis quelques observations.
Ainsi, en 1979, lors de la création de l’autoroute A 71, un fossé en forme de “V” fut observé (information orale J.-P. Daugas) à hauteur de la ligne de crête joignant la Serre d’Orcet à La Roche Blanche, à l’emplacement présumé du « double fossé ».
A la Serre d’Orcet, au Tourteix, une opération de sauvetage portant sur un habitat de l’âge du Bronze (Loison 1985) permit l’étude d’un tronçon de fossé rectiligne sur une longueur de 18 m environ. Ce fossé, attribué initialement à la protohistoire récente, présentait un profil régulier en forme de “V” et une largeur d’environ 0,50 m. Son tracé (orientation et localisation) correspond en fait très précisément celui du fossé déterminant le côté est du « grand camp » mis en évidence par les fouilles anciennes.
En 1994, c’est au pied de la colline de La Roche Blanche, au lotissement « Les Terrasses de La Pialle » qu’un fossé en “V”, large de 2,80 m et profond de 1,20 m, fut dégagé lors de la construction d’une maison individuelle. Ce fossé, dégagé sur environ 42 m, appartient vraisemblablement au dispositif de fortifications reliant les deux camps.
Mais c’est avec les fouilles récentes, que nos connaissances ont le plus évolué.
IV – Les fouilles des camps de César. Le grand camp
Le grand camp de César est situé sur le sommet et les pentes du plateau de la Serre d’Orcet. Quinze sondages ont été réalisés principalement aux angles nord-ouest et sud-ouest où subsistent les bornes implantées par Stoffel au XIXème siècle.
L’angle nord-ouest
Les deux branches rectilignes d’un même fossé ont été observées, la première a été suivie sur 118 m vers l’est en remontant le plateau, l’autre a été perdu après 17 m. Les deux branches sont raccordées par un tronçon arrondi de 16 m de rayon.
Ces fossés ont subi une forte érosion (en 60 ans depuis les observations de Gorse le fossé a été érodé de 0,20 m en moyenne).
L’angle sud-est
Le fossé a été retrouvé sur 29 m, il correspond exactement à celui proposé par Stoffel puis par Gorse.
V – Les fouilles des camps de César. La fortification intermédiaire
Quatre tranchées ont été réalisées en 1995 de part et d’autre de la ligne de crête qui relie les deux camps. Ces sondages ont permis de retrouver le fossé attendu mais de façon discontinue, l’érosion étant très importante.
VI -Les fouilles des camps de César. Le petit camp
Il est situé à 1,5 km au sud de l’oppidum sur une petite colline fortifiée naturellement sur ses flans sud et ouest. Il est délimité, au nord, par un fossé curviligne de 280m qui se poursuit ensuite vers le sud.
Dix huit des vingt-deux sondages réalisés ont permis de retrouver le fossé recherché. On a pu le suivre ainsi sur une longueur de 250m.
L’étude du comblement des fossés défensifs, mais également la typologie des objets recueillis en fouille en 1995 et 1996 (amphores Dressel 1B et pièces d’armement typiquement romaines), ont permis d’en déterminer la datation (Ier siècle av. J.-C.), et d’en attester la fonction militaire romaine.
On remarque que :
– le fossé a été recouvert très rapidement (il n’y a pas d’érosion des parois)
– le fossé a été rempli par le haut (position des pierres)
– la terre du fond est plus noire que le substrat actuel (le talus était certainement recouvert d’herbe…)
Suite à des travaux de terrassement le fossé a encore été retrouvé à plusieurs endroits entre le petit camp et le grand camp.
Le petit camp est situé à 1,5 km au sud de l’oppidum sur une petite colline fortifiée naturellement sur ses flancs sud et ouest. Il est délimité, au nord, par un fossé curviligne de 280 m qui se poursuit ensuite vers le sud.
Dix-huit des vingt-deux sondages réalisés ont permis de retrouver le fossé recherché. On a pu le suivre ainsi sur une longueur de 250 m.
L’étude du comblement des fossés défensifs, mais également la typologie des objets recueillis en fouille en 1995 et 1996 (amphores Dressel 1B et pièces d’armement typiquement romaines), ont permis d’en déterminer la datation (Ier siècle av. J.-C.), et d’en attester la fonction militaire romaine.
Pour en savoir plus
Sur le site de l’ARAFA :
- Toponymie et historiographie
- 1995-1996 – Les fouilles des camps de César
- 2001 – Fouille du rempart
- 2002 – Fouille du rempart
- 2003 – Fouille du rempart
- 2004 – Fouille du rempart
- 2004 – L’histoire d’une portion du rempart
- 2005 – Fouille du rempart
- 2006 – Fouille du rempart
- 2006 – Fouille du sanctuaire
- 2007 – Fouille du rempart
Liens externes :
- Gergovie à tout prix… Émission de France culture, daté du 17 avril 2021. Avec Vincent Guichard (Protohistorien, directeur général du centre archéologique Européen du Mont Beuvray) et Yann Deberge (Protohistorien, archéologue à l’Inrap)